L’action en justice : définition, conditions

L’ACTION EN JUSTICE

Il existe un principe important de tout État de droit qui est le droit d’agir en justice Tout citoyen a le droit de saisir le juge et d’être entendu sur le fond d’une prétention afin que le juge la dise bien ou mal fondée. En parallèle, tout défendeur a le droit de discuter du bien fondé de cette prétention.

Section 1 : la notion d’action en justice

L’action en justice, définie par l’article 30 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE « est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendue sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » L’alinéa 2 du même article ajoute « pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ».

Il est intéressant de relever que pour les auteurs de ces textes, l’action est expressément envisagée comme un droit subjectif.

-On ne peut de son propre fait exiger du débiteur l’exécution de son obligation. Nul ne peut se faire justice soi-même. La justice est publique, elle est assurée par l’Etat. Les particuliers doivent recourir aux tribunaux pour faire reconnaître et sanctionner leurs droits, ils doivent user des voies de droit. L’action en justice va être nécessaire pour faire reconnaître l’existence d’un droit, celui de percevoir des dommages et intérêts ou celui de se voir restituer certaines biens en vertu d’une nullité du contrat, etc… S’il s’agit de faire saisir et vendre les biens du débiteur, il faut aussi recourir au juge. L’Etat interdit l’exécution privée afin d’éviter les violences et les abus. Il est nécessaire de faire préalablement reconnaître son droit en justice avant de pouvoir procéder à une exécution forcée de l’obligation, en saisissant les biens de son débiteur, par exemple. Si ce droit est reconnu, l’Etat doit prêter son concours à l’exécution du droit violé, en utilisant, si besoin est, la force publique.

-Pendant très longtemps, la doctrine classique a identifié l’action et le droit subjectif. Pour cette doctrine, l’action n’est autre que l’aspect dynamique du droit, son prolongement judiciaire. Ainsi Demolombe, « l’action, c’est le droit lui-même mis en mouvement ; c’est le droit à l’état d’action, au lieu d’être à l’état de repos ; le droit à l’état de guerre, au lieu d’être à l’état de paix. » Cette doctrine a été abandonnée depuis et il est clair aujourd’hui qu’il faut dissocier le droit de l’action. L’action tend à la constatation du droit et à sa sanction, elle s’en distingue donc. Même si on l’a vu, l’action en justice est un droit subjectif, celui-ci est différent du droit subjectif qu’il tend à faire reconnaître. De plus, il existe des droits dépourvus de sanction, sans action en justice visant à obtenir son exécution. Ainsi, les obligations naturelles ne donnent pas lieu à une action en justice. L’action en justice confère le pouvoir d’exiger du juge qu’il examine au fond la prétention selon laquelle il est titulaire d’un droit subjectif.

-Nous allons voir les conditions d’existence de l’action en justice

-L’article 31 du Code de Procédure Civile dispose, « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ». Pour exercer une action en justice, il faut donc pouvoir invoquer un intérêt (I) et une qualité pour agir (II).

Section 2 : les conditions d’existence de l’action en justice

  • 1- L’intérêt à agir

-L’intérêt est le fondement de l’action. Il ne suffit pas, en effet, d’être titulaire d’un droit pour agir. Il faut justifier d’un intérêt. Seul celui qui a un avantage à voir sa prétention reconnue en Justice peut exercer une action

: « Pas d’intérêt, pas d’action ». L’intérêt doit remplir quatre conditions.

-L’intérêt doit être direct. Cela signifie que l’intérêt doit découler directement du succès de l’action judiciaire.

Il doit être lié au droit dont il est demandé reconnaissance au juge.

-L’intérêt doit être légitime(?). Cette expression n’est pas exempte d’ambiguïté. Pendant longtemps, cette condition a permis à la jurisprudence d’écarter le plaideur ne pouvant invoquer « un intérêt légitime juridiquement protégé ». Cette idée était finalement proche de celle qui affirme « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». On sait cependant que cette condition particulière a été abandonnée par la jurisprudence depuis un arrêt de la Chambre mixte du 27 février 1970. L’expression utilisée par l’article 31 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE indiquant que l’action est ouverte, en principe, « à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d’une prétention » doit être entendue comme exprimant, d’un mot, les autres caractères exigés (F. Terré).

-L’intérêt doit être personnel au demandeur.Notre droit français ne connaît pas d’action populaire, c’est à dire

celle qui serait exercée par un particulier au nom de la société. C’est le ministère public qui est chargé de représenter les intérêts de la société. Il faut donc pouvoir justifier d’un intérêt personnel au succès de la prétention invoquée : à chacun de défendre ses intérêts. Cependant, dans certains cas, la loi reconnaît à certains groupements la faculté d’exercer l’action en réparation d’un préjudice qu’ils n’ont pas subi personnellement et qu’aucun des membres n’a subi personnellement. Ainsi, un syndicat professionnel représente les intérêts de la profession. Il peut ester en justice pour exercer les droits visant à obtenir réparation de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. Les ordres professionnels, comme celui des avocats ou des médecins, peuvent également agir pour défendre les intérêts de la profession qu’ils représentent.

La jurisprudence apprécie de façon assez restrictive cette notion d’intérêt collectifcar elle a le souci ne pas laisser ces groupements se substituer au ministère public. Pourtant ce droit à agir est particulièrement nécessaire lorsque le ministère public ne se montre pas très dynamique. Les associations doivent être habilitées par le législateur par une disposition spéciale pour intervenir pour la défense des intérêts qu’elles représentent. Les associations de consommateurs, spécialement habilitées parle législateur, sont particulièrement actives dans la défense des intérêts qu’elles sont chargées de représenter.

-L’intérêt doit être né et actuel. Cette exigence signifie qu’aucune action n’est accordée pour faire réparer un préjudice éventuel, hypothétique. On ne peut faire respecter un droit dont on n’est pas sur qu’il a été violé. On ne sait pas encore si le préjudice existe. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit nécessaire que le préjudice soit précisément déterminé, il suffit qu’il puisse être déterminable. Un préjudice futur peut être certain, si l’on est sur qu’il se réalisera, mais qu’on ne connaît pas précisément la date de cette réalisation.

  • 2- Une qualité pour agir

-La qualité est la seconde condition d’ordre général à laquelle est soumise l’existence de l’action en justice. La qualité, c’est « le titre qui permet au plaideur d’exiger du juge qu’il statue sur le fond du litige ». C’est le sens de l’exigence formulée par l’article 31 du Code de Procédure Civile qui accorde l’action « sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt légitime ». En principe, toute personne a qualité pour agir. La condition de la qualité n’intervient donc que dans le cas où le législateur a fait un choix parmi tous ceux pouvant avoir un intérêt et a réservé le droit à agir à quelques-uns.

En matière de nullité, la loi réserve le droit à agir à quelques-uns, il en est de même de l’action en désaveu de paternité (père) ou encore de l’action en divorce (époux). On peut multiplier les exemples. La nature particulière du droit conduit la loi à restreindre parmi toutes les personnes ayant un intérêt à agir celles qui seront investies du droit d’action. On dit que ces actions sont « attitrées », c’est-à-dire que les titulaires de l’action sont spécialement désignés.

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)