La durée de l’application de la loi pénale

L’APPLICATION DE LA LOIPÉNALEDANS LE TEMPS :

LA DURÉE DE L’APPLICATION

L’application de la loi dans le temps pose deux séries de question :

La première va concerner la durée de l’application de la loi. Quand commence-telle à s’appliquer, et quand finit-elle d e s’appliquer ? Ce ne sont pas là les questions les plus difficiles et il s’agit essentiellement d’un rappel de ce que vous avez déjà appris en première année. Nous étudierons cette partie ici

La seconde série de questions touche à des points plus délicats. Ils concernent le champ d’application de la loi pénale dans le temps : à quels faits la loi pénale peut-elle s’appliquer lorsque ces faits sont antérieurs à son entrée en vigueur ou postérieurs à son abrogation. Nous étudierons cette question dans un autre chapitre.

Un texte pénal ne peut s’appliquer que s’il a été publié et, s’il s’agit d’une loi, s’il a été préalablement promulgué et si les conditions de son entrée en vigueur sont réunies lorsque le législateur les a prévues de façon spécifique par exemple en fixant à une date ultérieure son entrée en vigueur.

Une fois en vigueur, le texte le reste jusqu’à son abrogation. Mais cependant en droit pénal, on connaît un processus de neutralisation de la loi pénale qui, sans l’abroger, va empêcher son application pour le passé, c’est l’amnistie.

Nous allons sur tout cela donner quelques précision pour que les choses soient claires et précises.

A la mise en vigueur de la loi pénale

Depuis l’ordonnance du 20 février 2004 relatives aux modalités et effets de la publication des lois, qui a modifié l’article 1er du code civil, les lois entrent en vigueur le lendemain de leur publication au journal officiel (version papier et version électronique). A cette date, chacun est présumé avoir connaissance de la loi. Cette disposition vaut pour la matière pénale.

Mais le législateur a toujours possibilité de donner du temps au temps et de repousser à une date plus lointaine l’entrée en vigueur de la loi pénale pour laisser par exemple le temps aux justiciables d’en prendre connaissance et conscience ou plus prosaïquement pour se donner les moyens d’être prêt à la mettre en œuvre. En général, il le fait en fixant dans la loi la date à laquelle elle entrera en vigueur.

Ce fut évidemment aussi le cas avec le nouveau code pénal mais on procéda d’une autre manière. Il n’était pas question que les quatre lois du 22 juillet 1992 qui, ensemble, constituaient le nouveau code pénal entrent en vigueur à Paris le 24 juillet et en province le 25. Le législateur a même prévu en ce cas qu’une loi ultérieure fixerait la date d’entrée en vigueur. La loi du 16 déc. 1992 fixa donc l’entrée en vigueur du nouveau code mais on avait été trop optimiste et la date d’entrée en vigueur dût encore être modifiée par une nouvelle loi du 19 juillet 1993 et repoussée au 1 mars 1994. Cette fois, on était prêt !

Il arrive fréquemment que la loi renvoie au décretle soin de fixer certaines modalités de son application. C’est souvent le cas en procédure pénale. L’article 1 er du code civil précise que «l’entrée en vigueur de celles [des] dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ». Mais cette disposition ne concerne bien que les cas où ces mesures sont nécessaires. Si la loi est claire et précise, la Jurisprudence antérieure demeure valable : la loi est d’application immédiate.

B la neutralisation de la loi pénale

  1. Desportes et Le Gunehec définissent l’amnistie comme « une mesure de faveur prise par voie législative qui retire leur caractère délictueux à certains faits commis dans le passé ». Car il va de soi qu’on n’amnistie pas pour l’avenir !

La loi 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie peut vous donner une idée précise de ce qu’est le fonctionnement de l’amnistie. Mais le code pénal contient aussi quelques dispositions générales sur l’amnistie que vous trouverez aux articles 133-9 à 133-11 du code.

L’amnistie a en réalité deux types d’effets sur les infractions qu’elles visent à partir de leur nature ou de la peine encourue ou d’une qualité objective du prévenu. Elle retire le caractère délictueux aux faits passés, commis avant la date fixée par la loi d’amnistie, et ceux là ne pourront pas donner lieu à condamnation. Ce qui signifie que si les poursuites ne sont pas encore engagées, on ne les engagera pas et que si elles le sont, le tribunal constatera l’amnistie à l’audience et ne prononcera pas de condamnation. C’ est l’effet de l’amnistie de droit.

Elle éteint aussi les peines et efface les condamnations qu’elles déterminent et ici l’amnistie produit effet sur les condamnations prononcées. Ce qui signifie que les peines amnistiées déjà prononcées cessent de devoir s’exécuter à l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie, et que les peines prononcées après l’entrée en vigueur de la loi pourdes faits tombant sous le coup de la loi d’amnistie sont donc amnistiées sitôt que prononcées. Dans certains cas le législateur prévoit que l’amnistie effacera la peine mais sous réserve qu’elle soit exécutée. Ici l’amnistie n’éteint pas la peine ; elle efface seulement la condamnation : c’est le cas en 2002 comme en 1995 d’ailleurs pour les Travaux d’Intérêt Général. Ce ne fut pas le cas en 2007 puisqu’il n’y eut pas de loi d’amnistie.

C L’abrogation de la loi pénale

Les lois pénales n’ont que très rarement un terme déterminé à l’avance. Exceptionnellement, le législateur prévoit la date à laquelle une loi deviendra caduque. Cela arrive (en 1975 pour la répression de l’interruption illicite de grossesse, en 1993 pour la législation funéraire, te en 2001 les dispositions procédurales renforçant les moyens de lutte contre le terrorisme de la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001).

Dans tous les autres cas les lois pénales sont permanentes et ne cessent de s’appliquer que lorsqu’elles sont abrogées. Expressément ou tacitement.

Mais attention la Jurisprudence ne donne pas aux inadvertances ou aux simples modifications formelles de la loi pénale l’effet d’une abrogation. Et, par exemple, la cour de cassation estime « que l’abrogation d’une loi à la suite de sa codification à droit constant ne modifie ni la teneur des dispositions transférées ni leur portée » Crim. 16 oct. 1996 n°367.