Article 1242 du code civil : la responsabilité du fait des choses

Le principe général de responsabilité du fait des choses : article 1240 alinéa 1 du code civil

Les rédacteurs du code civil n’avaient prévu que des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses : animaux (Code civil, anc. art. 1385) et ruine d’un bâtiment (Code civil., anc. article 1386).

  • 1°) La volonté des rédacteurs du code civil de 1894 n’était pas de créeer un régime général de responsabilité du fait des choses

Pourtant, l’article 1242 (ancien article 1383) débute ainsi «On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde». C’est clair a priori, on est responsable (…) des choses que l’on a sous sa garde ».

Mais à l’origine, les rédacteurs du Code civil n’avaient rédigé cette phrase que dans l’idée d’introduire des régimes de responsabilité spécifiques (la responsabilité du fait des bâtiments en ruine ou du fait des animaux). Ils n’avaient pas la conscience, qu’avec cette phrase qu’ils ouvriraient la voie plus tard à une responsabilité générale du fait des choses (n’importe quelle chose, pas uniquement un bâtiment ou un animal).

Par l’arrêt Jand’heur (Cass., ch. réunies, 13 févr. 1930), la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un principe général de responsabilité du fait des choses, fondé sur l’article 1384 anc., alinéa 1er, du code civil, dont elle a fixé le régime. Cet article a été repris à l’article 1242 nouveau résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

  • 2°) La naissance du principe général

Ce principe s’est construit progressivement avec un dialogue constructif entre la doctrine et la jurisprudence.

A – Un besoin

L’article 1242 al 1 du Code civil n’était conçu que comme une transition. Cependant le besoin d’un principe général s’est fait sentir en raison de la révolution industrielle et de la multiplication des dommages pour lesquels il était difficile de rapporter la preuve de la faute d’une personne (l’employeur). La jurisprudence a recouru à deux techniques pour faciliter et essayer d’indemniser la victime:

  • Interprétation extensive des cas spécifiques de responsabilité du fait des choses. Les juges ont interpréter par analogie de 1244 en estimant que les propriétaires étaient responsables du dommage causé par la ruine dû à un vice de construction d’un immeuble donc même chose pour un meuble.
  • La seconde technique était de recourir à la responsabilité contractuelle quand un employé à été blessé par une machine sur son lieu et pendant son temps de travail. L’ancien article 1160 du code civil disposait qu’on doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage quoi qu’elles n’y soient pas exprimées. Les juges ont estimés qu’il était normal que le contrat de travail ait une clause qui oblige l’employeur à réparer le dommage subi par son employé. Responsabilité contractuelle par forçage du contrat.

B – l’arrêt Teffaine et ses suites

La position de la jurisprudence : A-t-on l’obligation de réparer le préjudice résultant du fait des choses dont on a la garde ?

  • Arrêt de la chambre civile du 16/06/1896. Chaudière d’un remorqueur ayant explosée, en brûlant un mécanicien qui décédera des suites de ses blessures. Veuve demande réparation au propriétaire du navire.

La chambre civile s’est retranchée derrière l’appréciation de la Cour d’appel qui avait relevé un vice de construction. La chambre civile retiendra la responsabilité de l’employeur sur le fondement de l’article 1242 al 1 et énonce qu’il ne peut s’y soustraire à sa responsabilité en prouvant soit la faute du constructeur de la machine, soit le caractère occulte du vice incriminé. Ici, il est sous-entendu que le propriétaire en introduisant une machine dans la société y introduit un risque en multipliant les occasions de dommage, il devra donc en répondre.

  • Le 30/03/1897, la chambre des requêtes rend un arrêt qui va en partie remettre en cause l’arrêt Teffaine. 1242 al 1 à été appliqué mais elle considère qu’il consacre une présomption de faute au profit de la victime et à charge du gardien de la chose. S’il s’agit d’une présomption de faute cela signifie qu’on peut la renverser et que donc le responsable peut s’exonérer en rapportant la preuve qu’il n’as pas commis de faute. Arrêt en recul de la théorie du risque parce que la faute est présente. Toutefois un intérêt subsiste, la présomption de faute dispense la victime de la charge de la preuve de la faute.
  • L’arrêt gare de bordeaux, le 15/03/1921 rendu par la chambre civile: Les faits : un incendie dans la gare maritime de bordeaux qui va brûler entièrement en raison de la présence de fûts de résine ayant favorisé la propagation des flammes. L’article 1242 du Code civil fait peser sur le gardien une présomption de faute mais elle va soutenir le gardien ne peut pas s’exonérer en rapportant la preuve de son absence de faute. Le gardien peut seulement s’exonérer en rapportant un cas fortuit ou de force majeure.
  • Cet arrêt à donné lieu à un très gros lobby des assureurs, gain de cause de leurs part. Le législateur intervient. Loi du 7/11/1922 ajoute un second alinéa à l’article 1242 du code civil (anc. 1384). Cette loi régie l’hypothèse de la communication d’incendie. Deux remarques à faire :
    • L’alinéa commence par toutefois, ce qui laisse entendre que le législateur voit dans le premier alinéa, une règle générale puisque le toutefois marquerait une exception au premier alinéa.
    • Le législateur à réagi à la jurisprudence qui empêchait le gardien de s’exonérer en rapportant la preuve de son absence de faute. L’alinéa 2 exige que soit démontrée la preuve de la faute. Le législateur à seulement insérer un alinéa qui exige la preuve de la faute ce qui sous entend qu’il approuverait une responsabilité qui serait détachée de l’idée de faute sur l’alinéa 1er.

La doctrine: Ripert s’opposait à une responsabilité du fait des choses détachée de l’idée de faute, il voyait ici une machine à faire exploser le droit. Il estimait qu’il ne fallait pas être responsable pour n’importe quelle chose. Il a proposé de limiter le domaine de l’article 1242 Code civil aux choses dangereuses.

C – L’arrêt Jand’heur

Arrêt rendu par les chambres réunies de la cour de cassation le 13/02/1930. Le véhicule d’une société à renversé et blessé une mineure. Les parents ont demandés réparation.

  • La première Cour d’appel de Besançon à refusé d’appliquer 1242 al 1 Code civil parce qu’elle estime que le dommage est causé par une automobile en mouvement sous l’impulsion et la direction d’une personne. La victime pour obtenir réparation doit établir la faute du conducteur (aller sur l’article 1240). La cour d’appel estime qu’il faut prouver la faute du conducteur.
  • En 1927 la chambre civile casse l’arrêt de la cour d’appel en considérant que 1242 al 1 ne distingue pas selon que la chose est ou non actionnée par la main de l’homme.
  • La cour d’appel de renvoi de Lyon résiste et se prononce dans le même sens que la première Cour d’appel, dommage causé par la faute de l’automobiliste et non par l’automobiliste. Second pourvoi, cassation pour violation de la loi, l’arrêt Jand’heur contient un attendu de principe très riche en enseignement :

L’arrêt Jand’heur consacre un principe général de responsabilité du fait des choses. À partir de cet arrêt, ce principe ne sera plus discuté.

La responsabilité pèse sur la garde de la chose et non sur la chose elle même. Ce qui génère la responsabilité est la garde de la chose et non la chose. La Cour de cassation rejette ici la proposition de Ripert.

La présomption qui pèse sur le gardien est une présomption de responsabilité et non une présomption de faute. Le gardien est tenu d’une présomption de responsabilité.

Cet arrêt met fin aux discussions doctrinales sur la nature de la présomption qui pesait sur le gardien. Après cet arrêt, jurisprudence abondante. Elle a défini la notion de garde.