La cession de contrat (article 1216 du Code civil)

La cession de contrat

Œuvre de la jurisprudence, la cession de contrat fut reconnue par la jurisprudence avant son introduction dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Définition de la cession de contrat : Il ressort de la lecture des articles 1216 et suivants du Code civil que Ia cession de contrat est une opération Juridique par laquelle un contractant (le cédant) cède sa qualité de partie au contrat à un tiers (le cessionnaire) avec l’accord de son cocontractant (le cédé).

Une partie peut-elle céder son contrat comme on cède son bien ? Ce peut apparaître curieux mais ça ne l’est pas tant que ça.

Portalis et ses amis y avaient pensé mais pour des hypothèses très ponctuelles. Ils se sont surtout intéressés AU BAIL. C’est l’article 1743 du Code civil – ex : Nous avons loué un studio pour 3 ans. Puis, nos parents déménagent et nous voulons les suivre. Il reste encore deux ans à effectuer. Peut-on céder le contrat à un autre étudiant et présenter ce dernier au bailleur ? Il y’en a qui cèdent leurs contrats contre des indemnités. Inversement, le propriétaire a décidé de vendre à un tiers car il a besoin d’argent. S’il vend son studio, il vend les murs, le bien, la chose mais vend aussi le contrat car le tiers va recevoir le bien et, avec le bien, le contrat de bail. Pour protéger le locataire, l’article 1743 dispose que le nouveau propriétaire ne peut pas se retrancher derrière l’article 1165 du Code civil (l’ancien). Le Code civil prévoit que la situation du locataire est opposable au nouveau propriétaire donc, en cédant sa chose, le propriétaire initial cède sa place dans le contrat de bail et l’acheteur n’a pas le choix, est obligé de reprendre le contrat. C’est ça la cession de contrat. Donc, c’est une question très importante qui ne concerne pas seulement le bail mais presque tous les contrats. Il a fallu que la Cour de Cassation rende des arrêts pour compléter le régime de Portalis et ses amis de façon générale. C’est ce qui est codifié aujourd’hui aux articles 1216 et suivants. Nous avons ici une codification, à nouveau, de la jurisprudence sur la question essentielle de la cession de contrat.

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I – Les conditions de la cession de contrat

Définition de la cession de contrat selon l’article 1216 : Le cédant peut céder sa qualité de partie au contrat, à un tiers cessionnaire avec l’accord de son cocontractant, le cédé > Art 1216 du Code Civil (ordonnance)

–> Celui qui sort du contrat c’est le cédant (ex : ancien locataire)

–> Celui qui entre c’est le cessionnaire (ex : nouveau locataire)

–> Celui qui reste c’est le cédé (ex : propriétaire du studio)

Il y a toute sorte de contrat qui sont cédés, notamment dans le domaine du contrat de service – ex : entreprise de nettoyage > céder son contrat à une autre entreprise – ex : maintenance informatique.

La question est évidemment de savoir si on peut s’en aller librement du contrat pour en céder à un autre, ou bien s’il faut l’accord du cédé ?

Dans l’exemple du bail, si on ne demande pas l’accord du bailleur pour qu’un nouveau locataire vienne dans les lieux, il va y avoir un problème (problème du dossier, de la solvabilité, les garanties, …) ; le bailleur loue en considération de la personne locataire. Il y a un autre standard du droit qui est la notion d’intuitu personae: dans certain contrat (dans la plupart, en tout cas à exécution successive), le futur contractant donne son consentement au regard de la personne. Le bailleur va se réserver la possibilité de donner un nouveau contractant pour le nouveau bailleur.

Certain, comme L. Aynes dans sa thèse, considère qu’il n’y aurait pas besoin du consentement du cédé > réification du contrat qui serait une sorte de bien – Mais on ne peut pas opposer au cédé qui a donné son accord à un contractant, l’intrusion d’un nouveau contractant sans son consentement.

Pour la plupart des contrats à exécution successive, il y a intuitu personae. On voit difficilement comment une personne peut vendre son contrat à un tiers qui n’a pas la qualité requise par le cédant.

Pour cette raison, la Cour de Cassation dans plusieurs arrêts du 6 Mai 1997 a décidé très naturellement que le contrat sauf exception, ne peut pas être cédé sans consentement du cédé. Il s’agissait de contrats de service, notamment un contrat de maintenance de télécommunication. C’est ce qui est codifié dans l’article 1216 al 1er de l’Ordonnance: avec accord du cédé.

Cela étant, si au moment où les parties signent le contrat initial, elles sont d’accord pour que l’une ou l’autre, dans le futur, cède le contrat, et bien la Cour de Cassation dans les arrêts de 1997 a admis que le consentement à la cession du contrat peut être prévue à l’avance dans le contrat lui-même. On rencontre ce type de clause, notamment dans les promesses, les avant-contrats. Et l’Article 1216 al 2 dispose que «cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat».

Par conséquent, il se peut que la partie qui reste, le cédé, refuse l’entrée dans le contrat, du tiers. En ce cas, sauf à ce que le cédé commette un abus, le tiers ne pourra pas récupérer le contrat.

Néanmoins, il existe des exceptions ; elles sont dans la loi. Il y en a une dans les baux commerciaux, selon laquelle le propriétaire ne peut s’opposer à la cession du bail, il peut uniquement contrôler la personne du cessionnaire, ce qui est assez délicat. Et puis, lorsqu’une société fait l’objet d’une fusion, la société est absorbée ; sa personnalité et son patrimoine fusionne, et dans ce dernier on trouve les contrats qu’elle a conclu et qui sont encore en exécution. La jurisprudence et le Code de Commerce considèrent qu’il s’agit d’une transmission universelle du patrimoine : contrat automatiquement cédés sans nécessité d’accord du cocontractant. En droit des faillites, il existe la procédure collective – ex : entreprise de nettoyage qui fait faillite, le tribunal de commerce peut ordonner que le fond de commerce soit vendu, racheter par une autre entreprise de nettoyage qui poursuivra le contrat (ex : employés) ; la cession de contrat est forcée.

Le plus souvent une cession de contrat synallagmatique, commutatif et onéreux : dans ces contrats, chacune des parties est réciproquement titulaire de droit et d’obligation > à mon obligation correspond un droit du cocontractant et inversement. C’est l’idée de la cause.

Par conséquent la cession de contrat revient à une cession de créance et de dette – ex : bail de studio > l’étudiant à céder sa créance et ses dettes futures pour les 24 mois qui restes. Ici, au moins jusqu’à l’ordonnance de 2016 et encore un petit peu aujourd’hui, le Code Civil prévoit des formalités notamment concernant la cession de créance, car qui peut le plus peut le moins puisqu’une partie peut céder son contrat, elle peut aussi céder sa créance > plus facile. Dans un arrêt de la 3ème Ch. Civ, du 9 Avril 2014 (fiche TD): cession de bail rural pour des vignes et le locataire avait cédé le contrat de bail à un tiers. Il est prévu un contrôle du juge ou un ordre de cession du bail par le juge, mais ici est évoqué les formalités de la cession de créance. Mais a priori cela ne s’applique pas dans cet arrêt qui n’est pas très clair.

II. Les effets de la cession de contrat

La cession du contrat produit des effets tant à l’égard du cédant, du cédé et du cessionnaire.
A. L’effet translatif
La cession de contrat produit un effet translatif : le contrat entre le cédant et le cédé devient un contrat entre le cédé et le cessionnaire.
Les effets concernant le cédant :
Ici, on doit distinguer selon que le cédé libère ou non le cédant. En vertu de l’art.1216-1 al.1 c.civ, Si le cédé y consent expressément, le cédant est libéré pour l’avenir. A défaut, et sauf clause contractuelle contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat en application de l’art.1216-1 al2 du Code civil. Ainsi, la cession de contrat offre au cédé un nouveau débiteur (le cessionnaire) qui est tenu solidairement avec l’ancien (le cédant). Par ricochet, le principe est que le cédant reste tenu solidairement avec le cessionnaire. Ce n’est que si le cédé consent expressément à le libérer qu’il est déchargé de son obligation d’exécuter le contrat.

B. L’opposabilité des exceptions
Une fois la cession effectuée, le cessionnaire et le cédé possèdent chacun réciproquement des exceptions opposables entre eux.

En ce qui concerne le cessionnaire :
Il faut distinguer entre les exceptions inhérentes à la dette et les exceptions qui sont personnelles au cédant : le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette : le paiement, la nullité absolue, l’exception d’inexécution ou la résolution. Cependant, il ne peut opposer au cédé les exceptions purement personnelles au cédant.
Quant au cédé, lui, peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant (article 1216-2 alinéa 2 du Code civil).

En ce qui concerne les sûretés:
Le sort des sûretés consenties par le cédant ou par des tiers, diffère selon que le cédé libère ou non le cédant. Si le cédé libère le cédant : les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent pas et ne sont donc pas transférées au cessionnaire, à moins qu’ils ne donnent leur accord art.1216-3 al. 1 du c.civ.
Si le cédé ne libère pas le cédant : les sûretés subsistent et sont donc transférées au cessionnaire. Cette solution est logique puisque le cédant reste débiteur solidaire, il n’y a pas de raison de libérer les garants ayant consenti les sûretés.

En ce qui concerne les codébiteurs solidaires du cédant:
Il faut également distinguer selon que le cédé libère ou non le cédant : Si le cédé libère le cédant ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette (art.1216-3 al.2 du Code civil). Si le cédé ne libère pas le cédant : ses codébiteurs solidaires restent tenus de l’intégralité de la dette.

En ce qui concerne les éventuels codébiteurs solidaires du cédant
Il est question ici de l’hypothèse dans laquelle le contrat cédé contient plus de deux cocontractants dont certains sont tenus solidairement. Un des cocontractants solidaires décide de céder le contrat.