La cession de créance (articles 1321 à 1326 du code civil)

La cession de créance

Ce mécanisme est très utilisé, notamment dans le droit des affaires. La cession de créance est une opération juridique par laquelle, le cédant, transfère à un cessionnaire sa créance contre son débiteur, appelé débiteur cédé. La cession de créance peut avoir pour objectif l’extinction d’une dette et constituer un moyen de paiement. Le plus souvent, la cession de créance est envisagée dans le cas d’un débiteur qui cède à son créancier en guise de paiement une créance qu’il a lui-même contre une troisième personne.

Exemple : plombier qui est intervenu pendant 6 mois auprès de 50 clients qui ne l’ont pas encore payé. Il va céder ses créances au banquier pour avoir de l’argent et parce que la banque aura plus de moyens pour obliger ses créanciers à payer. La créance est réifiée. Le plombier va vendre ses créances sur ses débiteurs comme si c’était des choses.

La cession de créance se trouve dans le Titre VI du Livre III sur la vente, aux articles 1689 et suivants.

L’ordonnance avec une certaine incohérence a décidé de sortir la cession de créance de la vente pour la faire venir dans les mécanismes de la théorie du droit des obligations. Désormais on trouve la cession de créance dans un chapitre appelé Les opérations sur obligations, article 1321 et suivants. Pourquoi ce changement sur la structure du Code ? C’est pour démontrer qu’une créance est un droit personnel et donc il ne faut pas confondre avec les droits des personnes sur les gens et les droits réels sur les choses.

cession de créance, définition de la cession de créance

Articles du code civil sur la cession de créance : articles 1321 à 1326 du code civil

  • Article 1321 /La cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. Elle peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables. Elle s’étend aux accessoires de la créance. Le consentement du débiteur n’est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible.
  • Article 1322 / La cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
  • Article 1323 / Entre les parties, le transfert de la créance s’opère à la date de l’acte. Il est opposable aux tiers dès ce moment. En cas de contestation, la preuve de la date de la cession incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tout moyen. Toutefois, le transfert d’une créance future n’a lieu qu’au jour de sa naissance, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers.
  • Article 1324 / La cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes. Le cédant et le cessionnaire sont solidairement tenus de tous les frais supplémentaires occasionnés par la cession dont le débiteur n’a pas à faire l’avance. Sauf clause contraire, la charge de ces frais incombe au cessionnaire.
  • Article 1325 / Le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ; il dispose d’un recours contre celui auquel le débiteur aurait fait un paiement.
  • Article 1326 / Celui qui cède une créance à titre onéreux garantit l’existence de la créance et de ses accessoires, à moins que le cessionnaire l’ait acquise à ses risques et périls ou qu’il ait connu le caractère incertain de la créance. Il ne répond de la solvabilité du débiteur que lorsqu’il s’y est engagé, et jusqu’à concurrence du prix qu’il a pu retirer de la cession de sa créance. Lorsque le cédant a garanti la solvabilité du débiteur, cette garantie ne s’entend que de la solvabilité actuelle ; elle peut toutefois s’étendre à la solvabilité à l’échéance, mais à la condition que le cédant l’ait expressément spécifié.

 

 

  • 1. La nature et le mécanisme de la cession de créance

Si on veut adopter le raisonnement de l’ordonnance de 2016, on peut dire qu’il y a trois personnes :

  • Le cédant : plombier
  • Le cessionnaire : banquier
  • Le cédé : cédé

Il ne s’agit plus d’une cession de contrat, le contrat a été réalisé, il s’agit d’une pure créance. Ici la théorie de réification est valable.

La définition de la cession de créance figura au 1er Octobre à l’article 1231 du Code Civil « c’est un contrat par lequel le créancier cédant transmet à titre onéreux ou gratuit tout ou une partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire » – « elle peut porter sur une ou plusieurs créances, présentes ou futures, déterminées ou déterminables »

–> Contrat, accord de volonté entre le cédant et le cessionnaire, par lequel le premier vend au second sa créance sur le cédé. Elle peut porter sur une ou plusieurs créances. Dans l’exemple du plombier, il a cédé plusieurs créances sur tous ses clients qui ne l’ont pas encore payé. Ce sont des créances actuelles.

La plupart des cessions de créances se font à titre onéreux, et la créance est vendue avec un bénéfice pour le cessionnaire.

Art 1221 nouveau prévoit même qu’on puisse céder une créance future et même une créance déterminable.

Certaines créances sont incessibles, indisponibles : le créancier ne peut pas en disposer au profit d’autrui –ex : femme qui divorce et le juge condamne le mari à verser une pension alimentaire. Est ce que la femme peut céder à son banquier sa pension alimentaire pour l’année 2016 ? Non, les créances alimentaires sont incessibles.

–> Créance alimentaire : créance dont jouit le débiteur pour se nourrir – ex : enfant sur les parents.

Salaire : peut-on céder ses salaires futurs ? Non, il est incessible car c’est avec le salaire qu’on vit.

On peut même céder une créance à l’occasion d’un procès – ex : créance de DOMMAGES ET INTÉRÊTS sur son adversaire alors même qu’on n’est pas sûr de gagner = contrat aléatoire.

  • 2. Les rapports entre le cédant et le cessionnaire

Jusqu’au 1er Octobre, c’était les mécanismes du droit de la vente avec une teinte d’aléa. La cession de créance n’est pas un contrat aléatoire. Portalis appliquait le droit de la vente avec une particularité ; savoir qu’est ce qui est transmis ? L’incohérence de la réforme de 2016 est de supprimer la cadre de la vente mais de garder le mécanisme – Art 1326 « celui qui cède une créance à titre onéreux garantit l’existence de la créance, il ne répond pas de la solvabilité du débiteur sauf s’il est engagé ». – ex : le plombier qui cède ses créances pour les prochains moins > ses créances existent, il a des clients = contrat de vente avec une teinte d’aléa.

Comment faire pour compenser cette part d’aléa ? Dans les milieux économiques a plupart du temps le cessionnaire va payer un prix inférieur au montant de la créance pour tenir compte des aléas et que le cessionnaire fasse un bénéfice.

Enfin, la cession de créances porte également sur les accessoires de la créance notamment sur les garanties. Si je cède ma créance sur mon emprunteur à mon banquier, je lui cède le montant nominal de ma créance et l’accessoire.

  • 3. Les rapports entre les cessionnaires et les cédés

C’est ici que la différence avec la cession de contrat se manifeste plus clairement. On a vu que dans la cession de contrat chacun est réciproquement créancier et débiteur de l’autre ; il faut le consentement du céder. Faut-il le consentement du céder dans la cession de créance ? Réponse dans le dernier alinéa de l’art 1321 « le consentement du débiteur n’est pas requis », Pourquoi ? Le cédé est juste débiteur, il n’a pas de droit sur le cédant donc il n’a pas d’intérêt à donner son consentement. C’est à nouveau le rapprochement avec le caractère réel de la créance – ex : étudiant qui doit 2000€, il se fiche de savoir s’il doit le donner à la banque ou au particulier ; ce qu’il veut s’est payer une fois.

Le deuxième point c’est qu’il n’a à payer qu’une fois, et il sera libéré donc il doit être informé. C’est ici qu’on touche la limite de l’assimilation entre chose et personne ; le débiteur n’est pas une chose, on doit l’informer. Si nous ne prévenons pas l’emprunteur que c’est maintenant la banque qui est créancière, il est possible que l’emprunteur fasse un virement à moi, qui ne suis plus créancier. On trouve la notion d’information qui est prévu à l’article 1324 « la cession n’est opposable au débiteur que si elle lui a été notifiée ou s’il en prit acte ». Ainsi, dès lors qu’il y a une cession, elle doit être notifiée au débiteur.

Jusqu’au 1er Octobre prochain et depuis 1804, c’était un formalisme assez lourd, il fallait un acte d’huissier qui se présentait chez le débiteur pour lui notifier la cession de créance = système de la signification. Arrêt 3ème Ch. Civ, 9 Av. 2014 et Ch. Com., 9 Oct. 2012 (fiche) : sous régime ancien, la notification se faisait pas signification. Dans celui de 2012, il s’agissait d’un mécanisme de garantie de passif. Quand le propriétaire de valeur mobilière représentant la valeur d’une société les cède à un tiers ; ces actions donnent vocation à des bénéfices, mais il se peut que la société finalement aille très mal. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’acheteur de valeur mobilière se font garantir par le vendeur une garantie de passif : si les dettes se révèlent postérieurement, le vendeur en est responsable et l’acheteur peut se faire rembourser une partie du prix. Dans l’arrêt de 2012, l’acheteur les avaient revendus à un tiers et c’est ce dernier qui a agis contre le vendeur en le notifiant ; s’il y a lieu à garantie de passif, le vendeur devra payer.

La notification peut être fait par tout moyens (ex : lettre recommandée, email), ce qui compte c’est qu’il doit être informé. S’il a été informé mais qu’il paye encore le cédant, il devra payer 2 fois.

La question de l’opposabilité des exceptions. S’il n’y a pas notification ou qu’elle est tardive. Le cédé devient créancier du cédant.

S’il n’y a pas notification mais que le cédé est informé (oralement par exemple). Si le cédé ne dit qu’il est pas au courant, la jurisprudence considère qu’il est de mauvaise foi et il ne pourra pas dire qu’il n’était pas au courant pour ne pas payer.

  • 4. Le rapport entre les cessionnaires et les tiers

Pourquoi cela à un intérêt ? –ex : plombier qui cède sa créance à son banquier. Le problème c’est que le plombier a un compte dans une autre banque qui lui a prêter de l’argent, il a donc un 2ème créancier. Or, si la créance est cédée à une seule personne, cet élément du patrimoine sort de ce patrimoine alors que c’est le gage de tous les créanciers ; il y a donc une sorte du privilège.

Avant la réforme de 2016, les tiers n’étaient pas spécialement informés, ils étaient censés l’être du fait que le débiteur recevait signification de la cession de créance = artificielle car les autres créanciers du cédant n’ont pas de moyen de savoir que la créance est sortie du patrimoine de leur débiteur. Pas conséquent, la sécurité des tiers était déjà atteinte ; risque conforté par l’article 1323 al 2 « le transfert de la créance est opposable au tiers dès la date de l’acte ». C’est une faiblesse de la cession de créance, car les tiers n’ont pas moyen de savoir. Ils pourront savoir que lorsqu’il se présenterons au débiteur du débiteur.

Il y a un appauvrissement légitime du débiteur.

Parfois on entend le terme mobilisation de créance = cession = mécanisme de spéculation et de crédit.