La charge de la preuve devant la juridiction internationale

La charge de la preuve devant les juridictions internationales

En droit international, tout comme en droit interne, « la règle de principe est nette : c’est au poursuivant de rapporter la preuve de la culpabilité car le prévenu est juridiquement innocent aussi longtemps que sa culpabilité n’a pas été définitivement démontrée sans le moindre doute. Ainsi le veut le capital principe de la présomption d’innocence ».

§ 1 – la Théorie Générale de la Preuve

La théorie générale de la preuve suppose qu’on se demande sur 3 objets de la preuve.

A – Le principe général

Le principe général repose sur la distinction entre droit et fait.

Dans son arrêt du 12 juillet 1929 dans l’affaire relative au « paiement en or des emprunts fédéraux brésiliens émis en France », la COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE a rappelé que « la Cour qui est une juridiction du droit international est censée connaître elle-même ce droit ».

S’agissant des faits qui doivent être prouvées :

La règle est que le preuve doit porter sur des faits antérieurs à l’acte introductive d’instance (AII).

Cette règle est vrai avec deux nuances :

Les faits postérieurs qui se rapportent directement aux faits antérieurs peuvent être nés au considération par la juridiction de la (… ?) où ils (… ?) des faits antérieures ;

ex. : CEDH, 1969, « Stögmüller contre Autriche » ;

ex. : 1989, « Biloume contre Ghana ».

■Dans l’intérêt d’une borne (… ?) de la juridiction, elle peut accepter d’élargir l’instance à la prise en considération de faits postérieurs mais qui s’y rapportent directement, dans la mesure où leur défaut de prise en compte aurait pour conséquence que la présentation d’une (… ?) requête soulevant le même problème juridictionnelle que la 1ère. Si la (… ?) requête a déjà été présenté, il faudra présenter les faits nouveaux ;

ex. : CEDH, 1988, « Olsson contre Suède » ;

ex. : sentence ALENA, 2000, « Pope et Talbol contre Canada.

Le principe que le droit ne doit pas être prouvé alors que les faits doivent être prouvés, est vrai, mais il y a 3 réserves.

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B – Les réserves

1 – Le droit national est un fait

La Cour Internationale de Justice / les juridictions internationales sont censées connaître le droit international.

En revanche, le droit national dans tous ses éléments a dans le procès international le statut d’un fait. En tant que telle, le droit national est ignoré par la juridiction internationale est soumis aux éléments de preuves fournis / à fournir par les parties:

ex. : COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE, en 1926, dans l’affaire « certains intérêts allemands en Haut Silésie polonais ». Dans cette affaire, la COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE a prononcé que « pour le droit international et pour la Cour qui en est l’organe, les lois nationales sont des simples faits ».

ex. : COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE, en 1929, dans l’affaire relative au « paiement en or des emprunts fédéraux brésiliens émis en France ».

Confronté à un problème du droit national, la Cour a précisé que

« elle n’est pas obligée de connaître également les lois nationales des différents États ».

2 – Les règles coutumières

La principale difficulté est posée par les règles coutumières.

L’article 38 du statut de la Cour Internationale de Justice édicte que la Cour Internationale de Justice doit appliquer la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit.

Si la Cour connaît les règles relatives aux formations des coutumes, la pratique est constituée d’un ensemble de faits soumis aux règles de preuve.

—> La coutume elle même est soumises aux règles de preuve.

3 – L’organisation du procès international

Le juge ne soulève pas d’office les moyens et sa connaissance du droit se limite donc pour l’essentiel à l’appréciation des présentations des parties.

■Si l’objet de la preuve est l’établissement des faits, cette recherche de la vérité n’est pas une quête objective mais c’est uniquement l’application des règles de preuve.

■Ce qui est cherché dans le procès n’est pas la vérité objective mais celle qui peut être tenue pour vraie au regard des règles de preuve.

■Ainsi, dans le modèle accusatoire, un fait qui n’a pas eu lieu sera tenu pour vrai si dans la procédure les deux parties s’entendent pour l’admettre.

Les règles de preuve sont analysées selon deux modèles / deux systèmes théoriques :

le système accusatoire et le système inquisitoire

Dans le système inquisitoire, la vérité est une responsabilité publique.

Elle est donc établie d’abord par la diligence de la justice de l’État

—> l’État cherche la vérité.

Ce système est inspiré du procès pénal dans le système romano-germanique.

L’autorité cherche la vérité au charge et au décharge d’accusé.

Dans ce modèle, le juge a un rôle décisif et les positions exprimées par les parties n’ont pas un rôle déterminant.

Dans le procès accusatoire, la vérité est une responsabilité des parties. Elle résulte de leur débat contradictoire. Le juge se limite à administrer et à arbitrer ce débat en sauvegardant l’équilibre des parties.

C’est le système des États du common law, en particulier des États-Unis.

Même dans le procès pénal, dans ce système, la vérité résulte à titre principal du débat des parties. Les positions qu’elles adoptent au cours du procès sont beaucoup plus importantes que dans le système inquisitoire.

Il en résulte également un changement du rôle du juge (ž il est moins important dans le système accusatoire).

Le procès international, pour l’essentiel, est aligné sur le modèle accusatoire.

■Il faut dire que même dans le système romano-germanique, la procédure civile est plus proche du modèle accusatoire / n’est pas entièrement inquisitoire.

■Cette tradition en droit international a été mise en question lors de la création des juridictions pénales internationales.

Notamment la négociation du statut de la Cour Pénal International (CPI) a engendré une opposition forte des États de tradition romano-germanique contre l’institution du modèle accusatoire.

Le texte adopté en 1998 est un compromis dans lequel toutefois le modèle général est celui d’un procureur qui est véritablement une partie opposée à l’accusé comme dans le modèle accusatoire —> prédominance du modèle accusatoire.

§ 2 – la Charge de la Preuve

A – Le principe générale

Le concept de la charge de la preuve à un sens particulier en droit international.

La règle générale est que les différentes parties au procès collaborent de bonne foi à l’établissement de la vérité.

1926, Commission Mexique contre USA, « Affaire William Parker contre Mexique »

CEDH, 1978, Irlande contre Royaume Uni

1982, Bleier contre Uruguay

Il n’y a donc pas de répartition de la charge de la preuve en ce sens que la charge de chercher la vérité pèse sur une partie / au sens où une seule partie a l’obligation de chercher la vérité.

En réalité, la répartition porte sur le risque du doute.

La règle relatives à la répartition de la charge de la preuve désigne uniquement la partie dont les allégations sont tenues pour non établies en cas de doute.

Le principe général pour la détermination de la partie sur laquelle pèse le risque du doute est que le demandeur doit apporter la preuve.

—> Le risque du doute pèse sur le demandeur žactori incombit probatio

Mais : Le défendeur qui se prévaut d’une exception est demandeur aux fins de l’exceptionž reus in excipiendo fit actor (si le défendeur soulève une exception, il devient pour son exception, comme un demandeur, soumis à la charge de la preuve).

Lorsque le défendeur soulève l’exception, c’est sur lui que pèse le risque de doute.

Le jeu de ces deux règles soulève inévitablement des difficultés d’application de 3 sortes :

B – Difficultés

1 – L’identification du demandeur

Lorsque l’affaire est introduite par la voie unilatérale, le demandeur est le demandeur au sens de la procédure.

■Dans les autres cas, notamment lorsqu’il y a un compromis ou une requête conjointe, le demandeur est déterminé à partir du contenu des allégations.

■Celui qui allègue l’illégalité d’un acte est considéré comme le demandeur s’agissant de l’appréciation de la légalité.

■Le même principe existe en cas de demande de l’annulation d’un acte ; la mise en jeu de la responsabilité de l’autre partie

■La difficulté qui demeure concerne le contentieux de la délimitation = les différends d’ordre territorial.

Si une partie peut se prévaloir d’un titre juridique (traité, décision, …) c’est l’autre partie sur qui pèse la charge de la preuve de sa contestation.

■Lorsque, en revanche, la solution du litige dépend uniquement de l’appréciation des faits des effectivités, alors il n’y a pas de demandeur ou de défendeur en terme de risque du doute de la preuve, le juge doit rechercher qu’elle est la partie qui a apporté les éléments les plus convaincantes —> le juge statue dans le doute

2 – L’identification de l’exception

A partir de quel moment on peut considérer qu’une exception est une exception est non pas une circonstance de l’application d’une règle ?

ex. : l’affaire « de la mer d’Iroise », France contre Royaume-Uni :

La règle ancienne sur la délimitation des plateaux continentaux était la règle de l’équidistance sauf circonstance spéciale.

Le Royaume-Uni demandait la délimitation suivant l’équidistance. La France soutenait que la présence des îles anglaises près des côtes de la Normandie était une circonstance exceptionnelle. Le Royaume-Uni répondait que la France devait apporter la preuve d’une circonstance exceptionnelle. La France soutenait qu’il ne s’agissait pas d’une exception mais d’un élément de la règle.

Le tribunal a donné raison à la France. Il ne s’agit pas d’une exception mais d’un élément du champ d’application de la règle.

■En pratique, il y a quelques directives générales. La principale directive est liée à une règle fondamentale du droit international qui veut que des restrictions à la liberté de l’État ne se présument pas.

—> A chaque fois qu’une règle ou un texte garantit une liberté d’action c’est à celui qui l’invoque de prouver qu’il y avait une restriction à cette liberté.

3 – La « preuve prima facie »

La preuve prima facie résulte des indices laissant raisonnablement croire à la vérité de ce qu’ils indiquent.

Dans le procès international, lorsque une preuve prima facie est apportée, sa valeur dépendra des éléments fournis par l’autre partie.

▪Si celui qui a la charge de la preuve fournit une preuve prima facie et l’autre partie apporte des éléments montrant que la preuve prima facie ne correspond pas à la réalité, elle est écartée.

▪En revanche, si l’autre partie n’apporte aucun élément pouvant soulever des doutes, la preuve prima facie devient une preuve ;

ex. : 1926, « Parker » ;

ex. : 1938, « George Pinson », Commission Franco-Mexique

▪Si, en revanche, l’autre partie apporte des éléments faisant apparaître des doutes quant à l’exactitude de la preuve prima facie, c’est celui qui avait la charge de la preuve qui porte le risque du doute et qui en subira les conséquences.