Comment réviser la Constitution?

La révision de la constitution

Le droit positif (applicable) est de plus en plus complexe et varié. De ce fait ce droit ne peut être applicable qu’ à la condition de l’existence d’une hiérarchie des normes, la norme constitutionnelle étant en son sommet.

En France la suprématie constitutionnelle est une norme absolue. Le Conseil Constitutionnel l’a rappelé le 02/09/1992 par sa décision « Maastricht 2 » : « Le constituant peut introduire des dispositions nouvelles même si cette disposition nouvelle déroge à une règle de valeur constitutionnelle existante ». Il n’y a donc pas ici de supra constitutionnalité, rien n’est supérieur à un ordre constitutionnel (à l’opposé du cas Allemand).

Depuis 1958, 33 tentatives de révision ont eu lieu, 24 ont abouties et 9 ont échouées. Ces révisions ont été réussies sur la base de 3 procédures :

  • Procédure dérogatoire : Celle du 04 juin 1960 sur la base de l’article 85 (qui n’existe plus), c’était une procédure dérogatoire à la procédure normale, pour apporter des modifications aux articles relatifs à la communauté, surtout africaine, qui a donc disparue.
  • L’article 11 : 2 utilisations, une aboutie en 1962, la seconde échoue en 1969 et provoque la démission de de Gaulle.
  • La procédure normale de révision prévue à l’art.89 de la constitution.

Section 1. Une procédure encadrée et consensuelle.

L’encadrement résulte des limites au pouvoir de révision et du consensus dans la procédure qu’on doit suivre.

Paragraphe 1. Les limites au pouvoir de révision.

  • Les limites circonstancielles au nombre de 3.

2 limitations textuelles

  • Art.89 alinéa 4 : la révision est impossible en cas de menace sur l’intégrité du territoire.
  • Art.7 alinéa 11 : pas de révision pendant l’intérim de la présidence de la république.

1 limite jurisprudentielle

Pas de révision pendant l’application de l’art.16 de la constitution (pouvoir exceptionnels de crise).

  • Limite Substantielle.

Art.89 alinéa 5 : la forme républicaine du gouvernement ne peut pas faire l’objet d’une révision.

Paragraphe 2. Un consensus obligé.

  • L’initiative de la révision.

Elle n’appartient qu’aux pouvoirs publics (exécutif ou législatif) et non au peuple.

Au sein de l’exécutif, c’est le Président sur proposition du 1er ministre qui peut prendre l’initiative (proposition et contreseing) de projet de révision. En période de cohabitation le consensus est donc obligatoire.

Au sein du législatif, des parlementaires (seuls ou en groupe) peuvent déposer une proposition de loi constitutionnelle.

  • L’adoption de la révision.

Le consensus apparait au sein du législatif. C’est le seul exemple où le bicaméralisme est égalitaire.

Le projet ou la proposition de loi constitutionnelle, doit être voté séparément par chacune des 2 assemblées en termes identiques.

  • L’approbation finale de la révision.

Il faut distinguer projet et proposition.

Si les 2 assemblées ont voté en termes identiques une proposition de loi, l’approbation finale se fait obligatoirement par référendum, pour l’heure ce n’est pas arrivé.

Si c’est un projet de loi constitutionnelle, le président de la république dispose d’une alternative, donc 2 solutions :

  • Le président soumet le projet à approbation référendaire (choisi une seule fois par Chirac, 24/09/2000 qui introduit le quinquennat).
  • Soumettre le projet de loi à l’approbation du Congrès (925 parlementaires réunis à Versailles). Il faut la majorité des 3/5èmes des suffrages exprimés.

Section 2. Une fréquence d’utilisation accélérée depuis 1992.

La procédure de l’art.89 a été utilisée 19 fois en 22 ans. Entre 1959 et 1992, il n’y a eu que 4 révisions. Cette accélération depuis 1992 (n’a pas modifié l’équilibre des institutions) est due à 2 raisons :

  • Mise en conformité du texte constitutionnel avec le droit international et surtout européen (7 révisions).
  • Modernisation de la vie politique et l’approfondissement de l’état de droit (15 révisions, dont 2 en 1).
  • &1. La mise en conformité de la constitution avec le droit international et européen.

Art.54 précise que certaines autorités publiques (législatif et exécutif) peuvent saisir le Conseil Constitutionnel pour lui demander de vérifier la conformité à la constitution d’un engagement international (contrôle de contrariété des traités). Cette saisine a lieu avant ratification d’un traité.

L’art.54 précise qu’en cas de décision de contrariété, pour pouvoir ratifier le traité il faudra alors au préalable réviser la constitution ; ce n’est pas une obligation, mais alors le traité ne sera pas ratifié. C’est ce qui a été fait à 7 reprises :

  • 26/06/1992 : traité de Maastricht créant l’UE, le conseil a estimé que certains articles du traité étaient contraires à la Constitution. La modification a été faite par référendum.
  • 25/01/1993 : loi constitutionnelle, sur la convention de Schengen sur le droit d’asile. La révision est atypique, car le Conseil Constitutionnel s’était prononcé déjà en août à titre préventif, et c’est pour contrecarrer cet décision que la constitution a été révisée.
  • 25/01/1999 : sur le traité d’Amsterdam, le Conseil Constitutionnel considère certains articles contraires d’où révision.
  • 08/07/1999 : Traité de Rome sur le statut de la cour pénale internationale (irresponsabilité des actes du Président de la République, la CPI disait qu’il pouvait être jugé), désormais un article précise que le Président n’est plus couvert par son irresponsabilité
  • 25/03/2003 : sur le mandat d’arrêt européen.
  • 01/03/2005 : traité instituant une constitution pour l’Europe ; 2 mois plus tard le référendum sur art.11 sera rejeté par le peuple.
  • 04/02/2008 : traité de Lisbonne (reprend à 95 % le traité sur une constitution).
  • &2. La modernisation de la vie politique et l’approfondissement de l’état de droit.

15 révisions, ici les principales :

  • 29/10/1974 : élargit la saisine du Conseil Constitutionnel à 60 députés ou sénateurs.
  • Juillet 1993 : création de la cour de justice de la république (compétente pour juger les membres du gouvernement et réforme le conseil supérieur de la magistrature).
  • 04/08/1995 : élargissement du champ référendaire de l’art.11 (instaure référendum possible pour les réformes économiques et sociales, et instauration d’une session unique du parlement).
  • 08/07/1999 : introduction de l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives et mandats électoraux.
  • 02/10/2000 : institue le quinquennat.
  • 28/03/2003 : approfondissement de la décentralisation.
  • 01/03/2005 : institue dans le bloc de constitutionnalité la charte de l’environnement.
  • 23/02/2007 : 3 réformes, une sur le statut pénal du Président de la République, une constitutionnalise la suppression de la peine de mort, la dernière sur le gel électoral en Nouvelle Calédonie.
  • 23/07/2008 : révision d’envergure la plus important, 39 articles sont soit modifiés, soit ajoutés.

C’est toujours la formule du congrès que le Président a choisi, sauf pour la réforme du 02/10/2000 sur le quinquennat où il a utilisé le référendum Hollande avait promis d’engager plusieurs réformes mais n’ayant pas la majorité au congrès il s’en abstient