Les compétences de l’Etat hors de son territoire

Les compétences exercées par l’Etat hors de son territoire

L’essentiel de ses compétences s’exercent vis-à-vis d’individus et de leur activité à raison d’un lien d’allégeance entre l’Etat et ses ressortissants. Il est des cas où le titulaire lié à la nationalité ne peut plus s’appliquer, la compétence est alors une compétence liée à la gestion d’un service public à l’étranger. Ces deux cas n’épuisent pas la matière, l’intervention de l’Etat peut aussi résulter soit des effets de la guerre en présence des compétences territoriales limitées, soit de délégation de pouvoir (qui ont pu être consenti soit par la communauté internationale soit par le souverain territorial lui-même).

A) Les compétences territoriales mineures

Elles sont ainsi qualifiées car l’Etat ne peut revendiquer une pleine souveraineté, il n’y dispose que d’un faisceau de compétence attribué par un titre particulier plus ou moins discrétionnairement. Il s’agit des cas d’exercices de compétences à titre exclusif ( les sessions territoriales c’est-à-dire les occupations militaires ou le protectorat), partagées (le condominium, l’occupation militaire collective) et contrôlées (système des mandats, régimes des tutelles).

Les relations internationales : les compétences de l'Etat en dehors de son territoire

B) Compétences personnelles

Elle est liée à la notion de nationalité et s’exerce à l’égard des personnes physiques, morales, et vis-à-vis des engins et les véhicules les plus divers dès lors qu’ils se déplacent hors du territoire national et qu’ils sont rattachés à l’Etat par un lien équivalent à la nationalité.

  • Lien de nationalité

Tout d’abord concernant les individus, la nationalité est le moyen pour l’Etat de maîtriser sa population et dès lors l’étendu de sa compétence personnelle. Double nature : caractère interne et international et elle est d’une importance cardinale dans les relations internationales. En droit interne, elle permet de différencier les nationaux avec les étrangers qui signifie une identification de règles juridiques qui s’appliquent aux premiers et non aux seconds. Dans les relations internationales, la nationalité est un lien juridique qui rattache une personne à un Etat indépendamment de l’espace ou elle se trouve. Lorsqu’il détermine sa nationalité, l’Etat détient ce pouvoir. La nationalité est partie intégrante du domaine réservé de l’Etat. Le droit international laisse à chaque Etat le soin d’attribuer sa propre nationalité. La nationalité va et doit traduire un fait social de rattachement réel : l’effectivité. C’est important en cas de double nationalité, le juge saisi va rechercher la nationalité la plus effective.

Chaque Etat a la liberté de définir les critères de l’octroie de sa nationalité soit à titre originaire soit par choix de naturalisation. Choix guidés par des considérations politiques.

Les législations nationales vont retenir trois critères possibles, soit séparément soit il pourra les combiner : critère du lien du sang déterminé par la nationalité des parents et celui du lieu de naissance. En cas d’acquisition de la nationalité (par mariage, naturalisation, droit d’option) va être en principe exigé une manifestation de volontés expresses de l’individu qui s’explique parce qu’il s’agit plus d’une possibilité que d’une obligation. La troisième possibilité qui tient à diverses situations de nature politique, certains Etats peuvent être amené à opérer des choix particuliers, spécifiques : constitution soviétique de 1924 prévoyait « que tout travailleur étranger établit en URSSS pouvait acquérir la nationalité soviétique ». Autre exemple : en 1952, loi israélienne dite loi du retour avait pour ambition de faciliter l’octroie de la nationalité pour les Juifs qui retourneraient en Israël pour s’y établir. Ce troisième cas est la volonté du souverain.

Les législations nationales font peu de place à la volonté même des personnes. Comme les règles d’attribution de la nationalité sont combinées par chaque droit interne, il va en résulter des conflits de droit. Afin de réduire ces cas, des conventions vont être mises sur pied. Ces conventions demeurant nombreuses sont aussi modestes que partielles. Elles cherchent seulement à régler d’une façon pratique les effets de la double nationalité dans certains cas où on les trouve gênants.

Notre individu peut avoir aucune nationalité : c’est l’apatridie. Dans ce cas outre quelques traités bilatéraux, le cœur de la matière est constitué par une Convention, celle de New York de 1961 (applicable qu’en 1975) « toute partie attribue sa nationalité à tout individu né sur son territoire et qui a défaut serait apatride et d’autres part ne prive pas de sa nationalité celui qui de ce fait devient de droit apatride ». Signalons un cas spécial : le traité de Maastricht de 1992 va instituer une citoyenneté de l’Union européenne qui ne se substitue pas à la notion d’origine. La nationalité des juristes est avant tout une notion de pure technique. Vrai puisque l’on va en étendre les effets aux personnes morales ainsi qu’aux engins de circulation maritimes et aériens.

Ensuite, concernant la nationalité des sociétés. Tout comme les personnes physiques, les personnes morales sont rattachées à un Etat par un lien de nationalité établi discrétionnairement par l’Etat et il va en résulter une multitude de régimes. Les critères sont extrêmement variés, en prenant compte les critères du siège social, du contrôle, à la nationalité des capitaux ou à celle des associés. Les risques sont réels d’un rattachement purement fictif à un Etat déterminé.

Un problème spécifique est apparu avec le développement des sociétés multinationales puisqu’elles jouissent d’une pluralité d’implantation. Ce faisant, ces sociétés vont jouer de la diversités des législations internes c’est-à-dire qu’elles vont chercher à amputer pour celle qui sera la plus favorable à leur activité lucrative.

Concernant la nationalité des engins, ces engins ont la « nationalité » d’un Etat c’est-à-dire la nationalité de leur propriétaire et voire la nationalité d’une « organisation internationale ». Les Etats sont libres de définir les critères d’attribution et à l’origine les premières règles ont concernées la matière maritime, puis transposées aux aéronefs puis aux engins spatiaux. Sur ce plan, La convention de Montego Bay contient dans son article 92 l’exigence que le navire ait une nationalité et une seule et le changement de la nationalité doit être assorti de garanties du sérieux de l’opération. Le droit positif exige un lien substantiel entre l’Etat et le navire qui va battre son pavillon. Exigence d’un exercice effectif de la juridiction et de son contrôle en matière technique, administrative et également en ce qui concerne l’aspect social.

Il y a des difficultés pratiques de mise en œuvre mais il est inexacte de dire que les Etats ont renoncés à la lutte contre les pavillons de complaisance. L’exigence de ce lien substantiel reflète la volonté de faire échec à des dangers économique et techniques résultant à un laxisme trop important. Ainsi dans le cadre de l’OMI (Organisation Maritime Internationale), une convention a été adopté en 1986 et qui a pour but de réduire et d’éliminer une pratique des pavillons de complaisance.

Concernant les aéronefs, les règles qui régissent la matière sont des règles qui dérivent de celles qui sont applicables aux derniers. L’essentiel du droit applicable en la matière est constitué par la Convention de Chicago de 44 sur l’aviation civile internationale, qui va rappeler que les aéronefs ont obligatoirement une nationalité de l’Etat sur les registres duquel ils ont été immatriculés. En cas d’entreprises multinationales d’exploitation de ces engins, on peut rencontrer des cas d’immatriculation commune aux groupes d’Etats. Est également exigée l’effectivité du lien de rattachement. La règle est que les Etats n’accorderont leur immatriculation qu’aux engins appartenant à des personnes ayant leur nationalité. Cette nationalité est prouvée par les papiers de bort. L’immatriculation peut être internationale lorsqu’elle se fait sous la responsabilité d’une organisation internationale.

En ce qui concerne les engins spatiaux, il faut également un lien de rattachement. Et ce lien de rattachement est fourni par l’immatriculation qui en incombe à l’état de lancement (article 2 de la convention de New York de 1975). Il n’est pas fait référence à la nationalité de l’engin mais l’immatriculation fixe un lien de rattachement analogue dont l’effectivité est garantie par la responsabilité dont va s’exposer l’Etat de lancement. Ces règles sont fixées par une convention qui date de 72 sur la responsabilité des dommages causés par des objets spatiaux. A raison des spécificités des activités spatiales, cette immatriculation est une garantie suffisante de rattachement à l’Etat responsable. Comme les organisations internationales ont des droits semblables à ceux des Etats, il est tenu compte du fait que le lien de nationalité n’est pas envisageable par les organisations internationales.

  • Les cas d’exercice de la compétence personnelle

Le lien de nationalité est précieux car il va autoriser l’Etat à suivre les nationaux y compris dans le cas où le territoire serait inefficace. Il s’agit de les protéger là où leurs intérêts pourrait être compromis par des agissements d’autre sujets de droit. Il y a donc concurrence de deux ordres juridiques car les nationaux sont soumis à la souveraineté territoriale de l’Etat tiers dès lors la compétence personnelle ne va pouvoir s’exercer que dans certaines limites imposées par la compétence territoriale (le souverain territorial) de l’autre Etat (ce principe était inversé dans un ancien régime celui des capitulations).

Le droit interne peut viser des situations extra territoriales, par exemple, les bénéfices réalisés à l’étranger ou les comportements anti-concurrentiels adoptés hors de son territoire. Mais, pour que cela soit possible les autres Etats doivent admettre la mise en œuvre d’un droit étranger (établissement d’actes d’état civil, l’application du droit de l’Etat pavillon aux navires dans un port étranger…).

Le souverain territorial a la possibilité de délimiter le domaine où cette concurrence va s’exercer. Dans tous les cas, l’Etat d’origine n’a jamais le pouvoir d’imposer le respect de sa législation,du droit en oeuvre vis-à-vis d’individus à l’étranger c’est-à-dire que la collaboration des organes administratifs de l’Etat autre est toujours nécessaire. Le cas des expatriés est sensible et tout ce qui peut renforcer l’efficacité de la compétence personnelle de l’Etat sera considérer avec intérêt par celui-ci.

A cette fin, seront conclus des conventions d’assistance judiciaires ou administratives et des accords sur la reconnaissance des jugements étrangers ou encore seront conclus des traités d’extradition. C’est au titre de sa compétence personnelle que l’Etat est en droit de protéger ses ressortissants et à cette fin l’Etat va pouvoir prendre fait et cause pour son ressortissant. Et à cette fin il va mettre en œuvre l’action diplomatique et en cas d’échec il ne met pas en œuvre l’action judiciaire internationale. Le lien de nationalité est déterminant car c’est lui qui va donner à un Etat le droit de protection diplomatique vis-à-vis de ses ressortissants. Cette action diplomatique est une action gracieuse mais qui peut, en cas d’échec, prendre une forme contentieuse et conduire à la recherche de la responsabilité internationale de l’Etat auteur du préjudice subis par le particulier. Dans cette action diplomatique, le pouvoir de l’Etat est de nature discrétionnaire. L’individu ne peut jamais exiger la protection de son Etat national et ce dernier est libre de l’exercer comme il est libre de la refuser. Dans tous les cas, l’exercice de la protection diplomatique ne peut s’ouvrir que si de strictes conditions sont remplies qui sont au nombre de trois : le lien de nationalité, l’épuisement des voies de recours internes et la théorie des mains propres c’est-à-dire de ne pas avoir malmener les lois de l’Etat territorial. Si le ressortissant n’est pas sur le territoire d’un Etat hôte c’est-à-dire qu’il se trouve dans un espace non soumis à la juridiction d’un Etat a priori, il n’y a pas de difficultés car l’Etat ne se heurtera pas à la souveraineté territoriale d’un autre Etat. La seule compétence est celle de l’Etat de la nationalité. Cette compétence est un exercice exclusif, a priori car il peut y avoir des exceptions, par exemple quand l’Etat a renoncé par voix conventionnelle car est mis en place, par exemple, un contrôle international de la pêche.

Dernier cas qui tient à l’évolution contemporaine qui va être de la notion de zone, va nécessité de concilier entre la compétence personnelle de l’Etat du pavillon avec la compétence fonctionnelle de l’organisation internationale en question.

C) La compétence relative au service public

L’Etat est un ensemble de services publics et à ce titre il est investie de compétences tout à fait précieuses car elle a un caractère subsidiaire dès lors que le titre territorial ne peut être invoqué. Et le titre personnel n’est pas opérant non plus car les nationaux de l’Etat ne sont pas concernés. Si ce titre relatif au service public peut entraîner la primauté de la compétence relative au service public, il faut voir que l’accord de ceux-ci est cependant nécessaire. L’Etat hôte peut toujours récuser cette présence. C’est la raison pour laquelle la poursuite en mer doit stopper lorsque le navire du poursuivi rentre dans la mer territoriale d’un Etat tiers et plus encore de son exercice de la poursuite sur terre. Dès lors que l’accord est acquis l’Etat bénéficiaire pourra exiger le respect de cette primauté au titre des services publics. C’est dire là, l régime des privilèges et surtout le régime des immunités.