Saisie conservatoire de biens meubles : condition et effet

La procédure de saisie conservatoire qui porte sur des biens meubles corporels

La saisie conservatoire est une saisie à caractère provisoire portant sur les biens mobiliers d’un débiteur. Elle apporte une garantie au créancier avant que ne soit prononcé le jugement condamnant son débiteur à payer sa créance. La saisie conservatoire est possible dans le respect des conditions et formalités prévues par la loi. La saisie conservatoire de biens meubles corporels permet de rendre indisponibles ces biens avant de procéder à leur réalisation par la conversion de la mesure en saisie-vente.

Section 1 – Les étapes procédurales

  • 1 – Les biens sont détenus par le débiteur
A) L’accès au local d’habitation

La personne qui met en œuvre la mesure de nature conservatoire va être confrontée au fait que le local d’habitation reste un lieu privé et au regard du code pénal le domicile est qualifié d’inviolable.

Ces deux éléments justifient que si la saisie est pratiquée au domicile du débiteur, suppose que l’huissier de justice puisse se déplacer sur le lieu de la saisie avec la double conséquence qu’il doit respecter le cadre horaire légal (6h à 21h) et que le débiteur ou les autres occupants du domicile soient sur les lieux. La question est posée à la personne présente concernant la propriété des biens qui se trouvent à son domicile.

Si la première garantie est apportée (il est là, les biens sont sa propriété) :

  • L’huissier de justice va devoir établir un procès-verbal qui fera mention des biens existant, notamment ceux qui ont une valeur marchande. Rien n’interdit à l’huissier de justice au-delà de la description des biens de prendre des photos, de filmer (mais que le bien saisissable).
  • Obligations réciproques

—> Occupant (débiteur) : il lui ai fait obligation d’indiquer à l’huissier de justice si il y a en cours d’autres procédures soit au titre de mesures de nature conservatoire, soit au titre d’une procédure de saisie vente.

—> Huissier de justice: il doit rappeler au débiteur que les biens meubles répertoriés au titre de la saisie conservatoire sont placés sous sa garde juridique et qu’il serait susceptible de devoir répondre d’un détournement de biens saisis s’il venait à en disposer. Cf. 315-6 c. pen.

A) Le contrôle de l’accès dans le local

  • Fait que le débiteur refuse à l’huissier de justice d’accéder à son domicile.
  • Débiteur absent

Le refus du débiteur ou son absence n’empêchent pas l’huissier de justice de mettre en œuvre la mesure de nature conservatoire. Mais des garanties ont été posées par la loi, notamment à l’ARTICLE 21 loi 1991.

Cette intervention se déroule avec autorisation du juge, qui doit spécifier qu’elle vaut également en l’absence de l’occupant ou de son refus de permettre l’accès à ses locaux.

ARTICLE 21 loi 1991: possibilité pour l’huissier de justice d’ordonner l’ouverture forcée des portes par un serrurier et les personnes qui sont requises par leur présence = maire ou représentant du conseil municipal, représentant de la police ou de la gendarmerie. A défaut, il est d’usage de requérir la présence de deux témoins majeurs pour pénétrer au domicile du débiteur.

Valable aussi pour une saisie aux fins de vente.

L’huissier de justice pratiquera dans les mêmes conditions que précédemment : procès verbal des biens. Il devra laisser une trace de son passage (pas forcément dans la boite aux lettres).

B) Les mentions obligatoires

Requises à peine de nullité :

  • Toutes les mentions relatives à l’identité précise de la personne du débiteur
  • Présence ou non du débiteur, autre personne…
  • Identité de l’huissier de justice qui pratique la mesure conservatoire
  • Identité complète des personnes qui ont assisté à la mesure conservatoire, témoins y compris
  • Détail des biens qui ont une valeur marchande
  • Absence le cas échéant, de biens ayant une valeur marchande. L’huissier de justice est amené à établir un «procès-verbal de carence»
  • Pour que le procès-verbal soit valable, il est nécessaire que soit reproduit dans le procès-verbal les ARTICLE 210 à 210 décret 31 juillet 1992; dispositions 315-5 et 314-6 c. pen.
  • 2 – Les biens meubles sont détenus par un tiers
A) La protection du local d’habitation

Loi 1991 ARTICLE 50 a prévu que pour pénétrer au domicile d’un tiers, l’autorisation du juge est requise, mais le législateur n’a prévu cette règle qu’en cas de saisie-vente et non pas au titre d’une mesure conservatoire.

Il est d’usage de solliciter l’autorisation du juge quand même.

Quand cette autorisation est sollicitée, il faut préciser le « domicile d’habitation du tiers» dans un milieu rural avec la grange, dépendances, etc. —> le domicile est le logement stricto sensu ou la totalité ?

—> Le domicile d’habitation ne s’arrête pas stricto sensu au local affecté de logement du tiers.

L’absence d’un titre exécutoire à opposer au tiers n’est pas une fin de non recevoir à faire pratiquer la saisie conservatoire entre les mains de ce tiers. Suppose la preuve préalable : l’huissier de justice doit pouvoir faire connaître au tiers qu’il dispose d’un certain nombre d’informations laissant supposer que des biens ont été remis volontairement au tiers entre les mains duquel la saisie est pratiquée.

B) Le devoir de collaboration du tiers

D’aucune manière le tiers ne doit faire entrave à la mesure conservatoire ou la voie d’exécution forcée.

L’huissier de justice va demander au tiers si à sa connaissance les biens qui font l’objet de la saisie ont déjà été pris en compte par d’autres créanciers. Le tiers doit, quand il y a contestation sur la propriété d’un bien, prouver le titre de propriété qui rend vraisemblable la propriété qu’il a sur le bien.

L’huissier de justice va rappeler au tiers qu’à partir de l’instant où la mesure conservatoire le concerne par rapport à la situation du débiteur, il est à titre personnel réputé gardien de ces biens. —> Le tiers concerné peut demander à ce que les biens ne soient pas conservés par sa personne et remis à un séquestre.

En cas de refus du tiers de collaborer, obstruction, etc. il peut être condamné aux « causes de la saisie » ou à des dommages-intérêts. Cf. ARTICLE 99 décret 1992 —> ARTICLE 224.

C) L’absence ou le refus de l’occupant

Le minimum requis pour pénétrer dans le domicile d’un tiers qui refuse ou n’est pas là : autorisation préalable du juge qui fonde le droit de pénétrer dans le domicile du tiers.

Particularité quand la mesure conservatoire n’est pas pratiquée au local d’habitation stricto sensu : il sera nécessaire à l’huissier de justice de saisir le juge de l’exécution s’il s’avère qu’un certain nombre de biens sont entreposés dans un local différent du local d’habitation.

D) L’information du débiteur

ARTICLE 224 décret 1992: obligation faite au créancier (donc à l’huissier de justice) de dénoncer la saisie conservatoire pratiquée entre les mains d’un tiers, et de le faire dans les 8 jours à compter de la date de la saisie.

C’est une information a posteriori afin d’éviter que le débiteur ne prévienne le tiers. Le délai de 8 jours n’est pas un délai prescrit à peine de nullité, mais tant que la dénonciation n’a pas été faite au débiteur on considère que la mesure conservatoire n’est pas juridiquement prise et donc que les biens ne sont pas indisponibles.

Par rapport à l’autorisation du juge, elle est en principe valable pour un délai de 3 mois.

Conséquences pour le débiteur : la dénonciation lui permet d’être informé officiellement de la mesure conservatoire. De plus, lui permettra le cas échéant de contester la saisie soit sur son principe, soit par rapport à l’assiette qui sert de garantie à sa mise en œuvre.

A défaut de réaction du débiteur dans les 8 jours, on pourra considérer que le recouvrement de la créance se trouve garanti par la mise en place d’une mesure conservatoire.

Section 2 – Les effets de la saisie conservatoire de biens meubles corporels

  • 1 – L’alternative offerte au créancier
  • Le créancier entreprend les démarches pour obtenir un titre exécutoire

Le créancier a le choix entre saisir une juridiction civile de droit commun ou recourir à une procédure d’injonction de payer qui permettra l’obtention d’un titre exécutoire également.

Cette démarche n’est valable que si la requête du créancier est introduite dans le mois qui suit l’exécution de la mesure conservatoire, sous peine que la mesure conservatoire soit frappée de caducité.

  • Le créancier peut renoncer à introduire une requête en paiement

Sachant que dans ce cadre l’objectif poursuivi est d’avoir exercé une certaine contrainte sur le débiteur.

Le débiteur et le tiers saisi devront être informés des suites que le créancier a donné à la mise en place de la mesure conservatoire.

  • 2 – La conversion de la saisie conservatoire en mesure d’exécution

Les deux procédures sont indépendantes l’une de l’autre.

Pour qu’il y ait conversion, cela suppose une démarche unilatérale du créancier. Ne sous-entend pas automatiquement qu’il y ait recours au juge : si le créancier est déjà muni d’un titre exécutoire, par hypothèse la conversion sera automatique et elle produira ses effets dès lors que la mesure conservatoire arrivera à expiration.

Dans l’hypothèse où le créancier vient juste d’obtenir du tribunal saisi son titre exécutoire, c’est la signification de ce titre qui entraînera la conversion de la mesure conservatoire en voie d’exécution forcée.

La conversion ne produit réellement ses effets juridiques que si le titre exécutoire est accompagné d’une mise en demeure du débiteur de s’acquitter de sa dette.

Cette mise en demeure prend la forme d’un commandement de payer qui va être adressé au débiteur, mais aussi le cas échéant au tiers saisi. Doit être adressé dans les 8 jours à compter de l’instant où le titre exécutoire a été porté à la connaissance du débiteur.

S’il y a d’autres créanciers que celui qui opère la conversion, il faudra que le créancier demandeur puisse procéder à une signification du titre exécutoire et de l’acte de conversion en direction de ses créanciers.

Une fois opérée, la conversion va permettre à l’huissier de justice de pouvoir établir un inventaire des biens qui feront éventuellement l’objet d’une saisie.

  • 3 – Les incidents de la saisie conservatoire de biens meubles corporels
A) La pluralité de saisies

Il n’y a pas nécessairement dans ce domaine application du critère de l’antériorité. En revanche, on vérifie quelle est l’assiette de biens qui fait partie du gage du créancier ; il est important que le créancier ait préalablement signifié à ses concurrents l’acte de conversion de la mesure conservatoire.

En matière de pluralité de saisies, il n’y a pas davantage de primauté accordée à la voie d’exécution forcée sur la mesure conservatoire. On en revient aux critères de l’antériorité pour déterminer le patrimoine disponible.

B) Le concours d’une saisie conservatoire avec une saisie vente préalable

ARTICLE 54 loi 1991 qui prévoit que la saisie conservatoire doit être effectuée avant la saisie vente dans l’hypothèse où le créancier bénéficiaire de la saisie conservatoire entend ultérieurement participer à la répartition des deniers.

—> Il existe implicitement un privilège qui est accordé aux créanciers qui mettent en place la saisie vente car cette dernière sera opposable à tous les créanciers qui sont dépourvus de titre exécutoire et qui n’ont pas procédé en temps utile à la mise en œuvre de cette mesure conservatoire.

Cette règle s’applique en toutes circonstances, que les biens meubles rendus indisponibles soient entre les mains du débiteur ou d’un tiers saisi.

  1. C) La régularisation d’une saisie vente, postérieurement à l’exercice d’une mesure conservatoire

La démarche est celle d’un créancier qui veut faire procéder à une saisie vente par l’huissier de justice instrumentaire, alors que les biens visés par la saisie vente le sont déjà par la mesure conservatoire.

ARTICLE 232 et 233 décret 1992: il y possibilité de mettre en œuvre sur les mêmes biens la saisie vente dans deux circonstances précises :

—> Dans l’hypothèse où le créancier saisissant (dans la saisie vente) a signifié au créancier de la saisie conservatoire le titre qui est le sien avant la mise en œuvre de la saisie conservatoire.

—> Dans l’hypothèse où la mesure conservatoire est devenue caduque, de ce fait les biens retrouvent leur disponibilité, on est plus face à un concours de saisie.

D) Les contestations

La contestation peut être le fait du débiteur. Elle porte ou bien sur :

Un aspect formel (ex : absence ou mentions obligatoires incomplètes —> vice de forme). Peut être compétent soit le juge de l’exécution, soit si la créance protégée est de nature commerciale le président du tribunal de commerce.

La jurisprudence a validé en s’appuyant sur l’ARTICLE 131 décret 1992 le principe selon lequel cette demande en nullité pouvait être présentée, jusqu’au moment où le créancier réalise la vente des biens saisis.

Le fait qu’il y ait un vice de forme n’empêche pas l’huissier de justice de réaliser la saisie jusqu’à son terme.

– Ou sur la propriété d’un bien qui est mis sous main de justice (=déclaré indisponible)

Deux cas de figure :

 —> Ou bien la contestation qui pourra être faite d’un tiers est formée avant que ne soient vendus les biens saisis = le tiers saisi ne peut pas demander la nullité de la saisie en tant que telle : il lui faut au préalable être en mesure d’invoquer son titre de propriété = former une action en revendication.

Le tiers lésé doit assigner devant le juge de l’exécution non seulement le débiteur mais aussi le créancier saisissant.

Cette action reste possible si elle est introduite avant que le débiteur ne relève d’une procédure collective.

 —> Dans l’hypothèse où la demande est introduite après la vente de biens qui ont fait l’objet d’une saisie vente = une action en revendication reste théoriquement possible dirigée contre le tiers acquéreur.

Le tiers acquéreur sera protégé par l’ARTICLE 2279 al. 1er (possession vaut titre).

L’action en revendication est possible dans l’hypothèse où le tiers acquéreur est de mauvaise foi (difficulté de preuve si l’achat est fait dans une vente aux enchères) ou si la preuve est apportée que le bien vendu était un bien perdu ou volé à son propriétaire légitime.

En imaginant que les biens saisis aient été vendus et que l’action en revendication soit fondée, la restitution qui sera retenue ne pourra être qu’une restitution sous la forme indemnitaire, dans l’hypothèse où ce bien a été vendu dans le cadre d’une vente aux enchères. La restitution ne pourra être faite que sous la forme d’une somme d’argent.

S’agissant du débiteur, il peut dans le mois qui suit la mise en place de la saisie au fin de vente, introduire une requête concernant le caractère saisissable du bien lui-même.