Conditions d’ouverture de l’action en justice : intérêt et qualité à agir

Les conditions d’ouverture de l’action en justice

L’action à beau être un droit fondamental, ce n’est pas un droit absolu. Il est donc soumis à des conditions d’exercice et c’est l’article 31 du nouveau code de procédure civile évoque l’existence d’un intérêt à agir et d’une qualité à agir.

Section I : L’intérêt à agir :

Cet intérêt se mesure au préjudice aussi bien patrimonial que moral subi par celui dont le droit a été bafoué. L’idée est de n’accorder la protection judiciaire qu’à celui qui démontre qu’il retirera de l’action un avantage pratique. Autrement dit, il faut que le jugement soit de nature à faire cesser le trouble. Mais cet intérêt ne doit pas être quelconque mais caractérisé.

  • 1 Un intérêt légitime :

C’est un intérêt juridique fondé sur un droit qui ne peut protéger que des situations légitimes. Cet article 31 ne fait ici que reprendre une condition jurisprudentielle qui parlait d’intérêt légitime juridiquement protégé. Et c’est justement sur le fondement sur le défaut d’intérêt légitime que jusqu’en 1970 les tribunaux ne reconnaissaient pas d’action à la concubine qui demandait réparation pour le préjudice éprouvé par la mort du concubin dans un accident de la route. Le concubinage n’était pas en effet à cette époque un lien légitime donc l’action ne pouvait pas être légitime non plus. On trouve une autre application de cette idée dans la règle selon laquelle on ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude. La critique que font certains auteurs sur cette exigence d’un intérêt légitime, c’est que quand on en vient à aborder la question de la légitimité de l’intérêt, on aborde le fond du droit alors que le juge ne devrait ne s’intéresser qu’à la recevabilité. Néanmoins il est toujours exigé.

  • 2 Un intérêt né et actuel :

Cela veut dire que l’ordre doit être troublé pour qu’il soit permis de recourir au juge. Ce juge, d’ailleurs, ne peut trancher que des litiges nés c’est-à-dire qui existent au moment où la demande est formée. Il est certain que cet intérêt est né et actuel lorsque le demandeur souffre d’un trouble et que sa demande tend justement à obtenir des mesures propres soit à faire cesser ce trouble soit à réparer les conséquences de ce trouble. Les faits constitutifs de ce trouble sont divers, l’essentiel étant qu’ils constituent une atteinte effective qu’ils constituent vraiment une modification patente à une situation antérieure. A l’opposé, cela sous entend que l’on ne pourra jamais s’appuyer sur un intérêt hypothétique puisque pour apprécier la réparation adéquate, il faut connaître le préjudice or s’il est hypothétique on ne peut le réparer. Le problème, c’est qu’entre intérêt né et actuel et intérêt hypothétique s’intercalent des actions plus délicates à qualifier. On a admis des actions dans lesquelles l’intérêt n’était qu’éventuel ou encore futur. La loi a accordé une action alors que l’intérêt est incertain puisque le préjudice n’est pas réalisé mais la menace est réelle. C’est-à-dire que si on n’intervient pas, sa réalisation est possible.

On a par exemple :

– Les actions déclaratoires : on a un intérêt à dissiper une menace dont la survenance est possible, par exemple : un couple non marié qui se sépare alors que la femme est enceinte. Il y a de grandes chances que la paternité soit un jour ou l’autre l’objet d’un conflit. Si ce père se sait pertinemment non père de l’enfant, il peut faire une action déclaratoire de désaveu préventif.

– Les actions possessoires : on intervient en effet en prévision de préjudice patrimoniaux.

Dans certains cas, on admet des actions qui ne sont que futures, l’article 145 du nouveau code de procédure civile autorise en matière de la preuve des mesures d’instructions futures. Celles-ci sont accordées s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d’un procès éventuel. Par exemple, lorsque des dégâts sont causés par un accident, on a intérêt à faire un constat de manière à se ménager une preuve future. De la même manière, les actions interrogatoires par lesquelles on va obliger une personne de prendre parti durant le terme qui lui est accordé sont interdites. De même les actions provocatoires contre des personnes titulaires d’un droit qu’elles le prouvent immédiatement.

  • 3 Un intérêt direct et personnel :

L’intérêt personnel s’oppose à l’intérêt d’autrui et plus largement à l’intérêt général. Dans la majorité des cas le titulaire du droit d’agir prétend que l’un de ses droits a été méconnu et il en demande la reconnaissance ou la réparation. Néanmoins, il arrive que l’intérêt d’un procès rejaillisse sur les membres d’un même groupement qui peut alors défendre un intérêt collectif qui peut être défini soit comme la somme des intérêt individuels soit comme quelque chose qui dépasse la somme des intérêts individuels. C’est ainsi que les actions de défense regroupent plusieurs personnes afin d’exercer en commun une action en justice qui va aboutir à satisfaire l’ensemble des intérêts individuels. Quand un syndicat agit pour défendre l’intérêt de la profession, il agit par rapport à un intérêt supérieur aux intérêts individuels.

Le caractère direct met l’accent sur l’implication immédiate d’une personne dans un litige. Lorsqu’on exige que l’intérêt soit direct, on demande que la personne soit concernée par l’issue du litige dans la sphère immédiate de ses conséquences dommageables ou avantageuses. Le mari d’une victime d’un accident a un intérêt direct. De la même façon la femme du mari qui a perdu son emploi alors qu’il était l’unique salaire de la famille a aussi un intérêt direct.

Section II : La qualité à agir :


La qualité, c’est le titre légal en vertu duquel une personne a le pouvoir de figurer dans un procès. Généralement, cette qualité ne soulève pas de difficultés car elle se ramène à l’obligation de justifier d’un intérêt direct et personnel. Autrement dit, la notion de qualité est absorbée par la notion d’intérêt direct et personnel. Lorsqu’on lit l’article 31 du nouveau code de procédure civile, on comprend que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt. On parle alors d’action banale en ce qu’elle est attribuée à tout intéressé en tant que tel. Pourtant la qualité à agir est bien une condition autonome de l’ouverture de l’action. Pour cela, il faut évoquer deux articles, tout d’abord l’article 122 du nouveau code de procédure civile qui évoque parmi les causes d’irrecevabilité à la fois le défaut d’intérêt mais aussi le défaut de qualité ce qui implique qu’il s’agit de deux choses différentes. On comprend mieux dans la suite de l’article 31 qui tout simplement réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie (actions attitrées). Par opposition à l’action banale, on a aussi des actions attitrées qui tiennent à ce que la loi réserve dans certains cas la seule action aux personnes qu’elle qualifie et ces actions peuvent être réservées soit à la défense d’intérêts personnels spéciaux soit à la défense de l’intérêt des tiers.

  • 1 L’attribution de qualité pour la défense d’intérêts personnels spéciaux :

La loi ouvre ici une action à des personnes qui ont un intérêt défini. Cette attribution de la qualité s’inscrit le plus souvent dans un ensemble de mesures qui, le plus souvent, enferme l’action dans un régime restrictif. On peut trouver ces actions attitrées tout d’abord en matière familiale et plusieurs exemples peuvent être donnés :

– L’action en divorce n’est donnée qu’aux seuls époux.

– L’action en recherche de paternité naturelle n’est donnée qu’à l’enfant.

Toutes les actions qui tendent à invoquer un intérêt exclusif d’un contractant sont des actions attitrées. On peut par exemple faire rentrer dans cette catégorie toutes les actions en nullité pour vice du consentement : c’est la victime du vice qui a seule qualité pour agir en nullité sur ce fondement.

  • 2 L’attribution de qualité pour la défense de l’intérêt des tiers :

Il s’agit d’une personne qui n’a pas par nature d’intérêts personnels et directs et se voit pourtant donner qualité à agir par la loi.

Certaines personnes se voient reconnaître qualité pour défendre les intérêts personnels d’un tiers. Par exemple, l’action ut singuli. C’est en fait une action que l’on donne aux associés d’une société pour demander réparation du préjudice subi par la société du fait du comportement des dirigeants. On a bien des associés qui vont défendre l’intérêt personnel d’une autre personne : la société (personne morale).

L’action de substitution des syndicats entre dans la même catégorie, par exemple, en matière d’inégalité professionnelle, ils peuvent intervenir dans l’intérêt personnel du salarié victime de l’inégalité professionnelle.

Les personnes qui ont qualité pour la défense d’intérêts collectifs : la notion d’intérêts collectifs est multiple, on peut avoir un intérêt collectif privé. Par exemple, le représentant des créanciers dans le cadre d’une procédure collective s’est vu reconnaître qualité à agir pour défendre l’intérêt de tous les créanciers. Il s’agit bien d’un intérêt collectif mais il est bel et bien privé. Il est possible de défendre un intérêt public dans ces aspects généraux. C’est ainsi qu’on reconnaît au ministère public un droit d’action. Enfin, une action peut être attribuée pour la défense des aspects spéciaux d’un intérêt collectif public. On évoque ici en fait l’action des syndicats et des ordres professionnels ainsi que l’action des associations. Néanmoins, il ne faut pas confondre les deux situations entre syndicats et associations, il y a tout de même des nuances. Les syndicats et ordres professionnels sont largement autorisés à défendre l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent en vertu d’un texte fondamental : l’article 411-11 du code du travail. Néanmoins si on investit par cette disposition générale les syndicats d’une large qualité à agir, il faut quand même que le préjudice invoqué soit d’ordre professionnel, qu’il intéresse la profession exercée par les membres du syndicat et il faut qu’il soit fait état d’un trouble ressenti par toute la profession. En ce qui concerne les associations, la grande différence, c’est qu’il n’existe aucun texte de portée générale qui leur confère le droit d’agir au nom de l’intérêt collectif pour la défense duquel elles se sont constituées. En réalité, il existe uniquement des textes spéciaux qui sous certaines conditions donnent qualité à agir à certaines associations pour lé défense d’intérêts collectifs. Par exemple, les associations de consommateurs qui ont été agréés ont qualité à agir en matière de clauses abusives pour défendre l’intérêt collectif des consommateurs. Ce moyen d’action pèse plus sur les rédacteurs de contrats que si un consommateur tout seul se plaignait des clauses abusives mais ça implique qu’en dehors de textes spéciaux, la jurisprudence n’admet pas l’action qui tend à la défense de grandes causes objectivement envisagées. On évoque ici un concept anglo-saxon qu’on appelle la class action, ce concept n’existe pas en France, c’est une action qui est exercée par une personne physique ou morale pour représenter en justice un groupe inorganisé de personnes qui sont placées dans une même situation juridique. Cette class action n’est pas transposable en France à cause d’un adage comme quoi « nul ne plaide par procureur ». Cela signifie que celui qui agit, le mandataire, doit nécessairement faire figurer dans la procédure le nom de tous les mandants qu’il représente. On ne veut pas que la personnalité du mandant ne soit substituée par celle du mandataire. Le deuxième obstacle à cette transposition est le principe selon lequel « la chose jugée n’a qu’une autorité relative entre les parties au procès ». Or l’intérêt d’un jugement rendu à la suite d’une class action va avoir des effets vis-à-vis de tous ceux qui se seraient trouvés dans la même situation juridique et qui ne se seraient pas manifestés au début de la procédure. On a cependant, en France, des actions qui conduisent au même résultat et on constate aussi que la jurisprudence a parfois tendance à reconnaître qu’une action d’une association puisse être engagée pour défendre une grande cause. On a admis que l’association de lutte contre l’alcoolisme pouvait demander des dommages et intérêts du fait d’une publicité illicite en faveur de l’alcool. On a considéré qu’en raison de son but qui est de lutter contre l’alcoolisme, elle avait qualité à agir sur des publicités qui, abusivement, incitaient à la consommation d’alcool. C’est cependant un exemple relativement isolé, la jurisprudence rejette en général ce type d’action. Par exemple, lors d’une interview de Fidel Castro par PPDA qui était en réalité truquée, on a rejeté la demande d’une association de téléspectateurs.

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