Les conditions de création de la lettre de change

Quelles sont les conditions de la création de la lettre de change?

Définition de la lettre de change : c’est un titre par lequel une personne, souvent un fournisseur, donne l’ordre à son client de lui payer une somme d’argent déterminée correspondant au montant de la facture, à la date indiquée sur la lettre de change. En signant la lettre de change, le débiteur accepte de payer la somme convenue. Là, 2 possibilités :

  • – Le bénéficiaire de la lettre de change peut garder la lettre de change jusqu’à la date d’échéance et, à sa date d’échéance, la présenter à la banque de son client pour que cette banque paie le montant indiqué sur la lettre de change.
  • – Le bénéficiaire, s’il ne souhaite pas attendre cette date, peut aussi l’escompter (vendre la lettre de change en quelque sorte) à une banque qui lui verse immédiatement la somme inscrite sur la lettre de change, sous déduction d’une commission, à charge pour elle de se faire payer la lettre de change à la date convenue.

La lettre de change est un acte juridique soumis aux conditions de fond du droit commun des obligations : consentement, cause, objet et capacité. Concernant la forme, La lettre de change doit intégrer dans ce cadre certaines mentions obligatoires : La date de création de la lettre de change. Le lieu d’émission de l’effet… Concernant le fond, l’inopposabilité des exceptions et l’indépendance des signatures, principes résultant des spécificités du droit cambiaire, donnent à ces conditions de fond un particularisme important.

  • &1°)- Conditions de forme : conditions tenant au titre :

La déclaration de volonté est plus importante que la volonté elle-même (apparence de volonté).

A)- Le support :

La loi exige un écrit. Jusqu’à présent, la jurisprudence assimile l’exigence de l’écrit à l’exigence du support papier.

Mais comme pour le chèque, la loi pour la confiance à l’économie numérique (NRE), pourrait conduire la jurisprudence, à admettre les lettres de change dématérialisées dans la mesure où l’écrit électronique a aujourd’hui, la même valeur que l’écrit sur support papier, non seulement à titre probatoire, mais également lorsqu’il est exigé à titre substantiel.

B)- Les mentions obligatoires:

1°)- L’énumération :

Code de Commerce ;L511-1.

la dénomination, lettre de change,

Elle doit être insérée dans le texte même de la lettre, un intitulé n’y suffirait pas et doit l’être dans la même langue que le reste de la lettre.

– le mandat pur et simple de payer.

L’ordre doit donc être simple, il ne peut être subordonné à une condition.

Mais rien n’interdit d’imposer au porteur le respect d’une formalité.

Ex : payer contre remise de tel document.

C’est le cas de la traite documentaire, il n’y a pas alors d’aléa affectant le payement.

Le mandat doit porter sur une somme déterminée, elle doit figurer en chiffres et en lettres. En cas de discordance, c’est le montant en lettre qui l’emporte.

Il doit être connu à simple lecture : interdiction de principe des clauses d’intérêt.

On ne peut exiger du porteur, un calcul du montant global de la traite. Les intérêts doivent donc être calculés à l’avance par le tireur et intégrés au montant de la traite.

Code de Commerce ; L511-4, prévoit certaines exceptions à ce principe.

– le nom du tiré :

Le tiré n’est pas, comme en matière de chèque, un établissement de crédit, c’est le débiteur du tireur.

– l’indication de l’échéance :

La lettre de change est un instrument de crédit, et non de payement.

Cette échéance doit être unique. Si l’on veut fractionner le payement de la dette, il faut créer autant de lettre de change, que d’échéances.

L’échéance doit être obligatoirement fixée, selon l’un des 4 procédés prévus à Code de Commerce ; L511-22 :

∙ La lettre de change peut être tirée à vue.

Elle est payable dès qu’elle est présentée par le porteur au tiré, et le reste pendant un an à compter de sa création.

En l’absence de mention expresse relative à l’échéance, la lettre de change est réputée payable à vue.

∙ à jour fixe :

Un jour déterminé est indiqué sur la traite, c’est le mode le plus usuel de fixation de l’échéance.

∙ à un certain délai de date :

Ex : à 90jours ; 2 mois.

Le délai indiqué court à compter de la date de création de la traite.

∙ à un certain délai de vue :

C’est le mode le moins courant.

La lettre est payable tant de jours ou de mois après son acceptation par le tiré ou à compter de la constatation du refus d’accepter du tiré, dont la date sera mentionnée sur le titre.

– le lieu où le paiement doit être effectué :

Cette mention n’est pas considérée comme une mention essentielle, formalisme par équivalent.

Généralement le lieu est indiqué par une clause de domiciliation, et le plus souvent sera indiqué un guichet bancaire.

– le nom du bénéficiaire :

La lettre doit indiquer le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le payement doit être fait.

Le nom du bénéficiaire ne peut donc être laissé en blanc.

Mais il est possible pour le tireur, de s’indiquer comme bénéficiaire, cela lui permet de parfaire la traite (de la mettre à l’abri de l’action en nullité pour absence de mention obligatoire), lorsqu’il ne sait pas encore à qui il va transmettre le titre.

– les date et lieu de la lettre de change :

La date a un intérêt pour apprécier la capacité et les pouvoirs du tireur, et peut être importante pour déterminer l’échéance.

Le lieu est nécessaire pour régler certains conflits de lois, mais formalisme par équivalent admis.

– la signature du tireur :

C’est la mention essentielle, elle matérialise l’engagement du tireur. Depuis 1966, cette signature n’est plus nécessairement manuscrite, pouvant être apposée à l’aide d’une griffe (procédé d’impression, non manuscrit).

Mais le cachet commercial de la société ne suffit pas, il faut que cette griffe soit l’expression de sa signature.

2°)- Les sanctions :

Elles dépendent de la nature de la violation.

a)- La sanction des omissions :

Code de Commerce ; L511-1 2°.

Le titre est nul, comme lettre de change, de nullité absolue. Le droit cambiaire ne s’applique pas.

Mais le titre pourrait valoir sur le terrain du droit commun : reconnaissance de dette, commencement de preuve par écrit d’un engagement de payer par le tireur.

Exceptions (L511-1 3° à 5°) : formalisme par équivalent.

En cas d’omission :

  • d’indication de l’échéance, la lettre est réputée payable à vue.
  • d’indication du lieu du payement : on se réfèrera au lieu indiqué à côté du nom du tiré.
  • du lieu de création : lieu indiqué à côté du nom du tireur.

Difficulté de la régularisation d’une lettre de change incomplète :

Le contentieux est très abondant.

Le législateur français au moment de la rédaction de la Convention de Genève avait usé de son droit de réserve pour refuser d’intégrer dans le Code de Commerce, les règles de la convention relatives à la régularisation.

C’est donc la jurisprudence qui a tenté de préciser le régime de la régularisation.

  • Possibilité de régulariser :

Une traite incomplète dès sa création, peut il être compléter par la suite ? (ne vaut pas lettre de change).

Arguments contre :

Les conditions de validité d’un acte s’apprécient au jour de la formation de cet acte.

Le titre étant destiné à circuler, il était dangereux d’admettre que puissent circuler des titres ne répondant pas aux exigences légales, et n’offrant pas toutes les garanties de sécurité aux tiers.

Arguments pour :

La pratique bancaire fait valoir que la pratique des effets en blanc (nom bénéficiaire laissé en blanc) est très commode pour le tireur.

Les banques ont pris l’habitude, lorsqu’elles escomptent ces effets de s’indiquer elles-mêmes comme bénéficiaire.

Les tribunaux se sont montrés assez libéraux dans l’admission de la régularisation :

– elle est toujours possible si elle résulte d’un accord entre les parties.

Les parties étaient d’accord pour laisser une mention en blanc, et pour permettre à l’une d’entre elle, par la suite, de compléter le titre.

Les tribunaux rechercheront donc l’intention des parties, l’accord pourra se déduire des usages bancaires, notamment en matière d’escompte.

– lorsqu’il n’y a pas eu d’accord préalable :

Si c’est le nom du bénéficiaire qui fait défaut, la jurisprudence admet la régularisation.

Le tiré ou le tireur ne pourront refuser de payer en invoquant l’irrégularité de la traite.

Mais si c’est une autre mention qui fait défaut, la jurisprudence se montre très réticente à admettre la régularisation, la traite ne vaudra pas comme lettre de change.

  • Effets de la régularisation si admise :

A l’égard de celui qui a régularisé :

La régularisation produit tous ses effets à l’égard de son auteur, elle a à son égard un effet rétroactif.

A l’égard de ceux qui ont acquis la traite après la régularisation :

La régularisation produit tous ses effets.

A l’égard de ceux qui ont signé la traite avant la régularisation et non partie à l’accord de régularisation :

Elle ne produit pas d’effet.

b)- Sanction des inexactitudes :

Elle n’est pas apparente. On applique le régime de la simulation, comme en matière de chèque, Code Civil 1320s.

Le titre est a priori valable, les tiers peuvent choisir de se prévaloir, soit de la disposition inexacte, soit de la contre-lettre, c’est à dire de la disposition qui aurait dû figurer sur la traite.

  • &2°)- Les conditions de fond, tenant aux parties :

Ces conditions tiennent essentiellement à la personne du tireur.

Au stade de la création de la traite, c’est lui qui souscrit l’obligation cambiaire.

Mais elles tiennent également à la personne de tous les signataires de la traite, c’est à dire l’endosseur, le tiré accepteur et éventuellement le donneur d’aval.

Ce sont donc les conditions de fond de la naissance de l’engagement cambiaire.

A)- Conditions tenant au consentement :

Pour être engagé cambiairement, le signataire de la traite doit avoir émis un consentement valable.

1°)- L’absence de consentement :

Elle se rencontre en cas de défaut de signature : nullité.

En cas de fausse signature, l’engagement du signataire est nullité et opposable au porteur de bonne foi.

La nullité, affectant l’engagement de l’un des signataires, n’a pas d’incidence sur l’engagement des signataires postérieurs (principe de l’indépendance des signatures).

2°)- Le vice du consentement :

Il engendrera la nullité de l’engagement du signataire, mais elle n’est pas opposable au porteur de bonne foi.

B)- La capacité :

La lettre de change est un acte de commerce par la forme, ayant une influence directe sur les exigences en matière de capacité.

Code de Commerce ; L110-1 : répute acte de commerce entre toute personne les lettres de change.

Celui qui appose sa signature sur la lettre de change doit avoir la capacité commerciale.

Les lettres de change signées par les mineurs sont nulles, Code de Commerce ; L511-5 al1.

C’est une nullité relative, mais opposable même au porteur de bonne foi.

Code Civil 1312, tempère les conséquences du principe, pas de restitution lorsque la preuve est apportée que l’opération a tourné au profit de l’incapable.

Les mêmes solutions s’appliquent aux incapables majeurs, et aux consommateurs.

Depuis la loi du 10/01/1978, il est interdit d’émettre une lettre de change, en vue de mobiliser un crédit à la consommation dont bénéficie une personne privée.

C)- Les pouvoirs :

1°)- le tirage par mandataire :

Très fréquent : tirage par le représentant légal d’une personne morale.

Le représentant de la personne morale indique la qualité dans laquelle il agit, en faisant précéder sa signature de l’indication de la personne morale, pour laquelle il émet la lettre de change.

S’il s’agit d’une société, le représentant légal utilise la signature sociale.

Aucun formalisme particulier n’est imposé.

Les effets de ce tirage par mandataire sont régis par le droit commun des contrats : le mandataire est transparent, l’engagement nait directement sur la tête du mandant.

La personne morale est directement engagée cambiairement.

Le droit de la lettre de change précise cependant quelques règles du droit commun.

Code de Commerce ; L511-5 : le mandataire qui excède ses pouvoirs, comme celui qui se présente faussement en qualité de mandataire, est engagé personnellement en vertu de la lettre de change.

On en déduit donc que le mandant n’est pas engagé cambiairement.

La jurisprudence tempère toutefois cet article, en considérant que lorsque le mandataire excède ses pouvoirs, le mandant demeure tenu cambiairement dans les limites du mandat, le mandataire assumant seul l’engagement cambiaire pour la fraction excédant le mandat.

2°)- Le tirage pour compte :

Code de Commerce ; L511-2.

Le tireur pour compte s’engage en son nom, mais pour le compte d’un tiers.

C’est donc un cas de représentation imparfaite, régie par le droit applicable au contrat de commission.

Seul le tireur pour compte est engagé dans les liens cambiaires, le donneur d’ordre ne souscrit pas d’obligation cambiaire.

Mais Code de Commerce ; L511-7 : c’est au donneur d’ordre qu’il incombe de fournir la provision.

Entre le donneur d’ordre et le tireur pour compte, les relations juridiques sont régies par la convention de mandat.

NB : à l’égard des tiers le tireur, commissionnaire, agit en son nom propre et dans les relations avec commettant, convention s’applique.

D)- Objet et la cause de l’engagement du signataire :

L’objet de l’obligation cambiaire du mandataire ne soulève pas de difficulté, il est nécessairement le paiement d’une somme d’argent.

La cause de l’obligation cambiaire du signataire, tireur, réside dans le rapport fondamental qui le lie au bénéficiaire.

C’est la dette qu’il a, à l’égard du bénéficiaire, cette dette le plus souvent nait de la convention d’escompte qui lie le tireur à son banquier bénéficiaire.

Cette dette c’est la valeur fournie.

Si elle n’existe pas, ou si elle est illicite, l’engagement cambiaire du signataire est nul, mais cette nullité est inopposable au porteur de bonne foi.