Les conditions de la protection de l’œuvre par le droit d’auteur

LA PROTECTION PAR LE DROIT D’AUTEUR :

Que sont les droits d’auteurs? Le terme est mis au pluriel, car si autrefois il n’existait qu’une seule catégorie de droit d’auteur, l’existence, aujourd’hui, d’un statut particulier pour les logiciels justifie l’emploi du pluriel.

Trois titres formeront les subdivisions : il s’agit dans un premier temps de connaître comment on accède au statut d’auteur.

Quelles sont les conditions pour qu’une création accède au statut d’œuvre protégée par le droit d’auteur?

Chap 1 : CONDITIONS DE LA PROTECTION PAR LE DROIT D’AUTEUR :

Dans tous les pays les conditions sont semblables ou approchantes, mais on notera qu’aux USA, à la différence des pays d’Europe, un dépôt de l’œuvre dans un organisme agréé est nécessaire.

Traditionnellement deux conditions sont cumulativement exigées, une troisième, qui, quoique envisageable, ne l’est pas alors qu’elle le pourrait.

Section 1 : L’originalité de la création :

  • Généralement il est exigé que l’œuvre procède d’une activité humaine créatrice, ce qui signifie que, en principe, seule une personne physique, et non pas un personne morale, peut être auteur. A la différence du droit anglo-saxon le droit d’auteur ne récompense donc pas la personne morale qui investit dans la création, mais l’individu qui a créé « avec ses tripes ».
  • Selon une formule constante de la Cour de cassation, le critère de protection est « l’empreinte de la personnalité » par opposition à la banalité de la création. Si le critère peut être décelé l’œuvre est protégée. C’est dire que la simple compilation d’informations n’est pas protégée en soi : Civ 1ère 2 mai 1989, (cité dans un ouvrage recommandé, A. Lucas, Propriété littéraire et artistique, Dalloz, connaissance du droit, 3ème édition, p11).
  • La distinction avec le critère de la nouveauté (qui est celui de la propriété industrielle) est difficile et on passe facilement de l’un à l’autre. Exemple : en matière de logiciel ou en matière de créations utilitaires on protège en fait l’effort intellectuel. D’ailleurs, pour les arts appliqués (l’expression concerne essentiellement les dessins et modèles qui n’ont pas fait l’objet d’un dépôt, les logiciels, les créations à vocation publicitaires ; les arts appliqués s’opposent aux arts purs tels que la littérature ou la peinture), la Cour de cassation parle souvent de « l’effort de création » ou de « l’effort personnalisé » : Civ. 1ère, 10 févr 1998. Cette idée d’effort de création démontre que l’on est à cheval entre originalité et nouveauté. D’une part un effort original démontre une nouveauté. D’autre part si une nouveauté peut ne pas être originale, elle le sera le plus souvent, faute de quoi le produit nouveau n’aurait pas d’intérêt. Les recoupements entre nouveauté et originalité sont donc patents, surtout dans le domaine des arts appliqués.
  • La Cour de cassation (C Cass). contrôle si les juges du fond ont relevé l’effort personnalisé ou l’originalité, mais la jurisprudence, au total, se contente de peu (exemple : des slogans publicitaires, une carte de vin un peu personnalisée ont bénéficié de la protection par le droit d’auteur). Les créations utilitaires ont tiré le degré d’originalité exigé vers le bas.

Section 2 : La mise en forme de l’idée :

  • L’idée pure, même originale, est de libre parcours, car le droit se refuse à les protéger. Donc il faut une mise en forme pour que l’œuvre soit protégée. Oui, mais alors, celui qui s’inspire de l’idée d’autrui s’enrichit indûment. D’où une réaction de la jurisprudence qui protège souvent « l’aspiration » des idées d’autrui à son propre profit par l’action en concurrence : « profiter de l’effort intellectuel d’autrui » sans bourse délier, se situer « dans son sillage » est donc sanctionné sur un autre terrain que le droit d’auteur. Par exemple, en publicité un slogan peut être soit banal, soit original (ex « donnez du goût à vos communications » : Versailles 27 mai 2003, RIDA janv 2005, 199) ou se situer dans une zone intermédiaire, le non banal et non original (ex « SOS dépannages » : Paris 1er avr 1966, Ann prop ind 1957, 117). La première zone ne donne droit à aucune protection : tel serait le cas du slogan « sensationnel » que tout un chacun peut librement utiliser. La seconde zone est protégée par le droit d’auteur, la troisième ne bénéficie que de l’action en concurrence déloyale ou parasitaire.
  • Seule, donc, une idée originale et mise en forme de manière suffisamment précise donne prise au droit d’auteur. Par exemple une page web ne sera protégée par le droit d’auteur que si, au moins, des esquisses ont été faites. De même un croquis est au moins nécessaire pour que l’idée du peintre puisse accéder à la protection par le droit d’auteur. Idem pour le scénario d’un jeu vidéo. Pour un film on exigera un synopsis.

Section 3 : Indifférence du mérite : théorie de l’unité de l’art

  • Cette exigence est conçue pour éviter d’entrer dans un système qui tournerait vite au conformisme et à la censure le mérite de l’œuvre est indifférent. On protège de ce fait tant les peintures de Van Gogh qu’un panier à salade, un « pin’s », ou la forme d’un pot de moutarde ; dans le domaine des Beaux Arts un film à caractère pornographique sera protégé comme un film de Fellini.
  • Cependant, dans la pratique judiciaire, parfois, les magistrats, sous couvert d’absence d’originalité, sanctionnent l’absence de mérite. Ce qui est banal ne bénéficiera d’aucune protection, qu’il s’agisse de la Propriété littéraire et artistique ou de la concurrence déloyale.

Chapitre 2 : Variété des œuvres protégées :

Quels types de situations rencontre-t-on en PLA ? Une grande variété. Autrefois, les choses étaient plus simple : il n’existait qu’une catégorie d’œuvre : celle créée par une personne physique. Avec le temps le droit s’est affiné, il s’est sophistiqué en même temps que les possibilités techniques pour donner naissance à des sous- familles et à des catégories nouvelles. Cela s’est traduit par une plus grande complexité, tant en ce qui concerne les variétés d’oeuvres protégées

Une liste, non limitative, est donnée à l’article L 112-2 du Code de Propriété Intellectuelle

  1. Littérature :

Les œuvres de types suivants sont concernées par le droit d’auteur

  • Roman : l’auteur d’un roman, ou d’un texte écrit substantiel donnera prise au droit d’auteur, car on y décèlera, dans l’immense majorité des cas, une empreinte de la personnalité. Il en ira de même pour idem pour le traducteur du texte en une langue étrangère, car là aussi, le choix des mots nécessite de faire originalité.
  • L’auteur d’une adaptation, d’une anthologie (L 112-3)
  • Œuvres journalistiques : cela concerne les articles de journaux, mais pas les « brèves » (ex 3 lignes descriptives racontant un fait divers)
  • Écrits scientifiques : ils sont moins souvent protégés qu’une œuvre de fiction car l’originalité est plus difficile à déceler.
  • Guide pratique (oui), mais doute pour le genre de catalogue. C’est à voir au cas par cas.
  • Indépendamment du droit des marques les titres (L 112-4), s’il y a originalité, sont protégés. Exemple : Clochemerle, Charlie Hebdo, Rififi, Tarzan. Idem pour les slogans de la publicité.
  • Lettres : l’expéditeur d’une lettre en reste l’auteur, mais le destinataire peut-il s’opposer à la diffusion (exemple : pour un e-mail). Certainement s’il y a atteinte à la vie privée.
  • Interview : les deux sont auteurs estiment certains arrêts, d’autres que seul l’interviewer l’est. Il aussi il faut voir au cas par cas.
  • Discours, cours, plaidoiries sont protégées.
  • Pas de protection pour les textes publics, les décisions de justice, les informations brutes (exemple : dépêches de l’Agence France Presse).
  1. Œuvres dramatiques (c’est une œuvre pour laquelle il faut un interprète) :
  • Pièces de théâtre (les auteurs apportent souvent leurs droits, dès lors qu’ils écrivent souvent, à la SACD= société des auteurs et compositeurs dramatiques), opérettes, danse, numéro de cirque. La reconnaissance du metteur en scène comme auteur est controversée en jurisprudence. En fait il faut voir in concreto s’il a laissé « l’empreinte de sa personnalité ».
  • Décorateur, costumier : ils sont protégés, mais ils ne sont pas coauteurs de l’œuvre jouée, mais seulement de leur création propre
  1. Musique :
  • Avec ou sans paroles. On examinera l’harmonie et la mélodie pour voir s’il y a un apport créatif. L’arrangement est lui-même une œuvre.*
  • La musique électroacoustique réalisée à l’aide d’un ordinateur laissent une place éventuelle suffisante au créateur pour qu’il puisse bénéficier du droit d’auteur : Paris 3 mai 2006, D 2007, 2653.
  • Attention : beaucoup de musiques ne sont plus protégées, les droits étant dans le domaine public puisque le droit d’auteur est une propriété limitée dans le temps. Exemple : Mozart.
  1. Œuvre audiovisuelle = séquence animée d’images avec ou sans son (art 112-2) :
  • Télévision, cinéma, œuvre audiovisuelle sur support vidéo
  • Pour les retransmissions télévisées d’une pièce de théâtre, ou d’une manifestation publique la jurisprudence est partagée : il faut voir si dans chaque cas si le réalisateur a laissé son empreinte ou s’il s’est contenté de filmer en passif.
  • Film : sont présumés coauteurs (L. 113-7) l’auteur du scénario et de l’adaptation (ex l’adaptation d’un roman à l’écran), l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre, le réalisateur. Pour les autres voir au cas par cas. Le producteur n’est pas auteur. Les personnages de film sont protégés. Exemple : Tarzan (idem pour les bandes dessinées).
  1. Arts Plastiques :
  2. Arts purs :
  • Dessin, lithogravure, sculpture (la simple idée d’une main sortant de terre n’est pas protégeable : sculpteur César), peinture, tapisserie. En principe la protection est systématique.
  • Il semble que la notion de collection soit protégée : affaire Schlumpf (collection de voitures) en tant que fait collectif mais pas en tant qu’œuvre originale.
  • Le restaurateur d’œuvre d’art peut être protégé selon son apport
  1. Arts appliqués :

La protection résulte de la règle dite de « l’unité de l’art ». Celle-ci permet à l’auteur d’un dessin ou modèle (D et M) d’être protégé par le droit d’auteur s’il n’a pas déposé son modèle. Sont concernés par exemple une forme de pâtisserie, un panier à salade.

  • Dessins utilitaires : croquis, dessin d’une robe : dans ce cas il y a possibilité de dépôt d’un Dessin ou Modèle. Idem pour un bijou ou un fauteuil.
  • Plans d’architecture : ils sont protégés s’ils sont originaux. Cela a des conséquences : pour la reproduction en images d’un bâtiment il faut le consentement de l’architecte . C’est un secteur soumis à un certain particularisme. C’est ainsi que l’auteur de la commande aura un droit d’utilisation par propriétaire sans clause de cession, mais en contrepartie l’architecte peut réutiliser le plan.
  • Les jeux : curieusement la jurisprudence les exclut de la protection, ce qui est injuste au regard des autres protections et des jeux vidéo, lesquels sont des œuvres multimédias. Comme ils ne sont pas non plus protégeables par un brevet il reste protection individuelle par Dessin et Modèle ou par les marques.
  • Un défilé de mode est protégeable : Crim 5 févr 2008, CCE 2008, n°33.
  1. Photos :
  • Elles sont protégeables si elles sont originales. Les critères utilisés sont : la composition, l’éclairage, la recherche, les effets spéciaux etc…La jurisprudence distingue l’apport personnalisé du simple travail technique, qui, lui, ne donne pas prise au droit d’auteur. Cette ligne de partage entre technique et apport personnalisé est une règle générale en Propriété littéraire et artistique.
  • Les clichés d’actualité ne sont pas toujours protégés, ce qui ne signifie par pour autant que le cliché n’ait pas de valeur marchande : la photo de l’avion Concorde en feu, prise sur le vif, n’est pas protégeable, mais elle vaut cher.
  • La reproduction d’une œuvre d’art non tombée dans le domaine public = œuvre composite (voir infra) Þ consentement de l’auteur de l’œuvre première requis.

  1. Œuvres de publicité et site internet :
  • A priori c’est une compilation du reste : texte, photo, musique, dessin, film, slogans.
  • En fait c’est un monde en soi, avec ses problèmes spécifiques : application des règles du contrat de commande, incertitude quant à savoir, pour le bénéfice de la cession de droits, qui est le producteur.
  • Pour les mannequins : ils n’ont pas été intégrés dans les droits voisins, mais on leur applique l’article L 763-1 code du travail + droit à l’image.
  • Un site internet peut être original en raison de sa composition, des idées mises en forme, des couleurs, du texte etc… : Versailles 12 janv 2005

  1. Œuvre multimédia : (voir aussi infra in qualification)
  • La page vitrine de l’œuvre multimédia devrait être protégée au titre du droit d’auteur, indépendamment de la protection de l’éventuelle base de données, ayant servi pour l’élaboration du contenu
  • Certains intervenants auront la qualité d’auteur. D’autres non. Le claviste, le scanneur, l’infographiste, les responsables de la numérisation, le photocompositeur, les ingénieurs du son, les metteurs en pages, le sonorisateur, l’indexeur ne seront généralement pas des auteurs. En revanche le seront les auteurs de textes, traducteurs, photographes, dessinateurs, compositeur de texte, scénariste.
  • Les personnages de jeu sont aussi protégés, notamment pour les jeux en ligne (MMOG = massively multiplayer online games) qui consistent en un espace virtuel que les internautes font évoluer. On pourrait avoir des internautes joueurs revendiquant un droit d’auteur sur ces créations.