Droit du travail de la fonction publique

RÉGIME JURIDIQUE DES SALARIES DE LA FONCTION PUBLIQUE

Le fonctionnaire est recruté par un employeur public(État, Collectivités territoriales, Hôpitaux publics, Établissements publics). Il appartient à un corps d’emploi(ex : enseignant, policier...). Il est classé dans une catégorie (A pour les cadres supérieurs, B pour les cadres moyens, C pour les agents opérationnels). Il est titularisé dans un grade (ex: professeur agrégé, commissaire de police..) qui est divisé en échelons. Il est nommé sur un emploi, poste de travail sur lequel il est affecté.



I– Condition juridique personnelle :

Les textes et la jurisprudence rappellent l’application de principe du droit privé aux personnels des entreprises publiques (et des établissements mixtes n’ayant pas un statut de droit public)
Seuls ont le statut de droit public le président, le plus haut dirigeant, les agents comptables de certains EPIC, et les agents de corps de droit public maintenus dans quelques entreprises.
Il en résulte notamment que :
– Les salariés des entreprises publiques ne peuvent bénéficier de dispositions propres aux agents de droit public.
– Le lien entre employeur et salarié est contractuel, même en présence d’un statut réglementaire
– Application du droit privé sauf dispositions spéciales inscrites dans un statut, et sous réserve de régimes particuliers concernant les prestations de sécurité sociale.
– Les litiges sont de la compétence des juridictions prud’homales

Cependant, certaines dispositions propres au secteur public ont été étendues aux agents de droit prive de certaines entreprises.
Ainsi de l’interdiction de cumuls d’emplois ou de rémunérations, étendus aux agents des offices et établissements publics ( ce qui a recouvert, entre autres les entreprises concessionnaires de service public)
Quant aux délits énoncés aux articles 432-6 et 432-12 du Code pénal (corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts) étant imputables à des « personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public » ils peuvent concerner les agents de certaines entreprises publiques, la jurisprudence distinguant les agents soumis à ces dispositions des simples employés, moins durement punis.


Demeure la question du fonctionnaire en détachement ou en disponibilité :
Le fonctionnaire détaché est celui qui, détaché de son corps d’origine, continue à bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite. Les fonctionnaires détachés auprès d’une entreprise publique restent fonctionnaires mais concluent avec cette entreprise un contrat de travail de droit privé ; il est soumis aux « règles régissant la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement » (art 45 L. 11 01 1984) notamment les conventions collectives, ce qui entraîne la compétence judiciaire pour connaître des litiges entre le fonctionnaire et l’entreprise. Les règles privées régissant le licenciement et la fin de carrière ne sont pas applicables puisque le fonctionnaire retrouve alors son statut de droit public.
En revanche, les fonctionnaires des collectivités territoriales affectés à un SPIC locaux dotés ou non d’autonomie conservent leur statut.
Cependant, un fonctionnaire qui a exercé des fonctions incluant le contrôle d’une entreprise privée ou d’une entreprise publique du secteur concurrentiel, ou la passation de contrats avec elle ou la formulation d’avis sur ces contrats et qui entre à son service moins de cinq ans après leur cessation est passible d’une sanction pénale. Si un fonctionnaire qui se trouve dans cette situation et qui souhaite entrer à son service par voie de mise en disponibilité ou après cessation définitive de ses fonctions doit saisir une commission de déontologie propre à chaque fonction publique qui donne un avis (généralement suivi) à l’autorité habilitée à autoriser le départ. L’inobservation d’un refus donne lieu à sanctions (retenues sur pension…)

II- Droit collectif du travail

Le Code du Travail prévoit l’application du droit syndical dans toutes les entreprises (L’art. L 412-1 mentionnant « les EPIC et les établissements publics assurant à la fois un mission de SPA et de SPIC lorsqu’il emploient du personnel dans les conditions du droit privé »), à cet égard, dans les entreprises publiques, des négociations doivent être engagées pour permettre au salarié d’assister aux réunions syndicales.
De même, s’appliquent les dispositions concernant l’élection des DP et le droit d’expression des salariés sur leur lieu de travail, complétées par des droits d’affichage et de participation à des réunions d’atelier ou de bureau prises sur le temps de travail.
La loi du 28 octobre 1982, en visant expressément les EPIC, confirme la possibilité de créer des CE dans les entreprises publiques, la Loi du 26 juillet 1983 leur donnant diverses compétences en plus de celles de droit commun.

La politique dite association « capital-travail » a connu deux applications :
L’intéressement : mécanisme facultatif sous forme d’un versement à des plans d’épargne des salariés de sommes non soumises aux cotisations sociales et calculées en fonction de critères financiers ou physiques liés aux résultats ou performances des entreprises.
La participation : « droit à une fraction des bénéfices », versée aux personnels en franchise de cotisations sociales. Cette fraction est bloquée dans une réserve spéciale de participation, déductible de l’IS, gérée à l’intérieur de l’entreprise (compte courant rémunéré consacré aux investissements ou actions) ou à l’extérieur (achat de SICAV, FCP ou plans d’épargne)
Les entreprises bénéficiaires (6 en 2002) sont fixées par décret, excluant les formules conférant aux salariés un droit de propriété sur le capital. L’inscription est précédée de l’avis de la commission interministérielle des salaires (CIS) et de l’autorisation du MINEFI et du ministre de tutelle sectorielle (des (E) ont été écartées de la première liste en raison d’obligations de SP, RATP, ou de problèmes ne permettant une situation bénéficiaire, SNCF)

En matière de négociation collective, les dispositions concernant les conventions et accords collectifs « s’appliquent aux entreprises publiques, aux EPIC, ainsi qu’aux EP assurant tout à la fois une mission de SPA et de SPIC »
L’Etat surveille la politique salariale : Tentation pour les personnels de profiter de situations de monopole ou de subventions pour revendiquer avantages, majorations corollaires des prix de services indispensables…La CIS (représentants du MINEFI, MT, et M secteur )donne des avis adressés aux ministres en question et à la Cour des comptes sur les décisions modifiant les éléments de rémunération que les (E) doivent lui notifier, ainsi que sur l’évolution salariale annuelle de chaque entreprise.
Des trois mécanismes de règlement des conflits du travail prévus par le CT, la médiation (proposition d’une solution) est très utilisée, la conciliation a été mentionnée dans certaines conventions sociales, mais l’arbitrage qui engage les parties à accepter la sentence, est écarté, spécialement en présence de statuts réglementaires.

Le droit de grève s’applique, mais avec certaines spécificités. Le CE rappelle que ce droit est inférieur au principe suprême de continuité de la vie collective, ce qui concerne essentiellement le SP (et certains agents privés par la loi de ce droit) :
– Réquisition par décret des personnels de (E) nécessaires pour assurer les besoins du pays (licenciement et sanctions pénales)



– Préavis de 5 jours, à peine de sanctions disciplinaires, précisant les motifs de, la date et la durée de la grève, pour les personnels civils de l’Etat, des CL et des « entreprises, organismes et établissements publics ou privés chargés de la gestion d’un SP » (L. 31.7.1963, qui interdit tout forme de grève qui désorganise le service sans implique fortement le personnel, et prévoit une retenue sur salaire d’une journée au moins, même si le grève est plus courte)
– Le gouvernement peut, même en l’absence de disposition législative, fixer la nature et l’étendue des limitations au droit de grève ( Conseil d’Etat, 7 juillet 1950, Dehaene)
Le CE a également reconnu la légalité de circulaires visant certains agents de l’Etat et
applicables aux agents des entreprises publiques (possibilité d’interdire les débrayages intempestifs, retards volontaires, d’imposer des préavis spéciaux)
– La jurisprudence admet aussi que ces restrictions résultent de décisions des organismes gestionnaires de SP, notamment celles qui instaurent un service minimal (fourniture d’électricité par EDF à des établissements prioritaires dont la liste est tenue par le préfet) ; Toutefois, la jurisprudence contrôle l’étendue des interdictions, qu’elles émanent de l’Etat ou des entreprises, triant même parmi les dispositions d’une même décision
– L’exercice du droit de grève peut aussi faire l’objet de règles conventionnelles, reconnues licites par la jurisprudence. Ces règles peuvent prévoir qu’est illicite la grève qui les méconnaît (grève surprise violant une convention prévoyant une conciliation préalable à toute grève)

La pratique du lock-out n’est pas illégale dans le secteur public.


III- Les statuts réglementaires


L’article D- 134.1 du CT donne une liste de statuts réglementaires, qui concerne essentiellement les agents des entreprises publiques.
Ces statuts font préalablement l’objet d’une disposition législative qui soustrait leurs bénéficiaires au principe fondamental de la négociation collective. Des décrets sont ensuite préparés, soit par l’Etat après consultation des principales organisations syndicales et du conseil d’administration, soit par l’entreprise au sein de l’organe délibérant ou d’une commission mixte direction-syndicats, avant d’être soumis à la tutelle. Les statuts peuvent être complétés après négociation sous forme de convention sociale.
Apparus après les nationalisations de 1946 dans un contexte monopolistique, les statuts ont été maintenus, malgré l’évolution de ce contexte et de la part de salariés situés hors statut à raison d’une disposition de celui-ci de la multiplication d’activités exercées hors statut, en raison des avantages qu’ils apportent aux personnels et à la pérennité qui leur paraît résulter de leur caractère réglementaire, sans les priver du fruit d’accords sociaux.
Les statuts réglementaires « n’excluent pas l’existence de contrats de travail conclus dans le cadre de ce statut », faisant de leurs bénéficiaires des salariés de droit privé, et soumis au contentieux judiciaire. Le CE a considéré que du seul fait de l’application de ce statut, ces salariés ont acquis la qualité de salariés de droit privé.





Le droit commun du travail joue un rôle supplétif, lorsque le statut ne comporte pas de dispositions sur un point particulier. De même, la Loi du 13 novembre 1982 admet que « des conventions ou accords d’entreprise peuvent compléter les dispositions statutaires ou en déterminer les modalités d’application dans les limites fixées par le statut », ce que la loi du 10 février 2000 a conforté en ce qui concerne les électriciens et gaziers en prévoyant des accords professionnels pour compléter, dans des conditions plus favorables aux salariés, les statuts.
Juridiquement, les conventions sociales sont des accords collectifs de travail que la jurisprudence considère comme valables dés lors que certains syndicats représentatifs les ont signées (quand une clause suppose l’approbation préalable de l’autorité de tutelle, cette approbation est nécessaire à leur validité)
Les conventions ont souvent complété les statuts sur des points qui auraient pu l’être après modification, la jurisprudence rappelant le principe selon lequel les conventions ne peuvent ni remplacer ni contredire les statuts.

En matière de carrière, la situation des salariés se rapproche de celle de la fonction publique (recrutement par titularisation, classification par emplois en échelles, licenciements très réglementés ou non prévus, sanctions disciplinaires nécessitant l’intervention de commissions paritaires qui ne peuvent, toutefois, se substituer au CPH)
Les rémunérations découlent du classement dans un échelon d’une échelle, sauf pour les personnels « hors échelle » (rémunération fixée par le CA à EDF)
De manière générale, les avantages consentis aux salariés sous statut sont supérieurs à ceux de la fonction publique et du privé, de même que les prestations de sécurité sociale. Les œuvres sociales font l’objet de dispositions spéciales. Les statuts prévoient des régimes de retraite proches de ceux de la fonction publique, mais l’âge des retraites , fixé en fonction de la pénibilité des métiers et la durée de vie d’il y a un demi-siècle, est très bas.