Droit musulman

Cours de droit musulman

Le droit musulman est le Droit qui régi les adeptes de la religion islamique. Au départ, le droit musulman a longtemps été un objet de curiosité éloigné qui n’intéressait que les orientalistes. La connaissance du droit musulman s’est accrue en France en raison de la colonisation du Maghreb. Le droit musulman est devenu familier en raison de la mondialisation, de l’importance des médias et à certains égards, il est devenu parfois lisible dans les sociétés occidentales. Pour comprendre ce qu’est le droit musulman, il convient au préalable d’essayer de définir le terme « musulman ».

PS : cours transmis par une lectrice régulière du site que je remercie beaucoup, n’ayant aucune connaissance en droit musulman, je ne peux garantir la fiabilité du contenu.

Les musulmans sont ceux qui se reconnaissent dans la religion révélée par Mahomet dans le Coran. Au début de l’année 2012, ceux qui se reconnaissent dans la religion révélée par Mahomet étaient 1,5 milliards.

Seuls 20% d’entre eux sont arabes. Le groupe de musulmans le plus nombreux se trouve en Indonésie. La France qui n’est pas par tradition un pays à tradition musulmane compte 4 millions de musulmans. La religion musulmane est la religion la plus importante en France après la religion catholique. On considère en général que la population musulmane dans le monde et en France va continuer à s’accroître même si on peut penser qu’à terme elle aura des taux de fécondité comparables aux autres groupes de population.

Cet islam est divers dans ses rites, dans ses pratiques, mais est souvent perçu de façon assez homogène et il fait le plus souvent l’objet d’un rejet dans plusieurs pays occidentaux. Un sondage réalisé en décembre 2010 révélait qu’aussi bien en France qu’en Allemagne l’islam était perçu comme une menace pour l’identité de leur pays. Selon un sondage portant sur la France publié en janvier 2013, 74% des personnes interrogées considéraient l’islam comme une religion intolérante, incompatible avec les valeurs de la société française. Pour 8 personnes sur 10 existait l’idée selon laquelle l’islam comme religion chercherait à imposer son mode de fonctionnement aux autres. Il y a dans ce rejet de l’islam des raisons peut qualifier de propres à la France et de circonstancielles : affaire du voile, restauration halal dans les cantines scolaires, attentats de Toulouse. Il y a d’autres raisons qui peuvent s’ajouter à celle-là. L’affaire Merah est un élément circonstanciel instrumentalisé par la suite

 

Les raisons du rejet de l’islam et du droit islamique sont des raisons qui se sont cumulées et sédimentées à travers l’histoire. La première raison tient à l’ancienneté de l’affrontement entre chrétiens et musulmans. En France, Charles Martel qui arrête les arabes à Poitiers, croisades, affrontements d’ordre politique, militaire et religieux, etc. Dans d’autres pays, la présence musulmane a été tardive (Espagne). Cet affrontement entre chrétiens et musulmans est quelque part dans les représentations et la mémoire collectives. Il suffit qu’un élément déclenche cette mémoire pour qu’elle soit réinvestie d’une charge émotionnelle négative.

Il y a une deuxième raison qui est une raison plus forte qui est souvent liée à des processus de simplification. La loi islamique, la charia, peut sembler marquer d’une forme d’inhumanité ou pour le moins d’une très grande sévérité. La charia est porteuse d’obligations, d’interdits et prévoit des châtiments. Il arrive que dans un certain nombre de pays ces châtiments soient appliqués en public. La connaissance de ces châtiments suscite une forme d’effroi et peut susciter une forme de rejet dans un certain nombre de pays musulmans de la part d’autorités religieuses musulmanes. Ces châtiments sont le fouet. La police religieuse d’Arabie-Saoudite avait condamné une veuve syrienne de 75 ans à 40 coups de fouet et 4 mois de prison parce qu’elle avait reçu chez elle deux jeunes hommes qui avaient fait ses courses mais qui n’appartenaient pas à sa famille directe. La même année, au Soudan, plusieurs femmes avaient été condamnées à 40 ans coups de fouet pour s’être installées en pantalon dans un restaurant. La deuxième pratique est l’amputation. Pratiquée récemment au Mali à l’encontre des voleurs dans les zones contrôlées par les islamistes. La troisième pratique est la lapidation. La lapidation est pratiquée assez régulièrement : cas en 2010 de deux jeunes Afghans morts lapidés après avoir été condamnés pour adultère et en juillet 2012 dans le Nord du Mali pour un couple non marié ayant deux enfants. La charia ainsi conçue a connu une sorte d’extension. Dans un certain nombre de circonstances, des forces islamistes rebelles au Pakistan et au Mali ont accepté d’engager des pourparlers à condition de mettre en place la charia. Elle a connu un début d’application en Tchétchénie et a été appliquée dans les zones sous contrôle des islamistes dans le Nord du Mali. Il y a par conséquent dans les parties du monde où domine la religion musulmane la volonté de faire régner cette charia. Les puissances occidentales sont intervenues en Lybie pour évincer le colonel Kadhafi. Le Conseil national de transition lybien qui a succédé à Kadhafi a décidé que la législation serait désormais fondée sur la charia. On pensait que cela pouvait avoir pour conséquence le rétablissement de la polygamie qui avait été interdite.

Un cas révèle assez bien la complexité du processus, celui de la Tunisie. Le parti islamiste au pouvoir Ennahda (Renaissance en français), avait annoncé au départ qu’il n’y aurait pas d’autre référence religieuse dans la constitution que celle contenue à l’art. 1er: « L’islam est la religion et l’arabe la langue officielle ». Après avoir gagné l’élection, le parti a émis l’idée d’introduire dans la constitution la référence à la loi islamique. Le parti, par la voix de ses dirigeants parlementaires a ainsi proposé l’application progressive de la charia tout en précisant « couper la main des voleurs ou flageller les femmes adultères ne peut être appliqué si le contexte économique ne s’y prête pas ». La constitution tunisienne de 1959 promulguée par Abib Bourguiba comportait un certain nombre de références religieuses même si globalement Bourguiba avait procédé à une laïcisation du droit tunisien. Il a par exemple supprimé la polygamie. L’art. 1er de la constitution indiquait que la Tunisie était un État libre, indépendant et souverain, sa religion l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république. Il était fait référence à Dieu dans le serment prononcé par les députés. L’art. 38 précisait à propos du président de la République qu’il était le chef de l’État, sa religion est l’islam. À la fin du mois de mars 2012, les islamistes au pouvoir en Tunisie ont renoncé à introduire dans la constitution une référence à la charia pour le motif suivant : « la charia est une notion un peu floue pour l’opinion publique et des pratiques erronées dans certains pays ont suscité la peur ». La constitution adoptée le 27 janvier 2014 est un compromis. Il est fait référence à l’islam mais il est dit à l’art. 2 que la Tunisie est un État civil. Selon l’interprétation qui a été donnée par un grand juriste tunisien Diab Ben Achour, la constitution choisit dans son texte de donner un petit coup de chapeau au sacré, elle ne choisit pas de criminaliser les atteintes au sacré. Cela apparaît assez bien dans l’art. 6 de la nouvelle constitution : « L’État est le gardien de la religion, il garantit la liberté de conscience et de croyance, le libre exercice des cultes, la neutralité des mosquées et … » (al. 1), « L’État s’engage à diffuser les valeurs de la modération et de la tolérance et à la protection du sacré et à l’interdiction de toute atteinte à celui-ci. Il s’engage également à la lutte contre les appels au takfir et à l’incitation à la violence et à la haine » (al. 2). La constitution de 1959 faisait déjà référence à la liberté de conscience dans l’art. 5. Le deuxième alinéa de l’art. 6 de la nouvelle constitution proclame un État qui se veut modérateur et qui veut interdire l’incitation à la violence et à la haine et qui veut interdire l’appel au takfir (déchéance du statut du musulman). Idée de tolérance dans cette constitution malgré la présence au pouvoir des islamistes. Dernier aspect au sein de cette constitution qui a fait débat : l’égalité des sexes. Les islamistes auraient souhaité qu’on parle de complémentarité des sexes. Les organisations féministes ont considéré que cette idée n’était pas acceptable : cela signifie que les rôles sont différents. La constitution nouvelle garantit au fond ce qui a été acquis par le femme tunisienne avant la constitution. Art. 46 : « l’État s’engage à protéger les droits acquis de la femme et œuvre à les renforcer et à les développer. L’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme. … L’État œuvre à la parité entre les hommes et les femmes dans les assemblées parlementaires », « violences contre la femme », etc.

D’autres dispositions de la charia comme le blasphème. Éléments visibles dans un certain nombre de zones éloignées de nous. Elles ont produit aussi des effets sur les sociétés occidentales selon un phénomène d’acculturation. En Ontario s’est posé la question de l’existence de tribunaux islamiques qui devaient s’inscrire dans une loi sur l’arbitrage qui avait été utilisée par les catholiques et par les juifs. Ces tribunaux ont été interdits. En Autriche, une thèse de doctorat a été soutenue en 2009 sur l’enseignement de la religion musulmane en Autriche. Il apparaissait qu’un enseignant sur 5 concerné par cette pratique rejetait la démocratie qui était considérée comme incompatible avec l’islam. Un peu plus du ¼ de ces enseignants considérait que la religion musulmane était incompatible avec le fait d’être européen. La situation a pu sembler plus problématique encore en Grande-Bretagne dans la mesure où un sondage réalisé au début de l’année 2006 révélait que 40% des musulmans britanniques souhaitaient instaurer la charia dans les zones où leur communauté était majoritaire. Le plus haut-magistrat anglais de l’époque considérait que les musulmans du royaume devaient pouvoir régler leurs affaires privées par la charia pourvu que les règles appliquées ne soient pas contraires aux lois anglaises : logique communautariste. Un sollicitor qui était un dirigeant fondamentaliste musulman avait proposé en mars 2009 un programme prévoyant l’application de la charia en Grande-Bretagne. Parmi ses propositions : toute femme devait porter la burqua, une femme adultère devrait être lapidée à mort, les gens ivres devraient recevoir 40 coups de fouet en public. La presse avait révélé à l’époque que ce sollicitor fondamentaliste qui avait été étudiant à l’université de Southampton ne dédaignait ni l’alcool, ni la drogue, ni la pornographie. Manifestations anti-charia à Londres.

I. Les origines de la religion musulmane

A. Contexte

Il faut faire référence à Mahomet. Plusieurs présentations de ce personnage qui est un prophète comme Abraham ou Jésus Christ mais qui présente des caractéristiques particulières. Mahomet est l’envoyé de dieu, il n’en est pas le fils, ni dieu lui-même.

VIème siècle après JC : triomphe de Byzance devenue Constantinople, ville chrétienne, capitale, nouvelle Rome. Puissance rivale : la Perse animée par une religion fondée sur l’opposition entre les principes bons et les principes mauvais. Au sein de cet empire Perse, il existe des minorités religieuses tolérées qu’il s’agisse des juifs ou des dissidents chrétiens. Il y a aussi les Saracènes (Sarrasins), ce sont les arabes. Ces arabes se divisent en deux groupes : un groupe de bédouins et un groupe d’agriculteurs. Les bédouins habitent la partie aride et il y a des chameliers et des populations sédentaires qui vivent dans des oasis et sont sous la domination de ces chameliers. Ces chameliers se livrent au commerce et se livrent à la razzia (biens dont ils s’emparent par la force). Chez ces arabes, il y a une culture relativement avancé. Ils pratiquent le culte de l’éloquence, le culte de la poésie. Sur le plan religieux, ils croient aux esprits, aux djinns, aux divinités. Parmi ces divinités, l’une s’appelle Allah. Ils sont polythéistes. Ils pratiquent le sacrifice, la circoncision et le pèlerinage, le hajj/hadj. Ils sont organisés en tribus. Au Sud, il y a une civilisation différente de cette civilisation nomade, une civilisation sédentaire fondée sur l’agriculture et le commerce, plus élaborée, il y a des palais, des installations hydrauliques et il y a une pratique du culte dans des temples dédiés à des divinités nombreuses, pratique polythéiste. Pratiquent aussi le pèlerinage et sont politiquement organisées en États monarchiques. L’Arabie n’est pas isolée du monde. C’est un lieu de passage de caravanes et les deux empires (Byzance et Perse) essaient de s’appuyer sur les arabes dont certains ont abandonné le polythéisme pour se convertir soit au judaïsme, soit au christianisme. Ces tensions internationales suscitent une forme de crise chez les bédouins. Cette crise amène un déclin des valeurs tribales et une aspiration à une forme religieuse qui ne soit pas une forme religieuse d’origine étrangère : « la nouvelle religion sera monothéiste comme le sont déjà le judaïsme et le christianisme, mais arabe ».

B. Mahomet

Serait né en 570 à La Mecque. Se situe dans une gorge qui peut être inondée. À la fois un centre commercial et un sanctuaire. Les deux allant de paire car les marchands étaient protégés et il y avait depuis les origines une pierre noire en forme de cube qui faisait l’objet d’un culte. Il semble qu’il ait perdu très tôt ses parents mais les sources relatives à sa vie sont assez contradictoires. Dans la tradition relative à Mahomet, il y a toujours l’idée que seul dieu connaît véritablement le détail des choses : hadit et Dieu est le plus savant.

Orphelin très tôt, recueilli par une nourrice nomade Hanila, accueilli par son grand-père puis par son oncle paternel et il épouse assez tard une femme commerçante qui est plus âgée et riche que lui, deux fois veuves et mère de plusieurs enfants : Khadija. Cette femme qui va lui donner 7 enfants se livre au commerce et elle emploie des caravanes qui rapportent à La Mecque des marchandises qui viennent de Byzance. Elle a engagé Mahomet à son service et ce mariage lui apporte une véritable sécurité matérielle. Il est donc relativement riche, considéré comme sage et équilibré, auquel on va demander éventuellement d’arbitrer des conflits.

Cet homme a eu 4 filles avec Khadija. Il est alors monogame, ce n’est plus le cas après le décès Khadija. Ses fils sont morts en bas-âge, pas d’héritier mâle, et il adopte alors deux garçons, l’un est son cousin, Ali, et l’autre est un esclave, Zayd. Mahomet s’intéresse aux religions du livre (fondées sur la Bible, Ancien ou Nouveau Testament). Ces religions présentent une forme plus aboutie que le paganisme arabe et Mahomet peut apparaître à certains égards comme un devin ayant certaines caractéristiques des prêtres dans la religion juive. Mahomet est déjà un homme mûr, a autour de 40 ans, à l’occasion d’une retraite dans une grotte, il reçoit la révélation qu’il est l’envoyé de dieu. Cette révélation se fait par l’intermédiaire d’un personnage connu des lecteurs du Nouveau Testament, l’archange Gabriel. Mahomet découvre par conséquent une forme religieuse nouvelle. Cette forme religieuse nouvelle contient comme élément central l’idée d’unité de dieu. Mahomet se voit révéler la parole de dieu par une lecture ou une récitation (qor’ân). Mahomet reçoit la parole de dieu comme avant lui d’autres prophètes l’ont reçue. En 619, à la mort de sa première épouse, Mahomet épouse une autre veuve, Sawda. Il se fiance avec la fille d’un de ses compagnons qui est un marchand aisé, âgée de 6 ans, Aïcha, la préférée de Mahomet. Il parle alors pour une oasis, l’oasis de Médine car il estime qu’il n’est plus suffisamment protégé à La Mecque. Ce départ pour Médine se fait en 622 qui marque le début de l’Hégire (signifierait émigration) et de l’ère musulmane. Mahomet s’installe à Médine et il épouse Aïcha. Il joue alors plusieurs rôles. Il peut jouer un rôle d’arbitre et puis il joue surtout un rôle de chef de guerre en rencontrant différentes résistances, celle des polythéistes et des juifs dont il était pourtant proche au départ. Il attaque les caravanes qui viennent de La Mecque en gardant pour lui 1/5 du butin.

Il remporte différentes victoires, en particulier contre les juifs et il se marie pour la troisième fois avec une jeune veuve de 18 ans, Hafça. Il est ensuite battu par les mecquois. La réflexion religieuse de Mahomet s’approfondit, comme les juifs, les musulmans sont des descendants d’Abraham mais la religion musulmane devient à part entière. Les musulmans sont soumis à la volonté d’Allah. Les luttes se poursuivent, des musulmans sont massacrés, Mahomet chasse les Juifs de Médine après coupé leurs palmiers et se marie deux nouvelles fois. Un incident fâcheux intervient, sa femme préférée, Aïcha, est accusée de l’avoir trompé. Il est troublé mais heureusement dieu vient à son secours et il décide que désormais les accusations d’adultère devront être appuyées par 4 témoins. Si l’accusation est juste, chacun des coupables recevra 100 coups de fouet. Si, en revanche, les accusateurs ne peuvent produire de témoins, ils recevront chacun 80 coups de fouet.

Les femmes du prophète vont être davantage protégées. Se produit un nouvel incident qui est à l’origine d’une spécificité des droits musulmans, le prophète découvre la femme de l’un de ses fils adoptifs, Zaïd, ancien esclave, et Allah dans sa grande sagesse lui ordonne de l’épouser. Le fils adoptif rompt donc avec sa femme. Considéré comme une sorte d’inceste d’épouser la femme de son fils. Il va en résulter une règle : l’impossibilité de l’adoption en droit musulman. À la suite de cette péripétie, la ville de Médine où s’est réfugié le prophète fait l’objet d’un siège. Mahomet réussit à défendre la ville mais à la suite de cela, il fait massacrer tous les hommes juifs qui vivaient dans la ville mais à titre de compensation, il prend une concubine parmi les juives restées veuves.

Après différents affrontements, et 5 après son arrivée à Médine, il est devenu le chef d’un véritable État. Cet État n’est plus la Médine des origines dont la population était relativement hétérogène avec des juifs et des païens. Cet État constitué par Mahomet dispose d’une puissance financière et militaire. Cependant, il n’a pas d’armée permanente et il doit compter avec les chefs de tribus pour lever des troupes. Mahomet est très riche, il reçoit 1/5 des butins.

À la tête d’un véritable État, il essaie d’établir des règles, de limiter la vendetta, d’interdire l’infanticide des filles fréquent chez les habitants pauvres. Il y a certes des limites, l’esclavage n’est pas aboli, on coupe la main des voleurs. La polygamie prévaut, en partie d’ailleurs pour protéger les veuves. Quand une femme avait perdu son mari, sa seule façon de subsister était de trouver un autre mari. Véritable législation qui constitue un progrès objectif par rapport à la situation antérieure. Les musulmans disent que l’islam a amélioré la situation de la femme.

En 628, Mahomet se rend à La Mecque. Il épouse la fille d’un petit banquier. En 630, à la tête d’une armée de 10 000 hommes, il conquiert La Mecque, il abat les idoles du temple, 8 ans après son arrivée à Médine. Il va faire des conquêtes jusqu’aux limites de l’Empire byzantin avec parfois des conversions. Il a des alliés qui acceptent de verser tribut, princes chrétiens ou localités juives. Il semble à la fin de sa vie que Mahomet ait eu encore 10 femmes et des concubines mais il y a des jalousies au sein du harem malgré le principe de rotation des faveurs maritales. À la fin de sa vie, il part en pèlerinage à La Mecque débarrassé de toutes croyances païennes et meurt en 632. Ses successeurs vont se diviser, certains seront assassinés. Les musulmans vont s’étendre jusqu’à Poitiers, d’un côté, et en Ouzbékistan de l’autre.

Si l’on souhaite aujourd’hui étudier le droit musulman, on peut se référer à 3 ouvrages :

– Louis Milliot, Introduction à l’étude du droit musulman, 1953. Louis Milliot (1885-1961) est né en Algérie dans le département de Constantine où son père était médecin et son grand-père était déjà établi. A fait des études de droit à Alger puis à Paris. A été reçu au concours d’agrégation en 1920 après avoir rédigé deux thèses sur le droit musulman. Il a enseigné le droit musulman à Alger et à Paris. L’ouvrage de Milliot a été repris en 2001 par un professeur de l’université de Perpignan qui a travaillé au Maroc, Français-Paul Blanc.

– Joseph Schacht (1902-1969), né en Haute-Silésie (Pologne aujourd’hui, allemand à l’époque), dans une famille catholique. A reçu une formation classique de latin, de grec, de français, d’anglais, a découvert aussi l’hébreu et a fait des études de théologie avec une spécialisation dans les langues classiques et sémitiques. Professeur d’université en Allemagne en 1929. Voyages, dont au Caire, où il enseigne. Quitte définitivement l’Allemagne en 1934, n’écrit plus en allemand et ne parle plus allemand. En Angleterre pendant le Deuxième Guerre mondiale, au service des Alliés. À partir de 1944, commence à enseigner à l’université d’Oxford les études arabes et islamiques et devient sujet britannique en 1947. Accomplit ensuite de très nombreux voyages aux EUA et enseigne en particulier à l’université de Colombia. Schacht ne tenait pas l’ouvrage de Milliot en très haute estime : « ouvrage synthétique de qualité inégale à utiliser avec précaution ».

– Recueil de mélanges(recueil de textes, de chapitres que des disciples ou des collègues rassemblent en un ouvrage pour honorer un universitaire qui prend sa retraite). Il s’agit en l’occurrence des mélangesen honneur de Ahmed Mahiou, publié chez Publisud, Le débat juridique au Maghreb, de l’étatisme à l’État de droit. Un chapitre de Ben Achour, juriste tunisien, dans cet ouvrage.

Premier éléments de contexte : l’arrière-plan préislamique. Il y avait chez les bédouins (nomades) un droit coutumier. En parallèle, il y avait un droit plus élaboré à La Mecque (ville religieuse et de négoce). Dans cette période, le droit de la famille et le droit pénal présentait un caractère tribal, il pouvait changer selon la tribu. En l’absence de véritable État et d’autorité judiciaire, on laissait une place significative à l’arbitrage. Les biographes de Mahomet souligne qu’il a réglé un certain nombre de conflits, son avis était sollicité.

Il y a ensuite des éléments qui ont été ajoutés après la mort du prophète. Ces éléments ne se trouvent pas dans le Coran. Le plus emblématique est la lapidation pour cause d’adultère qui a peut être été empruntée à la tradition juive même si ce point est discuté. Il y a une influence probable de droits étrangers, le droit romain par exemple. On a pu se demander si l’idée selon laquelle le père était le mari de la mère n’était pas d’origine romaine : pater is est quem nuptiae demonstrant (le père est celui que désigne les noces). Après la mort du prophète, on a mis en place les cadis qui rendaient la justice pour les musulmans et assumaient un certain nombre d’actes.

La religion musulmane comporte cinq règles fondamentales :

  1. – l’acte d’adhésion à l’islam qui implique la croyance en un dieu unique,
  2. – le prononcé de cinq prières par jour,
  3. – l’aumône, pratique assez habituellement suivie dans les communautés musulmanes (aumône en argent ou don de viande par exemple lorsqu’un animal est utilisé à l’occasion d’une fête),
  4. – le jeûne assorti d’un certain nombre d’obligations pendant le mois du ramadan (ni on ne boit, ni on ne mange du lever jusqu’au coucher du soleil). Ce ramadan comporte un certain nombre d’exceptions pour les personnes malades, en bas âge, etc. La règle est assez respectée. Dans les pays musulmans, elle apparaît comme une véritable contrainte sociale.
  5. – le pèlerinage (hadj) à La Mecque. Voyage onéreux, difficile et parfois risqué. Confère un statut particulier à celui qui l’a opéré, forme de respect particulier.

II. Les sources du droit musulman

Le droit musulman comporte différentes sources :

  • – les sources légales originelles,
  • – les sources légales dérivées,
  • – les sources spontanées,
  • – le règlement et la loi.

A. Les sources légales originelles

Elles constituent ce qu’on appelle shar ou sharia.

Il y a d’abord le Coran qui selon la foi musulmane a été transmis par Allah, dieu unique, à Mahomet, au cours de révélations successives. Le Coran se divise en chapitres qu’on appelle les sourates (il y en a 114) qui se divisent elles-mêmes en versets (6219 au total). L’impression que donne ce texte à la différence par exemple de ce qu’étaient au départ les codes et de ce qu’ils sont toujours, c’est qu’il n’a pas d’ordonnancement logique. Le Coran est en partie seulement composé de prescriptions juridiques : 600 versets concernent le droit, soit 1/10 de la totalité.

La deuxième source légale est la Sunna. La Sunna est la tradition relative au comportement du prophète et parfois relative à ceux qui ont précédé le prophète. Cette tradition est faite de récits qui sont appelés hadiths. Cette tradition pose bien évidemment un problème de fiabilité. Il y a le risque de tomber sur un hadith tendancieux. À partir du IIIe siècle de l’Hégire (commençant lorsque Mahomet se rend à Médine), la connaissance des hadiths est devenue une véritable science. On vérifie pour chacun d’entre-eux d’abord la chaîne de transmission, ensuite la cohérence par rapport à l’ensemble. On a ainsi établi une sorte de distinction ou de typologie entre les hadiths parfaits, les hadiths bon et les hadiths faibles. À partir de là, on a fabriqué des recueils de textes qui constituent une sorte de codification ajoutée au Coran.

Reste à dégager le sens des règles que contiennent le Coran et la Sunna. En effet, le langage utilisé dans ces textes est souvent un langage métaphorique, qui parle par images. Certains des termes employés sont polysémiques. L’interprétation du texte peut se trouver dans les hadiths qui complètent le Coran mais eux aussi doivent faire l’objet d’une analyse, d’une exégèse. Il y a dans le meilleur des cas des textes qui sont clairs et qui sont mêmes explicites. Par exemple, dans le Coran, ces versets : « Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure » ; « épousez comme il vous plaira, deux, trois ou quatre femmes ». Certains termes demeurent obscurs et parfois incompréhensibles. Il peut y avoir contradiction entre des textes. On est amené ainsi à combiner des textes pour en dégager une règle. Ainsi, le verset « Tranchez les mains du voleur et de la voleuse, ce sera une rétribution pour ce qu’ils ont commis et un châtiment de Dieu ». Ce verset paraît clair mais on en a atténué la portée en le combinant avec d’autres dispositions sur le montant du vol qui était contenu dans des hadiths. Il faut préciser aussi que dès l’origine même, la question s’est posée de savoir s’il fallait prendre la parole coranique telle quelle ou s’il convenait de la replacer dans le contexte qui avait permis sa révélation.

B. Les sources légales dérivées

Ces sources légales dérivées sont d’abord l’idjma : il s’agit de l’assentiment général de la communauté musulmane ou plus précisément des juristes. D’une certaine façon, l’idjma serait un prolongement de la révélation divine. Ce serait la dernière manifestation de cette inspiration divine. Bien évidemment, avec l’extension du monde musulman, une discussion est née sur l’ampleur temporelle et géographique de cet idjma. La discussion a été relayée par les divisions qui sont apparues au sein des écoles islamiques. On peut considérer aujourd’hui que cette source conserve une valeur symbolique.

La deuxième source légale dérivée est la déduction analogique : kiyas. L’analogie est la ressemblance entre deux êtres ou entre deux choses. La méthode analogique a été utilisée en grammaire, en médecine et en philosophie. Cette méthode est utilisée aussi en droit et elle consiste à ce qu’une règle posée par un texte pour un problème soit étendue à un problème similaire. Cependant, ce mécanisme analogique n’a pas la même valeur qu’un verset du Coran, qu’un hadith ou qu’une solution d’idjma. La règle peut néanmoins devenir ensuite une solution d’ijma.

La troisième source légale dérivée concerne la création de la règle de droit : idjtihad. Cette possibilité de créer des règles de droit est prévue par le Coran. Les premiers califes étaient des juristes. C’est l’opinion collective des juristes, l’idjma, qui peut fonder une règle obligatoire. Il y a une valorisation au début de l’ère islamique, après la mort du prophète, de celui qui crée la loi. Il est auréolé de sagesse et de savoir. Le terme utilisé pour le désigner est celui de mudjtahid.

C. Les sources spontanées

Ces sources qu’on qualifie de spontanées sont la coutume et la jurisprudence (musulmane).

1. La coutume : orf

La coutume est en théorie une source auxiliaire du droit mais elle a joué un rôle de premier plan avant l’avènement de l’islam et elle a pu coexister dans certaines régions avec le droit musulman écrit. C’est à dire que continuaient à fonctionner les coutumes. La connaissance des coutumes a été considérablement amplifiée par des enquêtes qui ont été menées à la fin du XIXe siècle. Il y a pour l’Algérie une enquête très importante qui a donné lieu à la publication d’un gros ouvrage particulièrement riche. Elle a été menée grâce à l’action de trois personnes :

– un officier berbérisant, Hanoteau,

– un conseiller à la cour d’appel d’Alger, Letourneux,

– ces deux auteurs ont bénéficié de l’aide d’un informateur kabyle, Si Moula Tait Ameur.

Ces coutumes étaient difficiles à relever dans la mesure où à l’époque, la langue berbère était une langue parlée mais pas une langue écrite. On a recueilli des témoignages en berbère. On a utilisé aussi des sources écrites en langue arabe, kanun, qui étaient des règlements de villages. Chacun des kanun valait pour un seul village et il était probablement élaboré par un comité restreint de la djemar qui était l’assemblée de village, réservée aux hommes. C’est dans cette assemblée que se prenaient les décisions relatives à la vie du village. Certains observateurs du XIXe siècle ont cru voir dans la djema à Kabyle, une forme d’assemblée démocratique, voir d’une assemblée parlementaire. Chaque village avait sa coutume, son kanun et lorsqu’on lit ce recueil de coutumes kabyles de Hanoteau et Letourneux, on constate effectivement qu’un même délit est puni différemment selon qu’on est dans un village ou dans un autre. En général, il y a une multiplicité de règles valant chacune pour un village déterminé. Il y a cependant une disposition plus générale remontant à 1742 qui décidait pour l’ensemble des villages que les femmes seraient exclues de la succession. On a pu considérer que l’avantage de cette coutume, de cette norme juridique, c’était sa plasticité.

2. La jurisprudence : amal

Cette jurisprudence est disponible dans les ouvrages de pratique judiciaire. On trouve aussi des recueils de consultation qu’on appelle fatwa. Ces recueils de jurisprudence ont pris dans certains cas une forme très élaborée. Ils ont été présentés sous forme de poèmes. Ces recueils de jurisprudence musulmane ont été plus importants au Maroc qu’en Algérie faute d’une autorité politique structurée en Algérie.

D. Le règlement et la loi

On est passé progressivement de textes proposés par le souverain, notamment en Turquie, à des textes adoptés par des assemblées et à des textes qui peuvent prendre la forme d’un code.

En Algérie, depuis 1975, il y a un Code civil. Ce code a été modifié à plusieurs reprises, en particulier en 2007. Il existe une différence importante par rapport au Code civil français, différence qu’on trouve dans d’autres pays musulmans. Le Code civil algérien n’englobe pas le droit de la famille. Il existe ainsi depuis la loi du 9 juin 1984, un Code de la famille spécifique. Pour le reste, le Code civil algérien dans son vocabulaire et son organisation est assez proche du droit français. Le livre I comporte des dispositions générales. Le livre II s’occupe des obligations et des contrats, le livre III des droits réels principaux, le livre IV des droits réels accessoires ou des sûretés réelles. L’Algérie dispose d’un Code pénal depuis 1966, modifié en 2009. Ce Code pénal algérien tranche par rapport au Code pénal français au mois à deux égards. Il accorde une grande importance aux crimes et aux délits contre la chose publique : la trahison, l’espionnage, le terrorisme, la participation à un mouvement insurrectionnel. De plus, il y a la sacralité accordée au Coran. C’est ainsi que l’art. 160 du Code pénal algérien punit de 5 à 10 de prison, « quiconque volontairement et publiquement, détruit, mutile, dégrade ou profane le livre sacré ». L’art. 170 prévoit la même peine pour quiconque commet la même action à l’égard de l’emblème national. La deuxième différence est l’importance des crimes et délits contre la famille et les bonnes mœurs :

– l’avortement est sanctionné pénalement pour l’acteur extérieur de 1 à 5 ans de prison et de 20 000 à 100 000 dinars d’amende. Cette peine est accrue s’il s’agit d’une infraction répétée ou si la femme est morte des suites de cet avortement. La femme qui se fait avorter elle est passible de 6 mois à 10 ans de prison et d’une amende de 20 000 à 100 000 dinars. Une exception est prévue par l’art. 308 du Code pénal : « l’avortement n’est pas puni lorsqu’il constitue une mesure indispensable pour sauver la vie de la mère en danger et qu’il est ouvertement pratiqué par un médecin ou un chirurgien après avis donné par lui à l’autorité administrative ».

– l’homosexualité est aussi condamnée. L’art. 338 du Code pénal dispose « tout coupable d’un acte d’homosexualité est puni d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 20 000 à 100 000 dinars », « si l’un ou l’une des deux parties a moins de 18 ans, l’autre si elle est majeure peut recevoir jusqu’à 3 ans de prison ».

– l’art. 339 prévoit un emprisonnement d’un à douze ans pour la femme adultère et son complice et pour l’homme adultère et sa complice. Mais la poursuite ne peut être engagée que sur plainte du conjoint offensé et son pardon y met fin.

Il y a au Maroc un Code de la famille depuis 2004 et un Code pénal depuis 1963. Il y a des dispositions qui n’existent pas ou pas sous cette forme dans les droits européens. Il y a d’abord une disposition qui punit la rupture du jeûne pendant le temps où il s’impose dans un lieu public. Art. 222 du Code pénal : « celui qui notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane rompt ostensiblement le jeun dans un lieu public pendant le temps du ramadan sans motif admis par cette religion est punis de l’emprisonnement de 1 à 6 mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams ». Il y a des dispositions souvent évoquées qui concernent les enlèvements non réprimés de jeunes filles mineures. Art. 475 du Code pénal : si un homme enlève une mineure, il n’est pas poursuivi s’il l’épouse. L’art. 486 est relatif au viol, sanctions lourdes, mais mises entre parenthèses si le coupable épouse la jeune fille violée.

Le Code pénal précise même que la peine pour le violeur est de 20 ans de prison si le coupable est un ascendant, un serviteur à gage de la jeune femme violée ou un fonctionnaire. La peine est accrue s’il y a eu défloration de la jeune fille en vertu de l’art. 488 du même Code pénal. Dans le Code pénal marocain, il y a des dispositions sur la sexualité qu’on ne rencontre plus dans les pays occidentaux. L’art. 489 du Code pénal marocain : « est puni de l’emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 120 000 dirhams quiconque commet un acte impudique ou contre nature avec un individu du même sexe ». Il y a également des dispositions qui sanctionnent les relations sexuelles hors mariage, art. 490 du Code pénal, emprisonnement d’un moins à un an. Il y a une sanction de l’adultère, art. 491 : emprisonnement d’un à deux ans, poursuite que sur plainte du conjoint offensé. Art. 492 : le retrait de la plainte par le conjoint offensé met fin aux poursuites exercées contre son conjoint adultère. Dispositions assez proches de celles du droit pénal algérien.

Il existe en Tunisie un Code pénal qui remonte à 1914 et a connu une série de modifications dont les dernières en 2009. Ce Code pénal tunisien comporte lui aussi des dispositions qui ressemblent à celles qu’on peut trouver dans les autres droits du Maghreb. Sont-elles appliquées ? L’art. 230 sanctionne la sodomie de 3 ans de prison. L’art. 227 bis punit de 6 ans de prison « celui qui a fait subir sans violence l’acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de 15 ans accomplis ». « Le mariage du coupable avec la victime arrête les poursuites ou les effets de la condamnation », art. 239. Les poursuites reprennent en vertu de l’art. 227 bis si avant un délai de 2 ans à dater de la consommation du mariage, le mariage est rompu par divorce. L’adultère est également puni de 5 ans de prison et de 500 dinars d’amende en vertu de l’art. 236 du Code pénal mais la poursuite n’a lieu qu’à la demande de l’autre conjoint et c’est cet autre conjoint qui peut arrêter la poursuite ou arrêter les effets de la condamnation. L’art. 315 du Code pénal prévoit une punition de 15 jours de prison et une amende à ceux qui servent des boissons alcooliques à des personnes musulmanes ou en état d’ivresse. Peu de données sur l’effectivité de ces mesures qui peuvent avoir valeur symbolique mais pas véritablement être appliquées. Il y a toujours une forme de tolérance.

III. Les mécanismes fondamentaux du droit musulman

Mécanismes fondamentaux : principes communs à ce droit musulman et non le droit des différents des États. Théoriquement un droit révélé, religieux, immuable. Droit très différent en principe des droits occidentaux. En réalité, il y a eu une évolution et il y a dans le droit musulman une forme de rationalité.

La loi est une loi révélée. Elle s’applique à tous les musulmans, en revanche elle ne s’applique aux non-musulmans. Ces non-musulmans peuvent avoir le statut de protégé (paye sa protection) : dhimmi. Si on s’en tient aux musulmans, c’est la communauté, umma, qui est chargée de l’application de la loi. La communauté exerce la loi par l’intermédiaire de celui qui la représente, le calife.

La loi a pour objet l’action humaine. Les actes accomplis par les personnes humaines sont des actes physiques ou mentaux mais seuls les actes physiques sont saisis par le droit. Les actes physiques peuvent prendre plusieurs formes : expression telle que la parole et l’écriture ou les gestes, actions du corps (marcher, frapper quelqu’un, etc), omissions. Les actes juridiques sont volontaires ou involontaires et ils sont de deux types :

– actes informateurs et créateurs qui font connaître un événement : un témoignage devant un magistrat, un aveu, etc sont des actes informateurs ; un mariage, un affranchissement sont des actes créateurs,

– actes dogmatiques ou de croyance.

Il y a également des actes producteurs d’effets juridiques : la vente, la donation.

Il y a des actes extinctifs de droit comme la répudiation ou l’affranchissement.

Un acte peut être interdit. La consommation de porc ou la consommation d’animaux morts (hara) sont interdits

Classification des droits : droits de dieu, droits de l’homme et droits mixtes.

Lorsqu’on parle des droits de dieu, on signifie que leur violation est réprimée par des peines. En revanche, l’observation de ces droits confère de grands mérites. Il y a les actes de dévotion (la foi et les obligations qui en découlent) : prière, aumône, jeûne, pèlerinage, guerre sainte (djihad). Droit aussi d’infliger des peines en cas de vol, d’adultère, d’ébriété ou de diffamation. Entre ces deux catégories, il y a des formes d’expiation : on peut expier par exemple en affranchissant ses escales, en reprenant la femme qu’on a répudié, en revenant à la religion alors qu’on l’a adjuré.

Les droits de l’homme consistent dans la sécurité de la personne, la préservation de sa réputation, son droit à la propriété, les règles qui découlent des contrats et le droit d’avoir une famille.

Les droits mixtes : l’impôt par exemple.

IV. Le droit de la famille

En droit musulman, la force de la religion et de la morale est plus grande que dans les droits occidentaux.

À l’époque de l’hégire, à l’époque préislamique, le mariage se fait par rachat, l’homme acquiert un droit sur la femme en versant de l’argent à son père ou à son parent mâle. En ayant acheté la femme, l’homme obtient un droit sur elle et notamment un droit à l’exclusivité des relations sexuelles. Ce système est à l’origine de la famille patriarcale. Dans ce contexte, la femme ne compte pas véritablement. Dans une société marquée par les guerres, la femme est surtout perçue comme une bouche à nourrir et les infanticides de petites filles sont assez fréquents. La femme n’a pas de personnalité juridique et la veuve est transmise à l’héritier du mari avec ses autres biens. Dans cette société, la parenté se fait par les hommes conformément au dicton : « les fils de nos fils sont nos fils et les fils de nos filles sont des fils d’étrangers ».

Dans cette société, il n’y a pas non plus de différence très grande entre le mariage et le concubinage. La captive devient esclave et son maître bénéficie sur elle d’un droit exclusif. Les enfants de la captive appartiennent à la famille.

Ce système initial a été réformé par Mahomet qui a donné à la femme la personnalité juridique, lui a accordé des droits et a encadré la polygamie. Malgré tout, la parenté est restée une parenté par les mâles. C’est ainsi que le fils de la fille n’hérite pas de son grand père. Malgré les évolutions, le rôle de la femme reste inférieur, ne serait-ce qu’à cause de son impureté périodique qui suspend pour elle la pratique religieuse.

A. L’union légale

L’union légale est le mariage. Le mariage est un contrat qui institue entre un homme et une femme un statut juridique influencé par des intérêts sociaux qui sont de nature aussi bien morale que religieuse.

Le mariage est-il encore une vente comme dans l’Arabie préislamique ? Le mariage est une vente dans la mesure où il est lié au versement d’une dot que le mari verse à la famille de sa femme. On trouve par exemple dans un verset du Coran : « donnez spontanément leur dot à vos femmes ». Il y a dans la tradition relative à la vie du prophète et dans les croyances populaires l’idée qu’il ne peut pas y avoir de mariage sans dot. Au Maroc par exemple, il y a cet exemple : « la dot ouvre l’utérus ». En Algérie, il y a l’idée que les actes de mariage seraient translatifs de propriété.

L’assimilation du mariage à une vente paraît exagérée. Il y a en effet une analogie mais pas une identité entre la dot et la vente et encore moins entre l’union conjugale et la vente.

L’union libre est illicite en droit musulman. Pour que les rapports soient licites, un homme a le choix entre acheter une esclave ou se marier dans les sociétés esclavagistes du début de l’islam. Si l’homme a acheté une esclave, il doit seulement pourvoir à son entretien. Si l’homme a épousé une esclave, elle va bénéficier du partage du mari entre épouses et hérite de lui s’il décède. L’homme ou la femme libre ne peuvent épouser leur propre esclave.

Si un homme libre a épousé une esclave, et s’il devient par héritage propriétaire de cette esclave, le mariage est dissout. Le mariage est exogamique, à l’extérieure de la famille. La dot est une indemnité pour la perte provisoire qu’un groupe subi. Il y aurait par conséquent dans la conception islamiste du mariage une transformation profonde par rapport à la situation antérieure. On serait passé d’une société patriarcale à une société dans laquelle la famille serait une famille conjugale du même type que la famille du Code civil français. Vision raccourcie et schématique (le projet du prophète n’était pas d’aboutir au Code civil).

1. La formation du mariage

a) Les conditions de validité

Ces conditions de validité du mariage impliquent une absence d’empêchement et impliquent également la manifestation d’un consentement.

L’absence d’empêchement

Ces empêchements peuvent être des empêchements permanents ou des empêchements temporaires.

Les empêchements permanents sont liés d’abord à la parenté par le sang ou par le lait. Ce point est l’une des particularités du droit musulman. La parenté par le sang ou par le lait vaut interdiction en vertu d’un verset du Coran : vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, etc. Assimilation de la parenté par le sang et de la parenté par le lait. Conception de l’inceste extrêmement large. Ces dispositions se retrouvent dans les codes contemporains. Dans le Code de la famille marocain, art. 38, al. 1er: « l’allaitement entraîne les mêmes empêchement que la filiation et la parenté par alliance ». Le Code de la famille algérien dans son art. 24 énonce le même principe. Les art. 27, 28 et 29 complètent ces dispositions. Le Code du statut personnel tunisien dans son article 14 indique aussi le même principe en ajoutant le triple divorce. L’art. 17 énonce aussi le même principe. Série de dispositions dans les codes contemporains. La question se pose aussi de l’adoption.

Dans la société préislamique, l’adopté devenait le fils de l’adoptant et sa femme la bru de l’adoptant. Mahomet a désiré épouser la femme de son fils adoptif et depuis il n’existe plus de droit à l’adoption en droit musulman sauf dans le droit tunisien. Le dernier empêchement permanent est fondé sur la parenté par le sang et par le lait. Il existe aussi des interdictions fondées sur l’alliance : un homme ne peut épouser la fille ou la mère de sa femme. Le Code de la famille tunisien dans son article 16 indique qu’est prohibé le mariage de l’homme avec les ascendants de sa femme et ses descendantes. Art. 26, Code de la famille algérien, relève du même esprit.

Il existe des empêchements temporaires. Ces empêchements temporaires peuvent être d’abord des empêchements religieux. Il en est ainsi lorsqu’un des époux n’est pas musulman. Le musulman lui peut épouser une juive ou une chrétienne mais la musulmane ne peut pas épouser un non-musulman.

Il en résulte des dispositions dans certaines législations contemporaines : art. 31, al. 1, Code de la famille algérien, « la musulmane ne peut épouser un non musulman », semble avoir été modifié par une ordonnance de 2005 selon laquelle le mariage des Algérien(ne)s avec des étrangers des deux sexes obéit à des dispositions réglementaires, la formulation ne signifie pas nécessairement qu’on ait instauré la liberté du mariage. Deuxième empêchement temporaire : l’homme qui a déjà 4 épouses doit en répudier une s’il veut prendre une nouvelle femme. Ce précepte ne s’est pas appliqué au prophète.

Autre empêchement : on ne peut pas épouser en même temps deux sœurs. Enfin, il y a la retraite de continent qui répond au nom d’idda istibra, imposée à la femme en cas de répudiation, de divorce ou de décès de son mari. Façon d’éviter la confusion. Dispositions sage, s’impose seulement si le mariage a été consommé et cette retraite ne s’impose pas si le femme revient à son mari antérieur. Les codes contemporains accordent d’assez longues dispositions précises à cette règle. Art. 59 du Code de la famille algérien : la veuve doit respecter un délai de 4 mois et demis sauf si elle accouche avant. La femme répudié ou divorcé doit respecter une durée de trois périodes menstruelles.

Enfin, une disposition qui relève aussi des interdictions temporaires : lorsqu’une femme fait l’objet d’une triple répudiation par son mari, elle ne peut l’épouser à nouveau sauf si entre temps elle a épousé quelqu’un d’autre et à condition que ce deuxième mariage ait été consommé. Il y a des dispositions sur ce point dans les codes contemporains. Art. 51, Code de la famille : « tout homme ayant divorcé de son épouse par trois fois successives ne peut la reprendre qu’après qu’elle se soit marié avec quelqu’un d’autre ». Art. 39 (Maroc). Art. 19 (Tunisie). Film : À la recherche du mari de ma femme (bijoutier de Fes marié à 3 épouses qui appartiennent à 3 générations différentes, la plus jeune l’agace par son comportement et il finit par la répudier 3 fois et puis il se rend compte qu’elle lui manque et qu’elle manque à l’équilibre familial mais il ne peut la reprendre que si entre temps elle trouve un autre mari et consomme ce mariage avec ce nouveau mari puis s’en sépare). Il est impossible d’épouser sa propre esclave mais il est possible d’épouser l’esclave d’un autre.

Le consentement

Ce consentement est considéré comme possible dès la puberté. Il y a cependant une possibilité qui semble emprunter aux institutions préislamiques. Elle n’apparaît en effet ni dans le Coran, ni dans la Suna, c’est le droit de djabr. Droit de contrainte matrimoniale qui permet de contraindre un impubère au mariage. L’intérêt de ce mécanisme serait d’assurer à l’enfant une union avantageuse et de créer éventuellement pour lui un attachement affectif. Il y a cependant dans les effets de ce mécanisme une différence entre l’homme et la femme.

L’homme pourra répudier sa femme si elle ne lui convient pas tandis que la femme ne pourra pas le faire. Le droit à la contrainte matrimoniale appartient au père de l’enfant et éventuellement à l’aïeul paternel. Ce droit peut être exercé dès que l’enfant a quelques jours. L’expression du consentement n’est pas en principe un droit total pour la femme et c’est une différence avec le droit occidental. C’est ainsi que le code de la famille algérien dispose dans son article 9 : « le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints, la présence du tuteur matrimonial, des deux témoins et la constitution d’une dot ».

L’art. 11 : « la conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial qui est soit son père, soit le juge. Le juge est tuteur matrimonial de la personne qui n’en a pas ». Art. 12 : « Le tuteur matrimonial ne peut empêcher la femme de se marier si elle le désire et si cela lui est profitable ». « Le tuteur matrimonial ne peut marier la femme sans son consentement (art. 13). L’art. 25 du Code marocain : « La femme majeure peut contracter elle même son mariage ou déléguer à cet effet son père ou l’un de ses proches ». Code tunisien : permet à la femme de se marier en personne.

La dot

La dot versée par le mari à la femme ou à la famille de la femme est une condition de validité du mariage. Cette dot doit être réelle, pas de système de compensation financière. Dans la plupart des codes, cette dot est un élément constitutif du mariage. Il y a par exemple dans le code tunisien un art. 13 qui est le suivant : « le mari ne peut s’il n’a pas acquitté la dot contraindre la femme à la consommation du mariage ». L’alinéa suivant indique : « après la consommation du mariage, la femme créancière de sa dot ne peut en réclamer le paiement ». Disposition assez comparable dans l’art. 33 du Code algérien : « contracté sans la présence du tuteur matrimonial, les deux témoins ou la dot, le mariage est entaché de nullité avant la consommation et n’ouvre pas droit à la dot ».

Les formes du mariage

Le mariage se fait par échange de consentements devant deux témoins qui doivent être pubères, libres et musulmans de sexe masculin. Il y a un formalisme assez simple par rapport au droit occidental. Le consentement doit émaner de la partie contractante ou de son mandataire. Le consentement est un consentement verbal sauf pour la femme vierge qui peut garde le silence, un muet peut s’exprimer par signes et s’il y a éloignement de l’une des parties, elle peut s’exprimer par écrit. Le consentement peut être exprimé aussi par un mandataire.

b) Les nullités du mariage

Le mariage est nul s’il y a un empêchement légal lié par exemple à l’allaitement. Le mariage est nul aussi s’il y a une incapacité d’un des conjoints du fait d’un des mariages précédents (si la femme épousée se trouvait en retraite de continence par exemple). Le mariage serait nul aussi entre un patron et son esclave qui n’aurait pas été affranchi. Le mariage d’un musulman avec une femme polythéiste serait nul également. Dans tous ces cas, le cadis prononce la nullité sans qu’il soit besoin pour le mari de répudier sa femme. Même si le mariage est nul, il peut y avoir en cas de consommation de ce mariage nul une paternité et cette paternité est attribuée au mari. Les codes contemporains ont repris ces questions : art. 58 (Maroc), « après consommation, le mariage nul donne un droit à la filiation et entraîne les empêchements au mariage dus à l’alliance », apostasie du conjoint comme cause de nullité aussi dans ce Code ; art. 34 (Algérie).

2. Les effets du mariage

On a souvent considéré que l’islam avait par rapport à la situation antérieur amélioré la situation de la femme. Il y a certes dans le droit musulman une prééminence de l’homme mais désormais la femme peut avoir un patrimoine. Elle peut disposer d’une personnalité juridique, elle peut ester en justice.

a) Les obligations du mari dans le mariage

1. Le mari se voit imposer un devoir de cohabitation. C’est au nom de ce devoir de cohabitation que le Code de la famille algérien dans son art. 53 permet à l’épouse de demander le divorce sur la base d’un certain nombre de motifs. Parmi ces motifs, il y a 4°, « pour condamnation du mari à une peine infamante privative de liberté, pour une période dépassant une année, de nature à déshonorer la famille et rendre impossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale », 5° « pour absence de plus d’un an sans excuse valable ou sans pension d’entretien ». Ce devoir de cohabitation est mentionné dans le Code marocain de la famille à l’art. 51, 1°. Il est précisé que ce devoir implique les bons rapports conjugaux, la justice, l’égalité de traitement entre épouses, la pureté et la fidélité mutuelle, la vertu et la préservation de l’honneur de la lignée.

2. Le devoir conjugal prend plusieurs aspects. L’engagement du mari envers une seule femme, ce qui a été le cas de Mohamet envers sa première femme ou l’engagement d’Ali envers Fanny fille du prophète, étaient assez rares. Le droit pénal contemporain dans les pays du Maghreb sanctionne l’adultère pour les deux sexes. Cependant, en droit musulman, la polygamie est admise (pas la polyandrie). Il y a eu cependant une évolution nette quant à la polygamie dans deux cas. La Turquie, la République d’Attaturk (1923), a interdit la polygamie depuis 1926. La situation paraît cependant incertaine à la marge puisque la polygamie aurait subsisté dans certaines zones géographiques ou dans certaines couches sociales élevées. Il y a eu cette première interdiction et il y a eu une interdiction en Tunisie en 1957. Le début de l’art. 18 du Code du statut personnel tunisien dispose : « la polygamie est interdite », la suite de l’article prévoyant la possibilité d’un an de prison et d’une amende en cas de non respect de cette interdiction. Interdiction liée au président Bourguiba. En revanche la polygamie reste permise en droit algérien, art. 8 du Code de la famille : « il est permis de contracter mariage avec plus d’une épouse dans les limites de la charia si le motif est justifié … ». Une ordonnance du 27 février 2005 a ajouté que l’époux doit s’il veut devenir polygame demander une autorisation de mariage au tribunal du lieu du domicile conjugal. Polygamie permise car beaucoup de veuves après l’indépendance de l’Algérie (éviter qu’elles tombent dans la prostitution). Polygamie tolérée au Maroc, art. 40, interdite dans certains cas. Art. 41 : « le tribunal n’autorise pas la polygamie dans les cas suivants ». Selon les art. Suivant, le tribunal peut autoriser la polygamie mais la première épouse est appelée à comparaître, la deuxième est informée du fait que son mari est déjà mariée, la première peut demander le divorce et reçoit une indemnisation que l’époux doit verser s’il veut se remarier. Le mari ne doit pas être adultère mais peut être polygame.

L’accomplissement du devoir conjugal. L’art. 23 du Code du statut personnel tunisien dispose que les deux époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume. L’art. 53 du Code de la famille algérien est plus précis : « l’épouse peut demander le divorce / 2° pour infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage / 3° pour refus de l’époux de partager la couche de l’épouse pendant plus de 4 mois ». Le Code marocain comporte des dispositions assez proches, art 107 : « sont considérés comme vices rédhibitoires portant atteinte à la stabilité de la vie conjugale et permettant d’y mettre fin : 1° les vices empêchant les rapports conjugaux, 2° les maladies constituant un danger pour la vie de l’autre époux ou pour sa santé et dont on ne peut espérer la guérison dans le délai d’une année ». Art. 111 : « lorsque l’époux fait serment de continence à l’égard de son épouse ou s’il la délaisse, celle-ci peut en saisir le tribunal qui impartit à l’époux un délai de 4 mois. Passé le délai, et si l’époux ne revient pas résipiscence, le divorce est prononcé par le tribunal. »

3. Le mari doit partager également ses nuits s’il a plusieurs épouses. Il ne s’agit pas d’une sorte d’équivalence des rapports sexuels avec ses épouses. Il s’agit simplement de passer autant de temps avec chacune d’entre elles. Le temps est normalement décompté sur 24h mais le roulement peut se faire sur plusieurs jours. Ce principe de partage égal des nuits peut rencontrer des exceptions. La première exception est motivée par l’idée de sanction. La femme a désobéi donc le mari ne viendra pas passer la nuit chez elle. Deuxième exception : le mari vient de contracter un nouveau mariage. Les autres exceptions sont la maladie du mari et l’éloignement du mari.

4. Le quatrième devoir du mari est d’entretenir sa femme en lui fournissant de la nourriture, un logement et des vêtements. Ces différents éléments étant liés au train de vie de la maisonnée.

5. L’obligation de fournir à la femme des accessoires qui permettent à la femme de parfaire sa beauté : pommades, parfums, cosmétiques, khôl (qui permet de souligner les yeux).

6. Le mari doit s’abstenir de pratiquer des sévices sur sa femme mais les violences légères qui ne laissent pas de traces sont admises.

7. Le mari doit respecter un droit de visite pour ce qui concerne sa femme, elle a le droit de rendre visite à ses parents et a le droit de les recevoir.

b) Les obligations de la femme

1. La première obligation de la femme qui était prévue au départ était l’obéissance. La femme devait obéissance à son mari. Les codes de la famille contemporain ont commencé par reprendre cette obligation. Cette obligation a été abandonnée sauf pour ce qui concerne le Code de la famille algérien qui dans son art. 39 dispose : « l’épouse est tenue de : 1° obéir à son mari et de lui accorder des égards en sa qualité de chef de famille, 2° allaiter sa progéniture si elle est en mesure de le faire et de l’élever, 3° respecter les parents de son mari et ses proches ».

2. La femme doit habiter au domicile conjugal.

3. La femme doit être fidèle à son mari. La fidélité au mari n’impliquant pas le port du voile par exemple.

4. Solliciter l’autorisation du mari pour certains contrats.

5. S’occuper des soins du ménage si le mari ne peut fournir de domestique.

3. La dissolution du mariage

La dissolution du mariage correspond à différentes hypothèses. Il y a des hypothèses qui paraissent assez évidents : décès d’un conjoint, absence du mari, abjuration. Hypothèses plus complexes qui ont trait à la répudiation ou au divorce par consentements mutuels.

a) Le décès d’un des conjoints

En cas de décès de la femme, la doctrine présente des avis très divergents sur le point de savoir qui doit solder les frais funéraires liés aux obsèques de la femme. S’il y a décès du mari, la veuve est soumise à une retraite de continence dont la durée est fixée par le Coran à 4 mois et 10 jours. Au cas où la veuve serait enceinte, la retraite va jusqu’à l’accouchement. Elle peut ensuite se remarier. On a pu discuter le droit qu’aurait la veuve à la nourriture et au logement de la part de la famille du mari. Ces dispositions ont été reprises dans les codes contemporains et en particulier en droit algérien.

b) L’absence du mari

Les auteurs musulmans étaient partagés sur le délai à partir duquel l’absence pouvait justifier une demande de divorce de la part de la femme. Les codes contemporains se montrent assez précis.

c) L’un des époux devient l’esclave de l’autre

Le mariage est alors dissout. Il y a en effet l’idée selon laquelle les droits du propriétaire et les droits de l’époux sont incompatibles. On peut seulement épouser et rester l’époux de l’esclave qu’on ne possède pas. Il reste des esclaves en Mauritanie.

d) L’apostasie

Fait d’abjurer la foi islamique. L’apostasie est en principe sanctionnée de mort civile et elle était sanctionnée dans le Code pénal mauritanien de 1983 de mort. Selon ce Code pénal de 1983, l’apostat est autorisé à se repentir dans le délai de 3 jours. S’il ne le fait pas il est condamné à mort et ses biens sont confiés au Trésor. S’il se repent avant que la sentence soit exécutée, il peut être rétabli dans ses droits sous réserve d’une condamnation à une peine de prison ou à une amende.

e) La répudiation ou le divorce par consentement mutuel

Selon les spécialistes, un seul terme arabe, talak, désignerait à la fois la répudiation, le divorce par consentement mutuel et le divorce judiciaire.

La répudiation est en principe le fait du mari mais on a pu observer que chez les touaregs la possibilité de répudier le conjoint appartenait d’abord aux femmes. Mahomet avait organisé la répudiation de façon à renforcer les droits de la femme. Cette répudiation devait être une répudiation unique donc une répudiation qui pouvait être ensuite rétractée. Cette répudiation devait avoir lieu en dehors des périodes d’indisposition de la femme et avant la reprise des relations conjugales. Cette répudiation entraînait pour la femme une retraite de continence et si l’un des conjoints mourrait pendant cette période de continence, l’autre participait à sa succession. Le lien n’était pas totalement rompu. Le mari pouvait à tout moment interrompre cette répudiation mais à l’expiration de la période de continence, le mari pouvait prononcer une deuxième répudiation. Si à la fin de la retraite de continence le mari n’a pas changé d’avis, le mariage est considéré comme dissout. Il en est de même si le mari prononce 3 répudiations successives.

Il y a en dehors de la répudiation la possibilité du divorce par consentement mutuel. Ce divorce par consentement mutuel implique théoriquement le versement d’une compensation par l’épouse.

Enfin, il y a le divorce judiciaire. Dans le droit musulman classique, le serment d’anathème permettait au mari un désaveu de paternité. Le mariage était dissout même si la femme démentait sous serment l’accusation d’adultère formulée par son mari. Dans ce droit musulman classique, le divorce était possible en cas de vice rédhibitoire, de castration du mari, pour inaccomplissement des obligations du mariage. On retrouve ces dispositions dans les codes contemporains et en particulier dans l’art. 53 du Code de la famille algérien.

B. La filiation

Il faut distinguer entre la preuve et les effets de la filiation.

1. La preuve de la filiation

La preuve de la filiation se fait normalement par le mariage. Elle peut se faire par la reconnaissance d’un enfant. Il y a également la filiation adoptive.

a) La preuve de filiation par le mariage

Lorsque l’enfant est né dans le mariage, intervient la présomption de paternité que l’on retrouve dans le droit romain. « L’enfant appartient au lit ». Il y a cependant un désaveu possible de la part du mari si la conception est antérieure au mariage. Désaveu possible si à l’époque de la conception la cohabitation entre époux était impossible. Troisième désaveu possible : accusation d’adultère. Le problème se pose différemment lorsque l’enfant est né après la dissolution du mariage mais lorsque sa conception se situe avant cette dissolution. Il y a des divergences sur la durée de la grossesse. Il y a eu le recours en Kabylie de cette fiction de l’enfant en dehors du lit. Le Code de la famille algérien fixe à dix mois la durée de la grossesse.

b) La reconnaissance d’un enfant en présence de deux témoins

Si un homme souhaite reconnaître les enfants de son esclave, il peut procéder ainsi et les enfants de l’esclave vont acquérir les mêmes droits que les enfants légitimes.

c) La filiation adoptive

À l’époque préislamique l’adoption était fréquente et créait une véritable paternité. Il y a eu une inversion à l’initiative de Mahomet après qu’il ait désiré et épousé la femme de son fils adoptif. Depuis, l’adoption est interdite en droit musulman et cette interdiction est reprise dans les codes contemporains. C’est ainsi que l’art. 46 du Code de la famille algérien dispose : « l’adoption est interdite par la charia et la loi » tandis que l’art. 149 du Code de la famille marocain dispose lui « l’adoption est juridiquement nulle et n’entraîne aucun des effets de la filiation parentale légitime ». Il y a pour les droits du Maghreb, une exception en Tunisie en vertu de la loi du 4 mars 1958 qui dans son article 8 permet l’adoption dans certaines conditions : l’adoptant doit être majeur, marié, de bonne moralité. L’adopté prend le nom de l’adoptant et a les mêmes droits que ses enfants légitimes. Il existe cependant aussi bien en Algérie qu’au Maroc un mécanisme qui commence à être connu en France qui est le mécanisme de la kafala. Ce mécanisme de la kafala ou recueil légal a été introduit en 1976 dans le Code de la santé publique en Algérie. Le Code de la famille de 1984 a intégré ce mécanisme et l’a progressivement aménagé comme un substitut de l’adoption. Ce sont les art. 116 et suivants du Code de la famille algérien qui en traitent : « le recueil légal est l’engagement de prendre bénévolement en charge l’entretien, l’éducation et la protection d’un enfant mineur au même titre que le ferait un père pour son fils ». Il est établi par acte légal. Art. 123 du même Code de la famille algérien : « l’attributaire du droit de recueil légal qu’on appelle kafil peut donner ou léguer un tiers de ses biens à l’enfant recueilli qu’on désigne comme makfoul. Au-delà de cette part, le parent adoptif doit obtenir le consentement de ses héritiers. Ce dispositif a été complété par un décret exécutif du 13 janvier 1992. Ce décret exécutif permet à l’adoptant ou parent adoptif de donner son nom à l’enfant recueilli. La procédure prévue est une procédure judiciaire. Il faut une ordonnance du président du tribunal sur réquisition du procureur lui-même saisi par le ministre de la justice. Si la mère de l’enfant est à la fois connue et vivante, elle doit donner son accord.

Cette question de la kafala fait l’objet d’un certain nombre de difficultés dans l’ordre international. Initialement, la jurisprudence française s’alignant en cela sur les autres pays européens transformait la kafala en adoption. Depuis 2001, le Code civil français par souci diplomatique fait prévaloir le droit du pays de naissance. Il est dit dans l’art. 370-3 du Code civil français à l’alinéa 2 : « L’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. » Cette affaire a suscité différentes formes d’émois. En France, un sénateur UMP avait déposé une proposition de loi visant à supprimer l’article précité du Code civil, ce qui aurait aux enfants une plus grande stabilité et des droits supérieurs mais les auraient coupés de leurs origines. Il y a eu au Maroc une circulaire du 19 septembre 2012 prise à l’initiative du parti islamiste Justice et Développement décidant d’interrompre le processus de kafala pour les non-résidents au Maroc. Le système de kafala est désormais limité aux résidents au Maroc de religion musulmane.

2. Les effets de la filiation

Réciprocité de droits et de devoirs entre les parents et les enfants. Le père dispose de la puissance paternelle qui s’étend à la personne et aux biens de l’enfant. La puissance paternelle qui dans la société préislamique allait jusqu’au droit de donner la mort est devenu une puissance protectrice qui est exprimée par le terme de wilaya. Désigne la tutelle et les préfectures en Algérie. Le père a le droit d’éduquer ses enfants, de les corriger sans laisser de traces, de louer les services de ses enfants mâles, de contrainte matrimoniale et il gère les biens de ses enfants mineurs. En contrepartie de ces droits, le père doit loger et entretenir ses enfants. Quant à la mère, elle doit protéger ses enfants, elle doit les allaiter quand ils sont petits et elle doit les entretenir.

Vis-à-vis de leurs parents, les enfants sont astreints à certaines obligations. Des obligations d’ordre moral comme le respect et des obligations d’ordre militaire si les parents sont dans le besoin.

Dispositions reprises dans les codes contemporains.

C. Les successions

On a pu considérer que le droit musulman en matière de succession était une combinaison entre un droit préislamique, un droit de nomade guerrier et le droit plus favorable aux femmes qui était le droit de La Mecque. Dans le droit de nomade guerrier, la succession se faisait par les hommes. Un adage indiquait : « quiconque n’est pas en état de monter à cheval et de se servir d’une épée ne doit rien recevoir en héritage ». Le droit de La Mecque, ville de négoce ouverte aux contacts avec d’autres civilisation, était plus favorable aux femmes.

Aujourd’hui, les liens qui confèrent la qualité de bénéficiaire de successions sont la parenté (lien entre deux personnes car l’une descend de l’autre), le mariage (forme de réciprocité pour la succession), le patronage (lien entre un maître et un affranchi au profit du premier) et l’islamisme (communauté de religion condition pour transmettre son bien). Il y a en revanche des incapacités à succéder qui frappent les esclaves. Ils ne possèdent rien en propre donc ils ne peuvent pas hériter. Cette incapacité à succéder frappe également les apostats frappés de mort civile. On peut citer d’autres cas : l’homicide, la différence de religion et la différence de nationalité pour l’étranger non musulman.


Conclusion :

Le droit musulman existe rarement à l’état pur. Il est souvent combiné avec des droits influencés par les droits occidentaux, en particulier les codes civils au Maghreb. Il a pu y avoir d’autres influences, en particulier l’influence des droits socialistes dans une certaine période de formation du droit algérien. Il y a aussi une très grande ambivalence des situations avec des allers et retours dans l’évolution. L’exemple le plus significatif est celui de la Turquie dans laquelle il y a une tension entre la tradition laïque héritée de Kemal et les initiatives en sens opposé de l’AKP (parti de la justice et du développement, présenté comme islamiste modéré).

Si l’on considère le Maghreb, il y a des parallélismes qui ont été faits entre l’évolution politique et l’évolution du droit de la famille. Le pays dans lequel le volontarisme législatif a été le plus marqué a certainement été la Tunisie, pays pour lequel on a souligné le contraste entre le libéralisme en matière de statut personnel et l’autoritarisme du régime.

En Tunisie, dès 1956, le président Bourguiba avait interdit la polygamie, imposé le consentement personne des deux époux, fixé un age minimum pour le mariage, instauré l’égalité successorale entre l’homme et la femme, et adoption possible à partir de 1958. La Constitution adoptée début 2014 préserve l’essentiel des acquis de la femme en matière de statut personnel malgré les doutes qui avaient pu être émis en raison de l’avènement des islamistes au pouvoir.

Au Maroc, il y a eu dans l’ensemble un parallélisme entre les réformes politiques et les réformes du droit de la famille sous le règne de Mohamed VI. Les éléments les plus visibles en matière de statut personnel dans le Code du statut personnel réformé en 1984 (mauwwana) était l’établissement d’un age minimum pour le mariage (18 ans), un meilleur établissement du consentement au mariage même si la tutelle n’est pas supprimée, une polygamie qui devient plus difficile (possible d’introduire dans le contrat de mariage une clause de non-polygamie).

Le pays qui probablement connaît l’évolution la moins nette est l’Algérie. Écart : politiquement l’Algérie a été le pays du Maghreb le plus avancé mais c’est un pays qui sur le plan du droit de la famille paraît un peu fonctionner au ralenti par rapport à ses voisins. Il y a malgré des éléments un peu contradictoires depuis 2005 une intervention du juge dans la polygamie et le renforcement du droit au divorce pour les femmes.

Un pays francophone pratique le droit musulman : les Comores. Il dispose depuis 2005 d’un Code de la famille. Ce Code maintient une inégalité juridique au détriment de la femme à travers l’existence d’un tuteur matrimonial au moment du mariage, l’acceptation explicite de la polygamie (art. 49 du Code de la famille : l’homme ne peut contracter mariage s’il a un nombre d’épouses égal à 4), la répudiation reste un pouvoir discrétionnaire du mari. Il y a cependant des droits propres à la femme.

Le mari doit verser une dot avant de consommer le mariage et la femme bénéficie d’un droit au divorce sur la base d’un certain nombre de motif précis. Ce droit au divorce peut se fonder sur le défaut d’entretien, une absence de plus de 6 mois, l’existence de sévices, l’apostasie, l’homosexualité du mari, l’impuissance, la polygamie non consentie, la démence ou une maladie grave qui empêche la vie commune. Une demande de divorce peut être déposée par la femme sans motif au prix d’une indemnité compensatrice. Dans l’île de Mayotte restée attachée à la France, la polygamie est interdite depuis 2003.