De la 3ème République à la 4ème République

La Troisième République et la quatrième République

En 1875, la nécessité se fait enfin sentir de donner des lois constitutionnelles à la France, quatre ans après la chute de l’empire. La constitution a été républicaine par hasard :
le 24 février 1875, une loi sur le Sénat comprend le mot président ; à une voix de majorité, un amendement ajoute de la République.
Le 25 février paraît une loi sur l’organisation des pouvoirs publics.
Le 16 juillet, une loi fixe les rapports entre les pouvoirs publics.
Ce n’est donc pas une constitution, mais trois lois constitutionnelles qui prévoient un régime parlementaire bicaméral, composé d’une chambre des députés (500 à 600 députés, élus au scrutin uninominal majoritaire à 2 tours, pour 4 ans. Age minimum : 25 ans) et d’un Sénat (300 sénateurs, ¼ cooptés et ¾ élus au scrutin de liste indirect départemental pour 9 ans, renouvelable par tiers. Age minimum : 40 ans). Seule la chambre basse peut-être dissoute avec l’autorisation du Sénat. Le bicamérisme est égalitaire. Pour l’exécutif, le président de la République est élu à la majorité absolue pour sept ans par les deux chambres réunies en assemblée nationale. Il promulgue les loi, négocie et ratifie les traités… mais tous ses actes doivent être contresignés par les ministres ; le Président est irresponsable. Le gouvernement est responsable devant le Parlement.
Aux élections de 76, les monarchistes perdent du terrain. L’acte de naissance de la République est la crise du 16 mai 77 : Mac-Mahon fait des reproches au chef du gouvernement, disant qu’il a autant besoin du président que du Parlement. Ce faisant, Mac-Mahon tente d’introduire un régime dualiste ; le président prétend avoir autant de pouvoir que le Parlement, dans la perspective d’une restauration. Mais le président est élu par le Parlement. En réaction, le Parlement déclare qu’il refusera tous les chefs de gouvernement que le président présentera, pour conserver un système moniste. Les institutions se bloquent.
Le 25 juin, Mac-Mahon dissout l’assemblée, les électeurs se prononcent en faveur d’une majorité républicaine menée par Gambetta. Le même phénomène se renouvelle en janvier 1879 lors du renouvellement d’un tiers du Sénat. Mac-Mahon démissionne ; Jules Grévy lui succède. Grévy déclara le 6 février 1879 qu’il n’entrerait jamais en conflit avec la volonté nationale, renonçant donc à une partie de ses pouvoirs (on parle de constitution Grévy). La troisième République a été le régime le plus durable.

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Chronologie :

La troisième république (1871/1940)
Adolphe Thiers 1871/1873
Patrice de Mac-Mahon 1873/1879
Jules Grévy 1879/1887
Sadi Carnot 1887/1894
Jean Casimir-Périer 1894/1895
Félix Faure 1895/1899
Emile Loubet 1899/1906
Armand Fallières 1906/1913
Raymond Poincaré 1913/1920
Paul Deschanel 1920
Alexandre Millerand 1920/1924
Gaston Doumergue 1924/1931
Paul Doumer 1931/1932
Albert Lebrun 1932/1940
L’état français (1940/1944)
Philippe Pétain 1940/1944

Le gouvernement provisoire (1944/1946)
Charles de Gaulle 1944/1946
Félix Gouin 1946
Georges Bidault 1946

La quatrième république (1947/1954)
Vincent Auriol 1947/1954
René Coty 1954/1958


1875-1958 ; L’avènement de la République.
La troisième République est restée inégalée, tant par sa durée que par son importance. Elle est appelée “âge d’or des libertés ”, surtout pour libertés collectives qu’elle a développées dans les années 1880 :
29 juin 1881 : libertés de réunion et de manifestation
29 juillet 1881 : liberté de la presse et de l’imprimerie
1884: administration des communes, instruction laïque gratuite et obligatoire (loi Ferry)
1901: liberté d’association
1905: loi de séparation de l’église et de l’État
La troisième République a permis de recomposer géographiquement et d’unifier socialement la France pendant la première guerre mondiale, et ce, malgré une instabilité parlementaire des gouvernementale certaine.


Il n’y avait donc que deux issues : la dérive ou la réaction sanctionnée par le renversement mais pas la dissolution, considérée comme suspecte depuis son utilisation par Mac-Mahon. Si le Parlement n’avait plus de raison de craindre la dissolution, il n’avait plus de raisons non plus de respecter les règlements etc., et même si parfois l’union était solide (cf. 1905 avec la loi de séparation de l’église de l’État, derrière Combes; cf. la première guerre mondiale), l’État a été globalement instable. Le bicamérisme égalitaire pouvait bloquer les procédures facilement.
De plus le gouvernement était responsable devant la chambre des députés et le Sénat, par malfaçon des lois de 1875. Le président de la République n’avait aucun pouvoir stabilisateur.
Dans l’entre-deux-guerres, la France a mis du temps à se reconstruire, l’Allemagne n’ayant payé les réparations. Dans les années 30, seuls la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ne présentaient pas de danger ; le moyen de protection envisagé était obsolète avant même d’être construit (la ligne Maginot).
1924-25 : cartel des gauches
1936: front populaire (gouvernement Blum) Þ la même assemblée votera les pleins pouvoirs le 10 mai 1940 au maréchal Pétain.
5 septembre 1939 : déclaration de guerre de l’Allemagne contre la France.
Malgré des moyens militaires pour répondre cette attaque, le pouvoir est donné au gouvernement de Vichy. À peine formé, celui-ci demande l’armistice, le 17 juin 1940. L’appel du général de Gaulle le 18 juin fut peu écouté, mais la France libre se forme et se renforce à Londres. Deux régimes coexistent :

– le régime de Vichy : la seule dictature militaire fasciste que la France ait connue ; l’article unique de la loi du 10 juin 1940 “donne tout pouvoir au gouvernement de la République sous la signature du maréchal Pétain à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution pour la République. La nouvelle constitution doit garantir les droits du travail, de la famille, de la patrie. La constitution devra être ratifiée par la nation ”… seuls 80 parlementaires sur 600 votèrent contre la création de l’État français, douzième régime de la France, collaborateur zélé de l’occupant. Vichy adopte le statut des juifs et organise des rafles sans que l’Allemagne le demande. Pétain oublie rapidement son pouvoir constituant. Le régime de Vichy s’éteint en juin 1944.

– La France Libre (Carlton Garden) le gouvernement de forces françaises libres se constitue avec le soutien de la Grande-Bretagne. Le général de Gaulle reliera tous les militaires pour se battre et soutenir les forces françaises de l’intérieur (serment de Kumphra avec le général Leclerc). Les F.F.L. et les F.F.I. forment une fédération pour mener une action commune, avec de Gaulle à sa tête. Lors de la libération de l’Algérie en 1942, le gouvernement s’y déplace puisque l’Algérie est territoire français. Il s’y forment de nouvelles institutions : une Assemblée constituante pluripartite et un gouvernement provisoire de la République française.

Quand Leclerc libère Paris, c’est la France entière qui est libérée, et de Gaulle refuse l’administration provisoire envisagée par les américains pour la gestion des pays vaincus, déclarant que la France avait gagné la guerre. La France redevient une et unique. Le 9 août 1944, de Gaulle prend des ordonnances pour rétablir la légitimité républicaine et former un gouvernement provisoire qu’il dirige (et il ne sera pas contesté) : “ la forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit, celle-ci n’a pas cessé d’exister ”.
Le parti communiste est très puissant (cf. les Francs-Tireurs Partisans ou F.T.P.) ; la droite est discréditée mais les démocrates chrétiens, anciens résistants, font leur apparition. Il en ressort un gouvernement hétérogène (P.C. + M.R.P.). De Gaulle proclame le suffrage universel, l’étendant aux femmes et aux militaires.
Le 21 octobre 1945, de Gaulle organise des élections et des référendums, demandant notamment si le peuple voulait que l’assemblée élue soit constituante (sinon on gardait les lois de 1875) – le OUI l’a remporté à 96%. La troisième République a donc pris fin ce jour-là. Les élections législatives donnent 26% au PCF, 23% à la S.F.I.O., et 24% au M.R.P. (tripartisme). Le 20 janvier 1946, devant l’incapacité de l’Assemblée à s’organiser, de Gaulle démissionne dans l’espoir d’être rappelé, mais il n’en fut rien. Ce fut sa « traversé du désert ».
Pour la Constituante, son départ fut un soulagement et permit de reprendre les mauvaises habitudes de la troisième République. La majorité P.C.F. et S.F.I.O. arriva en fin à imposer un modèle de constitution, et l’assemblée rédigea un texte, qui fut massivement rejeté au référendum du 5 mai 1946 avec 53% de NON, surtout à cause du monocamérisme à potentiel oppressif et reprise déplacée de la seconde République. L’Assemblée fut donc dissoute.
Le 2 juin 1946, les nouvelles élections donnent 25,9% au P.C.F., plus que 21% à la S.F.I.O. et 28,2% au M.R.P. qui passe donc en tête. Le 16 juin, de Gaulle prononce le discours de Bayeux dans lequel il développe ses principales idées constitutionnelles, c’est-à-dire le renforcement de l’exécutif, mais il ne fut pas entendu.

La Quatrième République.
Le 13 octobre, le nouveau projet est adopté par 53,5% des français (31% d’abstention) ; il est promulgué le 27 octobre 1946 dans l’indifférence générale, ce qui augure mal pour la suite de la quatrième République…


L’article 13 de la constitution de 1946 établit que le pouvoir législatif ne peut pas être délégué. Le problème est que les parlementaires de la quatrième était aussi pour certains ceux de la troisième République ; ils défendaient donc toujours une logique de subordination du gouvernement. En 1946, Ramadier, président du conseil, est mis en minorité, et sous l’influence des pratiques de la troisième République, démissionne. Ses successeurs se sont sentis obligés de suivre cette coutume, et la durée moyenne des gouvernements de la IVe République a été de 6 mois.
Tous les défauts de la troisième République ont été repris, y compris les pouvoirs spéciaux, ex-décret-loi. Les conflits gouvernementaux entre communistes et gaullistes contre les faibles institutions en place sont fréquents. De nombreux groupes parlementaires se forment, qui rendent l’exécutif faible (Pleven, Mitterrand, Chaban-Delmas…).
C’est pour mettre fin à la guerre que Pierre Mendès France devient président du conseil en juin 1954, et prévient que si en un mois il n’a pas la paix, il démissionnera. Il remporte le succès aux accords de Genève en un mois et un jour, mais il reste et devient populaire à l’intérieur du pays comme à l’extérieur.
Pierre Mendès France est renversé le 6 février 1955 à pour un désaccord sur la communauté européenne de défense, à la majorité absolue de l’Assemblée nationale. Edgar Faure lui succède et poursuit sa politique ; l’assemblée veut aussi dégager Faure en novembre 1955 mais, malin, il demande à son parti de voter aussi contre lui, et comme il y a eu deux crises parlementaires en moins de 18 mois, il dissout constitutionnellement l’Assemblée. Pierre Mendès France forme une coalition socialistes, radicaux et indépendants sous le nom de front républicain, et il est élu en janvier 56.
Guy Mollet, responsables de la section française de l’internationale ouvrière (S.F.I.O.), est appelée par René Coty à la place de Mendès France (par tradition, le chef du parti le plus important devient président du conseil). À part les premières négociations sur l’Europe, Mollet n’a pas fait grand-chose. Il a même fait des erreurs, notamment dans la gestion du début de la guerre d’Algérie (attentat de la Toussaint 1956) : un escarmouches a dégénéré sous la pression de l’armée et des intérêts nationaux. Plusieurs décrets de mars 1956, en Algérie, donnent les pouvoirs à l’armée ; ces décrets sont signés par Guy Mollet et François Mitterrand, à l’époque ministre de la justice. Fin 56, le contingent est envoyé. Aucun gouvernement n’a été capable de désamorcer la guerre.
Le 13 mai 1958, le coup d’État des généraux à Alger met fin à la IVe République. Le premier juin, le général de Gaulle devient dernier président du conseil, à condition de pouvoir établir une nouvelle constitution. Le 3 juin, le Parlement lui donne son accord dans la loi des 5 bases. Le 21 septembre 1958, par référendum, les Français acceptent la nouvelle constitution. Celle-ci est promulguée le 4 octobre, paraît au journal officiel le 5 octobre 1958. La Ve République naît.