Les déductions fiscales : définition, condition, régime

LE DROIT A DÉDUCTION FISCALE

Une déduction fiscale est une réduction du revenu imposable. Il s’agit d’un avantage fiscal accordé « avant imposition ».

L’avantage réel d’une déduction fiscale dépend de votre taux marginal d’imposition. Par exemple, si ce taux est de 30%, une déduction fiscale de 100€ vous fera économiser 30% * 100 = 30€ d’impôt.

I ) Le régime des déductions et la TVA nette

Les déductions sont un régime fondamentale de la TVA auquel la CJCE a consacre de nombreux arrêts, parfois a l’encontre des normes françaises.

Le régime général :

Domaine : Le droit a déduction n’appartient qu’a la seule catégorie des contribuables assujetti a la TVA (par les consommateurs car ils ne sont pas des assujettis et supportent la TVA finale).

Ce droit se traduit par

  • Un allégement de la charge fiscale de l’assujetti : il est redevable sur les opérations de vente de biens et de services.
  • Ce droit peut parfois conduire a des remboursements effectues par le Trésor. Ces remboursements sont effectués a des assujettis dans 2 situations types :

1/ Les exportateurs : ils entrent dans le champ de la TVA, sans être exonérés, le taux est a 0 : les frais de TVA vont leur être remboursé car ils ne peuvent la répercuter sur leur vente

2/ Lorsque l’assujetti opère sur des biens ou des services n’étant pas assujetti au même taux (assujetti achetant des biens ou services a ses fournisseurs au taux normal et vendant des biens soumis au taux de 5,5 %), la TVA a déduire est nettement plus élevée que la TVA initiale, la différence devra être reportée ou remboursée.

Les déductions ne se font pas opérations par opérations mais mois par mois.

II) Les conditions d’exercice du droit a déduction

A/ Les conditions de forme

Conditions permettant d’éviter la fraude (très simple en la matière).

1/ Les assujettis peuvent déduire la TVA grevant 3 types d’opérations :

  • La TVA figurant sur les factures d’achat délivrées par leurs fournisseurs : formalisme obligatoire pour les factures devant faire ressortir le prix hors taxe, le montant de la TVA, le nom de l’acheteur de biens ou de services. Les Etats disposent, en vertu de la 6e directive, d’une grande latitude dans la définition du formalisme afférant aux factures. La CJCE, dans un arrêt du 14 juillet 1988, pose un principe : les exigences formelles concernant les factures ne doivent pas rendre impossibles ou excessivement difficile l’exercice du droit a déduction.
  • Les importations (l’importateur va pouvoir déduire la TVA grevant ses biens et services) ; certificat donne par l’Administration Fiscale au moment du paiement de la taxe a l’importation.
  • Les livraisons à soi-même (le redevable doit calculer la TVA applicable a soi-même) : il déduira alors la TVA applicable à soi-même de la TVA grevant ses ventes.

2/ Fraude possible : il est tentant de créer des factures fictives permettant d’alléger la charge fiscale voire de se créer des créances de TVA. A l’origine de la TVA la fraude était importante. Actuellement, il existe des sanctions très lourdes.

Concernant l‘émetteur de la facture, l’art 283 du CGI prévoit un certain nombre de règles qui sont exclusivement destinées à combattre la fraude :

  • Toutes personnes mentionnant la TVA sur une facture est redevable de cette TVA du seul fait de sa facturation.
  • Lorsque la facture ne correspond pas a la livraison d’une marchandise ou a l’exécution d’une prestation de service ou lorsque la facture fait état d’un prix qui n’est pas celui effectivement acquitté par l’acheteur, la taxe est due par la personne qui l’a facturée : pour les factures fictives ou celle avec un montant surévalué, l’auteur supportera la TVA.

Mais ces dispositions ont un contenu incomplet. Le Conseil d’Etat a complété ce régime de sanction financière dans un arrêt de 79 : cette TVA due en raison de facture fictive, ne peut jamais être utilisée pour des déductions par l’auteur de la facture.

Cependant, il existe des assujettis effectuant des erreurs de bonne foi (régime distinct) : l’Administration Fiscale les a protégés en admettant que, en marge de l’art 283, les assujettis peuvent émettre une facture rectificative qui leur permettra de rétablir la vérité des opérations effectuées. La CJCE, dans un arrêt du 13 novembre 1989 : les Etats ont l’obligation de prévoir dans leur réglementation interne des mécanismes de correction si l’émetteur de la facture erronée démontre sa bonne foi.

Concernant le destinataire de la facture, la règle générale : la TVA qui ressort de cette facture ne pourra pas être déduite par le destinataire de la facture. C’est une règle beaucoup trop sévère donnant lieu a des assouplissements par la jurisprudence : le Conseil d’Etat a considéré que l’interdiction de déduction pour le destinataire de la TVA inscrite sur la facture ne joue que lorsqu’il y a collusion de l’acheteur et du vendeur (cette collusion doit être établie par l’AF, la bonne foi de l’acheteur est présumée).

3/ Concernant la vente résiliée, annulée ou lorsque le prix n’a pas été paye (question concernant uniquement les livraisons de biens).

Problème : Supposons qu’un vendeur facture une TVA et le client ne reçoit pas livraison mais paye la TVA. Le vendeur peut rectifier soit en demandant le remboursement au Trésor soit la déduire de d’autres ventes. L’acheteur a pu déduire cette TVA alors qu’il n’a pas paye le prix d’achat. Il y a une TVA déduite en trop et l’acheteur devra, lorsque la cessation de paiement est constatée, rembourser au Trésor les sommes indument déduites.

Principe : la taxe est exigible dès la livraison et non au moment du paiement (pour la vente de biens, la taxe va être exigible au jour de la livraison coïncidant avec l’envoi de la facture).

Mais, l’exigibilité fait aussi naitre le droit à déduction : l’acheteur livré peut déduire la TVA du bien grevé alors que le prix n’est pas payé. Si l’acheteur se révèle insolvable et notamment s’il s’agit d’une entreprise en cessation de paiement ou si la vente est résiliée alors que le prix n’est pas payé (art 272 du CGI) : «la taxe sur la TVA perçue a l’occasion de ventes de biens ou de services est imputée ou remboursée lorsque ces ventes de biens ou de services sont par la suite résiliées ou annulées ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables».

B/ Les conditions de délai

Principe : le droit a déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le vendeur de biens ou le prestataire de services (l’auteur a la date d’exigibilité doit acquitter la taxe et le client assujetti peut déduire la taxe ainsi facturée).

La date d’exigibilité pour :

  • les ventes de biens : livraison
  • les prestations de services : règlement du prix (uniforme suite à une jurisprudence de la CJCE)

Péremption du droit a déduction : toute déduction qui n’est pas faite avant le 31 décembre de la 2e année suivant celle au cours de laquelle la déduction n’a pas été faite est perdue (maximum de 3 ans).

C/ Les conditions de fond du droit a déduction

1/ l’affectation du bien a une opération entrant dans le champ de la TVA

Condition posée par l’Administration Fiscale (annexe 2 du CGI) : CE, arrêt de 1989, neutralise la disposition car elle est contraire au principe du droit a déduction. La seule condition du droit a déduction : l’affectation du bien a une opération entrant dans le champ de la TVA. Conséquences de cette jurisprudence :

– L’Administration Fiscale a renoncé a l’exigence du droit de propriété.

– Des dispositions règlementaires ont prévue que des operateurs pouvaient réduire la taxe grevant l’achat de biens dont ils ne sont pas propriétaires.

Ex 1 : les contrats de vente assortis d’une réserve de propriété : la taxe est exigible dès la remise matérielle du bien (sans attendre le transfert juridique de propriété) et le droit a déduction prend naissance chez l’acheteur au jour de la remise matérielle du bien.

Ex 2 : les investissements d’une collectivité publique faisant l’objet d’une concession ou d’un affermage : la taxe frappant le prix d’achat du bien qui été payée par la collectivité publique pourra être déduite de la TVA grevant les biens ou services livres par le concessionnaire ou le fermier.

Ex 3 : les travaux de grosses réparations ou de rénovation portant sur des immeubles loués : lorsque soit en vertu de la loi ou soit en vertu du contrat de bail, les grosses réparations sont a la charge du locataire, celui-ci pourra réduire la TVA de ces travaux de la TVA des opérations économiques qu’il effectue lui-même.

2/ L’affectation a l’exploitation

Condition fondamentale (art 230 de l’annexe 2 du CGI) : «la TVA ayant grevée les biens et services que les assujettis a cette taxe acquièrent ou qu’ils se livrent a eux-mêmes n’est déductible que si ces biens et services sont nécessaires a l’exploitation».

Problème d’interprétation : L’affectation doit-elle être exclusive ou simplement partielle ? CJCE, arrêt du 8 mars 88 : la déduction doit pouvoir être pratiquée dans la mesure ou les biens ou les services acquis concourent a la réalisation d’opérations assujetties a la TVA. Affectation partielle.

Toutefois, il existe encore, en droit français (clauses de gel dans la 6e directive), des dispositions interdisant la déduction de biens ou de services pourtant affectés a une opération imposable. La France doit s’engager, a terme, a supprimer cette interdiction de déduction contraire aux mécanisme de TVA.

Ex. d’interdiction de déduction : les dépenses relatives aux transports de personnes, « interdiction de déduire la TVA frappant les véhicules conçus pour transporter des personnes ou les véhicules a usage mixte qui constituent une immobilisation pour l’entreprise » (lorsqu’une entreprise achète une voiture pour le déplacement de son personnel, la TVA n’est pas déductible).

III) Les modalités d’exercice des déductions

1/ Principe la déduction s’effectue par voie d’imputation : la TVA déductible est imputée sur le montant de la TVA brute (conduit à amoindrir la dette fiscale de l’assujetti).

Lorsque le montant de la taxe déductible excède le montant de la TVA brute, apparait un crédit de taxe : ce credit de taxe est reportable sur les mois suivants jusqu’a épuisement de la déduction.

Inconvénient de ce principe : principe favorable au fisc et défavorable aux entreprises ayant de gros crédits de taxe (elles font crédit au Trésor).

Si des entreprises ont structurellement des crédits de taxes : le CGI prévoit une procédure de remboursement immédiat des crédits de taxe. Procédure très lourde et dissuasive, conçue exclusivement en faveur des entreprises ayant structurellement des crédits de taxe, soit les entreprises se livrant a l’exportation.

Procédure :

– Le remboursement doit être demandé par l’assujetti et l’Administration Fiscale peut exiger la présentation par l’entreprise d’une caution solvable qui s’engage a reverser les sommes si le crédit de taxes se révèle être indu.

– Le remboursement des crédits de taxes n’est obtenu que si l’entreprise démontre, soit qu’elle est en situation structurelle de crédit (exportateurs), soit que le crédit dont elle dispose, pour être épuisé, devrait faire l’objet d’un report sur plusieurs années.

Situation générale des assujettis partiels se livrant a 2 catégories d’opérations :

– Opérations entrant dans le champ de la TVA

– Opérations hors champ de TVA

En fonction de la règle de l’affectation : la TVA grevant les biens et les services qui entrent dans des opérations soumises a la TVA, est déductible, et inversement.

2/ Exception : application de la règle du pro rata

La déduction par voie d’imputation est parfois impossible. Ex : achat d’un machine servant a produire des biens entrant dans le champ de la TVA, et d’autres non. On applique la règle du pro rata. L’entreprise va déduire un certain %, le pro rata : Montant annuel des recettes afférentes a des opérations ouvrant droit a déduction / le montant annuel des recettes afférentes a l’ensemble des opérations réalisées par l’entreprise dans le champ ou non de la TVA. On obtient une proportion appliquée a tout les achats de biens ou services qui servent indistinctement à la production de biens ou de services, hors champ et dans le champ de la TVA.

3/ Procédure des secteurs distincts d’activité (autre manière d’opérer pour échapper au pro rata) :

  • Lorsqu’une entreprise se livre a des activités entrant dans le champ et d’autres non
  • Lorsque la distinction a une stabilité suffisante dans le temps

On distinguera les immobilisations exclusivement affectées aux opérations taxables et les opérations hors champ. La distinction permet de dégager 2 secteurs distincts : l’entreprise n’assujettira à la TVA que la production de services entrant dans le champ de la TVA.

IV ) La rationalisation du régime des déductions par la jurisprudence communautaire

La jurisprudence communautaire sur les déductions est foisonnantes : 4 apports essentiels servant de références (que l’on illustre par des arrêts de la CJCE).

1/ Le droit a déduction est un droit lié a l’exercice d’une activité économique.

L’activité économique : une notion servant a déterminer le champ d’application de la TVA.

Délimitation du champ du droit a déduction, CJCE, 22 juin 93, Satam (arrêt de principe) : le droit a déduction doit s’appliquer de telle façon que son champ correspond dans la mesure du possible au domaine de l’activité économique de l’assujettit.

Toutes les activités ne relevant pas d’une activité économique ne doit en aucun cas affecter le droit a déduction.

2/ Le droit a déduction implique l’existence d’un lien direct entre les opérations ouvrant droit a déduction et les opérations imposables a la TVA.

La CJCE a mis en œuvre l’idée de lien direct (distinct de celui pour déterminer le champ de la TVA) pour qualifier certaines prestations de services et les faire rentrer dans le champ de la TVA : lorsque l’assujetti réalise une opération économique, toutes les prestations de services et livraisons de biens qui concourent a la réalisation de l’opération économique, donnent droit a déduction.

CJCE, 8 juin 2000, Midland Bank : L’opération doit se rattacher a une opération économique effectuée par l’assujetti pour qu’il ait droit a déduction d’une TVA payée antérieurement. Lorsque le lien direct n’existe pas, le droit a déduction n’est pas reconnu. La logique du droit a déduction implique que l’on suive le processus économique.

3/ Les restrictions apportées au droit a déduction sont d’interprétation stricte

Règle : 1/ Des lors qu’une TVA frappe une opération ayant un lien avec une opération taxable, le droit a déduction est acquis a l’assujetti. 2/ Le droit a déduction ne peut être réduit par l’Etat que sur une motif précis, justifie et réduit.

CJCE, 19 septembre 2000 : Ampa France. La France avait obtenu du Conseil des communautés en 1989, une dérogation a l’application de la 6e directive : suppression du droit a déduction globalement et indistinctement pour la TVA frappant les prestations de logement, de restaurant et de réception (prestations utilisées dans l’intérêt de l’entreprise).

Raison : la France interdisait les déductions uniquement pour éviter la fraude.

La CJCE annule la décision du Conseil des communautés accordant cette dérogation, en estimant que cette exclusion du droit a déduction était beaucoup trop large car les exceptions doivent être proportionnées au but d’intérêt général recherché. La France doit se donner les moyens de lutter contre la fraude mais il ne faut pas une restriction disproportionnée.

4/ Exception : L’application de la règle du pro rata ne doit tenir compte que des activités économiques de l’entreprise

Déduction du principe (arrêt Satam) : Lorsque l’achat d’un bien a servit a une activité soumise a TVA et a une activité exonérée de la TVA : droit à % de déduction.

Principe de la CJCE : des lors que le droit a déduction est circonscrit dans le champ des activités économiques, il ne doit pas être tenu des opérations hors du champ économique.

Le pro rata (selon la CJCE) = le chiffre d’affaire, hors taxes, des activités soumises a TVA / (Chiffre d’affaire, hors taxe, des activités soumises a TVA + Chiffre d’affaire des activités exonères de TVA).

Dans la conception française, on ajoutait le chiffre d’affaire des activités hors champ de la TVA, au dénominateur.