Définition, rôle et interprétation de la jurisprudence

QU’EST CE QUE LA JURISPRUDENCE ?

Étymologiquement, la jurisprudentia est la science du Droit. Aujourd’hui, on désigne sous l’expression jurisprudence l’ensemble des décisions de justice d’une juridiction, soit l’action des tribunaux qui solutionnent une question juridique.

paragraphe 1 : Définition de la jurisprudence.

Le terme « jurisprudence » a plusieurs significations. Dans un sens large, elle peut être définie comme l’ensemble des décisions rendues par les juridictions soit dans une matière, soit dans une branche du droit, soit dans l’ensemble du droit. Dans un sens strict, on qualifie de jurisprudence une solution donnée par les juridictions à un problème posé, solution qui se répète et se maintient de telle sorte qu’il est fort probable que le même problème sera, à l’avenir, réglé conformément aux principes dégagés par les décisions antérieures. Lorsque l’on se demande si la jurisprudence est une source de droit, on parle de la jurisprudence au sens strict. Avant de voir les discussions qui existent sur l’admission ou non de la jurisprudence au sein des sources du droit objectif, il convient d’abord d’étudier les conditions et les circonstances de sa formation.

Paragraphe 2 : Le Rôle de la jurisprudence.

Le rôle de la jurisprudence est de préciser le droit écrit là où il ne l’est pas, de l’adapter aux circonstances de fait, ou même de remplacer des règles de droit inexistantes. En effet, un des tout premiers articles du code civil, datant de 1803, incrimine le déni de justice. Ainsi, larticle 4 de ce code dispose que « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». On trouvera ainsi des règles de droit qui sont de véritables créations jurisprudentielles, autonomes et non transcrites dans le droit écrit (législation). C’est le cas, par exemple, du droit de la concurrence déloyale, construction jurisprudentielle développée à partir du très large article 1382 du code civil.

Paragraphe 3 : La formation de la jurisprudence.

La jurisprudence émane du juge, elle est liée à la fonction juridictionnelle. La mission du juge consiste à apporter une solution à un litige en appliquant la règle de droit adéquat. Il assure le passage de la règle abstraite (qui est la règle de droit) au cas concret rencontré par les justiciables. Le juge tranche la question qui lui est posée en disant le droit. L’article 4 du code civil lui impose même de trancher le litige qui lui est soumis : « le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi, être coupable de déni de justice ». Lorsque la règle de droit existe et qu’elle est claire et précise, la mission du juge est simple et se limite à appliquer fidèlement la règle de droit. Mais la règle de droit est par nature générale et ne peut pas envisager toutes les situations présentes et futures. Pour exercer sa mission, le juge doit très souvent interpréter la loi c’est à dire lui donner une signification exacte et définir sa portée. C’est par l’exercice de ce pouvoir d’interprétation de la règle de droit que la jurisprudence prend corps et c’est grâce à l’organisation judiciaire, et en particulier à la hiérarchie judiciaire qu’elle achève ce se former.

  • &1 : Le rôle du pouvoir d’interprétation de la règle de droit par le juge dans la formation de la jurisprudence.

Pour comprendre l’importance du pouvoir d’interprétation de la règle de droit par la juge dans la formation de la jurisprudence, il faut tout d’abord préciser cette notion d’interprétation puis distinguer les différents aspects que peut prendre l’interprétation judiciaire.

  • a) Généralités sur l’interprétation.

Ce sont principalement les magistrats qui ont le pouvoir en France (du moins actuellement, ça n’a pas toujours été le cas) d’interpréter la loi. Les juges ont pour mission d’appliquer la loi dans les cas litigieux (cadre du procès, du litige) et à cette occasion de donner l’interprétation de la loi quand elle est nécessaire, lorsque la loi pose une difficulté).

Rôle du juge n°1 : Interpréter la loi

La première fonction des juges est l’interprétation de la loi: un texte de loi ne peut que très rarement s’appliquer sans qu’il soit nécessaire d’en définir les termes; (ex ; en matière de Responsabilité civile Délictuelle les articles 1382, 1383 et 1384 ne font qu’énoncer de grands principes et le juge les interprètes).


Exemple : art 1382 « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Ce sont les juges qui ont définis, à partir de ce texte, la notion de faute, de dommage moral, de dommage physique, de dommage par ricochet, de réparation, de préjudice, etc.

Exemple: en 1972 importante réforme de la succession, l’article 760 n’était pas clair et son interprétation a été donnée peu à peu au fil des procès. Problème entre l’enfant adultérin, l’enfant légitime et l’enfant naturel.

On a déjà rencontré la saisine pour avis qui permet d’obtenir rapidement la réponse de l’interprétation de la haute juridiction qu’est la Cour de cassation à une question de droit nouvelle. Elle permettra donc d’obtenir rapidement l’interprétation de la haute juridiction. En toute hypothèse l’interprétation est donnée au cours d’un litige, on ne peut s’adresser au juge ou a la Cour de cassation directement pour le cas ou un jour il y aurait un litige sur la question.

Pour obtenir cet avis de la Cour de cassation, il faut un procès : contrôle concret. La saisine pour avis ne peut pas intervenir de manière abstraite. Le juge qui demande l’avis soit saisis d’un litige.


Rôle n° 2 : la suppléance de la loi par le juge : l’interdiction du « déni de justice ».


Deuxième fonction des juges, selon l’art 4 du Code Civil, la suppléance de la loi. Cet article pose l’obligation de juger sous peine de poursuite pour « déni de justice », même en cas de silence de la loi. Le rôle créateur de la jurisprudence est alors accentué.


Il n’invente pas pour autant les règles, il s’appui sur les textes qui visent des cas voisins, ou de grands principes de notre droit ou qui relève de la coutume.


Rôle n° 3 : l’adaptation de 1a loi à l’évolution des moeurs.


Sa troisième fonction est l’adaptation de 1a loi à l’évolution des moeurs. L’exemple le plus frappant est celui de l’interprétation de l’article 1384 (responsabilité du fait des choses) ayant permis aux juges de faire face aux accidents du travail dans une société nouvellement industrialisée au début du 20ème siècle ainsi qu’aux accidents de la circulation avec le développement de l’automobile.

  • b) Les différents aspects de l’interprétation judiciaire.

Le juge doit trancher les litiges, c’est une obligation qui lui est soumise sous peine de déni de justice. Il tranche le litige en appliquant la loi, il est le serviteur de la loi, il doit la respecter si bien que si cette loi est claire et précise, il lui suffit pour juger de dire le droit et d’en tirer les conséquences mais lorsque la règle de droit nécessite une interprétation parce qu’elle est obscure, démodée, absente, le juge doit obligatoirement juger et trancher le litige. Dans sa mission d’interpréter, le juge bénéficie d’un certain rôle créateur puisqu’il doit choisir entre toutes les différentes interprétations possibles d’un même texte laquelle est la plus opportune. Ce rôle créateur se manifeste de différentes manières.

Première hypothèse : l’interprétation de la loi par le juge peut tout d’abord l’obliger à préciser la loi. Si on demande au juge d’appliquer une loi qui n’est pas précise ou obscure, il devra commencer par l’interpréter pour préciser son contenu. Par exemple, l’article 1382 du code civil : « tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cette règle juridique pose des conditions à la responsabilité civile du fait personne. Elle indique qu’il faut pour que la victime obtienne des dommages et intérêts qu’elle prouve qu’elle a subi un dommage, que le responsable a commis une faute et qu’il y a bien eu lieu de cause à effet mais à aucun moment cette règle de droit ne donne la différence de qu’est-ce qu’un dommage ou du lien de cause à effet. C’est donc au juge à qui l’on demande d’appliquer l’article 1382 du code civil qu’il est revenu de préciser ces notions, des définitions manquantes puisqu’il ne pourra pas appliquer les règles de droit sans ce préalable.

Deuxième hypothèse : l’interprétation de la loi par le juge peut obliger à adapter la loi. Les règles de responsabilité civile édictées en 1804 sont très vite apparues dépassées.

En effet en 1804 les possibilités d’accident étaient très différentes de celles qui existent aujourd’hui. L’évolution de la société moderne, le développement du machinisme ont vu apparaître des accidents inimaginables en 1804. Les juges se sont trouvés vite démunis pour appliquer à ces nouveaux accidents des règles édictées à une époque ou tout ces progrès n’existaient pas. La Cour de Cassation a alors eu l’idée d’utiliser l’article 1384 alinéa 1 du code civil qui a l’origine en 1804 n’était conçu que comme une transition entre l’article 1383 et 1385 et d’utiliser ces termes généraux pour proclamer l’existence d’un principe général de responsabilité du fait des choses. Sur la base de ce texte, les juges ont créé de toute pièce un régime général de responsabilité du fait des choses non fondé sur la faute, pour adapter le texte du Code Civil aux nouveaux besoins de la société. En 1991, la Cour de cassation a utilisé ce même article pour énoncer cette fois le principe général de responsabilité au fait d’autrui.

Troisième hypothèse : Elle correspond au cas où le pouvoir d’interprétation du juge l’oblige à combler les lacunes de la loi. On soumet un litige au juge, la loi ne dit rien à propos de cette situation, le juge pour trancher ce litige, va créer une règle. L’exemple d’un tel rôle du juge peut être trouvé dans le principe général d’enrichissement sans cause consacrée par la jurisprudence. Avec l’arrêt Bourdier de la Cour de Cassation du 15 juin 1892 du principe général d’enrichissement sans cause.

Sur la base de disposition éparses du code civil sanctionnant l’hypothèse d’enrichissement sans cause d’une personne au détriment d’une autre, le juge a consacré un principe général d’enrichissement sans cause sur la base duquel, quand les conditions sont remplies, l’appauvri peut réclamer à l’enrichi un dédommagement qui ne peut pas être supérieur à son appauvrissement ni excéder l’enrichissement. Un tel principe a notamment permis au juge en l’absence de règles spécifiques d’allouer à la concubine ou au concubin délaissé de sommes d’argent à titre de dédommagement en l’absence de règles de droit régissant la rupture de concubinage.

Ci-dessous, un autre cours d’Introduction au droit civil est divisé en plusieurs fiches (sources, droit objectif, droit subjectif, preuves,

Autres Cours complet de Droit civil divisé en plusieurs fiches :

  • &2 : Le rôle de l’organisation judiciaire dans la formation de la jurisprudence.

Le devoir et le pouvoir d’interprétation du juge le conduit à poser des règles. Ces règles vont devenir jurisprudence par la répétition de leur application. On dit en effet qu’une jurisprudence est fixée lorsque les juges sur un problème donné répètent tous la solution la retenue. De sorte que le principe qui a été dégagé a vocation a être perpétuée. C’est cette répétition qui installe la jurisprudence et cette répétition est rendue possible par la hiérarchie judiciaire.

Pourquoi une solution donnée par un juge se répète-t-elle parfois pour devenir jurisprudence. La première raison est un souci de cohérence. Lorsque le juge doit à l’occasion d’un nouveau procès interpréter le même texte, il a logiquement tendance à se référer au raisonnement qui l’a déjà tenu. Il conserve en général la même interprétation de la loi et reprend les motifs de sa précédente décision c’est-à-dire le raisonnement juridique par lequel il justifie la solution apportée au litige. Le risque c’est que si chaque juge est cohérent avec lui-même il n’est pas évident qu’ils le soient entre eux. C’est grâce à l’organisation judiciaire et plus précisément à la hiérarchie qui existe entre les juridictions du fond et et la Cour de Cassation (droit privé) et le Conseil d’État (droit public) que la solution va être unifiée pour pouvoir alors se répéter. En matière de droit privé la Cour de Cassation joue un rôle primordial. Tout d’abord elle contrôle le respect de la loi par les juridictions du fond. En effet, elle n’est pas un troisième degré du juridiction car elle ne réexamine pas les faits et ne juge qu’en droit. A l’occasion d’un pourvoi en Cassation, elle vérifie que les règles de droit ont bien été appliquées aux faits établis et appréciés souverainement par les juges du fond. En jouant ce rôle, la Cour de Cassation va favoriser l’apparition d’une jurisprudence uniforme. En effet, en examinant les décisions attaquées, pour vérifier la correcte application de la loi, elle donne son point de vue sur le sens de la règle de droit et sur l’interprétation qu’il convient de lui donner. Ainsi, elle va peu à peu imposer une interprétation uniforme de la règle de droit. Certes, en principe les juridictions du fond sont libres de juger en fonction de leur propre interprétation de la loi. Mais si cette interprétation diffère de celle de la Cour de Cassation, elles verront en cas de pourvoi leur décision cassée, annulée. L’organisation judiciaire est telle que la Cour de Cassation finira toujours par imposer son interprétation. Le procédé le plus marquant de ce rôle de la Cour de Cassation c’est la procédure applicable en cas de second pourvoi. Lorsqu’une affaire est jugée une première fois par les juges du fond, et qu’un premier pourvoi a été formé. Le Cour de Cassation contrôle la bonne application du droit par les juges du fond. Si elle estime que la loi n’a pas été respectée, elle casse, annule, la décision soumise à son contrôle. Annuler ça veut dire anéantir rétroactivement la décision, faire comme si elle n’avait jamais existé et donc la Cour de Cassation renvoi l’affaire devant une autre Cour d’Appel, l’affaire et de nouveau jugée en faits et en droit. Le juge peut se plier à la décision de la Cour de Cassation et retient une solution conforme à cette décision. Dans ces cas là, il n’y pas certainement pas un second pourvoi et donc l’affaire prend fin. Soit la juridiction de renvoi persiste à retenir une solution différente de celle de la Cour de Cassation, dans ce cas il y aura à coup sûr un second pourvoi. L’affaire retourne devant la Cour de Cassation et est alors examinée par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation. Il s’offre a elle deux possibilités, soit elle revient sur sa première analyse et rejette le pourvoi, soit elle maintient l’interprétation qu’elle a faite lors du premier pourvoi, elle prononce une nouvelle cassation, elle annule encore une fois la décision du juge du fond et renvoi l’affaire une dernière fois à une autre juridiction de même degré et de même nature. Cette fois-ci, la juridiction de renvoi doit obligatoirement se plier, appliquer, la solution retenue par la Cour de Cassation. Au final, par ce procédé, la Cour de Cassation pourra imposer une interprétation de la loi, son interprétation de la loi et permettre l’apparition d’une jurisprudence. Lorsqu’une question de droit pose un problème de principe dès le premier pourvoi, la Cour de Cassation peut également décider de se réunir en assemblée plénière. Pour donner plus d’autorité à la solution qu’elle retient et obtenir plus rapidement le ralliement des juges du fond à cette solution. Comme la Cour de Cassation est divisée en Chambre, il arrive parfois qu’une même question de droit ait été soumise à différentes chambres de la Cour de Cassation, et qu’elles n’aient pas toute retenu la même solution. Pour mettre fin à une telle divergence entre ces propres chambres, La Cour de Cassation décidera de se réunir en chambre mixte, c’est-à-dire composée de magistrats issus des deux chambres qui s’opposent pour que cette divergence soit réglée et que les chambres s’entendent sur une solution unique. Il existe d’autres procédures qui permettent à la Cour de Cassation de jouer son rôle d’unification de jurisprudence, c’est la cas par exemple de la saisine pour avis de la Cour de Cassation, introduite par une loi du 15 Mai 1991.

Elle permet aux juridictions de l’ordre judiciaire de saisir la Cour de Cassation lorsqu’une nouvelle question de droit se pose pour solliciter son avis avant même avoir à statuer. L’avis donné par la Cour de Cassation ne lie pas le juge qui le demande. C’est toujours dans le même souci qu’une loi du 3 Juillet 1967 a prévu une autre procédure, le pourvoi dans l’intérêt de la loi.

Le pourvoi dans l’intérêt de la loi permet au procureur près la Cour de Cassation, lorsqu’il apprend l’existence d’une décision jugée contraire à la loi et contre laquelle aucun pourvoi n’a été formé par l’une des parties au procès, si elle prononce la cassation, la cassation n’aura aucun effet sur les parties. C’est une cassation de principe qui permet à la Cour de Cassation de contester le principe de cette décision et donc de dissuader les juges du fond de retenir une telle solution. Quand on parle de cassation, on parle de la jurisprudence de la Cour de Cassation dont on parle. Pour autant, les décisions des juridictions d’appel sont importantes. Tout d’abord, elles sont les premières à se prononcer sur les nouveaux textes. Parfois même, comme les Cour d’Appel peuvent proposer des décisions différentes, c’est en lisant ces décisions qu’on prend conscience des différentes interprétations possibles de la loi avant que la Cour de Cassation impose la sienne. Ce sont les arrêts de la Cour de Cassation qui fixent avec autorité une jurisprudence mais attention, tous les arrêts rendus par la Cour de Cassation n’ont pas la même autorité. Il faut en effet distinguer les arrêts d’espèce et les arrêts de principe. Les arrêts de principe sont ceux par lesquels la Cour de Cassation tranche en son principe une question de droit en général controversée, par cette décision, la Cour de Cassation pose une règle, pose un principe. En général, ces arrêts se caractérisent par une motivation générale, de nature à leur procurer une autorité morale en dehors de l’espèce jugée. Christian Atias qui a consacré une étude à ce type d’arrêts, les définit comme « Des décisions univoques dénuées d’ambiguïté, tranchant nettement et solennellement, c’est-à-dire durablement, le débat entre deux opinions à valeur générale, soutenues ou soutenables ». Ce sont ces principes généraux qui sont amenés à régir d’autres cas analogues. Ce n’est pas le cas des arrêts d’espèce qui peuvent être définis comme les arrêts qui quelle que soit la motivation juridique sur laquelle ils s’appuient, ont été rendu en considération des circonstances particulières de l’affaire en cause et n’ont donc pas de portée générale. La question qui se pose maintenant est de savoir quelle est la valeur des principes, des règles, dégagés par la jurisprudence. Est-ce que ces règles appliquées de manière répétée par les juridictions sont de véritables règles de droit? En d’autres termes, la jurisprudence a-t-elle un pouvoir normatif? Ou encore, est-elle l’une des sources du droit objectif?

Grâce au mécanisme du pourvoi en cassation et notamment par le rôle fondamental joué par l’assemblée plénière, elle est systématiquement saisie en cas de second pourvoi mais aussi parfois dès le premier pourvoi lorsque la question qui fait l’objet du pourvoi est une question de principe ou une question susceptible de diviser les différentes chambres de la cour de cassation (impose une interprétation unique). Ce rôle d’unification que joue la cour de cassation se trouve renforcé par la possibilité de saisir cette cour suprême dans la cadre de procédures particulières. Ainsi, la procédure de saisine de la cour de cassation pour avis a été introduite par une loi du 15 mais 1992. Elle permet aux juridiction de l’ordre judiciaire (du fond) de saisir la cour de cassation lorsqu’une question de droit nouvelle se pose pour solliciter son avis avant de statuer. L’avis donné par la cour de cassation ne lie pas le juge à la cour de cassation, il n’est pas obligé de le suivre.

Une autre procédure favorise également ce rôle d’unification de la jurisprudence par la cour de cassation. Celle-ci a été introduite par une loi du 3 juillet 1967 et s’appelle « le pourvoi dans l’intérêt de la loi. » Cette procédure permet au procureur près la cour de cassation de saisir lui même la cour de cassation lorsqu’il apprend l’existence d’une décision jugée contraire à la loi et contre laquelle un pourvoi n’a pas été formé par l’une des parties au procès. Si la cassation est prononcée, elle n’a aucun effet sur les parties. C’est une cassation de principe dont le seul but est dans l’intérêt de la loi de proclamer quelle est la bonne interprétation qu’il faut en faire.
La jurisprudence la plus importante est bien sûr celle de la cour de cassation. Les décisions rendues par les cour d’appel car ce sont les premières à se pencher sur les nouveaux textes. Elles peuvent parfois proposer des interprétations différentes et ce sera alors à la cour de cassation de trancher. C’est pourquoi l’étude de la jurisprudence implique fondamentalement et essentiellement l’étude des arrêts de la cour de cassation. Il faut distinguer parmi les arrêts rendus par la cour de cassation les arrêts de principe et les arrêts d’espèce. Les arrêts de principe sont ceux par lesquels la cour de cassation tranche en son principe une question de droit en général controversée. Ils se caractérisent en principe par leur motivation générale de nature à leur procurer une autorité morale en dehors de l’espèce jugée. Christian Atias, qui a consacré une étude à ce type d’arrêts les définit comme des décisions univoques, dénués d’ambiguïté, tranchant nettement et solennellement c’est à dire durablement le débat entre deux opinions à valeur générale soutenues ou soutenables. Ce sont ces décisions là de la cour de cassation qui contiennent un principe d’application générale appelé à régir d’autres cas analogues qui fondent une jurisprudence. Et c’est pour cette raison que la portée de ces arrêts est supérieure à la portée d’un simple arrêt d’espèce. Les arrêts d’espèce sont ceux qui quelque soit la motivation juridique sur laquelle ils s’appuient ont été rendus en considération de circonstances particulières de l’affaire, sans rechercher à avoir une portée générale au delà de cette affaire, sans dégager de principes.


Dans certaines situations, le juge ne se contente pas de trancher un litige, il doit pour appliquer la loi l’interpréter, pouvoir à l’occasion de l’exercice duquel il peut être amené à poser un principe de solution, une « règle » qui pourra avoir vocation à se répéter si elle est consacrée par la cour de cassation qui veillera alors à ce que toutes les juridictions du fond appliquent ce même principe de solution dans une situation similaire. Un principe, une règle est nés par l’exercice par la juge de sa fonction. La question qui reste à se poser est si cette règle peut être qualifiée de règle de droit, si la jurisprudence peut se voir reconnaître un pouvoir normatif, en d’autres termes, si la jurisprudence peut être considérée comme l’une des sources de droit objectif.