La demande en justice : classification et conditions

Les différentes demandes en justice et les conditions

L’exercice de l’action se résout soit dans la demande, soit dans la défense. En vérité, les choses sont plus compliquées, la demande et la défense sont des manifestations de celle-ci.

La demande est la mise en œuvre de l’action, l’exercice de l’action. C’est l’acte procédural par lequel une personne soumet au juge une prétention. On se dit alors que l’on peut préciser que cet acte procédural est celui qui va enclencher le procès mais la demande ne se réduit pas à cela, elle peut être initiale, reconventionnelle ou additionnelle. Il y a plusieurs variétés de demandes.

  1. A) La typologie des demandes.

Il y a plusieurs critères de classification des demandes. On peut classer les demandes suivant le stade de l’instance.

Ainsi, on peut opposer la demande initiale aux demandes incidentes.

La demande initiale est celle qui précisément va introduire l’instance. C’est celle par laquelle le procès est introduit, engagé, c’est ce qui ressort de l’article 53 du Code de Procédure Civile qui la définit. Un plaideur prend l’initiative du procès en soumettant au juge une prétention. Cette demande va donc engager l’instance entre les parties et le juge. Cette demande va introduire un lien d’instance qui ne sera créé que dans un deuxième temps, quand la demande sera placée par un acte d’assignation d’huissier invitant le défendeur à se rendre devant le Tribunal.

La demande est le premier acte de la procédure de création du lien d’instance. Il existe cinq modes pour porter une demande initiale. Elles sont énumérées à l’article 54 du Code de Procédure Civile et furent modifiées récemment par un décret du 28 décembre 2005 précisant que « sous réserve des cas où l’instance est introduite par la présentation volontaire des parties devant le juge, la demande initiale est formée par assignation, par remise d’une requête conjointe au secrétariat de la juridiction ou par requête unilatérale ou enfin par déclaration au secrétariat de la juridiction. »

On le voit, avec cette énumération, il y a des modes exceptionnels pour introduire l’instance et des modes considérés comme habituels. Ceci étant dit, aux demandes initiales sont opposées les demandes incidentes.

Les demandes incidentes sont des demandes qui sont formulées au cours même de l’instance, une fois que l’instance a été introduite par la demande initiale étudiée. Ce sont des demandes nouvelles qui viennent se greffer sur la demande initiale.

Ces demandes initiales sont des tempéraments au principe que ce dont le juge va trancher est délimité par la défense de l’adversaire, par acte introductif d’instance, et par les conclusions en défense de l’adversaire selon l’article 4 du Code de Procédure Civile. Elle peut en quelque sorte s’élargir de demandes nouvelles. Simplement, ces demandes doivent présenter un lien avec la demande initiale. Il faut qu’il y ait un lien de connexité suffisant selon l’article 70 du Code de Procédure Civile, avec la demande initiale.

L’article 63 du Code de Procédure Civile distingue trois variétés de demandes incidentes.

La demande reconventionnelle : C’est celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions de son adversaire, autrement dit du demandeur initial, c’est ce qui ressort très exactement de l’article 64 du Code de Procédure Civile.

Autrement dit, il ne se contente pas de défendre, mais soumet aussi au juge sa demande. C’est l’exemple d’une personne qui agit en nullité du contrat et demande des dommages-intérêts. Il y a alors demande reconventionnelle. Il émet une prétention et demande au juge de l’exécuter. Il ne va pas se contenter de demander le rejet de la partie adverse mais va formuler lui-même une prétention indépendante dont le juge aura à connaître. Le juge sera saisi de deux demandes qu’il aura à juger concomitamment.

Il ne faut pas la confondre avec la demande additionnelle.

La demande additionnelle : C’est celle qui ajoute aux prétentions initiales. En somme, c’est la demande par laquelle l’un des plaideurs va modifier ses prétentions antérieures. C’est exactement ce que dit l’article 65 du Code de Procédure Civile. Ces demandes sont fréquentes car un litige évolue au fur et à mesure de l’instance. On songera à de nouveaux moyens, on enrichira ses prétentions par des demandes additionnelles.

Il faut tenir compte également des demandes en intervention.

La demande en intervention : C’est celle qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès. C’est celle qui va ajouter une nouvelle partie à l’instance. Il faut donc supposer qu’un litige intéresse plusieurs personnes et qu’il ait engagé entre deux de ces personnes seulement. Un tiers à l’instance intéressé au litige a été laissé en dehors du procès. L’intervention va permettre de rendre ce tiers à l’instance partie à celui-ci. On va l’associer juridiquement au lien d’instance. Cette association peut prendre deux caractères opposés.

L’intervention peut être volontaire. L’association sera du fait de ce tiers lui-même. C’est lui qui sollicite sa participation au procès. Il demande à être associé à l’instance.

Mais sa participation peut aussi être forcée. L’une des parties au procès va mettre en cause le tiers. C’est par exemple celui qui est responsable, débiteur d’une obligation de réparation qui va appeler à l’instance son assureur pour qu’il le garantisse. C’est le vendeur assigné par l’acheteur d’un bien immobilier qui va appeler à la cause le constructeur pour le garantir de malfaçons dont il se plaint.

Le jugement ainsi rendu à l’instance sera un jugement commun aux parties originaires et au tiers devenu à l’instance. Le jugement a une autorité de jugée. Il s’impose relativement et ne concerne que les parties à l’instance. On ne peut se prévaloir d’un jugement rendu à l’égard de deux personnes. On ne veut pas que le jugement puisse lui être opposé en l’état. Si l’on veut que le jugement ait l’efficacité envers une tierce personne, il faut le faire intervenir en l’instance.

Ce sont des formes de l’intervention principale, par opposition à l’intervention accessoire ou conservatoire.

Au titre de l’article 63 du Code de Procédure Civile, l’intervention principale tend à conférer au tiers intervenant, la qualité de partie au procès.

Lorsque l’on parle d’intervention accessoire, l’intervenant ne prend pas part au procès, mais soutient les prétentions d’une partie à l’instance. Il reste donc en retrait. Le jugement rendu sera rendu entre les seules parties originaires, les parties initiales. Les créanciers d’un copartageant peuvent soutenir les prétentions de leur débiteur.

Dans toutes les hypothèses de demandes, la demande doit exposer les prétentions, les moyens de la partie qui les forme et faire mention des pièces justificatives. Il faut noter une particularité de ces demandes incidentes.

Il y a un assouplissement du formalisme des demandes incidentes dans les procédures avec représentation obligatoire, devant le Tribunal de grande instance. Si on laisse de côté l’intervention forcée, les demandes incidentes vont pouvoir être formées par un acte du Palais. On n’est pas obligé d’emprunter les formes ordinaires, en particulier l’assignation.

Autrement dit les demandes additionnelles ou reconventionnelles vont pouvoir être formulées par un simple échange de conclusions des avocats. C’est une économie de forme qui entraîne une économie de coût. Ce sont les articles 67 et 68 du Code de Procédure Civile qui prévoient cet assouplissement. On peut encore classer les demandes suivant l’importance respective qu’elles ont dans l’argumentation de la partie.

Sous ce rapport, on va distinguer la demande principale des demandes subsidiaires et encore annexes ou accessoires.

La demande principale : C’est celle qui exprime les prétentions les plus importantes de la partie.

La demande subsidiaire : C’est une demande fréquente dans les conclusions, ce sont des demandes présentées pour le cas où la demande principale ne serait pas accueillie. On ne serait pas sûr de sa cause, pour le cas où le juge ne ferait pas droit à la demande principale. On demande la nullité du contrat, pour vice du consentement, mais on n’est pas sûr du procès. Pour se protéger contre le débouté des prétentions, on peut demander la réduction du prix, des honoraires du prestataire à titre subsidiaire.

La demande annexe, ou accessoire : C’est une demande qui va être présentée en plus de la demande principale, elle est adjointe à la demande principale. On demande des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile. À titre accessoire, on va demander la condamnation du défendeur aux dépens, au juge de rendre provisoire la condamnation qu’il rendra.

Ces distinctions vont avoir une influence décisive dans le travail du juge.

Si toutes les prétentions sont sur le même plan, le juge devra répondre à tous les chefs de demande, dire le droit sur toutes les prétentions soumises à titre principal.

S’il y a maintenant à côté des demandes principales des demandes subsidiaires, il devra commencer par répondre aux demandes principales.

Ce n’est que s’il rejette les demandes principales qu’il examinera les demandes subsidiaires car elles sont subalternes. Leur sort dépend étroitement de leur demande principale.

En effet, si le juge accueille l’action, il examinera les demandes subsidiaires.

Si le juge rejette la demande principale, il n’aura pas à se prononcer sur la demande accessoire. Il est donc important dans les conclusions de déterminer ce qui participe du principal et du subsidiaire.

  1. B) Les conditions de validité des demandes.

La demande est un acte juridique. Elle va obéir à des conditions de validité qui sont des conditions de fond et de forme. Ces conditions de fond et de forme sont en partie communes aux différents actes de la procédure. Il y a des conditions générales de tous les actes de validité de la procédure.

À côté de ces conditions générales, il existe des conditions de forme spécifiques aux demandes.

L’article 56 du Code de Procédure Civile qui envisage les conditions de forme de l’assignation précise que l’assignation doit comporter à peine de nullité, outre les conditions communes à tous les actes d’huissier de justice, qu’énumère l’article 648 du Code de Procédure Civile, diverses indications qui sont les suivantes.

  1. L’indication de la juridiction devant laquelle la demande va être portée.
  2. L’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.

Cette précision est récente et date d’un décret du 28 décembre 1998. Jusqu’à présent, on estimait que les parties ont apporté au juge les faits et qu’il doit les qualifier car il est maître du droit. C’est dire que le travail juridique reposait exclusivement sur les épaules du juge en théorie. Mais dans les procès complexes, on peut ne pas être certain de qualifier. Cette dispense était très avantageuse pour les avocats.

On a donc à cause de l’engorgement des tribunaux obliger les avocats à qualifier les prétentions dès la demande introductive de l’instance et tout le monde s’en félicite. Les avocats ont vu que cela simplifiait leur travail et rendait le cas plus clair.

  1. L’assignation doit encore contenir l’indication que faute de comparaître, le défendeur s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

  1. L’assignation doit encore contenir l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Tous les éléments de preuve doivent donc être visées. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

C’est ainsi que lorsque l’on assigne on doit récapituler toutes les pièces communiquées à la partie adverse.

Enfin, si l’on se trouve dans la matière immobilière, il faudra, le cas échéant, procéder à la publicité foncière, les demandes qui ont pour effet de remettre en cause les droits assujettis à cette publicité. Il faudra que celle-ci indique la désignation des immeubles en conformité avec cette publicité.