Double degré de juridiction : 1er degré, appel, cassation

LA HIÉRARCHIE DES JURIDICTIONS

L’organisation juridictionnelle française est structurée sur un mode hiérarchique : première instance (ou premier degré), second degré et cassation. Cette hiérarchie n’est pas militaire, la juridiction supérieure n’a pas un pouvoir de commandement à l’égard de la juridiction inférieure. La hiérarchie juridictionnelle signifie qu’il existe un pouvoir de contrôle exercé après coup par les juges de degré plus élevé sur les décisions particulières prises par les juridictions de moindre degré (contrôle a posteriori).

Les juridictions de degrés supérieurs n’ont pas de pouvoir d’auto-saisine, les parties vont déférer les décisions qui leur font grief aux juridictions supérieures. Il y a deux voies de recours, l’appel et le pourvoi en cassation.

1) Le premier degré de juridiction

Le premier degré de juridiction en matière civile est assuré de manière coordonnée par les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance. Bien que ces deux catégories de juridictions soient distinctes, il existe entre elles à la fois une unité fonctionnelle, assurée par le tribunal de grande instance, et une homologie décisionnelle, celle du juge unique. La distinction classique entre le Tribunal d’Instance, statuant en juge unique, et le TGI, juridiction collégiale par principe, tend aujourd’hui à perdre de sa pertinence.

Le premier degré de juridiction en matière administrative est assurée par les tribunaux administratifs qui sont les juridictions de premier ressort et de droit commun de l’ordre administratif.

2) L’appel

La voie de l’appel permet à la partie dite succombante de porter le litige devant un autre juge qui est investi du pouvoir de réformer la décision du premier juge. C’est pourquoi on dit que la voie d’appel est une voie de réformation. On parle aussi du fait qu’on est en présence d’un double degré de juridiction. Le premier juge a pu se tromper, l’affaire peut être rejugée.

Mais cette possibilité ne s’applique pas à tous les jugements, il n’y a pas de droit au double examen. En réalité le double degré de juridiction est réservé aux questions que le législateur estime les plus importantes, quand un litige parait minime le législateur exclut qu’on réexamine l’affaire dans sa totalité. C’est pourquoi les décisions du juge de proximité ne sont généralement pas susceptibles d’appel. Le juge d’appel réexamine entièrement le litige, comme l’a fait le juge de première instance.

L’appel interjeté a un effet suspensif de l’exécution, le juge d’appel est susceptible d’infirmer la décision rendue par le juge de première instance. Il existe des exceptions, dans ce cas la décision est exécutoire par provision ou immédiatement. L’acte d’appel crée une nouvelle instance, en première instance on a un demandeur et un défendeur, en appel on a l’appelant (celui qui interjette appel) et l’intimé (l’autre).

La procédure devant la Cour d’appel est écrite. Quand l’instruction de la cause est terminée, la Cour d’appel rend un jugement. Elle peut confirmer le jugement rendu en première instance (arrêt confirmatif) mais elle peut aussi rendre une décision inverse à celle rendue par les premiers juges (arrêt infirmatif). Elle peut aussi rendre un arrêt partiellement infirmatif ou affirmatif. L’arrêt de la Cour d’appel met fin au procès. On ne peut obtenir un nouvel examen en fait et en droit.

3.Le pourvoi en cassation

Ce n’est pas un troisième degré de juridiction. Le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’à l’encontre des jugements rendus en premier et dernier ressort. La Cour de cassation reçoit les décisions de première instance rendue en premier et dernier ressort ou les décisions rendues par les Cours d’appel (nécessairement rendues en dernier ressort). Ce n’est pas une voie de réformation, la Cour de cassation examine la légalité de la décision qui lui est déférée. Qu’est-ce que cette légalité ? La Cour de cassation vérifie que la décision est rendue conformément au respect des règles de droit. Les juges du fond (juges de première et deuxième instance) jugent le litige, les faits et le droit, la Cour de cassation juge la décision, le droit.

La Cour de cassation est juge de droit et non juge de fait : c’est un contrôle de légalité. On ne discute plus les faits du litige, l’histoire racontée devant les juges. La Cour de cassation va déterminer si les juges ont fait une exacte application de la règle de Droit. Elle se borne à apprécier la légalité d’une décision. Comment savoir si une question relève du fond et non du droit ? Il n’y a pas de critère, c’est la Cour de Cassation qui décide. Quand la Cour décide qu’une question est une question de Droit, c’est qu’elle souhaite uniformiser l’interprétation d’une règle.

Pourquoi cette voie de recours singulière ? Pour protéger les justiciables des décisions arbitraires ou injustifiées en droit. Le juge de fond est tenu de juger en Droit (art. 12 CPC), le juge ne peut statuer en équité, la Cour de cassation sert à vérifier que le juge de fond juge bien en Droit. De plus l’existence d’une juridiction unique doit assurer une certaine unité d’interprétation des règles du Droit français. Sans Cour de cassation il y aurait autant d’interprétations du Droit que de juges, la Cour de Cassation a vocation à assurer une certaine harmonie d’interprétation. Ce qui rassure le sentiment de justice des citoyens. Elle ne se saisit pas des litiges, il faut qu’une des partie se pourvoi, son contrôle n’est pas nécessaire.

La procédure commence par un pourvoi en cassation, déclaration signée par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation (avocat aux conseils). Cet avocat représente l’une des parties du litige. Les deux parties deviennent demandeur et défendeur au pourvoi. Contrairement à l’appel, le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. Il y a des exceptions, notamment en matière pénale ou de divorce. Cette déclaration, ou mémoire introductif, est transmise au défendeur qui doit aussi constituer un avocat aux conseils car la représentation est obligatoire par un avocat aux conseils, officier ministériel qui a un monopole de représentation. Le litige est attribué à une des chambres de la Cour dont des membres est spécialiste. Dans un mémoire ampliatif, le demandeur au pourvoi va développer ses critiques par des moyens de cassation et reprocher quelque chose à une décision.

Pour chaque chef du dispositif il y a un moyen. Le moyen de cassation doit critiquer un chef du dispositif. On peut :

  • Reprocher à la Cour d’appel d’avoir violé la loi ;
  • Reprocher à la cour de n’avoir pas assez justifié sa décision (décision privée de base légale) on présente alors un défaut de base légale ;
  • Reprocher un défaut de motif, si une décision n’est pas motivée. Ou encore une contradiction de motifs si les motifs invoqués sont contradictoires ;
  • Reprocher au juge du fond d’avoir méconnu le sens d’un écrit clair (dénaturation d’un écrit).

Ces critiques à l’encontre de la décision prennent la forme de branche. On ne peut arriver devant la Cour de cassation sans cas d’ouverture à cassation. Sur la question on peut lire La technique de cassation : Pourvois et arrêts en matière civile Par JobardBachellier

L’affaire est confiée à une chambre de la Cour de cassation. Normalement elle statue avec 5 magistrats, elle peut aussi siéger en formation réduite. Une affaire peut requérir les compétences de plusieurs chambres, le dossier est confié à une chambre mixte. L’assemblée plénière peut se réunir quand l’affaire revêt une importance particulière. Après le mémoire ampliatif, le défendeur au pourvoi publie lui un mémoire en défense.

La cour de cassation peut rendre trois types de décision :

  • Arrêt de non admission

Sans motivation la Cour décide que le pourvoi ne mérite pas de réponse. C’est une technique de désengorgement.

  • Arrêt de rejet

Les critiques développées à l’encontre de la décision ne sont pas fondées. Alors la procédure s’achève là. On dit que la décision est impeccable en Droit.

  • Arrêt de cassation

La Cour « casse et annule ». La décision est annulée, comme si elle n’avait jamais existée. La Cour va renvoyer les parties devant une autre Cour d’appel composée d’autres juges pour qu’elle statue à nouveau. Le procès recommence comme si de rien n’était, et la Cour rend le jugement qu’elle veut et peut statuer de la même manière que la précédente (c’est un cas de résistance des juges du fond). En cas de résistance un nouveau pourvoi peut être formé, si la Cour de Cassation développe les mêmes critiques, l’assemblée plénière est saisie, elle peut désavouer la décision de la Cour de cassation et donner raison aux juges du fond. Mais si elle rend un arrêt de cassation et qu’elle renvoie le dossier devant une Cour d’appel, elle est tenue d’appliquer la décision de la Cours de cassation.

  • Arrêt de cassation sans renvoi

Rarement le constat que les juges du fond ont méconnus une règle de droit n’impose pas qu’il y ait renvoi après l’arrêt de cassation. La Cour n’est toujours pas juge des faits, mais elle peut donner la solution du litige (prescription). C’est exceptionnel.

Des juges peuvent aussi saisir la Cour de cassation pour demander son avis sur l’interprétation d’une règle de droit, avis indicatif généralement suivi.

La décision de la Cour de cassation met fin au procès, les justiciables ont épuisés les voies de recours internes et peuvent saisir la Cour européenne des droits de l’homme qui ne refait pas le procès, mais cherche seulement à savoir si l’Etat français a respecté ses obligations internationales. Cette Cour n’annule pas la décision de la cour de cassation, mais allouer une compensation monétaire à la personne victime de la méconnaissance de ses droits.