Droit comparé de la fonction publique et des fonctionnaires

La fonction publique et fonctionnaires : droit comparé

C’est une notion qui est beaucoup moins claire qu’il n’y paraît si on se place sur le terrain du droit comparé. Il y a une ambiguïté : quand on parle de Fonction Publique, se réfère-t-on à l’emploi ou au régime ? (Section I)

Nous aborderons ensuite les régimes classiques de Fonction Publique. (Section II)
On parlera enfin des réformes de la Fonction Publique. (Section III)

Section I – Fonction publique et emploi public

S’il s’agit de comparer les Fonction Publique, que doit-on prendre en compte ? Les personnels employés par les administrations publiques ? Les personnels soumis à un statut caractéristique de la Fonction Publique ? Ou encore, n’est-il pas plus pertinent de considérer l’ensemble de l’emploi du secteur public ?
Ces trois dimensions ne concordent pas.

La notion la plus large est le secteur public. C’est l’ensemble des administrations publiques (Etat, collectivités locales) mais c’est aussi le personnel employé par les entreprises publiques. D’un point de vue économique, on peut mesurer ce que représentent les personnes employées dans le secteur public.
Cette mesure est certainement trompeuse car dans cette vaste catégorie, on mélange des personnels qui sont rémunérés sur des budgets publics et d’autres qui ne le sont pas. Les personnels rémunérés sur les budgets publics le sont par des ressources fiscales. Au contraire, les autres procèdent des recettes liées à l’entreprise publique.


Ensuite, quant au personnel régie par un statut de Fonction Publique. Ce qu’on appelle Fonction Publique est aussi un régime d’emploi qui se distingue du régime d’emploi du droit commun. L’ensemble du personnel soumis à la Fonction Publique représente une troisième dimension, distincte des deux autres.
En effet, d’un côté, tous les personnels rémunérés par des budgets publics ne sont pas soumis au régime de Fonction Publique et d’un autre côté, en raison de réformes structurelles voulues par les pouvoirs publics, il arrive que des agents soumis au régime de fonction publique soient en fait employés par des entreprises et non rémunérés sur des budgets publics (ex : La Poste, France Télécom).
Cette situation n’est pas propre à la France : en Allemagne, les chemins de fers ont été exploités jusque dans les années 1980 sous un régime comparable à celui des postes et télécommunications en France jusque dans les années 1990. Ils étaient financés sur la base d’un budget annexe et les agents étaient fonctionnaires. Quand on a créé une société à capital public, ces agents sont restés fonctionnaires.

Du point de vue comparatif, il y a deux dimensions pertinentes :
– le nombre d’agents employés par les administrations publiques et donc rémunérés sur les budgets publics. C’est une donnée claire. En effet, l’une des données de l’administration publique est, globalement, la permanence.
Cette notion doit être assortie de quelque nuance car si on veut qu’elle soit pertinente, il faut encore neutraliser les différences d’organisation qui peuvent exister entre les différents pays en ce qui concerne le régime de la protection sociale. Le personnel employé à la gestion des prestations sociales peut être suivant les pays incorporés à l’administration publique ou soumis à un régime de droit privé. D’un point de vue économique ou politique, la sécurité sociale doit être considéré comme faisant partie de l’administration publique dans la mesure où les prestations sont issues de prélèvements fiscaux.
– le statut. Si on considère que Fonction Publique suppose des règles particulières, l’un des critères de différenciation c’est d’une part de savoir quel est le degré de spécificité de régime de la Fonction Publique par rapport au droit commun et ensuite d’apprécier quels sont les effectifs auxquels s’appliquent ce régime spécifique.

La hiérarchie est une notion clé. Toute administration repose sur une hiérarchie. Elle tire son importance des différences de qualification entre les agents mais surtout par le fait que c’est par elle que s’exerce le commandement.

Ces définitions étant posées, on dispose d’un certain nombre de comparaisons produites sur le plan international pour comparer les Fonction Publique dans différents pays.
L’une des études les plus récentes et les plus complètes est celle publiée par l’OCDE en 2008 L’emploi public : un état des lieux. Ce rapport étudie l’évolution des effectifs, des coûts et des statuts dans les pays membres de l’OCDE. C’est déjà un ensemble assez restreint à l’échelle du Monde. L’étude porte sur seulement 21 Etats membres : nombreux pays européens, Australie, Mexique, Corée, Japon etc.

A l’échelle de ces pays, il existe déjà de très grandes différences dans l’emploi des administrations publiques. Dans les 21 pays, de 5 à 28 % de la population active. Les pays dans lesquels les effectifs sont les plus élevés sont la Norvège et la Suède (28 %) suivis par la France (22 %). Beaucoup de pays se situent entre 20 % et 13 % : Espagne, Pays-Bas (tous deux à 13 %).
Ces données elles-mêmes présentent des aléas qui proviennent de la façon dont les effectifs de la population active sont mesurés et classés. Il y a une donne très surprenante : l’Autriche et l’Allemagne se situe à 10 %. Cette donnée est en réalité faussée par le fait qu’il y a des données concernant l’emploi dans des institutions privées sans but lucratif qui sont en réalité financées par les pouvoirs publics. Il faut donc faire attention aux comparaisons globales.
Ces effectifs ont été caractérisés par une stabilité dans l’ensemble des pays.

Au cours des dernières décennies, on peut aussi relever dans quel sens se sont faites les évolutions. On peut remarquer que dans tous les pays étudiés à l’exception du Canada entre 1995 et 2000 et de la Corée sur la même période, les effectifs dans l’emploi public ont augmenté. Les augmentations les plus fortes concernent le Portugal et l’Australie. La France se situe dans la moyenne, autour de 4/6 %, comme la Belgique.

Un autre élément de comparaison, c’est la place dans l’emploi public par rapport à la population active dans un cas d’un agrégat avec le personnel des entreprises publiques. Un autre aléa intervention, c’est la notion d’entreprise publique pour laquelle il n’y a pas de définition simple. Il y a en tout cas des différences statistiques et organisationnelles. Les données font apparaître qu’une partie importante de l’emploi situé dans des entreprises publiques ou quasi-publiques caractérisent les Pays-Bas or dans les Pays-Bas, on considère qu’il n’y a pas de secteur public important en dehors des administrations publiques. Environ 1/3 des personnes seraient employés dans des entreprises publiques ou parapubliques. Cela s’explique par des réformes : on a transféré beaucoup d’attributions administratives que l’on appelle organisation administrative autonome dont un grand nombre a un statut de droit privé. Du point de vue budgétaire, leur financement provient essentiellement du budget de l’Etat or on les considère non comme emploi des administration publiques mais comme emploi d’entreprise publique ou parapublique.

Il faut ajouter un autre élément de comparaison. On peut considérer en premier lieu que les dépenses des Fonction Publique correspondent à l’essentiel des dépenses de fonctionnement. Cependant, cette assimilation n’est pas correcte parce que, au cours des deux dernières décennies, l’évolution des administrations publiques a été caractérisée en outre par le fait que beaucoup de missions ont été externalisées. Par conséquent, leur coût n’apparaît pas dans les dépenses de personnel direct supportées par les budgets publics mais il apparaît dans des dépenses liées à l’achat de prestations auquel l’Etat et les collectivités ont recours pour leur fonctionnement et leurs activités. Si on regarde l’évolution de ces données, c’est entre le tiers et les deux tiers des dépenses consacrés à la production de biens et de service qui a été assuré par le secteur privé et non pas au travers de rémunération distribué dans l’administration publique.
Même pour le Royaume-Uni, malgré les discours sur les partenariats public-privé, la part de ces dépenses est de l’ordre d’un peu moins de 50 %. Elle a cependant augmenté entre 1995 et 2005.
En France, la part de ses dépenses représente environ 40 %.

Ce qu’on peut déduire de ces observations, c’est que dans l’action des administrations publiques et dans les services qu’elles produisent, la Fonction Publique ne représente qu’une partie importante mais jamais supérieure à 2/3 environ de l’ensemble des dépenses publiques qui sont effectuées pour la production de biens et de services destinés à la population.

Enfin, un autre élément de comparaison concerne la distribution de l’emploi entre les différents niveaux de l’organisation administrative. Selon l’organisation administrative, la répartition de l’emploi dans les administrations publiques peut varier considérablement. De manière générale, dans les Etats fédéraux, on peut observer que la part de l’emploi public dans les institutions fédérales est relativement limitée avec des exceptions (10 % pour l’Australie et l’Allemagne ; 12 % aux Etats-Unis…). Le reste de l’emploi public se trouve au niveau de l’Etat fédéré et des collectivités locales.
Il y a des exceptions dans les deux sens. L’Autriche apparaît plus centralisé avec des institutions fédérales employant un tiers du personnel des administrations publiques. En sens inverse, en Suède, le pourcentage des agents employés par des administrations centrales est limité et ne dépasse pas 15 ou 17 %.

Dans les Etats unitaire, on a une part plus importante employé par l’Etat. En France, suite aux réformes de la décentralisation, la part de l’Etat a diminué et se situe à 48 %. Au Portugal, cette part est supérieure à 85 %. En Turquie, de plus de 90 %.

En Allemagne, la répartition est la suivante : 10 % fédéral ; 50 % landers ; 40 % collectivités locales.


Section II – Les régimes de fonction publique

Par régime, on entend un régime d’emploi qui se caractérise par des règles particulières qui le distingue du régime d’emploi de droit commun défini par la législation du travail et des accords collectifs.

Dans l’histoire de la Fonction Publique, différentes conceptions se sont opposées et ont trouve des concrétisations.

La première donnée que l’on peut mentionner concerne l’individualisation de l’Etat par rapport à la Couronne. Dans la mesure où l’Etat comme institution n’est pas conçu comme séparé du monarque, le personnel employé est au fond le personnel employé par le monarque et il est par conséquent à son service et c’est cela le fondement d’un régime spécial.

Cette particularité n’a pas complètement disparu dans le cas du Royaume-Uni puisque le civil service, ce sont les personnels civils au service de la couronne que l’on distingue du military service, eux aussi au service de la couronne. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de régime de la Fonction Publique au Royaume-Uni et cependant, on n’a pas non plus l’application d’un régime de droit commun parce que ces personnels le sont comme si ils étaient au service de la reine.
Aujourd’hui, c’est le premier ministre qui exerce la prérogative royale à l’égard de ces personnels mais d’un point de vue juridique, tant qu’il n’y a pas de décision du Parlement qui déciderait de voter une loi sur la Fonction Publique en fixant les règles et qui, de ce fait, ôterait cette matière de la prérogative royale, il n’y a pas de régime juridique explicite de la Fonction Publique. Dans le système britannique, l’emploi du personnel du gouvernement national dépend essentiellement et exclusivement de règles qui sont internes, adoptées par le premier ministre qui n’ont pas le statut d’acte pris sur la base d’une disposition législative puisque formellement c’est l’exercice d’une prérogative royale.

En dehors de ce cas, on a vu historiquement s’affronter deux logiques.

La première consiste à considérer que le service de l’Etat n’est pas une activité professionnelle comme une autre et par conséquent, cela nécessite que les personnels, les fonctionnaires, soient soumis à un régime juridique particulier. Quels sont les arguments en faveur de cette conception ?
On peut en trouver un premier argument chez Hegel, c’est que l’Etat étant l’expression de la raison, il doit être protégé contre la pression des intérêts particuliers et privés et par conséquent, les fonctionnaires doivent être soumis à des règles qui les protègent contre la perméabilité de la société civile sur l’exécution des missions de l’Etat.
A une époque plus récente, on a fait valoir d’autres arguments se fondant sur l’idée de la neutralité et de l’impartialité que l’administration doit garantir à l’égard de tous les citoyens et donc un régime particulier est nécessaire pour que les fonctionnaires ne soient pas à la merci des aléas des décisions des gouvernants. On le trouve exprimé dans le Statut de la Fonction Publique en France, comme dans la Constitution italienne, mais aussi en Espagne.
Un autre argument est que, par nature, l’administration est une organisation permanente. C’est la permanence qui peut justifier qu’elle emploi un personnel permanent.

Historiquement, il faut noter que les régimes de Fonction Publique qui se sont les premiers constitués ont été influencés par ces conceptions et surtout par la première. Qu’il s’agisse de la Fonction Publique allemande ou de la Fonction Publique française (Consulat et Empire), c’est cette idée qui a prévalu.

L’autre conception a été défendu plus tard, à partir de vision politique et philosophique opposé. Quand la production de biens et de services commencent à l’emporter sur les fonctions d’autorité, on s’interroge sur le bien fondé d’un régime spécial et on défend l’idée que les agents n’ont pas à être soumis à un régime différent.

On la trouve aux Etats-Unis : pour être efficace, on doit prendre le modèle de l’entreprise. Cette conception s’est durablement imposée et a donné lieu à d’autres transpositions : toutes les nouvelles doctrines qui sont apparues dans l’industrie ont donné lieu à transposition dans l’administration publique.
Urwick et Gullick ont ainsi imaginé un mode d’organisation de l’administration s’inspirant du taylorisme. Dès lors qu’on s’est rendu compte des limites du taylorisme s’est développé une nouvelle doctrine : l’école des relations humaines qui prônait une prise en compte des aspirations du salarié. Cette doctrine a été, elle aussi, importée dans l’administration.

Cependant, même aux Etats-Unis, on est pas allé jusqu’au bout de cette orientation car on s’est rendu compte qu’il y avait un autre problème : c’est la relation entre le politique et le personnel administratif, surtout en haut. Un ministre n’est pas un chef d’entreprise.
Ces considérations se sont traduites du point de vue du fonctionnement du pouvoir par le système des dépouilles : la nomination des agents repose sur la commodité de l’autorité politique, sur la fidélité des agents. Cela a montré ses limites et, dans les années 1970-80, on en arrive à la conclusion qu’il faut s’écarter de ce système et organiser le recrutement pour que le mérite prévale (merit system).
Le Pendleton Act a créé le civil service commission chargée d’organiser les recrutements dans la Fonction Publique fédérale de manière à garantir que pour tous les emplois à pourvoir on respecte des procédures objectives.
Dans un système fondé sur l’emploi, où on recrute poste par poste, il est relativement plus facile à l’influence de s’exercer que sur des recrutements faits en vue d’une carrière. Dans les années 1970, on a fait une nouvelle réforme qui a organisé le senior executive service, sorte de haute fonction publique, dans laquelle on a introduit un régime de carrière pour les administrations et les emplois dans lesquels on voulait limiter les influences politiques (réforme Carter).

Il y a eu une autre doctrine pour l’alignement sur le droit commun. Elles sont venues du mouvement social. Pourquoi ? Parce qu’avec le développement de l’emploi public à la fin du XIXe siècle, se sont développées des professions nombreuses qui ont débouché sur des mouvements sociaux et sur la pénétration du syndicalisme dans la Fonction Publique : développement de l’enseignement public (multiplication des instituteurs), développement de La Poste et Télécom (forme d’emploi industriel), développement d’emplois auxiliaires liés à l’accomplissement de tâches techniques (introduction de la machine à écrire).
Pour les gouvernements, les fonctionnaires étant les agents du gouvernement, les dépositaires de l’autorité, il n’était pas concevable qu’ils puissent contester les décisions prises par une autorité supérieure. Dans ce mouvement-là, avec la revendication de former des syndicats, de pouvoir faire grève, est apparu aussi l’idée que il serait préférable pour ces fonctionnaires d’être soumis au même régime que les salariés ordinaires car on voyait se développer la législation qui introduisait la négociation collective, qui comportait la mission des syndicats, la grève tolérée…

Cette vision a aussi trouvé un prolongement dans la façon dont l’Etat soviétique a organisé son administration pour des raisons idéologiques qui étaient de détruire l’Etat bourgeois : on partait du principe que dans l’organisation, il fallait que tout le personnel soit des travailleurs comme les autres et non soumis à un régime particulier. Là encore, on n’a pas été jusqu’au bout de ce que l’idéologie prescrivait car le facteur politique était déterminant. Très rapidement, puisque le régime soviétique était fondé sur le rôle des dirigeants soviétiques, il fallait que les fonctions d’encadrement soient assurées par des personnes loyales au régime issu de la Révolution. Le système de recrutement prenait en compte la donnée politique. De là est venue la notion de nomenklatura qui n’est rien d’autre qu’une liste d’emploi soumis à l’approbation du PC du même niveau.

Jusqu’à aujourd’hui, il y a la trace de cette conception dans le fait qu’on ne retient que comme emploi de la Fonction Publique en Russie, en Ukraine… que les personnels qui sont directement employés dans les organes des administrations. Les personnels employés dans des établissements publics ne sont pas considérés comme faisant partie de la Fonction Publique : ils ne sont pas des fonctionnaires. Les chiffres publiés sont ainsi étonnamment bas.

Aujourd’hui, il y a eu d’autres évolutions inspirées par les logiques du new public management ou encore par une certaine vision sociale de la gestion des personnels et qui ont conduit à l’application du droit commun aux agents de l’administration. Deux exemples :
– Suède : elle avait un régime de Fonction Publique qui avait été, à son origine, marqué par l’influence prussienne. Cette Fonction Publique de carrière était d’autant plus important historiquement qu’elle était typique : responsabilité individuelle et pénale du fonctionnaire pour les décisions individuelles qu’il prend. Cependant, en 1974, on a décidé d’abandonner ce régime et de soumettre tous les fonctionnaires au régime de la législation du travail. Depuis, le personnel est soumis à un régime de droit commun avec les accords collectifs… C’est la doctrine du parti social-démocrate mais qui n’a pas été remis en cause par les gouvernements successifs (parti bourgeois). Cette orientation s’est conjuguée avec les principes du new public management qui considère que la gestion de l’administration doit gagner en flexibilité, incorporer des méthodes de gestion incitatives remettant en cause le mécanisme de gestion des carrières qui donnaient trop de garanties au détriment de l’efficacité.
– Italie : loi de 1993 a eu pour objet de mettre fin au régime de Fonction Publique pour un régime de droit privé : contrat de travail régi par des accords collectifs négociés par le gouvernement avec des organisations professionnelles des agents de l’administration. La réforme de 1993 a été mis en œuvre en plusieurs étapes et a abouti à ce que tous les agents de l’Etat, y compris les plus élevés, ont un contrat de travail. N’échappent à cette généralisation que les magistrats et les professeurs d’université.
Ceci n’est pas synonyme de droits syndicaux ou sociaux plus étendus. Au contraire, en Italie, la réforme s’est même accompagnée d’un durcissement des règles.

Ces deux visions du régime de l’emploi public ont été inspirées par des idéologies contradictoires. Surtout, si on a pu théoriser ces conceptions, elles n’ont jamais été complètement appliquées dans aucun des systèmes.

La théorisation qui a été faite par un membre du Conseil d’Etat dans les années 1970 : Gazier, Les fonctions publiques dans le Monde reposait sur une distinction entre la Fonction Publique ouverte et la Fonction Publique fermée.
D’après lui, la Fonction Publique fermée c’est celle dans laquelle on est recruté selon des règles particulières et pour y faire carrière. Normalement, dans un tel système, il n’y a pas de recrutement aux différents échelons de la hiérarchie : on entre dans la hiérarchie et on avance.
Au contraire, la Fonction Publique ouverte c’est lorsque l’administration recrute sur le marché du travail.
Cela correspondait en partie à une opposition entre Fonction Publique fondée sur l’emploi et Fonction Publique fondée sur la carrière.
On appelle un régime d’emploi un régime dans lequel on va recruter un agent pour occuper une fonction bien déterminée qui correspond à un emploi budgétaire (un emploi c’est toujours une dépense).
Dans un régime de carrière, on définit en termes assez généraux des fonctions à exercer dans une logique de profession et on recrute des personnels qui sont destinées à occuper une succession de postes dans la carrière pour laquelle ils ont été recrutés. Ce peut être une carrière d’assistance technique, d’administrateur civil etc.

Quel est le point de distinction entre Fonction Publique fermée et Fonction Publique ouverte ? C’est le fait que le recrutement dans une carrière peut quelque fois être organisé dans un cadre juridique qui est fondé sur le droit privé et qu’il suppose dans chaque poste un nouveau contrat de travail. Cependant, la gestion des personnels et des règles qui s’appliquent à eux comporte l’organisation d’une carrière. Par exemple, en Italie, contrat de droit privé mais ils sont toujours recrutés sur la base de concours. Une fois recruté, ils peuvent occuper des postes qui correspondront à une carrière mais ils auront des contrats de travail successifs.

A partir de ce constat, nous allons voir que dans les systèmes de Fonction Publique, on a toujours un dosage entre un régime de Fonction Publique et un régime de carrière et d’un autre côté, certains secteurs régis par un régime d’emploi.

Pour comparer les régimes, on peut retenir 5 critères :
1° nature du cadre juridique et l’étendue de la Fonction Publique.
2° règles tendant à garantir le caractère professionnel de la Fonction Publique : recrutement, carrière…
3° régime des droits et obligations des fonctionnaires
4° régime de rémunération
5° système de gestion de la Fonction Publique

1° En ce qui concerne le cadre juridique et l’étendue de la Fonction Publique, nous avons des pays qui ont accepté un champ étendu du régime de Fonction Publique comme la France et d’autres un champ étroitement délimité comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

Le système français de Fonction Publique est fondé sur le fait que ce sont des fonctionnaires qui doivent occuper des emplois permanents dans l’administration. Les principes essentiels du régime de Fonction Publique sont de nature constitutionnelles : liberté d’accès aux fonctions publiques, liberté d’appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat, liberté de faire grève… Depuis 1983, il y a un statut général de la Fonction Publique : FPE, FPCT, FPH laquelle n’inclut pas les médecins hospitaliers.
Ce qui est caractéristique c’est que le champ d’application est indifférent de la place dans la hiérarchie. Même les emplois d’exécution modeste sont occupés par des personnes qui ont le statut de fonctionnaires. Au total, environ 80 % de l’emploi public au sein de l’Etat est représenté par des fonctionnaires. Il est moindre dans la FPCT (75 % environ) et dans la FPH.
Enfin, quand les agents sont employés, c’est toujours sur la base d’un contrat administratif.

Le système allemand est aussi un régime de droit public. Le terme berufsbeamtentum se traduit par fonction publique professionnelle et a été constitutionnalisé. Les principes fondamentaux de la FPP se trouvent dans la loi fondamentale. L’article 33 fait un devoir constitutionnel au législateur d’organiser la Fonction Publique sur la base de « ses principes traditionnels ».
La compétence est partagée entre la fédération et les landers mais une loi fixe un cadre d’ensemble pour tous les secteurs. Aujourd’hui, il s’agit d’une loi de 2008 qui fixe seulement les principes fondamentaux de la Fonction Publique de l’Etat et des collectivités locales.
Avant la révision constitutionnelle, le régime de Fonction Publique faisait partie des matières qui faisait l’objet d’une loi cadre au sens de l’ancien article 1995 (développé par la loi de chaque land). La révision de 2008 a fait disparaître la catégorie des lois cadres (cf. supra) et il en a résulté une modification dans la liste des compétences concurrentes entre la fédération et les landers et il résulte que le législateur fédéral est compétent pour fixer les « principes de base ». Cela va moins loin que ce que pouvait faire la loi cadre. Ainsi, la Fonction Publique de chaque land pourra être organisée selon des modalités qui pourront varier d’un land à l’autre.
Toutefois, dans la conception traditionnelle de la Fonction Publique en Allemagne, seuls les membres de la FPP peuvent exercer les PPP et c’est pourquoi ils doivent occuper dans l’administration une position qui correspond à la nature de cette fonction. Cela veut dire que dans le système allemand ne seront soumis au régime de la FPP que les seuls agents que leurs fonctions conduit à participer à l’exercice de la puissance publique. Les autres agents employés par les administrations publiques sont employés sur la base de contrat. C’est donc fondamentalement le droit du travail qui est la base de ce régime.
En fait, cette distinction n’est pas appliquée avec rigueur pour plusieurs raisons.
La première raison réside dans le fait que la plupart des fonctionnaires professionnels sont employés par la fédération et dans une moindre mesure par les landers. Au niveau local, la très grande majorité des fonctionnaires sont recrutés sur la base de contrat.
Le deuxième aspect est que la notion d’exercice de PPP n’est pas très clairement conçu. Ainsi, les personnels enseignants sont employés sous le régime de la Fonction Publique de carrière. Pourtant, il n’est pas indiscutable qu’on puisse considérer qu’un instituteur exerce des PPP.
Il y a là une évolution qui correspond au fait qu’historiquement, la part de la FPP a globalement diminué sauf dans les fonctions supérieures, d’autorité.
Le régime des agents contractuels présente en outre une particularité qui les rapproche du régime des fonctionnaires. Quand un agent public est employé depuis plus de 15 ans, il est assuré de la stabilité de son emploi. Il se retrouve ainsi dans une situation de permanence caractéristique de la Fonction Publique de carrière. De facto, sa situation se rapproche de celle d’un fonctionnaire.

En Italie, depuis 1993, la Fonction Publique est organisée sur la base de la législation du travail. Les litiges relatifs à un contrat sont jugés par les tribunaux ordinaires. Mais le recrutement est basé sur le concours (1), l’égalité d’accès aux emplois publics doit être respectée (2) et les droits politiques doivent être garantis (3). La Constitution de 1948 exigent ces trois points. On a ainsi un caractère un peu mixte.
La loi prévoit un système particulier pour le recrutement des dirigeants. Il y a les dirigeants et les dirigeants généraux. Ils sont recrutés par concours et soumis à un contrat de travail et à la négociation collective, y compris en ce qui concerne leur rémunération. Ce régime des dirigeants s’applique non seulement dans l’administration de l’Etat mais aussi des régions et des collectivités locales. Il y a aussi des règles particulières concernant l’accès à l’emploi, les conditions d’exercice et les conditions dans lesquelles il est mis fin à l’emploi.

Au Royaume-Uni, le Fonction Publique est le service de la couronne. Par voie de conséquence, l’administration locale ne relève pas de la Fonction Publique. Ce personnel est juridiquement soumis à un contrat de travail et aux négociations collectives.
Les règles de la Fonction Publique font partie de la prérogative royale et sont exprimées par des ordres en conseil qui sont des actes du souverain (en pratique, le premier ministre). Sur la base de ces ordonnances, un ministre est chargé d’adopter les règles intérieures nécessaire à la gestion du personnel.
Actuellement, le texte de base est un order in council de 1995. Il y a aussi un civil service management code qui définit des prescriptions, des directives. Il y a aussi un civil service code of conduct qui explique aux entrants des règles éthiques et pratiques.
Ces deux derniers documents n’ont pas de valeur juridique précise.
Il y a eu, ces dernières années, à la fin du gouvernement Brown, des discussions sur l’opportunité d’adopter une loi sur la Fonction Publique. Le problème est que la réforme des années 1990 (agence exécutive ; cf. supra) ont eu pour conséquence un éclatement de la Fonction Publique. Du point de vue juridique, les personnels employés par les agences, lesquelles font partie des ministères, sont des fonctionnaires. Mais étant donné qu’on a donné aux responsables d’agence de grande liberté pour le personnel, les régimes d’emploi sont devenus très différents d’une agence à l’autre. Ainsi, on a l’impression qu’ils ne font plus partie du même ensemble, du civil service. Un tel système est très rigide : il est difficile de passer d’un secteur à un autre. Il a ainsi été envisagé de faire une loi.

Le cas des Etats-Unis est intéressant avec un nombre d’aspects paradoxaux. Il y a des dispositions dans la Constitution qui intéresse la Fonction Publique : le pouvoir de nomination du président sous réserve de l’accord du Sénat pour certains postes et le pouvoir du Congrès pour réglementer par la loi la nomination de fonctionnaires de rang inférieur.
Aujourd’hui, il y a eu une codification qui règle le droit administratif. Le Titre V du Code des lois des Etats-Unis fixe le régime de la Fonction Publique fédérale selon un régime de droit public. La Fonction Publique englobe tous les emplois dans lesquels on est nommé dans les branches exécutives, judiciaires, législatives du gouvernement (ce terme englobe les trois branches) des Etats-Unis.
La loi prévoit la négociation collective d’accords entre les administrations employeurs et les représentants des employés pour déterminer les conditions d’emploi des agents qui sont placés sous l’autorité des dirigeants. On a donc pour résumer à la fois un régime de droit public et un régime de conventions collectives qui s’appliquent à des agents nommés.
Au niveau des Etats et des autorités locales, c’est au contraire les autorités correspondantes qui adoptent les règles locales pour l’organisation de leurs fonctions publiques et les nominations mais à ce niveau on ne trouve pas de régime de carrière.

Dans les pays d’Europe centrale et orientale, on trouve habituellement dans les Constitutions les règles fondamentales relatives aux administrations publiques et à la Fonction Publique.

Par exemple, dans la Constitution polonaise (article 153), un corps de fonctionnaires sera employé dans les organes de l’administration de manière à assurer l’exécution professionnelle, diligente, impartiale et politiquement neutre des obligations de l’Etat. La Pologne est donc passée de l’application du droit du travail (héritage soviétique), à l’organisation d’un régime de Fonction Publique fondé sur les règles de droit public posé par une législation spéciale. Seulement, cette tendance générale est affectée par le fait que selon les pays on peut observer des réformes contradictoires. On peut observer aussi que ce régime de Fonction Publique ne s’applique habituellement qu’aux emplois de direction et de conception. C’est donc un champ étroit. Les autres agents sont soumis à un régime du droit du travail.
La Pologne a adopté en 2008 une loi sur la Fonction Publique qui définit une Fonction Publique comprenant tout le personnel de l’administration d’Etat sauf quelques exceptions et sous un régime de droit public.
Dans d’autres pays en revanche, il peut y avoir un champ d’application plus étroit.
Le personnel des collectivités locales est parfois soumis à des dispositions différentes : en Hongrie, statut de droit public ; en Pologne, agent de droit privé.

La Russie a adopté des régimes de droit public et a posé les bases d’un régime de carrière. La conception de la Fonction Publique est très étroite. On exclut les établissements qui gèrent des services rendus à la population (cf. supra).


2° Critère de la professionnalisation. Quelles sont les dispositions qui permettent de s’assurer du recrutement d’un personnel compétent ? Sur ce point, on a une grande diversité.

Le système français est fondé sur un système de concours.
Ce qui fait sa particularité est que les concours de recrutement sont organisés comme des procédures complexes comprenant des épreuves écrites, des entretiens alors que dans de nombreux pays, ce qu’on appelle concours est simplement un entretien d’embauche.
Un autre élément qui le distingue est qu’au niveau intermédiaire et supérieur de la Fonction Publique, les lauréats entrent d’abord dans une école avant d’être nommé dans un emploi, école dans laquelle ils acquièrent un complément de formation pratique.
Une autre particularité est la distinction entre les concours externe, interne et celui pour les personnes de la société civile ayant une certaine expérience.
Le recrutement a lieu à la base de chaque corps. La permanence est associée au grade pour le fonctionnaire tandis que l’emploi est en principe à la disposition de l’autorité administrative Cette distinction entre le grade et l’emploi est typique de la Fonction Publique française.
Aujourd’hui, il y a 4 niveaux de recrutement : C, B, A et A+.
Le système français réserve une place au pouvoir public dans la nomination des agents (cf. supra).
Aujourd’hui, beaucoup d’agents sont recrutés sur la base d’un contrat, souvent CDD. Néanmoins, il peut devenir CDI après plusieurs renouvellements (jurisprudence communautaire).
La FPT suit à peu près le même principe.

En Allemagne, on a un système très rigoureux établi seulement pour les fonctions comportant l’exercice de la puissance publique.
Littéralement, c’était un emploi à vie. Le fonctionnaire ne prenait pas sa retraite.
En revanche, il ne comporte pas de recrutement par concours. Le recrutement est fondé sur des stages qui vont d’une période de 6 mois à 5 ans selon le niveau de recrutement. C’est au moins 1 an pour l’accès à la Fonction Publique fédérale. Ce système est très ancien et a été conservé au fil du temps. Il signifie que l’on entre à un niveau de la Fonction Publique en quelque sorte dans un régime de mise à l’épreuve et qui est encadré par ce qu’on appelle l’examen d’Etat qui, au niveau le plus élevé, comporte deux examens : un premier donne accès à un emploi de mise à l’épreuve et un second vient valider la formation acquise dans les fonctions.
On distingue 4 niveaux : niveau simple (tâches d’exécution), le service moyen (spécialisation professionnelle), le service élevée (spécialisation acquise dans l’enseignement supérieur dans les établissements spécialisés) et le service supérieur (recrutement suppose un grade de Master). Pour cette dernière carrière, le recrutement est le plus complexe et le plus long. Les examens d’Etat sont seulement des examens de droit (importance des enseignements juridiques).
Il y a au sommet des fonctionnaires qualifiés explicitement de politique qui occupent certaines fonctions sur la base de rapport de loyauté politique : secrétaire d’Etat. En cas de changement politique, le fonctionnaire politique serait mis en retraite temporaire.

En Italie, le système de carrière a été maintenu à des degrés divers selon les fonctions et les modes de recrutement. Le recrutement doit être basé sur la procédure de concours. Il y a cependant une différence qui s’est établi entre les dirigeants et les autres catégories de fonctionnaires. Le recrutement par une procédure de concours est imposé seulement pour le recrutement de dirigeants. Pour les autres catégories, la règle c’est le recrutement selon une procédure compétitive mais décentralisée au niveau de l’emploi et qui repose sur la publicité des emplois à pourvoir et la mise en place d’une commission locale de sélection. Chaque administration est alors responsable de son recrutement sur la base de programmes triennaux. Cette procédure décentralisée n’offre pas les mêmes garanties que des procédures plus formelles et est très perméable aux influences locales.
Pour être dirigeant, il faut passer un concours. A l’issue du concours, on entre dans une Ecole Supérieure d’Administration Publique (sorte d’ENA italienne). Elle est très différente de l’ENA parce que les élèves ne sont pas sûrs d’être nommés dans un emploi. Du point de vue juridique, le gouvernement et les ministres ont la possibilité mais pas l’obligation de les nommer. Le résultat c’est que les nominations fondés sur le critère de loyauté continue à prévoir d’une part et d’autre part pour les gens intéressés par les carrières administratives, l’attrait de passer un concours difficile sans être sûr d’avoir un emploi à la sortie est limitée.
La loi organise la négociation collective pour la détermination des conditions d’emploi y compris la rémunération. En outre, ils règlent les questions de mutation, de détachement, les conditions dans lesquelles on peut réduire certaines administrations. En ce qui concerne les personnels « en excédant », la règle de base est qu’ils sont mis en congé pour une durée de 24 mois à un salaire de 80 % du salaire d’origine en vue d’une reconversion. Ces règles s’appliquent également pour les administrations régionales, provinciales et communales.

Au Royaume-Uni, les exigences de qualification, classification, mutation… sont régies par les différents départements ministériels sur la base de principe très généraux fixés par le civil service management code.
Tous les recrutements doivent être fondées sur des procédures compétitives ouvertes.
A côté de ces règles générales, il existe dans la Fonction Publique britannique un programme dit fast stream development program. Il vise à sélectionner, former, promouvoir des personnes qui paraissent avoir un potentiel de promotion rapide et qui doivent entrer dans ce que la réglementation appelle le senior civil service. Il inclut le personnel central des ministères, le service diplomatique, les hauts fonctionnaires de l’administration parlementaire, le personnel de la coopération internationale. Il y a aussi un fast stream pour les fonctions techniques (ingénieurs).
C’est une procédure de concours ouverte. Ensuite, à la fin de la période de formation, il y a des concours séparés pour le recrutement de différentes administrations, basés sur une série de tests. Ensuite, il y a une évaluation générale des candidats par le centre d’évaluation du fast stream. C’est alors que les candidats retenus vont être effectivement nommés.
Le point d’appui de ce processus de formation c’est le National School of Government, sorte d’ENA anglais.

Aux Etats-Unis, le système ressemble à certains égards au système britannique : distinction entre fast stream et autres emplois. La distinction fondamentale dans la Fonction Publique fédérale est entre les fonctionnaires de carrières et ceux qui ne le sont pas. Normalement les fonctionnaires de carrière sont membres du senior executive service. Seulement, le cercle des fonctionnaires de carrière est plus large que le cercle du senior executive service.
Ces fonctionnaires sont ceux dont la nomination à un emploi est soumise à l’approbation du bureau de la gestion du personnel qui fait partie du bureau de l’administration du président.
Ils sont ainsi désignés depuis la réforme de 1978 sur la base de critères déterminés par l’Office de gestion du personnel.
Pour la nomination des membres du senior executive service, le pouvoir de nomination peut être délégué à des échelons inférieurs. L’accord du Sénat n’est pas nécessaire par opposition avec les emplois occupés par les officers qui correspond à des hauts fonctionnaires font la nomination est soumise à l’accord du Sénat. Seuls des fonctionnaires qui sont nommés sur la base d’un critère politique peuvent être déchargés de leur fonction de manière discrétionnaire par le président ou l’autorité exécutive dont ils relèvent.
Cela dit, quelque soit la catégorie à laquelle appartiennent les agents de la Fonction Publique fédéral, ils doivent être recrutés selon les règles du mérite c’est-à-dire selon une procédure qui comporte soit des épreuves de concours soit des procédures …
Mais on retrouve la logique du régime d’emploi dans le système américain par rapport au système de carrière parce que le recrutement est ouvert à des candidats externes à tous les niveaux sauf si l’administration a décidé de pourvoir l’emploi par la promotion de l’un des fonctionnaires de ses services.


Historiquement ce sont les régimes de Fonction Publique qui ont connu l’apparition de retraite ou régime social.

Pendant longtemps, cela a été caractéristique du lien du fonctionnaire avec l’Etat.

3) Ce lien explique aussi les différences que l’on conçoit pour les droits et libertés des fonctionnaires.

Schématiquement, il y a deux conceptions qui s’opposent :
– le fonctionnaire étant au service de l’Etat, il ne peut pas avoir des activités par lesquelles il rentre en conflit avec l’Etat : il ne fait donc pas de politique, il ne peut pas appartenir ni à un syndicat ni à un parti. C’est la conception française jusqu’à la SGM, défendue par Hauriou ou Duguit.
– le fonctionnaire c’est aussi un citoyen donc il n’y a pas de raison qu’il n’ait pas les mêmes droits que les autres citoyens. Peut-être certaines fonctions pourraient justifier de restrictions mais le principe est que le fonctionnaire a les droits et libertés de n’importe quel citoyen. Le cas de la France est presque archétypique : après la SGM, on a adopté une vision opposée à celle d’avant-guerre (voir notamment le préambule de la Constitution de 1946) même si de manière contradictoire, l’idée même d’un statut législatif se rattachait à l’idée que le fonctionnaire ne peut pas être lié à l’Etat par un simple contrat. L’agent public est dans une situation légale et réglementaire : fondamentalement, c’est l’autorité administrative qui fixer unilatéralement les règles qui s’applique aux conditions d’emploi des fonctionnaires même si par la suite la loi et la jurisprudence ont concrétisé que les fonctionnaires devaient bénéficier de cette disposition du préambule de 1946 suivant laquelle les travailleurs ont droit de participer à la détermination de leurs conditions d’emploi.

En France, il n’y a pas de restriction à l’activité politique des fonctionnaires. La seule limite, c’est l’obligation de réserve. Ils peuvent appartenir à un syndicat, faire grève (agent pénitentiaire, sécurité aérienne).

Dans les autres pays, les réglementations sont en général moins favorables à l’exercice des droits politiques.

Le droit allemand est resté attaché à une conception qui rattache le fonctionnaire de carrière à l’Etat, ce qui limite son activité personnelle. Le fonctionnaire a une obligation (article 33 de la Loi Fondamentale) de défendre le régime libéral et démocratique de la RFA. Dans ce cadre, il est libre d’avoir des activités politiques mais en dehors, il se place en dehors de la loi et de ses obligations. Le fonctionnaire a le droit d’appartenir à une association professionnelle ou à un syndicat mais n’a pas le droit de faire grève. Il ne peut pas appartenir à une centrale syndicale (avec salariés du privé) car il est « séparé » de la société.
En revanche, ces restrictions ne s’appliquent pas aux employés et ouvriers des administrations (d’ailleurs, leur statut est fixé par le biais de convention collective).

En Italie, il n’y a pas de restriction comme en France. Ils peuvent s’impliquer et recourir à la grève. En 1993 avait été adoptée une loi portant statut des travailleurs. Ce statut réglait toutes les garanties juridiques et sociales de l’ensemble des travailleurs. Il était applicable aux fonctionnaires dans la mesure où son application n’entrait pas en conflit avec les règles propres à certains emplois. Cependant, l’Italie a introduit quelques uns des règles les plus rigoureuses en matière de limites quant au recours à la grève. Une fois que l’intention de faire grève est énoncée, une période court -> négociation -> échec -> recours à la grève possible. (La France connaît simplement l’imposition d’un préavis avant le déclenchement d’une grève.)
Progressivement, le champ des accords collectifs qui doivent être passés pour fixer les conditions d’emploi a été élargi. Malgré tout, si les accords collectifs règlent aujourd’hui l’essentiel (conditions d’emploi, rémunération, régime disciplinaire), une particularité subsiste car les emplois des administrations sont assez différents. Il y a toujours un ministère de la fonction publique qui établit un Code de conduite des fonctionnaires après consultation des organisations syndicales des employés des administrations publiques.

C’est au Royaume-Uni que les fonctionnaires sont soumis aux restrictions les plus sévères en ce qui concerne leur activité politique. C’est un principe qui a été acquis au milieu du XXe siècle : en présence du parlementarisme, d’une alternance de cabinet, on avait besoin de fonctionnaires neutres qui puissent servir indifféremment un gouvernement libéral ou conservateur. Cela a déterminé que les membres du civil service se voient interdire tout type d’activité politique ou même tout type d’activité publique qui pourrait être perçu comme douteuse pour servir le gouvernement de manière impartiale. Il y a quand même quelques nuances qui tiennent compte du niveau des agents dans la hiérarchie : les obligations sont plus strictes pour les haut-fonctionnaires.
La conséquence de cette interdiction signifie que les fonctionnaires ne peuvent pas appartenir à un parti et ne peuvent pas être candidat à une élection sinon ils doivent préalablement démissionner du civil service. Il y a ainsi assez peu de fonctionnaires à la Chambre des communes.
Ces restrictions ne s’appliquent que concernant le civil service or le personnel des autorités locales n’en fait pas partie et n’est pas tenu à ces restrictions. Ils relèvent plutôt de Code de comportement.
Cependant, si il y a ces restrictions très fortes à l’activité politique des fonctionnaires, il n’y a pas de restrictions quant à l’activité syndicale ou au droit de grève même si le recours à la grève est plus rare qu’en France ou en Italie.
En ce qui concerne les membres du civil service, il y a quand même un assouplissement introduit à l’époque contemporaine : un fonctionnaire qui démissionne pour être candidat à une élection et est élu peut réintégrer le civil service (c’est un usage ; pas juridique : pas de détachement).

Le système américain a suivi d’assez près le système anglais avec certaines différences.
Depuis une loi de 1939 (Hatch Act), les fonctionnaires, au sens large, ne peuvent exercer aucune activité politique. Ce qu’il faut entendre par fonctionnaires, ce sont les personnels non seulement de l’administration fédérale mais des Etats ainsi que ceux des autorités locales lorsque ces derniers sont employés dans la mise en œuvre de programmes fédéraux. Le problème est que les services ne sont pas organisés en fonction des programmes mis en œuvre : il y a donc une extension du champ d’application par rapport aux fonctionnaires effectivement visés par la loi.
En 1993, certains aménagements ont été apportés et depuis cette époque, la plupart des fonctionnaires fédéraux peuvent prendre part à des activités politiques cependant ils ne peuvent pas être candidats pour un mandat public dans une élection partisane. Cette notion est très importante car aux Etats-Unis, il y a beaucoup de postes électifs non-partisans (juges, procureurs, sheriff etc.). Pratiquement toutefois l’élection est partisane (cf. CS).

Dans les pays d’Europe centrale et orientale, c’est une question assez sensible. Dans le régime précédent, il y avait un principe de loyauté politique à l’égard du Parti. Il n’y avait pas d’obligation formelle d’appartenir au PC mais les fonctionnaires devaient quand même donner des gages de loyauté politique.
Après le changement de régime, en dehors des politiques plus ou moins rigoureuses d’épuration, la tendance de la législation est d’interdire aux fonctionnaires d’avoir une activité politique. On impose une obligation assez stricte de neutralité politique.
Ainsi la loi polonaise interdit aux membres de la Fonction Publique de faire grève, de participer à des actions de contestation, d’exercer un mandat électif, de créer un parti ou de participer aux activités d’un parti politique. En revanche, l’activité syndicale n’est pas prohibée mais les fonctionnaires qui occupent le rang le plus élevé ne peuvent pas exercer de fonctions dans un syndicat.



Les obligations déontologiques des fonctionnaires

C’est l’obligation de se consacrer à sa fonction, les règles qui interdissent les cumuls d’activité, qui concernent le comportement du fonctionnaire dans la société. Il existe de telles règles dans tous les pays mais elles ne sont pas forcément exprimées par la loi. Elles le sont par exemple dans un Code de conduite (valeur de référence plutôt que d’obligation juridique même si le manquement peut être la source de mesures disciplinaires). En France, il n’y a pas de Code de déontologie mais il y a beaucoup de règles non-écrites (obligation de réserve).

Le but est de garantir une certaine identification de l’agent à l’institution qu’il sert. Cela reflète l’idée qu’au travers la vision du fonctionnaire, on aura une certaine idée de ce qu’est l’administration, l’Etat. Cela explique aussi que cela ne puisse pas être particulièrement réglementé.

Au Royaume-Uni, on a été particulièrement loin dans l’édiction de telles règles. Il existe un Code de conduite du civil service qui détermine des standards de comportement qui sont attendus de tous les membres. Cela concerne les rapports dans le service, avec le public, avec la politique etc.

Cela peut s’étendre à des règles tendant à prévenir la corruption.
En France et en Allemagne, on est en présence de règles strictes (infractions pénales, règles disciplinaire). Au Royaume-Uni, il y aussi des règles pénales et disciplinaires et une importance est donnée à des Codes d’éthique (règles pour ne pas se trouver dans une situation dans laquelle un fonctionnaire pourrait être suspecté).


Section III – Les réformes de la fonction publique

Les réformes qui ont été envisagées, tentées ont reposé sur plusieurs idées.

La première est qu’à l’époque moderne il n’y a plus de raison d’avoir un régime particulier. La réforme suédoise a soumis les agents au droit commun, comme la réforme italienne.

Dans le cas de l’Italie, il y avait une autre préoccupation, c’était de pouvoir exercer sur le personnel une pression plus forte en vue d’une plus grande efficacité du travail. On leur reprochait de se consacrer peu à leur travail, de manifester trop d’absentéisme, d’avoir des activités secondaires etc.
Ceci est lié à un autre problème de l’Italie qui a à voir avec le conflit Nord industriel et le Sud agraire, intellectuel qui fournissait de gros bataillons de fonctionnaires. Cette situation a entretenu une certaine vision de la fonction publique qui se superposait à une vision négative du Sud. La réforme de 1993 a été une réponse à cette situation.

Un autre aspect inspiré par le new public management était d’avoir des procédures de recrutements plus ciblés sur des emplois et d’avoir un système de rémunération permettant de récompenser ou de sanctionner les performances. Ces deux considérations ont inspiré toute sorte de réformes.

D’abord elles ont orienté des réformes administratives. Même si on a un régime de carrière, on essaie de faire en sorte que les personnes recrutées soient affectées en fonction d’aptitudes qu’on a pu discerner : meilleur adéquation entre le poste et l’agent et pas seulement entre un niveau de formation et un rang général dans la hiérarchie.
Ceci a été développé en s’inspirant de techniques de description des emplois (job description). Aujourd’hui, dans la plupart des pays, quand on doit pourvoir un emploi en interne (mutations), on attache une importance particulière à la description du poste.
Cette technique peut aussi avoir des effets pervers quand on déterminé des procédures de recrutement d’entrée dans la fonction publique : cela révèle être une source de rigidité. Quand on pousse jusqu’au bout la logique de l’emploi et de l’agent nommé à partir des caractéristiques reconnues à cet agent, cela a deux conséquences : 1° cet agent a été recruté pour une tâche bien spécifique et il risque de l’opposer et 2° en terme de gestion des personnels, on se heurte à davantage de difficulté car il est à l’oppose de la polyvalence dont on a souvent besoin dans l’administration.
En France, elle est utilisée en interne mais pas ou peu pour le recrutement.

Un deuxième aspect est l’introduction de la rémunération au mérite. Exemple du secteur privé. Dans l’administration, on ne peut pas valoriser ceux qui travaillent et sanctionner ceux qui font peu. On a ainsi introduit des systèmes de rémunération fondée sur la performance. On superpose un régime de prime à une rémunération fixe liée à l’emploi, au niveau de qualification. Ce type de rémunération soulève plusieurs difficultés.
Le premier problème est de déterminer ce que l’on mesure. Quand il y a une activité de production, cela ne pose pas beaucoup de problèmes. En France, dans l’ancien ministère de l’équipement (DDE), il y avait un système de rémunération fondée sur la productivité des ingénieurs et des techniciens. C’est beaucoup plus difficile dans des fonctions de conception, de contrôle, des fonctions qui sont à la limite du politique où ce qui est produit n’est pas mesurable et est soumis à de forts aléas de la commande politique. Quand ils sont mis en place, on peut douter que cela repose sur un système de rémunération à la performance. Par exemple, on l’a mis en place pour les directeurs d’administration centrale en fonction d’objectifs déterminés par le ministre. En outre, la performance est évaluée par un comité composé de pairs. La seule chose que l’on peut vraiment évaluer, c’est le niveau de responsabilités et les contraintes qui en découlent.

De telles modalités ont été mises en œuvre dans de nombreux pays et ont été évaluées.
En particulier, en Angleterre, on a constaté que si on arrive à récompenser ceux qui sont estimés les plus performants, le système ne fonctionne pas dans le sens de la sanction.
En outre, l’introduction de ce système ont un effet très modeste sur la motivation des agents soit parce que le bonus n’est pas suffisamment attrayant, soit parce que les agents considèrent qu’ils font déjà leur travail comme il doit être fait.
Enfin, il y a une difficulté pour en assurer la transparence. En effet, mettre en place un système de mesure de la performance suppose de définir des critères une procédure d’évaluation. Or les critères sont assez généraux et se portent rarement à une mesure qualitative indiscutable. L’appréciation portée est donc souvent susceptible d’être discutée. Cela affaiblit la légitimité des différences faites entre les agents.
En réalité, la rémunération à la performance suppose une individualisation des tâches et de la rémunération qui n’est possible qu’à la condition de pouvoir imputer à un agent des résultats précis dans l’activité du service auquel il appartient.
Peut-on individualiser à ce point ? Il y a un exemple paradoxal en France : c’est le cas du Conseil d’Etat. Les conseillers d’Etat sont payés à la performance. En particulier, au contentieux, ils sont rémunérés en fonction du nombre de dossiers qu’ils traitent. Il est tout à fait possible de classer les dossiers en fonction du degré de difficulté.

Enfin, on a constaté aussi que ce qui est la principale motivation des agents est le contenu et les conditions de leur travail. L’amélioration de ces éléments est plus motivante pour les agents que de promettre une rétribution supplémentaire fondée sur une évaluation aléatoire de leurs performances.