Droit des Institutions Européennes

INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Les institutions de l’Union européenne sont les institutions qui régissent l’Union européenne. Étant devenue une figure politique, économique et monétaire, celle-ci a besoin d’institutions dont le rôle est de défendre ses valeurs, ses objectifs, ses intérêts, ceux de ses citoyens et de ses États membres, et qui fonctionnent en étroite collaboration avec les gouvernements et les administrations de ceux-ci.



Selon le traité sur l’Union européenne, ces institutions sont les suivantes : le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne (souvent appelé simplement « le Conseil »), la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et la Cour des comptes européenne.

Voici le plan du cours de droit des institutions européennes sur www.cours-de-droit.net :

INTRODUCTION

  • 1 – Le contexte de l’après guerre en Europe
  • 2 – Aux origines de la construction européenne: le congrès de la Haye
  • 3 – La création du conseil de l’Europe et l’adoption de la convention européenne des droits de l’homme
  • 4 – La déclaration Schuman et la création de la CECA
  • 5 – Les échecs: la CED et la communauté politique européenne
  • 6 – La relance et la signature des deux traités de Rome

1ère PARTIE – LE CONSEIL DE L’EUROPE

  • Chapitre I – L’organisation du Conseil de l’Europe
  • Section I -La composition du Conseil de l’Europe
  • § 1 – L’admission au sein du Conseil de l’Europe
  • § 2 – Le retrait et l’expulsion d’un état du Conseil de l’Europe
  • Section II – Les organes du Conseil de l’Europe
  • § 1 – Le comité des ministres
  • § 2 – L’assemblée parlementaire
  • § 3 – Le secrétaire général
  • § 4 – Les organes subsidiaires
  • Chapitre II – La protection des droits fondamentaux
  • Section I – Le caractère essentiel de la Convention Européenne des Droits de l’Homme
  • Section II – Les droits protégés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme
  • § 1 – La typologie des droits
  • A Les droits civils
  • 1/ Le droit à la vie énoncé par l’article 2 § 2 de la
  • Convention
  • 2/ Le droit énoncé par l’article 3 l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants,
  • 3/ L’article 4 énonce le droit à ne pas être placé en esclavage et en servitude et le droit à ne pas être astreint à un travail forcé.
  • 4/ L’article 8 énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance
  • 5/ Le droit à la liberté de penser, de conscience et de religion est prévu à l’article 9 de la convention.
  • 6/ Le droit de propriété ou le droit au respect de ses biens apparait à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention
  • B – Les droits civiques et politiques
  • 1/ Le premier droit est le droit à des élections libres et démocratiques prévu par l’article 3 du premier protocole additionnel à la Convention EDH.
  • 2/ Le droit protégé par l’article 10 de la Convention est le droit à la liberté d’expression.
  • 3/ Le droit à la liberté de réunion et d’association est énoncé par l’article 11 de la Convention
  • C – Les droits à caractère procédural
  • 1/ Le premier droit est le droit à un recours effectif prévu par l’article 13 de la Convention
  • 2/ l’article 6 énonce le droit à un procès équitable, il fait référence à un tribunal indépendant et impartial.
  • D – Le droit à la non discrimination
  • § 2 – Les limites des droits
  • A – La limitation de la portée des droits
  • B – Limitation du champ d’application des droits
  • Section III – La garantie juridictionnelle mise en place par la Convention Européenne des Droits de l’Homme
  • § 1 – La Cour européenne des droits de l’homme
  • A – Le système initial
  • B – Le système actuel
  • C – La composition de la Cour européenne
  • § 2 – Les voies de recours
  • A – Le recours étatique
  • B – Le recours individuel
  • § 3 – Les arrêts de la Cour EDH
  • § 4 – L’avenir du système

DEUXIÈME PARTIE –L’UNION EUROPÉENNE

  • Chapitre I – L’organisation de l’Union Européenne
  • Section I – Des communautés européennes à l’Union Européenne
  • § 1 – Les élargissements successifs
  • § 2 – Les approfondissements de la construction européenne
  • § 3 – Les crises
  • Section II – L’Union Européenne et ses états membres
  • § 1 – L’acquisition de la qualité d’état membre
  • A – Les conditions d’adhésion
  • B – La procédure d’adhésion
  • § 2 – La perte de la qualité d’état membre
  • A – Le retrait
  • B – L’exclusion
  • § 3 – L’appartenance à l’Union
  • A – Les états sont souverains et acteurs de l’Union
  • Chapitre II – Le système institutionnel de l’Union Européenne
  • Section I – La prise de décisions au sein de l’Union
  • § 1 – Les institutions politiques de l’Union
  • A – Le Conseil Européen
  • B – Le Conseil de l’Union
  • C – La Commission européenne
  • D – Le Parlement européen
  • § 2 – La production normative de l’Union
  • A – Processus d’adoption des actes
  • B – La typologie des actes
  • 1 – Les actes prévus par le traité
  • 2 – Les actes atypiques
  • C – Caractères des actes
  • 1 – Conformité au droit originaire de l’Union
  • 2 – Effet direct
  • 3 – Primauté
  • Section II – Le contrôle juridictionnel
  • § 1 – Les juridictions de l’Union européenne
  • A – La Cour de justice
  • B – Le tribunal
  • C – Le tribunal de la fonction publique européenne
  • § 2 – Les voies de droit
  • A – Le recours direct
  • 1 – Le recours en constatation du manquement étatique
  • 1 – Le recours en annulation
  • 3 – le recours en carence
  • 4 – le recours en réparation
  • B – Le renvoi préjudiciel
  • § 3 – La jurisprudence
  • Chapitre III – L’action de l’Union européenne
  • Section I – Les moyens d’action de l’Union
  • § 1 – La définition des compétences de l’Union
  • A – Les compétences exclusives de l’Union
  • B – Les compétences partagées ou compétences concurrentes
  • C – Les compétences de coordination
  • D – Les compétences d’appui et de complément
  • § 2 – L’exercice des compétences de l’Union
  • Section II – Les réalisations de l’Union
  • § 1 – Le marché intérieur
  • § 2 – Les politiques communes
  • § 3 – La citoyenneté de l’Union

INTRODUCTION

Le conseil de l’Europe et l’Union Européenne ont une histoire commune qui commence après le seconde Guerre Mondiale.

1 – Le contexte de l’après guerre en Europe

Le contexte de l’après guerre en Europe est marqué par une double nécessité:

– reconstruire les économies détruites par la guerre

– assurer la sécurité sur le continent européen.

Mais il se développe à cette époque une tension est-ouest, il y a deux blocs:

1) l’un sous le leadership de l’union soviétique

2) l’autre sous le leadership des Etats-Unis.

Au cours de la conférence de Yalta, en 1945, on évoque déjà le rideau de fer qui est tombé sur l’Europe et qui divise Berlin. On est désormais dans le contexte de la guerre froide. L’Europe sort du conflit mondial très affaiblie, sa structure économique et son agriculture vont mal, cela créé un contexte social difficile favorable à un climat de révolte. En revanche, les états unis connaissent une grande prospérité économique, le président Truman déclare en mars 1947 que les états unis doivent soutenir les états européens qui résistent aux tentatives d’asservissements qui proviennent des états de l’est. Suivant l’invitation du président américain, les états unis sortent de leur tradition isolationniste et décident de verser aux états européens une aide économique massive. Il s’agit du plan Marshall lancé dans le cadre d’une stratégie américaine d’endiguement du communisme. Cette aide est globale, elle s’adresse à l’ensemble des pays européens qui doivent s’entendre pour mieux l’utiliser. A cette fin, ces états de l’Europe occidental vont mettre en place la première organisation d’intégration en Europe: l’organisation européenne de coopération économique établie par une convention le 16 avril 1948 par 16 états de l’Europe occidentale. C’est une organisation classique intergouvernementale, elle est dit classique puisque son institution principale est le conseil des ministres qui prend toutes les décisions à l’unanimité. Ainsi, la souveraineté de chaque état est pleinement respectée. La réaction du coté soviétique est la création du conseil d’assistance économique mutuelle qui réunit les pays du bloc soviétique et qui repose sur le principe d’une économie planifiée. L’OECE va se transformer en 1960 pour donner naissance à une organisation plus large: l’Organisation pour la coopération et le développement économique créé par la convention de Paris le 14 décembre 1960. Cette organisation a un rôle de conseil et de coopération diplomatique sur des questions de nature économique, elle assure aussi une coordination technique.

L’union soviétique semble constituer une menace pour l’Europe occidentale, elle a pour ambition d’étendre son influence à toute l’Europe, la preuve a été l’évènement de Prague. En 1947, pour répondre à cette menace, le royaume uni et la France concluent un traité d’alliance militaire, c’est le traité de Dunkerque du 4 mars 1947 officiellement dirigé contre l’ennemi commun qu’est l’Allemagne. Ce traité créé un lien de coopération militaire, ainsi les gouvernements de ces 5 pays signent le 19 mars 1948, à Bruxelles, un traité créant l’union occidentale, c’est le premier traité de coopération militaire. Ce traité prévoit que lorsqu’une des parties est en danger militaire, les autres ont l’obligation de lui porter assistance par tous moyens. Après la création de l’union occidentale, le gouvernement américain confit au congrès une demande d’engagement des états unis dans les relations extérieures. Ainsi, le 4 avril 1949, le traité de Washington ou traité de l’atlantique nord est signé par les 5 pays de l’union occidentale et par les états unis, le canada, l’Italie, le Danemark, la Norvège et l’Islande. L’Europe occidentale est donc sous protection militaire des états unis, l’article 51 de la charte des nations unies promet une garantie collective contre l’agression. En 1951 ce traité sera renforcé, institutionnalisé et deviendra l’OTAN. Cette organisation contient un volet politique et militaire ainsi qu’une structure de commandement intégré, les états membres n’ont cessé de s’accroitre après la chute du mur de Berlin, l’Otan est passé de 16 à 28 états membres.

En 1966, en pleine guerre froide, le général de Gaulle annonce le départ de la France du commandement intégré de l’Otan pour des raisons de souveraineté et d’indépendance nationale. En dépit de son départ, la France a participé à toutes les opérations militaires décidées par l’OTAN depuis son départ (Bosnie, Kosovo, Afghanistan). En mars 2009, le président Sarkozy a annoncé la réintégration de la France au commandement intégré de l’OTAN. En 1989, pour la première fois depuis sa création, l’OTAN a confié l’un de ses deux postes de commandement stratégique à un non américain, un français. L’OTAN qui a été crée pour donner une réponse à la nécessité de se défendre contre la menace soviétique cherche une raison d’être, elle peut être considérée comme le bras armé de l’ONU, elle peut donner des réponses à des nouveaux problèmes de sécurité (le terrorisme) et mener des opérations pour assurer la paix sous mandats des nations unies.

2 – Aux origines de la construction européenne: le congrès de la Haye

Ce congrès a été organisé entre le 7 et le 10 mai 1948, ce fut la première réunion de militants pro-européen. Les personnalités politiques y ayant participé étaient importantes, elles représentées des courants d’opinion et des idéologies différents mais avec une aspiration commune: l’unité de l’Europe. Le congrès a été organisé sous l’impulsion de Churchill, 800 homme politiques ont été réunis dans une atmosphère fervente, tous les pères de l’Europe étaient présents (Blum, Mitterrand, Schuman et Monnet). La délégation allemande comprenait notamment le futur chancelier Adenauer, qui permettra à l’Allemagne de se relever et de connaitre la prospérité économique. Dans la délégation européenne, on trouve notamment De Gsaperi, fondateur de la démocratie chrétienne italienne, il va ancrer l’Italie dans le camp pro-européen. En plus de De Gasperi, on peut citer Spinelli, un fédéraliste qui sera très actif au sein des communautés européennes. Paul Henri Spaak, belge, a été l’un des artisans de l’union douanière du Benelux, il a été ministre des affaires étrangères en Belgique et président du comité consultatif de l’UE, il était également présent lors du congrès de la Haye. Deux courants de penser sont présents à ce congrès: les unionistes, partisans des coopérations intergouvernementales, coopérations qui excluent tout abandon de souveraineté de la part des états / les fédéralistes: maximalistes qui prônaient une fédération et une constitution européenne et modérés qui étaient favorables à des transferts de souveraineté progressifs et négociés.

Le congrès de la Haye a adopté 3 résolutions: une politique, elle déclare « l’aire est venue pour les nations de l’Europe de transférer certains de leurs droits souverains pour les exercer désormais en commun », c’est à dire qu’elle se prononce en faveur de la création d’une assemblée européenne composée de membres désignés par les parlements nationaux. Cette assemblée devrait examiner les implications politiques et juridiques d’une union européenne voir d’une fédération européenne / une économique et sociale, elle reconnaît la nécessité de poursuivre l’intégration économique en Europe, selon cette résolution il est nécessaire et même urgent d’établir une union économique en Europe / une culturelle, il faudrait créer un véritable centre européen de la culture pour réveiller la conscience européenne et appuyer la coopération des universités européennes. Ces 3 résolutions reflètent une volonté d’intégration européenne, politique, économique et culturelle. Ce projet d’intégration européenne va finalement se diviser en 2: d’un coté le projet politique et humaniste qui sera assumé par le conseil de l’Europe et de l’autre coté le projet économique qui sera assumé et réalisé par les 3 communautés européennes qui vont conduire à l’établissement de l’UE.

3 – La création du conseil de l’Europe et l’adoption de la convention européenne des droits de l’homme

A la suite du congrès de la Haye des négociations s’engagent entre les états européens en vue de la création d’une organisation européenne à caractère politique, une organisation qui va assumer le projet d’intégration politique. Lors de ces négociations, on constate une opposition très nette entre la conception française et la conception britannique. Les britanniques refusent la création d’une assemblée parlementaire au sein de la nouvelle organisation, ils souhaitent créer une simple organisation intergouvernementale. Au contraire, la délégation française est tout à fait favorable à la création d’une assemblée parlementaire aussi représentative que possible. Finalement, les 2 états arrivent a un compromis. Ainsi, le 5 mai 1949, 10 états européens parmi lesquels la GB et la France signent le statut du conseil de l’Europe. Il entre en vigueur le 3 aout 1949, son préambule rappelle l’attachement des européens aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun des peuples européens et qui sont à l’origine de toute démocratie véritable. L’article premier fixe l’objectif de cette nouvelle organisation européenne, celui de réaliser une union plus étroite entre les états membres. Le reste du statut est consacré aux institutions du conseil de l’Europe: le comité des ministres constitué par les ministres des affaires étrangères des états membres du conseil de l’Europe, il est définit comme l’organe compétent pour agir au nom du conseil de l’Europe / l’assemblée consultative qui se proclamera assemblée parlementaire, elle est constituée des représentants des états membres désignés selon la procédure adoptée par chaque gouvernement, elle a un simple rôle consultatif, elle ne prend pas de décisions mais elle représente symboliquement l’entrée des peuples sur la scène politique européenne. C’est sous l’égide du conseil de l’Europe qu’a été élaborée la convention européenne des droits de l’homme, elle constitue une innovation importante car elle instaure un système juridique supranational de protection des Droits de l’Homme. L’ONU s’était déjà occupée de cette question avec l’adoption de la DDHC en 1948. Or, cette déclaration est dénuée de toute force contraignante. En revanche la convention européenne des droits de l’homme adoptée au sein du conseil de l’Europe lie et oblige les états qui l’ont signée et ratifiée. La convention européenne des Droits de l’Homme a été préparée par une commission juridique de l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe, le rapporteur de cette commission est un des pères fondateurs de l’Europe: TEITGEN. Le souvenir de la 2 Guerre Mondiale et de toutes les souffrances liées à cette guerre avait montré que l’état pouvait devenir un être dangereux, destructeur qui pouvait être responsable de violations des Droits de l’Homme. Selon le comité qui a élaboré la convention, il fallait donc élaborer des garanties juridiques contre l’arbitraire de l’état. Il né de cela une nouvelle conception par rapport à celle, traditionnelle, d’un état protecteur de l’individu qui dominait l’Europe jusqu’à la 2 Guerre Mondiale. Le comité des ministres du conseil de l’Europe a accepté cette convention européenne des Droits de l’Homme. Les droits énoncés dans cette convention sont civils et politiques. Par la suite, la commission juridique de l’assemblée parlementaire a instauré un contrôle juridictionnel, c’est une innovation essentielle de cette convention des Droits de l’Homme. A l’époque le système reposait sur 2 organes: la commission et la cour européenne des Droits de l’Homme installées à Strasbourg, ils pouvaient être saisis par les individus victimes d’une violation de leurs droits, cette solution constituait à l’époque une véritable révolution juridique. La convention européenne des Droits de l’Homme est rentrée en vigueur en septembre 1959, la France la ratifiera seulement en 1974.

4 – La déclaration Schuman et la création de la CECA

Le 9 mai 1950, Schuman prononce, au salon de l’horloge au quai d’Orsay, une déclaration fondatrice pour la communauté européenne. Cette déclaration a été rédigée par Monnet dont la conviction fondamentale est qu’il fallait créer une interdépendance entre les états européens, il fallait créer une solidarité matérielle qui rendrait impossible leur séparation. Selon lui, l’unité européenne se ferait par une modification des conditions économiques car elles déterminent le comportement des hommes et des gouvernements. La déclaration énonce 3 objectifs révolutionnaire à l’époque: la volonté de sauvegarder la paix et d’écarter tous risque de guerre / la réconciliation franco-allemande, Schuman voulait un pacte de solidarité franco-allemand à l’opposé du traité de Versailles / la constitution d’une communauté européenne de manière fédérale. Cette déclaration a été mise en œuvre avec une méthode fonctionnaliste qu’elle fixait elle même. C’est à dire que les objectifs politiques seraient réalisés par …. en cédant d’une manière partielle et progressive la souveraineté des états à une institution supranationale. Cela se ferait par des réalisations concrètes créant une solidarité de fait. Par sa déclaration Schuman fait également une proposition concrète de placer l’ensemble de la production franco allemande de charbon et d’acier sous une haute autorité commune dans une organisation ouverte à la participation des autres pays européens. Schuman a donc le projet de créer une communauté économique. C’est un projet symbolique puisque l’industrie du charbon et de l’acier soutenait l’effort de guerre et puisque le charbon était la première source d’énergie et l’acier était à la base de l’industrialisation. De ce fait toute guerre devient impensable et matériellement impossible entre la France et l’Allemagne. Cette convention serait compatible avec les intérêts politiques et économiques de la France, elle a été bien accueillie par l’Italie et l’Allemagne qui voulaient sortir de la subordination dans laquelle ils se trouvaient à la suite de la 2 GM. Cette déclaration met donc en place une égalité de droit entre les pays et met en place une marge de manœuvre sur la scène internationale. Rapidement le Benelux adhère aux principes proposés par Schuman car le contrôle de l’arsenal principal de l’Allemagne qu’était le charbon et l’acier était indispensable selon eux. Le Royaume-Uni ont été tenus à l’écart de ce projet français et ont été vexés, ils ont pourtant manifesté le souhait de participer à la communauté européenne à condition que l’on supprime le caractère supranational de la communauté qui allait contrôler le charbon et l’acier. Cette exigence a été refusée, la convention a donc été signée entre 6 pays seulement. Les négociations ont abouti à la signature le 18 avril 1951 du traité de Paris qui donne naissance à la première des 3 communautés européenne: la CECA. Ce traité de Paris avait une durée de 50 ans, il a donc expiré en 2002, la CECA n’existe plus. Ce traité n’en reste pas moins important puisque 6 pays conféraient tous leurs pouvoirs en matière de charbon et d’acier à des institutions communes et indépendantes. Le système institutionnel de la CECA est supranational, révolutionnaire à l’époque, il a inspiré le système institutionnel de la CEE devenue CE et celui de l’UE. La CECA comprenait la haute autorité, l’ancêtre de la commission européenne, elle était un collège indépendant, son rôle était de rechercher l’intérêt général européen et de prendre des décisions concernant le secteur du charbon et de l’acier. Monnet était nommé à sa tête / une assemblée parlementaire qui est l’ancêtre de l’actuel parlement européen qui est une institution de l’UE qui siège à Strasbourg. L’assemblée parlementaire de la CECA avait un rôle essentiellement consultatif, ses membres étaient nommés par les assemblées des états membres / le conseil spécial des ministres composés des ministres des 6 états, son rôle était d’harmoniser l’action de la haute autorité avec celle des états membres / la cour de justice de la CECA, ancêtre de la cour de justice de l’UE qui siège à Luxembourg, elle avait pour mission d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité de la CECA. Dans la logique fonctionnelle, la CECA devait préluder à une communauté plus large de nature politique qui devait venir naturellement par un effet d’engrainage selon Monnet. L’expérience a cependant montré que le peuple européen n’y était pas prêt.

5 – Les échecs: la CED et la communauté politique européenne

EN juin1950, la Corée du sud a été agressée par les forces de la Corée du nord soutenue par l’union soviétique, cette guerre a obligé les troupes américaines présentes en Europe occidentale, notamment en Allemagne, à aller en Corée, c’est pour cette raison que le gouvernement des états unis a proposé de réarmer l’Allemagne et de l’intégrer à l’alliance atlantique. La France a réagit immédiatement, elle souhaitait être la plus grande puissance européenne, continentale, elle a donc estimé que la proposition américaine était inacceptable car elle ne souhaitait pas la renaissance de la puissance économique et militaire de l’Allemagne. Le gouvernement français a donc imaginé la création de la CED, le 24 octobre 1950 il a proposé la création d’une armée européenne placée sous le commandement commun des 6 états européens qui étaient en train de négocier la CECA, finalement les 6 états ont signé en Mai 1952 un traité qui instituait la CED. La signature de ce traité a tout de suite eu un effet d’entrainement puisque une construction politique était nécessaire au commandement de la CED. Les états ont donc réuni une assemblée qui aurait pour vocation de créer une communauté politique. Elle a remis le 9 mars 1953, aux 6 gouvernements, un projet de traité portant statut de la création de la communauté politique européenne. Or le traité instituant la CED n’a toujours pas été ratifié. La CED a fait l’objet d’un très grand débat politique en France: d’un coté il y avait les opposants au traité formés par la Gaullistes et les communistes estimant que ce traité porterait atteinte à la souveraineté nationale de la France. Ces opposants ont fini par l’emporter à l’AN sans vote, ils ont utilisé la procédure de la question préalable par laquelle l’AN peut décider qu’il n’y a pas lieu de débattre sur un sujet. Cet échec a entrainé l’abandon des négociations sur la communauté politique européenne. L’intégration de type fédérale c’est donc heurté à une opposition très lourde. Monnet a démissionné de la haute autorité de la CECA suite à cet échec, l’intégration européenne traversait sa première crise.

6 – La relance et la signature des deux traités de Rome

Ce sont les pays bas qui ont pris l’initiative en proposant la création d’un marché commun qui ne se limiterait pas au charbon et à l’acier. Les gouvernements se sont donc réunis à Messine en Sicile en 1955, cette réunion appréhendait la nécessité de décloisonner les marchés nationaux, elle a créé une commission intergouvernementale placée sous l’autorité de Spaak qui allait examiner la possibilité d’établir un marché commun généralisé. Ce comité a remis son rapport aux 6 gouvernements à Venise en 1956, des négociations s’ouvrent sous la base du comité Spaak, elles ont abouti à la signature de deux traités à Rome le 2 mars 1957, le traité instituant le CEE et celui instituant la CE de l’énergie atomique (Euratom). Le système institutionnel prévu par ces 2 traités était très proche de celui de la CECA, il était un reflet fidèle des idées de Monnet qui accordait une très grand importance à la création d’institutions, selon lui « les hommes passent, les institutions restent » et « rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions ». Cependant, le caractère supranational des institutions est atténué. En effet, dans la CEE, le principal organe décisionnel est l’organe intergouvernemental, c’est à dire le conseil des ministres (dans la CECA c’était l’organe indépendant: la haute cour) l’institution chargé de poursuivre l’intérêt général européen se nomme dorénavant commission, elle a un rôle politique et administratif, elle dispose d’experts pour garantir le bon fonctionnement du marché commun / une assemblée parlementaire qui a pris le nom de parlement européen, initialement sont rôle était consultatif, mais avec les révisions successives du traité, le parlement finira par avoir un rôle décisionnel / la cour de justice. Jusqu’en 1967, les 3 traités instituant les 3 communautés européennes prévoyaient chacun une commission et un conseil des ministres distinct. En revanche, depuis le début, l’assemblée parlementaire et la cour de justice était des institutions communes aux 3 communautés. En 1967, il y a eu une fusion des exécutifs, le conseil des ministres et la commission sont devenus des institutions communes aux 3 communautés européennes. Le traité instituant la CEE, avait comme objectif la création d’u marché commun, c’est un chef d’œuvre de fonctionnalisme. Il a introduit un modèle original d’intégration européenne fondé sur 2 principes essentiels: la création d’institutions communes et la délégation des pouvoirs souverains des états membres, c’est à dire que les états qui participent au processus d’intégration délèguent certains de leurs pouvoirs souverains à des institutions communes qui vont les exercer.

Définition de l’intégration européenne: processus par lequel les acteurs politiques et économiques de différents contextes nationaux sont amenés à déplacer leur loyauté et leurs activités vers un nouveau centre qui possède des compétences transférées sur le territoire des états nationaux.

1ère PARTIE – LE CONSEIL DE L’EUROPE

Créé à la suite du congrès de la Haye, son statut a été signé à Londres par 5 états le 5 mai 1949, il est tout entier imprégné par la volonté de défendre et de promouvoir la démocratie et les droits de l’Homme sur le contient européen, c’était le projet d’intégration politique qui a été assumé dans un premier temps par le Conseil de l’Europe. L’article 1er énonce l’objectif du Conseil de l’Europe qui est de réaliser une union plus étroite entre ses états membres pour sauvegarder les principes qui font partis du patrimoine commun européen. Cet objectif sera poursuivi au moyen des organes du Conseil de l’Europe, par son action politique et par la conclusion des traités entre les états membres. Aujourd’hui on peut constater que l’œuvre du Conseil de l’Europe a beaucoup servi la stabilité démocratique et le respect de l’état de droit sur le contient européen.

Chapitre I – L’organisation du Conseil de l’Europe

Section I -La composition du Conseil de l’Europe

  • 1 – L’admission au sein du Conseil de l’Europe

Le statut du Conseil de l’Europe a été signé à l’origine par 10 états membres: la Grande Bretagne, la France, le Benelux, le Danemark, la Norvège, la Suède, l’Italie et l’Irlande. Le Conseil de l’Europe n’a cessé de s’élargir depuis pour arriver aujourd’hui à 47 membres: la RFA est devenue membre en 1951, au cours des années suivantes le Conseil de l’Europe a accueillie des états neutres comme l’Autriche et la suisse. Puis, des petits pays accédant à l’indépendance comme Chypre et malte sont entrés au Conseil de l’Europe. Les pays ibériques revenus à la démocratie dans les années 70 (Espagne et Portugal) ont également adhéré au Conseil de l’Europe. Pour finir, en 1989, la Finlande adhère au Conseil de l’Europe, elle était le seul pays démocratique resté à l’écart. Les années 90 vont marquer un tournant pour l’histoire du Conseil de l’Europe puisqu’il va s’ouvrir aux pays d’Europe centrale et orientale. La Hongrie sera le premier état d’Europe centrale et orientale à adhérer au Conseil de l’Europe, il sera suivit par la Tchécoslovaquie, la Pologne, et les autres pays. Il faut notamment souligner l’entrée en 1996 de la fédération de Russie. Les 2 derniers états à être rentrés dans le Conseil de l’Europe sont Monaco en 2004 et le Monténégro en 2007 après sa séparation de la Serbie.

Les conditions d’admission sont régies par les articles 3 et 4 du statut du conseil. En réalité il existe 2 conditions: être un état européen et respecter les principes de la démocratie, de la prééminence du droit et des droits de l’Homme. La condition géographique d’entrée au Conseil de l’Europe a été entendue de manière très souple c’est pourquoi la Turquie a été invitée dès 1949 à y entrer, elle y a adhéré en 1950. La problématique de la définition d’un état européen s’est posée à nouveau à la suite de la dislocation de l’Union soviétique et de la candidature de certains pays qui se situent en réalité entre l’Europe et l’Asie (Moldavie, Ukraine, Géorgie et Arménie). L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a alors opté pour un critère très large, pour une interprétation très souple suivant laquelle les états dont le territoire est situé en partie ou en totalité sur le contient européen peuvent demander l’adhésion au Conseil de l’Europe. L’article 5 du statut prévoit que le comité des ministres peut dans des circonstances particulières inviter un pays non européen à devenir membre associé du Conseil de l’Europe. C’est le cas pour le Canada, le Japon, le Mexique et les USA. La condition politique a aussi fait l’objet d’une interprétation souple, en effet dans les années 90, après l’effondrement du bloc soviétique, les candidatures des pays de l’ancienne union soviétique se sont multipliées, ces pays ne respectaient pas les standards définis par le Conseil de l’Europe. Malgré tout, leur candidature a été acceptée afin de stabiliser le processus de démocratisation. On a constatait dans les années 90 une modification de la conception de la fonction même du Conseil de l’Europe. Jusque dans les années 90, le Conseil de l’Europe avait pour objectif de garantir la stabilité dans des états qui avaient déjà une tradition démocratique, avec l’entrée des nouveaux états dans les 90’s il s’agit d’assurer la mise en place de garanties démocratiques souvent fragiles voire inexistantes. Le Conseil de l’Europe est donc devenu une sorte d’école de la démocratie et des droits de l’Homme. Aujourd’hui, sa fonction est d’œuvrer pour la démocratie et l’état de droit dans des démocraties fragiles. Cependant afin de ne pas abaisser les critères d’entrée au Conseil de l’Europe, l’assemblée parlementaire pose une exigence minimale pour l’entrée d’un état. Il faut que les états garantissent à intervalle raisonnable des élections libres et démocratiques et il faut qu’ils souhaitent adhérer et s’engagent à signer et à ratifier rapidement la convention européenne des droits de l’Homme. Le comité des ministres a pris comme habitude de consulter l’assemblée parlementaire avant de décider de l’adhésion d’un nouvel état, cet avis n’est pas juridiquement contraignant mais il lie le comité des ministres politiquement.

  • 2 – Le retrait et l’expulsion d’un état du Conseil de l’Europe

Le retrait est volontaire alors que l’expulsion est une sanction pour un état qui ne respecte par les principes du Conseil de l’Europe. Le retrait est prévu par l’article 7 qui ouvre à tout état membre la possibilité de se retirer volontairement de l’organisation par simple notification faite au secrétaire général. Cette notification n’entraine pas automatiquement une dénonciation des conventions conclues par l’état en question.

L’article 8 prévoit des sanctions pour l’état qui ne respecte pas les obligations prévues par le statut. Tout d’abord, l’état peut être suspendu de son droit de représentation. Par la suite, l’état peut être invité par le conseil des ministres à se retirer du Conseil de l’Europe. S’il n’a pas tenu compte de cette invitation, le comité des ministres peut décider que l’état concerné à cesser d’appartenir au Conseil de l’Europe à compter d’une date fixée par le comité lui même. L’expulsion est prévue par la lettre même du statut. Au delà de ce texte, l’assemblée parlementaire s’est reconnu le droit de sanctionner le non respect des obligations en suspendant les droits de la délégation parlementaire d’un état. La question de la mise en œuvre de l’article 8 s’est posée à propos de la Grèce en 1967, la majorité du conseil de l’Europe n’était pas favorable à l’expulsion mais c’est finalement l’état lui même qui c’est retiré en 1969, il a dénoncé toutes les conventions conclues sous l’égide du Conseil de l’Europe notamment la convention européenne des droits de l’homme. La Grèce est pourtant retournée au Conseil de l’Europe en 1974 après la fin du régime militaire. A la suite d’un coup d’état en Turquie en septembre 1980, a été décidée la suspension des droits de la délégation turque en 1981. Deux ans après, des élections démocratiques ont été organisées et la Turquie a donc pu récupérer ses droits de représentation. En avril 2000, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a décidé de suspendre les droits de la délégation russe à l’assemblée. Elle avait invité, en même temps, le comité des ministres à faire de même en son sein. En 2002, l’assemblée parlementaire a adopté une nouvelle résolution restaurant le droit de la délégation russe dès lors qu’elle a constatée des changements positifs dans le traitement du conflit tchétchène par les autorités russes.

L’article 9 envisage la suspension du droit de représentation d’un état si celui ci ne respecte pas ses obligations financières.

Section II – Les organes du Conseil de l’Europe

Les 2 organes principaux sont le comité des ministres et l’assemblée parlementaire. Ils sont assistés par le secrétaire général et il existe plusieurs organes subsidiaires. Depuis les années 90 sont organisées, au sein du Conseil de l’Europe, des réunions au sommet des chefs d’état et de gouvernement pour des questions particulières.

  • 1 – Le comité des ministres

Chapitre 4 articles 13 à 21 du statut. Le comité des ministres est défini comme l’organe compétent pour agir au nom du Conseil de l’Europe, c’est un organe inter gouvernemental constituait de représentants des gouvernements: le ministre des affaires étrangères souvent remplacé par un diplomate de haut rang. Son rôle est défini par l’article 15 de façon assez large: le comité « examine sur recommandations de l’assemblée consultative ou de sa propre initiative les mesures propres à réaliser les buts du Conseil de l’Europe ». Ces pouvoirs sont en réalité très limités, le comité des ministres peut seulement adresser ses conclusions sous forme de recommandations aux différents gouvernements nationaux. Le comité peut aussi inviter les gouvernements à lui faire connaitre la suite donnée à ces recommandations. Il peut aussi prendre des résolutions et adopter des déclarations. Le comité des ministres se réunit à huit clos obligatoirement, avant l’ouverture des sessions de l’assemblée parlementaire et chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Il adresse des rapports sur son activité à l’assemblée parlementaire et peut constituer des comités de caractère consultatif ou technique. Enfin, c’est le comité des ministres qui rédigent et adoptent les conventions soumises aux états membres du Conseil de l’Europe, toutes ces conventions ne sont pas ratifiées par tous les états. Pour qu’une convention entre en vigueur, il faut qu’elle soit ratifiée par au moins 10 pays, elle s’appliquera aux seuls pays qui l’ont ratifiée. La plupart des conventions donnent au comité des ministres un pouvoir de surveillance puisqu’il doit contrôler l’application des conventions. C’est le cas de la convention européenne des droits de l’homme: son article 46 prévoit que les arrêts de la cour européenne des droits de l’homme soient transmis au comité des ministres qui en vérifie l’exécution. Chaque état dispose d’une voix et les modalités de vote sont fixées à l’article 20. Les résolutions les plus importantes sont adoptées à l’unanimité des voix exprimées, les résolutions du comité qui invitent un état à devenir membre ou membre associé du conseil doivent être prises à la majorité des 2/3 des représentants qui ont le droit de siéger au comité. D’autres questions plus simples nécessitent la majorité simple. Dans la pratique, presque toutes les décisions sont prises par consensus.

  • 2 – L’assemblée parlementaire

Elle est prévue par le chapitre 5. C’est le premier exemple dans l’histoire de la création d’une assemblée parlementaire dans une organisation internationale. Dans l’esprit des pères fondateurs, cette assemblée exprimait la volonté d’associer les peuples européens à la construction européenne. Cette assemblée devait incarner la vocation fédérale du Conseil de l’Europe. Dans les faits, son rôle a été réduit à celui d’une assemblée consultative: selon l’article 22, l’assemblée est l’organe qui délibère. A l’origine elle s’appelait assemblée consultative, elle a changé elle-même de nom pour devenir l’assemblée parlementaire afin d’insister sur son caractère représentatif. Les britanniques voulaient que les membres des assemblées soient désignés par les gouvernements nationaux alors que la France voulait une certaine démocratisation de l’assemblée, elle souhaitait que les parlements nationaux choisissent les membres de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. A l’origine, a été décidé que chaque état demeurait libre de choisir sa propre procédure de désignation de ses représentants à l’assemblée. Finalement, en 1951, le statut du Conseil de l’Europe a été amendé pour laisser aux parlements nationaux le contrôle de la procédure de désignation. En France l’Assemblée Nationale désigne 12 représentants et le Sénat 6. Au RU ce sont les chefs de partis qui proposent des noms mais c’est le premier ministre qui désigne finalement les représentants à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. C’est l’article 26 qui prévoit le nombre de représentants par pays, les plus petits n’en ont que 2 et les plus grands en ont 18. Les membres de l’assemblée parlementaire adoptent le règlement intérieur qui régit le fonctionnement de l’assemblée (c’est un signe d’autonomie) et ils élisent eux même leur président. La vie de l’assemblée est régie en sessions: elle est réunie en une seule session répartie en 4 semaines. Comme les parlements nationaux, l’assemblée parlementaire peut mettre en place des commissions spécialisées. Elle peut poser des questions écrites ou orales au comité des ministres, il s’agit d’un simple pouvoir d’information, il n’y a pas de sanction possible. Les parlementaires sont regroupés par affinité politique. Pour l’essentiel c’est un lieu de discussion: conformément à l’art 23 du statut, l’assemblée délibère et formule des recommandations sur toutes questions relatives aux buts du Conseil de l’Europe. La délibération se concrétise par des conclusions parfois accompagnées de recommandations, elles sont adressées au comité des ministres. L’assemblée adopte aussi des résolutions, les résolutions ainsi que les recommandations sont adoptées à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés, elles ne sont pas juridiquement contraignantes. L’assemblée a aussi pour rôle de rendre des avis sur les projets de convention élaborés au sein du Conseil de l’Europe et soumis à la ratification par les états. L’assemblée émet également des avis concernant la candidature d’états qui ont déposé une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe, ces avis lient politiquement le comité des ministres. Enfin, l’assemblée parlementaire nomme le secrétaire général du Conseil de l’Europe sur proposition du comité des ministres. C’est aussi l’assemblée parlementaire qui nomme le juge de la Cour européenne des droits de l’homme en vertu de son article 22.

  • 3 – Le secrétaire général

Il a une fonction d’assistance des organes politiques que sont le conseil des ministres et l’assemblée parlementaire, il est nommé pour 5 ans.

  • 4 – Les organes subsidiaires

Ils ne sont pas explicitement prévus par le statut du Conseil de l’Europe.

Exemples:

Le commissaire aux droits de l’homme. C’est le comité des ministres qui a décidé, en 1999, de créer ce nouvel organe par une résolution qui définie le statut de cet organe. Il s’agit d’une instance non judiciaire, sa fonction est de promouvoir le respect des droits de l’homme en Europe, il doit, à cette fin, exercer ses fonctions en toute indépendance et en toute impartialité. Il est élu pour 6 ans à partir d’une liste de 3 personnes établie par le comité des ministres et son mandat n’est pas renouvelable. Le commissaire aux droits de l’homme doit identifier les lacunes dans le droit et dans la pratique des états membres concernant le respect des droits de l’homme. Il peut se saisir d’office d’une question qui relève de sa compétence et peut intervenir sur le fond de toute information pertinente. Ce sont les Parlements nationaux, les gouvernements, les médiateurs, mais aussi les organisations de la société civile et les particuliers qui peuvent donner des informations au commissaire et ainsi, l’inviter à intervenir sur une question particulière. Le 21 sept.-10, le commissaire a adressé une lettre à la France concernant la protection de la communauté Rom. Le commissaire des droits de l’homme fait des rapports sur les droits de l’Homme des Etats, à ce titre, il a un droit de visite dans certains lieux. Ces rapports sont souvent accompagnés de recommandations faites aux gouvernements nationaux. En 2006, un rapport a été adressé au gouvernement français afin d’améliorer les conditions pénitentiaires. Le commissaire n’a pas la compétence de présenter une demande adressée par un individu concernant sa violation de droits, cependant, l’article 14 de la Convention EDH donne néanmoins la possibilité au commissaire d’intervenir devant la Cour.

La commission européenne contre le racisme et l’intolérance créée en 1993 pour évaluer l’efficacité des mesures nationales dans la lutte contre ces 2 phénomènes et pour formuler des recommandations.

Le comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est l’organe responsable de la définition, de l’impulsion et de la conduite par le Conseil de l’Europe de la politique d’égalité entre hommes et femmes. Il adresse des rapports et des propositions au comité des ministres.

Le congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, ce congrès réunit les représentants des collectivités territoriales des états membres et œuvre pour le développement de la démocratie locale et de la coopération transfrontalière.

Chapitre II – La protection des droits fondamentaux

La protection des droits fondamentaux est fondée sur la CEDH signée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953. Elle forme un système d’avertissement précoce pour empêcher les états de sombrer dans le totalitarisme. Elle est inspirée de la DUDH adoptée par l’assemblée générale des NU le 10 décembre 1948. Mais alors que la DUDH est une simple résolution de l’assemblée générale des Nations-Unies, la CEDH est un instrument juridique obligatoire qui créé des obligations pour les états qui l’ont signée. Elle possède une partie normative et une partie procédurale. Dans sa dimension normative, la CEDH et un certain nombre de protocoles qui s’y ajoutent, énoncent les droits protégés, il s’agit de droits individuels qui préservent l’intégrité et la liberté de la personne humaine et de droits civils et politiques. Ils sont interprétés par la Cour EDH qui est l’interprète authentique et suprême de la CEDH. Dans sa dimension procédurale, la convention européenne instaure un mécanisme institutionnel de protection des Droits de l’homme et c’est ici que réside son originalité. Cette originalité c’est le choix d’un contrôle juridictionnel et non pas simplement politique, c’est la Cour EDH, telle qu’amendée par le protocole n°11 et 14, qui exerce le contrôle juridictionnel. Aujourd’hui, c’est le modèle le plus perfectionné des garanties des droits de l’homme.

La France est à l’initiative de la Convention EDH. Le rapporteur de la commission de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui a rédigé le projet de convention est le professeur Teitgen. La France a signé la Convention en 1950 mais attendra 1974 pour la ratifier pour des raisons liées au processus de décolonisation. La décision de ratifier la Convention a été prise pendant la présidence de Pompidou mais la ratification a eu lieu après sa mort. Au moment de la ratification, la France a formulé deux réserves (déclaration unilatérale d’un état qui a pour effet soit de rendre inopposable à son égard certaines dispositions de la convention, soit de préciser le sens de certaines dispositions de la convention). Le procédé de formulation de réserve au moment de la ratification d’une convention est très courant en droit international mais il pose problème en matière de droits de l’homme, c’est pourquoi les réserves sont enfermées dans des limites et sont soumis à la cour EDH. La première réserve formulée par la France vise à écarter l’application des articles 5 et 6 de la convention qui énoncent le droit à la liberté et à la sureté et le droit à un procès équitable. La deuxième réserve concerne la possibilité ouverte par la convention européenne elle même de déroger à la protection de certains droits en cas de circonstances exceptionnelles. Elle vise a substitué le champ d’application de l’article 16 de la constitution française au champ d’application de l’article 15.

Section I – Le caractère essentiel de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

La convention européenne est l’instrument constitutionnel de l’ordre public européen. Ce caractère énoncé par la cour EDH dans l’arrêt du 23 mars 1995 « Loïzidou contre Turquie » souligne l’autorité de la convention européenne. Elle incorpore l’ensemble des règles perçues comme fondamentales pour la société européenne et qui s’impose aux états. Le préambule de la convention marque formellement que les droits de l’homme touchent aux intérêts essentiels de la collectivité humaine.

La convention instaure un système de protection objectif, cela signifie que chaque état s’engage pour lui même à l’égard des individus. Elle est différente des traités multilatéraux classiques car ces derniers imposent des obligations aux états dans leurs relations mutuelles. La convention européenne, elle, impose aux états des obligations à l’égard des particuliers. Ainsi, la règle classique de réciprocité internationale est écartée dans le cadre de l’application de la convention européenne. Plus généralement la non réciprocité est la caractéristique de textes internationaux qui protègent les droits de l’homme. Ceci est rappelé par la convention de Vienne qui codifie les droits des traités internationaux. La mise à l’écart de la règle de réciprocité a été rappelée avec force par la cour EDH dans un arrêt du 18 janvier 1978 « Irlande vs RU ». Selon la cour, la CEDH déborde du cadre de simple réciprocité entre états contractants. Elle créée des obligations objectives qui bénéficient d’une garantie collective.

La convention bénéficie de l’applicabilité directe, c’est à dire que les individus peuvent invoqués les dispositions de la convention directement devant les autorités nationales et notamment devant les juridictions nationales. La convention européenne se distingue donc encore une fois des traités internationaux classiques qui, en principe, créent des droits et des obligations uniquement pour les états contractants et non pas pour les particuliers.

La convention européenne instaure un mécanisme de garantie collective de droits, selon le préambule du statut du Conseil de l’Europe et selon le préambule de la CEDH, le respect des droits de l’homme fait parti du patrimoine commun des états européens et parce qu’il s’agit d’un patrimoine commun, la CEDH charge les états parties de défendre collectivement et solidairement les droits énoncés. L’essence même de la garantie collective est le droit d’action étatique. C’est à dire que tout état contractant peut attaquer un autre état devant la cour EDH pour violation des droits fondamentaux énoncés dans la convention. La convention consacre une forme d’ingérence dans les affaires des états parties mais dans les faits, l’exercice du droit d’action étatique est rare car les états craignent un éventuel effet retour. Il y a cependant quelques exemples de recours étatiques qui s’inscrivent dans le contexte d’un important différend politique qui déborde la seule question des droits de l’homme. Dans les 60’s la tension concernant l’Irlande du nord et le RU a donné lieu à certains recours exercés par l’Irlande contre le RU, arrêt 18 janvier 1978. L’intervention militaire turque dans la partie nord de Chypre en 1974 a donné lieu à plusieurs requêtes déposées par Chypre contre la Turquie, arrêt du 10 mai 2001. Le harcèlement de la population géorgienne immigrée en Russie a conduit la Géorgie à exercer un recours contre la Russie en 2007. Le règlement de ces affaires étatiques s’est généralement opéré dans un cadre diplomatique.

La convention instaure un mécanisme de protection des droits subsidiaire, il est énoncé par l’arrêt de la cour EDH du 7 décembre 1976 « Handyside c/ Royaume-Uni » « le mécanisme de sauvegarde instauré par la convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme ». Cela signifie que l’état dispose toujours d’une certaine autonomie pour assurer le respect des droits établis par la convention, les autorités nationales restent libres de choisir les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des droits énoncés par la convention. Aucune uniformité n’est imposée par la convention, elle respecte la diversité de la société européenne. La convention européenne ne vise pas à supplanter le droit interne, elle vise à le compléter où à en palier les défaillances. Dans ce cadre, la cour EDH parle de la marge d’appréciation reconnue aux états dans l’application de la convention. C’est à dire que les états disposent d’un pouvoir discrétionnaire, d’un certain espace de liberté dans la mise en œuvre des droits et des limites aux droits. La marge d’appréciation des états reste sous contrôle de la cour EDH. Elle va examiner, à cet égard, s’il existe ou non un dénominateur commun aux systèmes juridiques des états. S’il y a convergence des droits nationaux, la marge d’appréciation de l’état est réduite, le contrôle exercé par la cour EDH est plus poussé. En revanche, l’absence de dénominateur commun, la divergence entre les droits nationaux accroit la marge d’appréciation de l’état, le contrôle de la Cour EDH est plus limité. On a, ici, une auto limitation de la cour européenne.

Exemples: Certains droits nationaux, notamment les droits belges et français, établissaient des discriminations fondées sur la naissance hors mariage. La Cour va condamner ce type de discrimination en se fondant sur l’argument que la plupart des pays membres instaurent une égalité entre les enfants naturels et les enfants légitimes (arrêt « Marckx VS Belgique » de 1979 et l’arrêt « Mazurek contre France » de 2000). L’arrêt « Odièvre VS France » de 2003 : la législation française qui autorise l’accouchement sous X n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale. La jurisprudence de la Cour traduit la recherche constante d’un équilibre délicat entre la définition des standards européens et la préservation des particularités étatiques.

La Convention a pour but de protéger des droits concrets et effectifs. C’est le résultat de l’arrêt « Airey vc Irlande ». Mme Airey n’avait pas les moyens financiers pour s’adresser à un avocat, la Cour Européenne a donc dit que le droit d’accéder au juge et le droit à un procès équitable ne doivent pas être théorique et illusoire mais concrets et effectifs. C’est pour cette raison qu’une obligation pèse sur les états signataires de la convention qui est d’instaurer un système d’aide juridictionnelle. Tout au long de la Jurisprudence de la Cour Européenne on voit sa préoccupation dominante qui est d’assurer l’effectivité des droits. La recherche d’une effectivité maximale se traduit de 2 façon différentes: d’une part la CEDH a très souvent recours aux notions autonomes c’est à dire que les notions utilisées par la CEDH sont interprétés de façon autonome, indépendamment des qualifications données en droit interne. Exemple: l’article 6 de la convention européenne qui l’un des articles le plus invoqué, consacre le droit à un procès équitable, possède un champ d’application limité à 2 types de litiges, d’une part celui de contestation sur des droits et des obligations de caractère civil et d’autre part celui des accusations en matière pénale. La CE a retenu une interprétation très large de ces deux interprétations, elle a estimé que les accusations en matière pénale couvrent non seulement les sanctions pénales mais aussi les sanctions disciplinaires ou encore les sanctions prononcées par des autorités administratives ou encore des sanctions prononcées dans le domaine de la circulation routière. La cour a également interprété de façon large ces interprétations pour couvrir toute contestation faisant l’objet d’une procédure susceptible d’avoir des répercussions sur l’activité économique.

Le développement de la théorie des obligations positives qui peuvent être substantielles ou procédurale, qui pèsent sur les états qui ont ratifiés la convention. Les états n’ont donc pas seulement pour devoir de s’abstenir de porter atteinte aux Droits de l’Homme, ils ont en plus l’obligation positive d’adopter des mesures raisonnables et adéquates d’ordre économique ou social pour protéger les droits énoncés par la convention. Le développement de la théorie des obligations positives constitue un apport majeur de la Cour.

La convention doit faire l’objet d’une interprétation dynamique, téléologique et évolutive: arrêt du 13 juin 1979 « Marckx contre Belgique ». Dans cet arrêt la Cour a montré qu’elle ne se limite pas à une lecture littérale de la convention mais qu’elle applique des méthodes d’interprétation très proches des méthodes utilisées par les Cours suprêmes nationales. Dans cet arrêt la Cour nous dit qu’il y a lieu de rechercher qu’elle est l’interprétation la plus propre à réaliser l’objectif de la Convention. Quant à l’interprétation évolutive, dans le même arrêt, la CE déclare que la convention européenne est un instrument vivant qui doit s’interpréter à la lumière des conditions d’aujourd’hui. C’est pourquoi la Cour adapte constamment l’interprétation de la convention à l’évolution des mentalités et des mœurs.

Section II – Les droits protégés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme

L’article premier de la convention énonce qu’est bénéficiaire des droits toute personne qui relève de la juridiction des états parties à la convention. La notion de juridiction s’entend au sens large des compétences étatiques, les faits incriminés peuvent avoir été commis sur le territoire national ou en territoire étranger occupé par un autre état. Par exemple: arrêt Loïzidou contre Turquie. Les actes à l’origine de la violation peuvent avoir été accomplis en application du droit interne mais aussi du droit international ou du droit de l’UE. Enfin, ce ne sont pas seulement les nationaux des états partis à la convention qui sont protégés, mais aussi les résidents ou même les personnes de passage. Les droits énoncés par la convention sont interprétés par la Cour européenne qui est l’interprète suprême de la convention, ses arrêts ont beaucoup contribué à l’enrichissement substantiel des droits énoncés par la convention. L’interprétation de la Cour s’impose aux autorités nationales et notamment aux juridictions nationales.

  • 1 – La typologie des droits

La convention européenne énonce des droits civil et politiques, en principe il n’y a pas de droits économiques et sociaux. Les droits économiques et sociaux sont énoncés dans le pendant de la Convention qui est la Charte européenne de 1961. Les droits civils et politiques tels qu’interprétés par la Cour Européenne peuvent parfois avoir des prolongements économiques, exemple: arrêt Airey vs Irlande dans lequel le droit au procès équitable qui est un droit au caractère procédural a un prolongement économique: la possibilité de bénéficier d’une aide juridictionnelle. Les droits protégés par la convention appartiennent à 4 catégories: les droits civils, les droits politiques et civiques, les droits à caractère procédural et le droit à la non discrimination.

A – Les droit civils

Ce sont les droits qui protègent l’intégrité physique et morale de la personne.

1/ Le droit à la vie énoncé par l’article 2 § 2 de laConventionqui affirme que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. Cette disposition pose un premier problème, le terme de personne couvre-t-il également l’enfant à naitre? La Cour estime qu’il s’agit d’une question délicate, qu’il n’y a pas de consensus sur la question entre les états, et que donc il faut laisser aux états une marge d’appréciation c’est à dire un pouvoir discrétionnaire: arrêt « Vo vs France » 10 avril 2007, selon la Cour l’article 2 garantie le droit à la vie, il ne garantie pas un droit à mourir: arrêt « Pretty vs RU » 29 avril 2002 où la CEDH a été confrontée à la question du suicide assisté. L’article 2 prévoit des exceptions strictes au droit à a vie, le recours à la force étatique qui peut conduire à la mort d’un individu doit être absolument nécessaire pour assurer la défense contre la violence illégale pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’un détenu et enfin pour réprimer une émeute ou une insurrection. L’interprétation des exceptions posées et notamment le concept du recours à la force absolument nécessaire, a fait l’objet d’une affaire très importante qui a donné lieu à l’arrêt « Mc Can vs RU » du 27 septembre 1995. Les soldats britanniques présents au détroit de Gibraltar ont tiré sur 3 personnes membres de l’IRA qui étaient sur le point de procéder à un attentat à la bombe, les 3 personnes sont mortes. Les membres de leurs familles estimaient qu’il s’agissait d’une violation du droit à la vie de ces personnes. L’affaire pose un dilemme entre la protection de la population contre le terrorisme et le respect du droit à la vie. Les juges de la Cour Européenne étaient assez divisés sur la question, à une voix près ils ont décidé que la mort des 3 personnes aurait pu être évitée, que les autorités britanniques aurait du procéder d’une manière différente, le RU a donc été condamné pour violation du droit à la vie. Dans le même temps, la cour a énoncé que ce type de dilemme devait être examiné au cas par cas. Le texte de l’article 2 n’interdit pas la peine de mort, c’est le protocole n° 6 de la CEDH entré en vigueur le 1 mars 1985 qui abolit la peine de mort en temps de paix et c’est le protocole n°13, entré en vigueur le 1 juillet 2003, qui interdit la peine de mort en toute circonstance, y compris en temps de guerre. L’apport est reflété dans l’interprétation évolutive qu’a donné la cour européenne de l’article 2 dans l’arrêt du 12 mars 2003 « Ocalan vs Turquie ». Dans cette arrêt, la Cour nous dit que la peine de mort en temps de paix est une forme de sanction inacceptable, voire inhumaine qui n’est plus autorisée par l’article 2 de la Convention.

2/ Le droit énoncé par l’article 3 l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants,ce droit a une portée absolue. La Cour Européenne a donné une interprétation large aux 3 concepts visés par l’article 3: arrêt du 26 juillet 1999 « Selmouni vs France » la Cour Européenne a qualifié d’actes de torture les sévices subies par M. Selmouni pendant sa garde à vue / arrêt « Soering vs Royaume Uni » du 7 juillet 1989: Mr Soering est un allemand qui vit en Grande Bretagne, auparavant il résidait aux USA où il a été condamné pour l’assassinat de sa belle mère. Les USA demandaient donc l’extradition aux autorités britanniques de Mr Soering qui allait se voir appliquer la peine capitale. La Cour européenne a estimé que le fait pour Mr Soering d’attendre l’exécution de la peine de mort aux USA était un traitement inhumain ce qui empêchait le RU d’extrader Mr Soering vers les USA / la Convention Européenne inclut dans la notion de traitements inhumains, les punitions corporelles infligées à certains écoliers, la discrimination fondée sur des motifs raciaux, la prostitution forcée. La protection offerte est complété par la Convention pour la prévention de la torture et des traitements dégradants adoptée au sein du Conseil de l’Europe et entrée en vigueur en 1989. Un comité indépendant peut alors effectuer des visites dans les états et peut ensuite faire un rapport avec des recommandations appropriées aux états concernés.

3/ L’article 4 énonce le droit à ne pas être placé en esclavage et en servitude et le droit à ne pas être astreint à un travail forcé.Ce droit a été très rarement utilisé dans la Jurisprudence. Le droit à la liberté et à la sureté est énoncé par l’article 5 qui a connu une série d’application et la Cour a souligné son importance particulière dans une société démocratique. C’est à la base de cet article que la Cour a mis en cause, à plusieurs reprises, la pratique française de la détention provisoire, notamment la durée raisonnable de celle ci ou l’absence de motivations exactes de la juridiction pour la justifier: arrêt « Blondet contre France » 5 octobre 2004: il s’agissait d’une détention provisoire qui avait duré 5 ans durant lesquels il n’y a eu que 4 interrogatoires et une générale inactivité de la police. À la suite d’une série de condamnations, la France a réformé la détention provisoire.

4/ L’article 8 énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance. C’est sur le fondement de cet article que la Cour a rendu une série de décisions très créatives. Concernant la protection de la vie privée, celle ci est plus large que la protection assurée dans le cadre de l’article 9 du Code civil français. Selon la Cour Européenne, la vie privée recouvre l’intégrité physique et morale de la personne et comprend la vie sexuelle. C’est sur ce fondement de l’article 8 que la Cour a estimé que les législations nationales qui répriment les relations homosexuelles établies en privé et entre majeurs consentants constituent une violation. Cela était particulièrement important pour la protection des transsexuels. La France a d’ailleurs été condamnée car refusait de donner le droit à un transsexuel de rectifier l’indication de son sexe sur les registres d’état civil et de changer son nom. La France a été condamnée pour violation de l’article 8 et un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation du 11 décembre 1992 a immédiatement tiré les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne: Goodwin c/ Royaume Uni du 11 juillet 2002 qui oblige le Royaume Uni à procéder à la reconnaissance juridique de la nouvelle identité sexuelle d’un transsexuel et de lui garantir le droit au mariage. Le respect de la vie privé ne couvre pas seulement la sphère intime des relations personnelles mais aussi, au moins dans une certaine mesure, le droit pour chaque individu de nouer des relations avec ses semblables. Ce respect n’exclue pas les activités professionnelles et même les activités commerciales. Le respect de la vie privée inclut également le droit à l’image, le droit au nom, le droit d’accès aux informations relatives à la santé.

La notion de vie familiale est également interprétée largement. La Cour EDH a toujours défendu une conception ouverte et tolérante de la famille. Ainsi, la notion de vie familiale ne se limite pas aux seules relations fondées sur le mariage, mais peut englober d’autres liens comme le concubinage. La Cour EDH a une approche très pragmatique, elle va regarder si le couple vit ensemble, depuis combien de temps et s’il y a des enfants communs. Si c’est le cas, le concubinage entre dans la sphère de la vie familiale. La Cour protège aussi les rapports entre les parents et les enfants, naturels ou non. Elle a élaboré un véritablement statut juridique de l’enfant naturel: arrêt « Marckx c/ Belgique », qui condamne une loi belge qui établissait une discrimination quant à l’établissement de la filiation entre enfants naturels et enfants nés dans le cadre d’un mariage. L’arrêt « Mazurek c/ France » du 1er février 2000 condamne la loi française, en matière successorale, qui établissait une discrimination à l’encontre des enfants naturels. L’arrêt Mazurek a déclenché une réforme du Code Civil pour éliminer cette inégalité. Le droit au respect de la vie familiale est très souvent invoqué par des étrangers, soit pour entrer dans le territoire d’un Etat ou pour empêcher d’être expulsé d’un Etat. Dans la première hypothèse, la Cour estime que l’Etat n’a pas l’obligation de respecter le choix fait par un couple marier du lieu de leur domicile commun. Si le couple peut mener une vie familiale normale dans un autre Etat, on estime que l’article 8 est respecté. Dans la seconde hypothèse, si l’étranger invoque ce droit, la Cour européenne met en balance deux séries de considérations : d’une part, on examine les raisons qui justifient l’expulsion, notamment la gravité de l’infraction commise, ainsi que le comportement général de l’individu, d’autre part, on examine les attaches familiales de l’étranger dans le pays d’accueil. La Cour européenne a donné une interprétation très dynamique du respect dû à la vie privée et familiale: arrêt Lopez Ostra c/ Espagne du 9 décembre 1994. Dans cet arrêt, la Cour a estimé que l’article 8 implique un droit de vivre dans un environnement sain. L’Etat a donc l’obligation positive de prendre des mesures pour réduire les pollutions ou pour faire cesser des pollutions.

L’article 8 protège également les correspondances écrites et téléphoniques. L’arrêt Klass c/ Allemagne du 6 septembre 1978, au sujet des écoutes téléphoniques. La Cour a estimé que les écoutes téléphoniques peuvent être légales si une double condition est respectée. D’une part, les écoutes doivent être prévues par la loi. D’autre part, elles doivent être nécessaires dans une société démocratique, pour poursuivre un objectif légitime, par exemple la lutte contre la criminalité.

5/ Le droit à la liberté de penser, de conscience et de religion est prévu à l’article 9 de la convention.Une partie de la doctrine et de la classe politique française voyait dans l’article 9 une menace possible pour le principe de laïcité, c’est en partie pour cela que la France a refusé de ratifier la Convention. Mais la Cour a été très respectueuse de ce principe. On peut citer l’arrêt « Sahin c/ Turquie » où la Cour a été confronté à la question de savoir si le fait de porter le foulard dans les universités était contraire à l’article 9. La Cour a répondu que cela n’était pas contraire car nécessaire pour la préservation de la laïcité en Turquie. Par la suite, la Cour a été également saisie de la conventionalité de la loi française qui interdit le port de signes religieux ostentatoires à l’école. Dans une série d’arrêts, la Cour a confirmé la conventionalité de cette loi estimant que celle-ci protège le principe de laïcité qui apparait désormais dans la jurisprudence de la Cour comme un pilier de la société démocratique européenne. La Cour européenne a donné une portée large à l’article 9 puisque cette disposition ne protège pas seulement les religions et les croyances traditionnelles, mais d’autres croyances moins typiques comme les témoins de Jehova, c’est l’apport de l’arrêt « Kokkinakis c/ Grèce » de 1993. Selon la Cour, l’article 9 s’applique aussi au bénéfice des athées, des septiques et des indifférents à l’égard du phénomène religieux. L’arrêt consacre la liberté de manifester sa religion, qui inclue le droit d’essayer de convaincre les autres et le droit de changer de croyance. Il y a eu des tentatives d’appropriation de cet arrêt aux pratiques sectaires.

6/ Le droit de propriété ou le droit au respect de ses biens apparait à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention

Il énonce le principe du respect des biens et vise ensuite les possibilités de privation de la propriété qui est soumise à certaines conditions, notamment l’indemnisation de l’individu. C’est-à-dire, que les ingérences de l’Etat dans le domaine de la propriété privée doivent être accompagnées de l’indemnisation de l’individu. La Cour examine toujours s’il y a un juste équilibre entre le respect de la propriété, qui commande l’indemnisation de l’individu, et les exigences de l’intérêt général qui peuvent justifier une expropriation. La notion de bien a été interprétée de façon large par la Cour. Elle inclut non seulement les biens corporels, mais aussi la clientèle, les intérêts économiques attachés à une licence d’exploitation, les créances d’origine contractuelle délictuelles et les prestations sociales.

B – Les droits civiques et politiques

Ils concernent l’individu dans sa qualité de citoyen.

1/ Le premier droit est le droit à des élections libres et démocratiques prévu par l’article 3 du premier protocole additionnel à la Convention EDH.En vertu de cette disposition, l’Etat a l’obligation positive d’organiser des élections démocratiques de façon régulière. Cette garantie concerne uniquement l’élection du corps législatif. L’arrêt Matthews c/ Royaume Uni du 18 février 1999. Mme Matthews était une ressortissante britannique qui résidait à Gibraltar. Le Royaume Uni n’avait pas organisé d’élections au Parlement européen à Gibraltar. Le Royaume Uni avait obtenu cette possibilité en vertu d’une disposition de traité communautaire. La requérante estimait que son droit à des élections avait été violé car le droit adoptée par le Parlement européen était applicable aux résidents de Gibraltar. La Cour a qualifié le Parlement européen de corps législatif et a admis l’applicabilité de cet article aux élections européennes et a condamné le Royaume Uni pour ne pas avoir organisé ce type d’élection à Gibraltar.

2/ Le droit protégé par l’article 10 de la Convention est le droit à la liberté d’expression.Selon la Cour, la liberté d’expression est l’un des fondements essentiels d’une société démocratique. C’est l’une des conditions primordiales du progrès de la société démocratique et de l’épanouissement des individus. La société démocratique doit permettre le pluralisme qui suppose que soit protégé mêmes les idées qui inquiètent, qui choquent ou qui heurtent. La liberté d’expression est la liberté d’exprimer son opinion mais aussi la liberté de recevoir et de communiquer des informations. A ce titre, l’article 10 protège les entreprises de presse. La jurisprudence de la Cour européenne est très protectrice de la presse. Les Etats ont une marge d’appréciation très limitée quand il s’agit d’imposer des limites à la liberté de la presse. L’arrêt Colombani c/ France du 25 juin 2002 condamne l’entrave posée à la liberté de la presse par le délit « l’offense envers un chef d’Etat ou de gouvernement » du Code Pénal. La Cour européenne offre également une source de protection très élevée aux sources journalistiques et au secret de ces sources. L’article 10 a aussi été à l’origine de certaines affaires où il y avait un conflit entre la liberté de la presse, le droit du public à recevoir des informations, et le droit à l’image, qui est protégé par l’article 8 de la Convention, ou encore le droit à la réputation, ou le droit à la présomption d’innocence. Ce type de conflit est apprécié par la Cour au cas par cas en fonction des circonstances particulières. Souvent, cet exercice est difficile mais la Cour essaye de concilier la liberté d’information la plus large possible avec la sauvegarde du droit au respect de la vie privée.

L’article 10 protège également la substance des idées ou des informations communiquées, mais aussi leur mode de diffusion.

3/ Le droit à la liberté de réunion et d’association est énoncé par l’article 11 de la Convention. Il garantit le droit individuel de rejoindre les autres pour mieux défendre avec eux ses intérêts ou ses idéaux. Dans le même temps, il a une dimension collective puisque la liberté de réunion et d’association est un élément essentiel de la vie politique d’un pays. L’arrêt « Ezeline c/ France » du 26 avril 1991. Un barreau français avait infligé une sanction disciplinaire à un avocat qui avait participé à une manifestation organisée pour protester contre une décision de justice relative à des indépendantistes en Guadeloupe. La France a été condamnée pour violation de la liberté de réunion. L’article 11 protège les personnes physiques mais aussi les partis politiques. Selon la Cour, ceux-ci apportent une contribution irremplaçable au débat politique. L’article 11 a donc été invoqué souvent dans des affaires de dissolution de partis politiques. L’arrêt du 13 février 2003, Parti de la postérité c/ Turquie : le programme politique de ce parti était d’instaurer en Turquie la loi islamique. Les autorités turques ont pris la décision de dissoudre ce parti qui a invoqué l’article 11 de la Convention EDH. La Cour a considéré que la dissolution de ce parti n’était pas contraire à l’article 11 car son programme était incompatible avec l’idéal démocratique sous jacent avec la Convention. L’article 11 offre également le droit de fonder une association pour la défense, par exemple, des personnes qui appartiennent à une minorité nationale, ethnique ou religieuse. L’article 11 offre aussi le droit de fonder un syndicat ainsi que le droit d’adhérer à un syndicat. Il protège également le droit de l’individu de ne pas intégrer un syndicat. Enfin, l’article 11 intègre le droit de grève depuis une jurisprudence très récente. Ce droit est considéré comme un moyen d’assurer l’exercice effectif du droit de négociation collective.

C – Les droits à caractère procédural

1/ Le premier droit est le droit à un recours effectif prévu par l’article 13 de la Convention. Dans l’arrêt Klass c/ Allemagne, la Cour affirme l’autonomie de ce droit par rapport à l’article 6, qui énonce le droit à un procès équitable. En vertu de l’article 13, un individu qui estime avoir subit une violation de ses droits doit disposer d’un recours devant une instance nationale afin de voir statuer sur son grief. L’instance nationale n’est pas nécessairement un organe juridictionnel

2/ l’article 6 énonce le droit à un procès équitable, il fait référence à un tribunal indépendant et impartial.

Cet article est l’article le plus invoqué de la Convention avec l’article 8. L’expression droit à un procès équitable a été forgé par la Cour EDH dans l’arrêt «Golder » du 21 février 1975. Elle désigne l’ensemble des garanties de bonne organisation et de bon fonctionnement de la justice. Cet article garantie l’accès à un tribunal qui doit être prévu par la loi, de pleine juridiction et qui doit être indépendant et impartial. La procédure devant le tribunal doit être publique, contradictoire et elle doit garantir les droits de la défense. La procédure doit aussi se dérouler dans un délai raisonnable. L’article 6 implique également le principe d’égalité des armes entre les parties. Enfin, selon l’interprétation que la Cour fait de l’article 6 dans l’arrêt « Hornsby vs Airey » du 27 mai 1997, il faut que les décisions de justice soient effectivement exécutées, l’inexécution d’une décision de justice prive l’article 6 de tout effet utile. Pour que le droit d’accès à un tribunal soit effectif pour tous les individus, y compris les requérants impécunieux, il faut que l’état instaure un système d’aide juridictionnelle. Arrêt « Beaumartin contre France » 24 novembre 1994, le Conseil d’Etat en France avait l’habitude de saisir le ministre des affaires étrangères pour l’interprétation des traités internationaux liant la France. Or, cette pratique conduisait le Juge Administratif français à s’en remettre à une autorité qui relevait du pouvoir exécutif pour résoudre un problème juridique. Selon la Cour EDH, l’indépendance du Juge administratif français à l’égard du ministre n’était pas assurée, le tribunal n’était donc pas indépendant comme l’exige l’article 6 de la Convention EDH. En réalité le Conseil d’Etat avait anticipé cette condamnation de la France et il avait déjà opéré un revirement de Jurisprudence avec un arrêt « Ass 29 juin 1990 « GISTI ». Le tribunal doit aussi être impartial, l’impartialité a deux dimensions, une objective et une subjective. Le tribunal doit être subjectivement impartial c’est à dire qu’aucun de se membres ne doit manifester de partie pris. Il doit être objectivement impartial c’est à dire qu’il doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime. L’exigence d’impartialité des tribunaux a conduit à une remise en cause de deux institutions dans le système français: l’avocat général près la Cour de cassation et le rapporteur public près le Conseil d’Etat. La Cour européenne a estimé que la présence de ces deux institutions aux délibérés constituait un manquement à l’exigence d’impartialité du tribunal. L’article 6 implique également l’égalité des armes, c’est à dire l’équilibre entre les parties et le respect du principe du contradictoire. Toute partie au procès doit avoir la faculté de prendre connaissance des observations et des pièces produites par l’autre partie et également de pouvoir les discuter. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure est appréciée au cas par cas, il faut prendre en considération la complexité de l’affaire, le comportement des requérants mais aussi le comportement des autorités compétentes. La France a été plusieurs fois condamnée pour dépassement de la durée raisonnable du procès, dans cette hypothèse, le requérant peut demander à être indemnisé du préjudice subit en raison de la durée déraisonnable de son procès. Il faut souligner que son champ d’application est limité à deux types de litige, d’une part celui de contestation sur des droits et obligations de caractère civil et d’autre part celui des accusations en matière pénale. La Cour européenne s’est montrée très audacieuse dans l’interprétation de ces deux notions, elle estime qu’il s’agit de notions dites autonomes à savoir indépendantes des qualifications juridiques retenues par les droits nationaux. Elle a donné une lecture très large de ces deux notions, d’une part elle reconnaît le caractère civil à toute contestation qui fait l’objet d’une procédure susceptible d’avoir des répercussions sur un droit de caractère patrimonial ou simplement sur l’activité économique de l’individu. La Cour a aussi retenu une interprétation large en matière pénale pour couvrir les sanctions disciplinaires ou encore les sanctions prononcées par des autorités administratives dans le domaine de la circulation routière.

D – Le droit à la non discrimination

Ce droit est prévu par l’article 14 qui dit que la jouissance de droits reconnus dans la Convention doit être assurée sans aucune distinction. Cet article donne ensuite une liste indicative des motifs de discriminations interdites. Ces motifs sont le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune et la naissance. La Cour a ajouté un autre motif: l’orientation sexuelle. Le droit à la non discrimination n’a pas une portée autonome mais dépend de l’exercice d’un autre droit prévu par la Convention. La définition de la discrimination selon l’article 14 est donnée par la Cour EDH dans l’affaire linguistique belge du 23 juillet 1968. La discrimination est « une différence de traitement des individus placée dans des situations analogues, différence qui manque de justifications objectives et raisonnables ». Par un arrêt « Thlimmenos vs Grèce » du 6 avril 2000, la Cour européenne a affirmé que la discrimination pouvait aussi avoir une deuxième facette: le même traitement de personnes dont les situations sont sensiblement différentes est considéré comme discriminatoire lorsqu’il manque de justifications objectives et raisonnables. La Cour européenne condamne les discriminations indirectes c’est à dire les mesures en apparence neutres mais qui peuvent avoir des effets préjudiciables disproportionnés sur un groupe particulier de personnes. Le concept de discrimination indirecte a été consacré dans un arrêt du 13 novembre 2007 Droits de l’Homme contre République Tchèque. Les autorités tchèques placées les enfants d’origine ROM dans des écoles spéciales destinées à des enfants avec des déficiences intellectuelles, cette mesure avait des effets préjudiciables sur un groupe particulier de personnes. La Cour européenne a estimé que l’on était en présence d’une discrimination indirecte dans la jouissance du droit à l’éducation. Cette discrimination était fondée sur l’appartenance des enfants d’origine ROM à une minorité ethnique. Concernant la non discrimination, il faut aussi mentionner le protocole n°12 de la Convention européenne élaboré en 2000 et entré en vigueur en 2004. Ce protocole garantit le droit à la non discrimination dans la jouissance de tout droit accordé à l’individu par le droit national. La France ne l’a pas encore ratifié car elle craint des requêtes devant la Cour européenne. Ce protocole consacre un droit autonome contrairement à l’article 14.

  • 2 – Les limites des droits

Il existe certain droits intangibles qui ne sont pas susceptibles de limites: le droit à ne pas être torturer et à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants consacrés par l’article 3 de la Convention. Le droit à ne pas être placé en esclavage et en servitude et à ne pas être astreint à un travail forcé, article 4. Le droit à la non rétroactivité de la loi pénale et la règle ne bis in idem consacrés par l’article 7 de la Convention. Tous les autres droits sont susceptibles de limitations dans la portée et dans le champ d’application des droits.

A – La limitation de la portée desdroits

Dans certaines circonstances, il faut admettre que certains intérêts généraux puissent prévaloir sur la garantie de droits. Cette idée se traduit de deux manières différentes dans la Convention:

  • article 2 et 5 dans lesquels on retrouve une liste exhaustive des limitations envisageables
  • une clause générale d’ordre public qui figure le plus souvent au § 2 de l’article concerné, cette clause énonce que l’exercice du droit peut faire l’objet de restrictions mais il faut qu’elles respectent trois conditions:
  • Première condition: elles doivent être prévues par la loi, ce n’est pas forcément une loi au sens formel, il peut s’agir d’un décret ou d’une Jurisprudence nationale bien établie. Dans l’intérêt de l’individu, la loi doit être accessible et elle doit être énoncée avec suffisamment de clarté et de précision.
  • Deuxième condition: la restriction doit viser un objectif légitime qui peut être un intérêt de la vie étatique, de la vie sociale ou la protection des droits des autres.
  • Troisième condition: les restrictions imposées aux droits doivent être nécessaires dans une société démocratique. Selon la Cour européenne, les éléments constitutifs d’une société démocratique sont le pluralisme, la tolérance, et l’esprit d’ouverture. La Cour européenne opère un examen de la proportionnalité de la mesure étatique en cause, elle va se demander si la mesure étatique qui est justifiée par un objectif d’intérêt général est proportionnée à cet objectif.

B – Limitation du champ d’application des droits

Article 15 et la théorie des circonstances exceptionnelles. Selon l’article 15, l’état est autorisé à suspendre l’exercice des droits en cas de guerre ou en cas de danger public exceptionnel. L’article 15 a été invoqué par la France en 1985 lorsqu’elle a décrété l’état d’urgence en Nouvelle Calédonie. Il a également été invoqué par le Royaume Uni à propos de la situation en Irlande du Nord. La Cour EDH contrôle l’invocation de cette clause et a donné une interprétation plutôt restrictive des circonstances exceptionnelles. Selon la Cour, il faut une situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte l’ensemble de la population et qui constitue une menace pour la vie organisée de la communauté composant l’état. Les mesures dérogatoires de l’article 15 doivent revêtir un caractère de nécessité absolue et ne peuvent pas porter atteinte aux droits intangibles.

Article 16 de la Convention: les restrictions possibles à l’activité politique des étrangers. Cette disposition procède d’une pratique et d’une législation courante datant d’après la seconde GM. Cet article contraste avec l’esprit général de la Convention, cette disposition a été très fortement critiquée par la doctrine.

Article 17 de la Convention: l’interdiction de l’abus des droits. En réalité cet article est la consécration de la formule « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Il est appliqué dans plusieurs arrêts de la Cour notamment pour condamner les comportements racistes ou négationnistes des auteurs qui se prévalent de l’article 10 (liberté d’expression): Arrêt du 24 juin 2003 Garaudy vs France. M. Garaudy est un philosophe marxiste qui a publié un ouvrage intitulé « le mythe fondateur de la politique israélienne », dans cet ouvrage, il tenait des propos négationnistes. Il invoquait la liberté d’expression, la Cour a refusé son recours au titre de l’article 10 estimant qu’il s’agissait d’un abus de droit au sens de l’article 17 de la Convention.

Section III – La garantie juridictionnelle mise en place par la Convention Européenne des Droits de l’Homme

Cette garantie est indispensable, elle constitue la grande originalité du système de la Convention EDH, elle a institué d’autres système régionaux de sauvegarde des Droits de l’Homme. L’efficacité de la protection internationale des Droits de l’Homme est proportionnelle à son caractère juridictionnel, le mode de contrôle juridictionnel constitue le mode de contrôle le plus aboutit, le plus efficace. Ce contrôle juridictionnel est assuré par la Cour EDH, elle passe par des voies de recours précises, et ses requêtes aboutissent à des arrêts. Le contrôle juridictionnel insaturé par la Cour européenne est subsidiaire, il faut en principe invoquée la Convention européenne dans un premier temps devant les autorités nationales et notamment les juridictions nationales. S’il y a une défaillance dans le système national, l’individu pourra saisir la Cour EDH.

  • 1 – La Cour européenne des droits de l’homme

Elle siège à Strasbourg.

A – Le système initial

A l’origine, le contrôle juridictionnel était facultatif, il était possible pour un état d’adhérer à la Convention EDH sans permettre aux individus de saisir les organes de contrôle. La France a ratifié la Convention européenne en 1974, elle a accepté le recours individuel seulement en 1981. A l’origine se trouvait 3 organes qui exerçaient le contrôle juridictionnel: la commission européenne des Droits de l’Homme qui n’existe plus, le comité des ministres, la cour européenne des Droits de l’Homme qui n’était pas permanente. Selon le système initial, une personne qui pensait être victime d’une violation de ses droits ne pouvait pas saisir directement la Cour, elle devait d’abord s’adressait à la Commission européenne des Droits de l’Homme qui se prononçait sur la recevabilité de la requête. Si la commission estimait que la requête était recevable, elle devait se mettre à la disposition des intéressés, l’objectif était d’arriver à un arrangement amiable de l’affaire. En cas d’échec de règlement à l’amiable, la commission avait deux choix: elle pouvait soir saisir la Cour EDH, soit le comité des ministres qui se prononçait sur la violation alléguée. Ce jugement par le comité des ministres semblait peu normal car l’individu requérant était totalement exclus de la procédure et l’état auquel était reprochée une violation des Droits de l’Homme prenait partie au vote du comité des ministres (l’état était partie et juge en même temps).

B – Le système actuel

Il est issu notamment du protocole n°11 à la Convention européenne signée en 1994 et entrée en vigueur le 1er novembre 1998 après sa ratification par tous les états membres de l’Europe. Ce protocole porte restructuration du mécanisme de contrôle établit par la Convention. Il rend le droit au recours individuel obligatoire, c’est à dire que si un état ratifie la Convention, automatiquement, les individus peuvent saisir la Cour EDH. Avec le protocole 14, la commission européenne des Droits de l’Homme a été supprimée c’est donc la Cour EDH qui apprécie aussi bien la recevabilité que le fond d’une requête. C’est une compétence exclusive parce que le comité des ministres ne peut plus se prononcer sur une affaire, son seul rôle est de surveiller l’exécution des arrêts de la Cour européenne. Il n’y a pas de possibilité pour les états contractants d’échapper à la juridiction de la Cour. La réforme du protocole 11 a rapidement portée ses fruits, le nombre de requêtes devant la Cour EDH a augmenté, on a donc constatait la nécessité d’une réforme de la réforme. Cette réforme a été concrétisée dans le protocole 14 signé en 2004 et entré en vigueur le 1er juin 2010. Le système actuel de protection juridictionnelle est le système issu des protocoles 11 et 14.

C – La composition de la Cour européenne

Il y a un juge par état partie à la Convention (47). Ces juges ne siègent pas en tant que représentant de leur état, ils sont indépendants, mais représentent en quelque sorte la culture juridique de leur état. Ils sont élus par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à la majorité des votes exprimés sur une liste de 3 candidats présentés par chaque état. Ils sont auditionnés par l’assemblée parlementaire avant sa décision. Avant l’entrée en vigueur du protocole 14, le mandat des juges était de 6 ans renouvelables. Ce système avait l’inconvénient de soumettre les juges sortants à réélection dans un contexte très politique, celui de l’assemblée parlementaire. C’est pourquoi le protocole 14 change cette situation, désormais, il y a un mandat unique de 9 ans. C’est une garantie de l’indépendance formelle des juges. La limite d’âge est de 70 ans. Les juges de la Cour EDH élisent leur président, aujourd’hui, le président de la Cour européenne est français M. Costa qui était auparavant conseiller d’état.

Les formations de jugement: la formation ordinaire est la chambre à 7 juges. Les Chambres ne sont pas spécialisées par matière et la Chambre qui s’exprime sur une affaire inclus nécessairement le juge de l’état partie au litige. La formation la plus solennelle de la Cour est la Grande Chambre, elle est composée de 17 juges dont font partis le président de la Cour, les vices présidents et les présidents des Chambres. Elle veille à la continuité et à la cohérence de la Jurisprudence européenne, elle peut être saisie dans deux hypothèses:

  • La première est prévue par l’article 30 de la Convention, c’est le dessaisissement: une chambre se dessaisit d’une affaire au profit de la Grande Chambre parce que l’affaire soulève une question importante ou qui peut conduire à un revirement de Jurisprudence.
  • La deuxième est prévue par l’article 43 de la Convention, c’est le renvoi à la Grande Chambre: si la Chambre à 7 rend une décision, toute partie à l’affaire peut demander dans un délai de 3 mois et dans des cas exceptionnels, le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Dans cette hypothèse, c’est un collège de 5 juges qui décident d’accepter le renvoi s’il estime que l’affaire soulève une question très importante.

Le protocole 14 a mis en place un juge unique qui peut déclarer une requête irrecevable, la grande majorité sont d’ailleurs des requêtes irrecevables. Si le juge a des doutes, il peut saisir un comité de 3 juges qui va opérer un examen complémentaire de l’affaire. Il pourra déclarer une affaire irrecevable. Si la requête est recevable, le comité de 3 juges peut se prononcer sur le fond de l’affaire s’il existe une Jurisprudence bien utilisée sur la question. S’il n’y a pas de réponse claire sur la question, le comité de 3 juges va transmettre la requête à la Chambre à 7.

  • 2 – Les voies de recours

A – Le recours étatique

Article 33 de la Convention. C’est une illustration du mécanisme des garanties collectives des droits. Selon l’article 33, tout Etat parti à la Convention peut saisir la Cour de toute violation des droits commise par un autre état. Dans les faits, les recours étatiques sont très rares car les états ont peur des conséquences possibles. Le recours étatique s’inscrit souvent dans le contexte d’un différend politique plus large qui déborde le seul problème du respect des DH: Arrêt du 18 janvier 1978 Irlande vs RU et Arrêt du 10 mai 2001 Chypre vs Turquie.

B – Le recours individuel

C’est l’innovation majeure du système supranational de la Convention européenne. Selon la Cour, l’individu s’est fait reconnaître un véritable droit d’action pour faire valoir les droits qu’il tient de la Convention. Avec le recours individuel, les personnes physiques et morales deviennent non simplement des destinataires de la Convention européenne mais aussi des véritables sujets de droit international à côté des sujets traditionnels que sont les états et le OI. Selon la lettre de l’article 34, il s’agit de toute personne physique relevant de la juridiction d’un état partie, de toute ONG et de tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation de Droits de l’Homme. La Cour a donné une interprétation originale à la notion d’ONG pour couvrir les sociétés commerciales, les syndicats, les partis politiques, les associations, les organisations religieuses, mais aussi les personnes morales de droit public qui n’exercent aucune prérogative de puissance publique et qui ont une autonomie complète par rapport à l’état. En réalité, en l’état actuel de la Jurisprudence, seules les collectivités territoriales sont privées du droit de saisir le Cour européenne.

Les conditions: le plaignant doit être victime d’une violation de ses droits, le plagiant doit avoir un intérêt personnel à agir. La Jurisprudence a sensiblement assoupli ses conditions. La Jurisprudence a accueilli la notion de victime potentielle ou de victime éventuelle. Exemples: Arrêt Klass vs Allemagne, 6 septembre 1978 sur les écoutes téléphoniques en Allemagne. Selon la Cour toute personne susceptible de subir les effets de la législation allemande sur les écoutes téléphoniques est une victime potentielle même en l’absence de toute application effective de la loi. Arrêt Soering 7 juillet 1989, la Cour a estimé que si Mr Soering était extradé vers les USA, il allait subir un traitement inhumain, c’était donc une victime éventuelle, sa requête était recevable. Arrêt « Open Door vs Irlande 29 octobre 1992″, une législation en Irlande interdisait la communication des informations des avortements effectués au RU. La Cour européenne a estimé qu’il y avait une violation du droit à recevoir des informations des femmes qui n’étaient pas enceintes mais qui étaient simplement en âge de procréer, elles étaient considérées comme des victimes potentielles. La Cour a également eu recours à la notion de victime indirecte, est victime indirecte toute personne qui a un lien étroit et personnel avec la victime directe d’une violation (souvent les membres de la famille d’une personne dont on a violé les droits). Le protocole 14 ajoute une nouvelle condition, pour que la requête soit recevable, le requérant doit avoir subi un préjudice important. Cette condition a été ajoutée parce qu’il y a un grand nombre de requêtes devant la Cour EDH qui ne lui permettent pas de remplir de manière efficace et dans les délais sa mission. Autre condition de recevabilité: l’épuisement des voies de recours internes. Cette condition est une manifestation de la subsidiarité et de la complémentarité du mécanisme de protection de la convention. Elle s’explique par une raison simple: il faut donner à l’état le moyen de remédier à ses problèmes par ses propres moyens. Il faut en même temps obliger l’état de prévoir des recours efficaces. Les voies de recours doivent être utiles c’est à dire accessibles, adéquates et effectives. Si ce n’est pas le cas et que les recours internes ne sont pas utiles, l’individu est dispensé de l’obligation de les avoir épuisés: Arrêt « Akdivar vs Turquie » 16 septembre 1996. Les requérants allégués que l’incendie délibéré de leur maison par les autorités de sécurité constitué une atteinte à l’article 8, la Turquie contestait la recevabilité de la requête au motif que les plaignants n’avaient pas saisi au préalable les juridictions turques pour faire valoir leurs droits. A cette occasion, la Cour européenne a souligné la passivité totale des autorités turques devant l’incendie, permettent de penser que les voies de recours prévues en Turquie n’étaient pas des voies de recours utiles et donc les plaignants pouvaient s’adresser directement à la Cour. Dernière condition de recevabilité: il faut que la requête soit introduite dans un délai de 6 mois à compter de la décision interne définitive.

  • 3 – Les arrêts de la Cour EDH

Ils sont obligatoires, c’est à dire qu’ils sont revêtus de l’autorité de la chose jugée. Cette autorité couvre les dispositifs de l’arrêt mais aussi les motifs essentiels qui soutiennent le dispositif, elle est relative car elle vaut uniquement à l’égard des parties au litige. Parfois, d’autres états qui n’étaient pas condamnés par la Cour mais qui ont un dispositif similaire décident de modifier ce dispositif justement pour éviter des futures condamnations. Arrêt « Klass vs Allemagne », l’Allemagne a été condamnée pour ces dispositifs d’écoute, la France avait été condamnée pour des faits similaires, elle aurait donc pu anticiper et éviter sa condamnation, elle ne l’a pas fait: Arrêt « Huvig et Kruslin 24 avril 1990 ». Cette condamnation a aboutit à l’adoption d’une nouvelle loi du 10 juillet 1991 sur le secret des correspondances téléphoniques. Arrêt Marckx-Mazurek => abrogation de la distinction enfant naturel enfant légitime dans le Code civil. Les arrêts de la Cour européenne bénéficient d’une autorité persuasive, ils produisent un effet d’orientation de Jurisprudence nationale: « Ass. Plénière 11 décembre 1992 », la Cour de cassation abandonne sa Jurisprudence relative au refus de modifier l’état civil d’un transsexuel qui avait été jugé contraire à l’article 8 de la Convention européenne. « Ass. 4 février 1996 Maubleu », par cet arrêt le Conseil d’Etat s’est rallié sur l’applicabilité de l’article 6, c’est à dire du droit à un procès équitable au contentieux disciplinaire. On peut également citer l’arrêt GISTI pour illustrer cette influence de la Jurisprudence de la Cour EDH.

Ils sont donc obligatoires mais déclaratoires, la Cour ne fait que déclarer la compatibilité ou l’incompatibilité avec la Convention EDH. Elle n’a aucune compétence pour annuler ou pour abroger l’acte national qui se trouve à l’origine de violation des Droits de l’Homme. La Cour ne peut pas prescrire des mesures concrètes l’Etat condamné, elle ne peut pas non plus adresser d’injonction à l’état concerné. C’est en réalité à chaque état de tirer les conséquences juridiques de l’arrêt. Il incombe à l’état de choisir le moyen nécessaire pour se conformer aux décisions de la Cours. A titre exceptionnel, la Cour peut accorder à al partie lésée une réparation équitable seulement si le droit interne de l’état ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de la violation en vertu de l’article 41 de la Constitution.

Enfin, les arrêts de la Cour européenne sont dépourvus de force exécutoire. L’exécution sera donc laissée à l’initiative des états. Il existe cependant un contrôle exercé en vertu de l’article 46 de la Convention par le comité des ministres. A cette fin, tous les arrêts de la Cours sont transmis, par le greffe, au comité des ministres qui invite les états à l’informer des mesures prises à la suite des arrêts. Depuis 1989, le comité des ministres se reconnait le pouvoir de vérifier si l’Etat a réellement pris les mesures redressant la violation. Si tel n’est pas le cas, le comité, dans un premier temps, adopte une résolution intérimaire et reprend l’examen de l’affaire à une date ultérieure, si l’état ne fait rien, le protocole n°14 prévoit la possibilité pour le comité des ministres de saisir une nouvelle fois la Cour européenne. Cette mesure ne paraît pas très efficace.

  • 4 – L’avenir du système

Le Conseil de l’Europe compte aujourd’hui 47 états. Il y a donc 800 millions de citoyens qui jouissent du droit de recours devant la Cour européenne. Cette dernière est donc devenue, en quelque sorte, victime de son succès. Elle fait face depuis quelques années à d’importants problèmes d’engorgement. Il faut remarquer que la plupart des affaires qui arrivent jusqu’à la Cour européenne proviennent d’un petit nombre d’états. Le plus grand nombre des requêtes sont en réalité irrecevables. C’est pour remédier à ce problème d’engorgement que le protocole 14 a été adopté, il introduit la formation d’un juge unique, qui a pour compétence de rejeter les requêtes manifestement irrecevables, et une nouvelle condition de recevabilité des requêtes liée à l’importance du préjudice subit par le requérant. L’objectif est de limité le nombre de requêtes exercées devant la Cour. A cette fin, l’exécution des arrêts revêt une importance particulière mais elle dépend tout de même de la bonne volonté des états. Le comité des ministres fait, tous les ans, un rapport concernant l’exécution des arrêts et la Cour s’en préoccupe de plus en plus.

– DEUXIÈME PARTIE –

L’UNION EUROPÉENNE

Chapitre I – L’organisation de l’Union Européenne

Section I – Des communautés européennes à l’Union Européenne

  • 1 – Les élargissements successifs

Le point de départ de la construction européenne se situe dans les 50’s. A la suite de la déclaration prononcée par Schuman en 1950, six états (France, Allemagne, Italie et Benelux) ont conclus trois traités qui ont établis les trois communautés européennes:

1/ le traité de Paris pour la CECA, signé le 18 avril 1951 et entré en vigueur le 15 juillet 1952, conclus pour une durée de 50 ans et donc expiré en 2002

2/ le traité de Rome pour la Communauté européenne de l’énergie atomique, signé le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 14 janvier 1958

3/ le traité de Rome pour la CEE signé le 25 mars 1957 et entré en vigueur le 14 janvier 1958. Il fonde un marché commun pour l’Europe. La CEE deviendra dans le 90’s la Communauté Européenne. Avec la traité de l’Union européenne, la Communauté Européenne a laissé place à l’UE qui elle même s’est substituée à nouveau à la Communauté Européenne. Depuis le traité de Lisbonne, le traité de Rome se nomme traité sur le fonctionnement de l’UE, il est, avec le traité sur l’UE, le traité qui régit l’UE.

Le RU n’a pas eu la volonté de ratifier en 1950, il n’y voyait pas d’intérêt. Il repoussait tous types d’organisation pourvue d’institutions autonomes et dotée de pouvoirs supranationaux. Le succès des 3 communautés a pourtant inquiété le RU, pour concurrencer la CEE, il a décidé de mettre en place une zone de libre échange sans union douanière, sans tarif extérieur commun et en excluant les produits agricoles. Le RU est donc à l’initiative d’une nouvelle communauté: l’Association européenne de libre échange fondée sur un traité signé à Stockholm en 1959, les états signataires étaient le RU, le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande, l’Autriche, la Suisse, le Portugal et le Lichtenstein. Cette organisation manquait d’homogénéité et les Britanniques ont rapidement compris qu’ils ne pourraient faire concurrence à la CEE. C’est pour cette raison qu’ils décident de présenter une demande officielle d’adhésion aux 3 communautés européennes en 1961. Des négociations s’ouvrent alors et la délégation britannique va essayer de remettre en cause les acquis fondamentaux de la PAC. Les Français n’acceptent pas cette remise en cause et lors d’une conférence de presse en janvier 1963, le Général de Gaulle met son véto à l’entrée du RU dans les 3 communautés européennes. En 1967, le RU fait une deuxième demande d’adhésion, De Gaulle pose un deuxième véto. C’est finalement le départ de DG en 1969 et l’arrivée au pouvoir de Pompidou qui va permettre l’ouverture de nouvelles négociations avec le RU. Un référendum est organisé en France en 1972, le peuple français donne son accord à l’élargissement des 3 communautés. En 1972, les 6 états fondateurs signent le traité d’adhésion avec le RU mais aussi avec l’Irlande, le Danemark et la Norvège. Cette dernière ne va pas le ratifier parce qu’un référendum négatif a été organisé. Les 3 autres états sont entrés dans la communauté le 1 janvier 1973, on passe donc de 6 à 9 pays.

Dans les 80’s un nouvel élargissement à lieu. La Grèce entre en 1981 et l’Espagne et le Portugal en 1985, il s’agissait de consacrer l’entrée, dans des régimes démocratiques, d’états anciennement dictatoriaux.

Dans les années 90’s, nouvel élargissement, les 12 états de la Communauté Européenne ouvrent des négociations avec 4 pays: la Finlande, la Suède, l’Autriche et la Norvège. Des référendums sont organisés, seule la réponse norvégienne est négative. En 1995, on passe de 12 à 15 pays.

L’élargissement le plus important aura lieu le 1er mai 2004, 10 pays d’Europe centrale et orientale entrent dans l’UE: la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, Malte et Chypre. On peut désormais parler de réunification du contient européen.

Au 1er janvier 2007, deux nouveaux états font leur entrée dans l’UE: la Roumanie et la Bulgarie. Aujourd’hui, l’UE compte 27 états membres et le processus d’élargissement continu encore avec les pays candidats que sont la Croatie, la Turquie et l’ex République Yougoslave de Macédoine.

  • 2 – Les approfondissements de la construction européenne

Ils sont le résultat de révisions successives du traité de Rome du 25 mars 1957. La première révision est celle réalisée par l’acte unique européen signé le 17 février 1986 et entré en vigueur le 1 juillet 1987. C’est un texte unique qui d’une part, révise le traité de Rome qui institut la CEE et d’autre part, aborde pour la première fois la coopération européenne en matière de politique étrangère. L’objectif principal de cet acte a été de relancer l’intégration économique qui avait été freinée notamment à la suite d’une crise déclenchée par la France: la crise dite de la chaise vide. L’acte unique européen prévoit la réalisation du marché commun qui est rebaptisé marché intérieur (= espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du traité). La communauté, avec cet acte unique européen, se donne de nouveaux moyens pour réaliser le marché intérieur. Pour harmoniser les législations des états, les décisions seront désormais prisent à la majorité qualifiée. Il prévoit également l’élargissement des compétences communautaires à de nouveaux domaines: la recherche, le développement technologique, la politique régionale appelée aujourd’hui cohésion économique et sociale. Il fait référence, pour la première fois, au Conseil européen. Le Conseil européen est une rencontre périodique des chefs d’état et de gouvernement des états membres qui donnent les impulsions nécessaires à la construction européenne. La première rencontre de ce type s’est tenue en 1974 à Paris. L’acte unique européen n’a rencontré aucune résistance au moment de sa ratification par les états, il a été perçu comme un texte technique mais en réalité il avait une portée politique considérable.

L’acte unique achève l’intégration économique, l’intégration politique résulte du deuxième traité de révision qui est le traité de Maastricht signé le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993. Ce traité devait être ratifié par tous les états membres pour entrer en vigueur mais la ratification a rencontré beaucoup de difficultés. En France, la ratification a été acquise par référendum mais à une très courte majorité. Au Danemark, le référendum a été rejeté, un protocole a alors été adopté pour apaiser les craintes des Danois. Un deuxième référendum a été organisé, cette fois les Danois ont donné une réponse positive. En Allemagne et au RU, la ratification a connu quelques difficultés aussi. Mais finalement le traité est entré en vigueur en 1993. Le traité de Maastricht est en réalité un double traité:

1/ le premier révise le traité instituant la CEE qui est rebaptisée Communauté européenne. Les réformes essentielles de ce premier traité sont les suivantes: une citoyenneté européenne (tous les nationaux des états membres sont automatiquement citoyens européens) qui entraine une série de droits (le plus important est celui de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’UE). Le traité établit l’Union économique et monétaire. Il attribut de nouvelles compétences à la communauté dans des domaines variés comme l’éducation, la culture, la politique sociale et la santé. Le marché intérieur devient marché unique. Enfin il introduit la procédure de codécision entre le Conseil et le Parlement pour l’adoption des actes communautaires (droit dérivé), ils deviennent colégislateurs.

2/ le deuxième (traité sur l’UE) a un véritable caractère politique, il créé l’UE qui coexiste avec les 3 communautés dans les 90’s et notamment avec la CEE qui est devenue Communauté européenne. En réalité, la volonté d’une Europe politique existait déjà dans les 70’s et un cadre politique avait été créé en 1974 avec la rencontre périodique du Conseil Européen. Mais la volonté politique va se concrétiser seulement dans les 90’s avec l’adoption du traité de Maastricht et la création de l’UE. L’UE englobe les 3 communautés européennes et de nouvelles formes de coopération entre les états, il coexiste au sein de l’Union la logique de l’intégration concrétisée par les 3 communautés européennes, et notamment la Communauté Européenne, et une logique de coopération entre les états dans des nouveaux domaines d’une sensibilité politique particulière. La doctrine pour mieux représenter l’UE, a forgé l’image d’un temple grec qui repose sur 3 piliers: le premier représente les 3 communautés européennes (dont la CEE devenue Communauté Européenne), le deuxième est consacré à une forme de coopération entre états qui concerne la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dans le troisième on retrouve la logique de coopération entre les états dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Le cadre institutionnel est commun aux 3 piliers, on a les mêmes institutions pour chaque pilier. Mais au sein de chaque pilier, les pouvoirs des institutions sont différents. Dans le deuxième et le troisième pilier, qui représentent la logique de la coopération (coopération policière et coopération des juridictions pénales des états membres), l’essentiel du pouvoir reste dans les mains du Conseil de l’Union. Dans le premier pilier qui est dominé par la logique d’intégration, c’est la commission européenne et le Parlement européen qui exercent des pouvoirs importants à côté du Conseil de l’Union. Le traité de Maastricht prévoyait lui même qu’une révision devrait intervenir en 1996, elle devrait porter sur le processus décisionnel, sur la hiérarchie des actes communautaires, sur le mécanisme de la PESC et sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Le nouveau traité devait remédier aux insuffisances du traité de Maastricht et devait préparer l’UE aux élargissements à venir.

Quatre ans seulement après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, est signé le 2 octobre 1997 un nouveau traité de révision, le traité d’Amsterdam, rentré en vigueur le 1er mai 1999. Il étend le champ d’application de la codécision entre le Parlement et le Conseil et le champ d’application de la majorité qualifiée au sein du Conseil pour la prise des décisions. Le traité d’Amsterdam introduit un nouvel objectif pour l’U:; la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. Pour mieux réaliser cet objectif, une partie des dispositions du troisième pilier sont transférées dans le champ du premier pilier où elles forment un titre intitulé « Immigration, visa, asile et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ». Désormais, le troisième pilier change de nom, il est consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Le traité introduit également les coopérations renforcées qui permettent, aux états membres de l’Union qui le souhaitent, d’aller plus loin dans l’intégration sans que les autres états soient exclus. Cependant, ce traité n’a pas apporté les modifications institutionnelles indispensables devant le grand élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale.

Cette réforme devait être assumée par un nouveau traité de révision, celui de Nice, signé le 26 février 2001 et entré en vigueur le 1er février 2003. Sa ratification a rencontré des difficultés comparables à celles du traité de Maastricht. Il a été rejeté par un premier référendum réalisé en Irlande parce qu’il y avait eu une forte abstention générale et une forte mobilisation des électeurs hostiles au traité. Après quoi les autorités irlandaises ont organisé une campagne d’explication du traité ce qui a permis l’approbation du second référendum. Il a été ratifié facilement en France par les deux assemblées du Parlement réunies en Congrès et sans révision de la Constitution. Il a pour objectif d’adapter le cadre institutionnel de l’Union aux exigences des élargissements qui allaient suivre. Or, la réforme institutionnelle opérée à Nice était minimale, elle ne concernée que la composition de la Commission Européenne, la pondération des voix au sein du Conseil et la répartition des sièges au Parlement Européen. La seule institution qui a fait l’objet d’une réforme importante était la CJUE. Au sommet européen de Nice, le Conseil de l’Union, le Parlement européen et la Commission européenne ont proclamé la Charte des droits fondamentaux de l’Union, élaborée par une enceinte baptisée Convention qui rassemblée des représentants de gouvernement des états, des représentants de Parlements nationaux, de parlementaires européens et des représentants de la Commission européenne. Cette Charte s’inspire de la Convention EDH (élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe), elle énonce des droits structurés autour de 6 valeurs fondamentales: la dignité, la liberté, l’égalité, la citoyenneté, la solidarité et la justice. Cette Charte n’acquérira sa force contraignante qu’avec le traité de Lisbonne. Selon la déclaration n°23 annexée au traité de Nice, la prochaine conférence intergouvernementale devait examiner quatre questions:

  • la délimitation des compétences de l’Union
  • le statut de la Charte des droits fondamentaux
  • la simplification des traités
  • le rôle des Parlements nationaux dans l’architecture institutionnelle

Le 15 décembre 2001, le Conseil européen avait déjà décidé l’établissement d’une deuxième Convention similaire à celle des droits fondamentaux pour réfléchir sur ces questions. Cette Convention a été présidée par VGE, elle a fait une série de travaux qui ont aboutis au traité établissant une Constitution pour l’Europe. Il s’agissait d’un texte refondateur, il a été signé par l’ensemble des états le 29 octobre 2004 à Rome. Son entrée en vigueur supposait la ratification par tous les états membres. Cette ratification n’a pas été possible en France et aux Pays Bas car les deux référendums organisés dans ces pays ont suscité une réponse négative. Il n’a pas été organisé de deuxième référendum dans ses pays car la France et le Pays Bas étaient des pays fondateurs et il s’agissait d’un véritable rejet. Cette réponse négative a plongé l’Europe dans une crise, des négociations intenses ont commencé, notamment sous la présidence allemande. C’est encore une fois le moteur franco-allemand qui a débloqué la situation. Les négociations ont abouti au traité de Lisbonne. Le traité constitutionnel visait à simplifier la structure de l’Union: l’UE devait se substituer à la Communauté Européenne et devait acquérir la personnalité juridique dont elle ne disposait toujours pas. Ce traité s’ouvrait sur un préambule rappelant l’attachement des européens à une série de valeurs. Après ce préambule, on trouvait quatre parties: la première affirmait les valeurs, principes et symboles de l’Union, elle établissait une ligne de compétence de l’UE et présentait ensuite les institutions de l’Union. Elle comportait enfin une nouvelle typologie des actes communautaires. Sa deuxième partie était formée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union qui obtenaient ainsi un caractère contraignant. La troisième partie du traité comportait des dispositions spécifiques concernant l’organisation et le fonctionnement des institutions dans le cadre des différentes politiques de l’Union. La quatrième partie comportait des dispositions générales concernant le champ d’application territorial du traité, les procédures de révision et les conditions de l’entrée en vigueur du traité. Le Conseil Européen de Bruxelles du 23 juin 2007 a donné un mandat très précis à la conférence intergouvernementale qui devait rédiger le nouveau traité. Le rôle de cette conférence était complexe, d’une part il fallait présenter un texte qui allait marquer un changement suffisant par rapport au traité constitutionnel et d’autre part, il fallait présenter un texte qui ne serait pas trop différent du texte constitutionnel car une grande majorité d’états membres avaient ratifiés le traité constitutionnel. La deuxième raison est que les questions les plus importantes étaient déjà débattues entre les états avant l’élaboration du traité constitutionnel en 2004. La solution était de préserver les principales réformes institutionnelles du traité constitutionnel et de supprimer tout élément qui faisait penser à une Constitution européenne.

Ainsi, le traité de Lisbonne a été signé le 13 décembre 2007 et est entré en vigueur le 1 décembre 2009. Le traité constitutionnel se présenter comme un texte unique et refondateur. En revanche, le traité de Lisbonne est un traité de révision d’une part du traité sur l’UE et d’autre part, du traité instituant la communauté européenne. L’UE se substitue à la Communauté européenne (anciennement CEE) et détient seule la personnalité juridique, elle reste fondée sur deux traités parallèles, complémentaires et d’une valeur égale: celui sur l’UE et celui instituant la Communauté Européenne qui a été profondément révisé et qui a été rebaptisé traité sur le fonctionnement de l’UE. La structure de l’Union en pilier est abandonnée, ceci dit, la PESC préserve toute sa spécificité. Le traité de Lisbonne reprend pour l’essentiel les avancées institutionnelles contenues dans le traité constitutionnel: le Conseil Européen devient une institution de l’Union à part entière, un nouvel organe est créé: le Président du Conseil Européen.Dans les avancées institutionnelles, il faut mentionner l’introduction d’une nouvelle règle de majorité qualifiée au sein du Conseil et le principe d’une Commission Européenne à nombre réduit. Ces avancées vont permettre à l’Union de continuer à fonctionner de manière efficace à 27. En matière de droits fondamentaux, la Charte se voit reconnaître la même valeur juridique que le traité, elle fait désormais partie du droit primaire de l’Union, elle a un caractère contraignant mais trois pays ont obtenu des dérogations à son application. Le traité de Lisbonne prévoit l’adhésion de l’UE à la Convention EDH. L’apport du traité se situe aussi dans le domaine des compétences de l’Union, celles ci sont clarifiées puisque pour la première fois on a une liste des compétences et des catégories de compétences. Le traité sur le fonctionnement de l’UE distingue entre les compétences exclusives de l’Union, les compétences partagées avec les états et les actions d’appui, de coordination et de complément. La PESC demeure une catégorie à part, elle dispose de ses propres règles. Le traité de Lisbonne reconnaît de nouveaux pouvoirs aux Parlements nationaux afin qu’ils puissent participer plus activement au processus normatif et notamment pour contrôler le respect du principe de subsidiarité. Ils abandonnent toute ambition constitutionnel, ainsi, il n’énonce plus les symboles de l’Union (drapeau, l’hymne, la devise, l’euro et le 9 mai). La Charte des droits fondamentaux même si elle dispose d’un caractère contraignant n’apparait plus dans le corps du traité, disparaît également la référence à la primauté du droit de l’Union. Enfin, s’efface les dénominations des lois et des lois cadres européennes qu’avait introduit le traité constitutionnel pour désigner les règlements et directives. Subsiste cependant la terminologie d’acte législatif et de procédure législative ordinaire (procédure de codécision entre le Conseil et le Parlement Européen) ou spéciale. On abandonne le nom de Ministre des affaires étrangères de l’Union Européenne pour le terme d’haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (Catherine Ashton).

  • 3 – Les crises

« L’Europe se fera dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ses crises » Jean Monnet.

Dans les 50’s, l’Europe a connu deux échecs, celui de la CED et celui de la Communauté politique européenne.

La deuxième crise est celle de juillet 1965 que l’on nomme crise de la chaise vide. Le problème était le financement de la PAC, la commission européenne a proposé de remplacer progressivement les contributions financières nationales par des ressources propres de la Communauté. Cette proposition d’une plus grande autonomie financière aurait accru l’indépendance de la commission vis à vis des gouvernements nationaux, elle a été considérée comme inacceptable par DG qui a décidé de pratiquer la politique de la chaise. C’est à dire que le gouvernement français a cessé de participer aux réunions du Conseil des ministres et ceci paralyse les travaux du Conseil et la vie de la CEE durant 7 mois. Cette crise va finalement prendre fin grâce à un accord entre les gouvernements, c’est celui du compromis de Luxembourg. Il prévoit que si, au cours d’une discussion au Conseil, un état membre allègue des intérêts nationaux très importants, le Conseil devra durant un délai raisonnable chercher le consensus entre ses membres. Le compromis de Luxembourg se borne à prendre acte du désaccord lorsque le délai est passé et si le désaccord est maintenu. Pour la France il faut continuer à négocier jusqu’à l’obtention d’un consensus unanime. Alors que pour les partenaires de la France, il faut dans cette hypothèse, avoir recours au vote à la majorité qualifiée. La compromis de Luxembourg n’a pas modifié la lettre des traités, il est purement informel mais a marqué la pratique institutionnelle et a eu des conséquences importantes. Le vote à la majorité qualifiée a été mis à l’écart pendant longtemps et dans les 60’s et 70’s, la vie du Conseil a été maquée par une série de véto et de contre véto. Les gouvernements nationaux ont pris l’habitude de faire des concessions uniquement en échange d’autres concessions. Les conséquences de la crise de la chaise vide ont pris fin en 1986 avec l’adoption de l’acte unique européen quia opéré une extension du domaine du vote à la majorité qualifiée. Cependant, encore aujourd’hui, il y a un usage qui persiste, c’est celui de la recherche du consensus notamment lorsqu’un intérêt fondamental d’un état membre est en cause. Parallèlement à cette paralysie, l’Europe judiciaire connait un essor, elle a rendu notamment deux arrêt majeurs dans les 60’s qui sont fondateurs de l’ordre juridique de l’UE: arrêt du « 25 février 1963, Van Gend en Loos » qui énonce le principe d’effet direct des dispositions du traité qui sont directement invocables par les particuliers devant les juridictions nationales et celui du 15 juillet 1964, Costa/ENEL qui énonce le principe de primauté du droit communautaire sur le droit national.

En 1979, au sommet de Dublin, l’Europe connait une nouvelle crise: M. Thatcher souhaitait un rabais des contributions communautaires du RU. Thatcher a obtenu une victoire totale en 1984. Dans les 90’s l’adoption du traité de Maastricht a ouvert une nouvelle crise lorsqu’il a été rejeté par référendum au Danemark, il a finalement était adopté en 1993 par le peuple Danois. Quelques difficultés d’adoption du traité sont également à signaler en France et en Allemagne. Il en ira de même pour le traité de Nice rejeté en 2001 par les Irlandais qui nécessitera un deuxième référendum. Le traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005 a aussi posé des difficultés, il a définitivement été rejeté par la France et par les Pays Bas. Le traité de Lisbonne a également connu des difficultés puisqu’il a fallu deux ans pour sortir de la crise du traité constitutionnel européen et pour que tous les états adoptent le traité de Lisbonne.

En 1999, Le collège de commissaire de la commission européenne démissionne à la suite d’un rapport d’un comité d’experts dénonçant plusieurs affaires de fraudes.

En 2003, il y a la crise relative à la division de l’Europe sur la guerre en Irak: la France et l’Allemagne s’oppose à l’intervention militaire américaine en Irak alors que huit autres pays signent une lettre de soutient aux Etats Unis, ils seront suivis par d’autres pays d’Europe centrale et orientale. La même année, l’Europe connait une crise autour du pacte de stabilité, il y a eu un dérapage du déficit de la France et de l’Allemagne mais les procédures engagées contre ces deux pays ont été suspendus. Les petits états leur ont alors reproché de ne pas se soumettre aux mêmes règles qu’eux.

En septembre 2008 a été déclenché la crise financière devenue une véritable crise économique qui reste toujours présente. S’en ai suivi, en 2009, la crise grecque quo a conduit à une série de mesures de soutient économique à l’état grec. Les problèmes économiques des 4 pays du PIGS ont conduit à une réflexion concernant la révision des traités pour instaurer un filet de sécurité financière pour éviter ce type de problèmes qui affectent l’ensemble de la zone euro.

Section II – L’Union Européenne et ses états membres

L’Union Européenne est une organisation internationale régionale sui generis caractérisée par l’étendue de ses compétences et par le niveau élevé d’intégration. Ces membres sont cependant des états souverains.

  • 1 – L’acquisition de la qualité d’état membre

L’adhésion à l’Union suppose un double consentement: il faut la volonté de l’état et l’accord des états déjà membres de l’Union.

A – Les conditions d’adhésion

La seule condition, au départ, était celle d’être un état européen, il s’agissait d’un critère géographique. Se pose alors la question des frontières de l’Europe. En 1987, le Maroc a fait acte de candidature à la Communauté européenne, elle a été rejetée au motif que le Maroc n’était pas un état européen. En revanche, le critère géographique n’a pas été opposé à la candidature de la Turquie. A côté de la condition géographique le traité d’Amsterdam a ajouté une condition politique ceci dans la perspective de l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale. On retrouve cette condition politique dans l’article 49 du traité sur l’UE « tout état européen qui respecte les principes énoncés à l’article 2 peut demander à entrer à l’UE ». L’article 2 énonce une série de valeurs sur lesquelles est fondée l’Union: la démocratie, la liberté, l’état de droit et le respect des droits fondamentaux. L’article 49 renvoi aussi aux critères de Copenhague qui sont des critères posés par le Conseil européen en juin 1993. Il y a 3 catégories de critères: les critères d’ordre politique (ceux de l’article 2 + la protection des minorités nationales) / les critères d’ordre économique (économie de marché viable ou être en transition vers une économie de marché, capacité de souscrire aux objectifs de l’Union économique et monétaire) / les critères de nature administrative (capacité à intégrer l’ensemble de l’acquis de l’Union = ensemble des décisions prises par les institutions européennes). La capacité d’assimilation est également nécessaire, c’est à dire que l’Union doit pouvoir intégrer le nouvel état, cet intégration ne doit pas constituer un frein à l’approfondissement de l’Union.

B – La procédure d’adhésion

Article 49. La procédure commence par une déclaration de candidature prononcée par le gouvernement de l’état intéressé au Conseil de l’Union. Le Parlement européen et les Parlements nationaux des états sont informés de la demande, ils sont donc associés au processus. Le Conseil se prononce à l’unanimité de ses membres après avoir consulté la commission et après approbation du Parlement européen. Si le conseil accepte la candidature, des négociations s’ouvrent entre l’état candidat et m’UE, elles aboutissent à la signature d’un traité d’adhésion. Ce traité doit être ratifié par l’état candidat et par tous les états membre de l’UE. Les Parlements nationaux ont donc un pouvoir de blocage à ce stade de la procédure. Le traité d’adhésion peut prévoir des régimes transitoires dans des secteurs différents, par exemple, en matière de libre circulation des travailleurs pour la Roumanie et la Bulgarie (jusqu’en 2011).

  • 2 – La perte de la qualité d’état membre

A – Le retrait

La possibilité pour un état membre de se retirer de l’UE n’était pas prévue par la lettre des traités jusqu’à celui de Lisbonne. Elle faisait donc l’objet d’une controverse et avait été discuté par la doctrine et la classe politique de certains états. Le traité de Lisbonne apporte une réponse claire, c’est l’article 50 du traité sur l’UE qui prévoit le retrait d’un état ce qui est une manifestation de la souveraineté de l’état membre. Il prévoit également la procédure à suivre: l’état membre doit notifier son intention de quitter l’Union au Conseil européen. L’Union négocie et conclue un accord qui fixe les modalités de retrait, il déterminera également les relations qu’entretiendra le pays et l’Union après sa sorite. Le trait sur L’Union européenne cesse d’être applicable à l’état à partir de la date de l’entrée en vigueur de cet accord. Le retrait devient valable deux ans après la notification.

B – L’exclusion

Les traités actuels sur lesquels se fonde l’UE n’en parlent pas, elle n’est pas prévue. Il existe simplement un mécanisme de suspension provisoire des droits d’un état y compris celui de vote au sein du Conseil. Ce mécanisme a été introduit par le traité d’Amsterdam en vue de l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale. C’est l’article 7 du traité sur l’Union européenne révisé à l’occasion du traité de Nice qui prévoit que la suspension est décidée par le Conseil européen à l’unanimité après approbation du Parlement européen s’il existe une violation grave et persistante par un état membre des principes fondateurs de l’Union comme la démocratie, l’état de droit et le respect des Droits de l’Homme. Ce dispositif de sanction politique a été conçu pour être dissuasif, son application concrète n’était pas envisagée. En 1999, la crise Autrichienne: un parti d’extrême droite a obtenu un grand pourcentage de voix et est entré au Gouvernement. Il avait entretenu des propos xénophobes voir racistes durant sa campagne électorale. Les autres états étaient alarmés mais sur le plan juridique il n’y avait pas de violation grave et persistance des principes fondamentaux, il y avait simplement un risque de violation. Les états partenaires de l’Autriche ont donc décidé de prendre des sanctions diplomatiques unilatérales. Elles ont été levées à la suite d’un rapport d’un comité de sages qui montrait que les Droits de l’Homme étaient respectés et qu’il n’y avait pas de violation. Cette crise a entrainé l’introduction, par le traité de Nice, d’un mécanisme préventif à l’article 7 en vertu duquel le Conseil peut constater l’existence d’un risque clair de violation des principes fondateurs de l’Union. Le Conseil peut adresse des recommandations appropriées à l’état concerné.

  • 3 – L’appartenance à l’Union

A – Les états sont souverains et acteurs de l’Union

Les états sont les autorités constituantes de l’UE. Les états assument la responsabilité principale lorsqu’il s’agit de réviser les traités. Pour modifier le droit originaire de l’UE, c’est à dire les dispositions du traité constitutif, il faut l’accord unanime des états membres, ce qui prouve bien que les états restent les acteurs essentiels du système européen. Les procédures de révisions sont prévues à l’article 48 du traité de l’UE.

Tout d’abord, la procédure ordinaire peut être appliquée pour accroitre les compétences attribuées à l’UE mais aussi pour les réduire. C’est le traité de Lisbonne qui établit précision, il met fin au dogme de l’acquis communautaire. Le projet de révision peut être soumis par le gouvernement d’un état ou de plusieurs états membres par la commission européenne ou encore par le Parlement européen. Ce projet de révision est communiqué aux Parlements nationaux des états qui sont donc dès le départ associés au processus de révisions. Une conférence intergouvernementale se met d’accord sur les modifications souhaitaient, le traité de révision est ensuite soumis à la ratification par l’ensemble des états membres. Dans le cadre de la procédure ordinaire, le traité de Lisbonne codifie la pratique de la convention (initiée pour la Charte des droits fondamentaux en 1999 et ensuite pour le traité établissant une constitution pour l’UE en 2003 et 2004). L’article 48 prévoit désormais que le Conseil européen peut convoquer une convention lorsque l’ampleur des modifications que l’on souhaite apporter au traité justifie cette convention.

Les procédures simplifiées traduisent une certaine volonté de différencier au sein des dispositions des traités, les dispositions qui ont une nature constitutionnelle et celle plus contingentes. La première procédure de révision simplifiée s’applique aux dispositions de la 3ème partie du traité sur le fonctionnement de l’UE qui concerne les politiques et les actions internes de l’Union. Il s’agit d’une procédure allégée puisque les modifications sont décidées à l’unanimité par le Conseil européen et doivent être ratifiées par tous les états membres. La deuxième procédure simplifiée est la généralisation des clauses dites passerelles qui existaient avant le traité de Lisbonne. Selon ces clauses, lorsque le traité prévoit que, dans un domaine précis le Conseil statut à l’unanimité, le Conseil européen peut décider à l’unanimité le passage au vote à la majorité qualifiée. Si le traité prévoit l’application d’une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut décider à l’unanimité le passage à la procédure législative ordinaire (= codécision du Parlement et du Conseil avec un vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Il faut l’approbation du Parlement européen pour cette procédure mais il n’y a pas obligation de ratification par les états membres. Cependant, les Parlements nationaux peuvent opposer un droit de véto à la révision simplifiée dans les 6 mois qui suivent la transmission de l’initiative par le Conseil.

  1. Les états participent à l’élaboration des normes communautaires par leur vote au sein du Conseil.Les états sont les destinataires des normes élaborées par les institutions européennes. Ils sont un devoir de coopération loyale avec les institutions européennes mais aussi avec les autres états membres. Ce devoir entraine une double obligation:
  • une obligation positive: l’état doit prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l’exécution des obligations découlant des deux traités. Les états doivent également faciliter à l’Union l’accomplissement de sa mission
  • une obligation négative: l’état doit s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs du traité.

Le système communautaire a prévu un système de sanctions juridiques à l’encontre des états qui n’appliquent pas le droit de l’Union.

Il y a tout d’abord une voix centralisée de sanction, il s’agit de la procédure de constatation du manquement étatique. La commission européenne, si elle constate qu’un état ne respecte pas ces obligations, peut saisir la CJUE (Luxembourg) pour qu’elle constate le manquement étatique. La CJUE peut simplement constater le manquement, ce sera à l’état membre de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la violation de ces obligations. Si le manquement persiste, la Commission peut engager une deuxième procédure devant la CJUE, la procédure de manquement sur manquement au terme de laquelle la CJUE peut prononcer des sanctions financières contre l’état: arrêt du 12 juillet 2005 Commission vs France. La France ne respectait pas les règlements communautaires qui déterminaient les dimensions des mailles des filets de pêche, elle s’est vue condamner à une amende de 25 millions d’euros assortie d’une astreinte de 57 millions d’euros par tranche de 6 mois de retard.

Il y a ensuite une voix décentralisée au niveau des états. Elle n’était pas prévue par la lettre du traité, elle a été créée dans la Jurisprudence de la CJUE. En vertu de cette vois décentralisée, les individus qui seraient victimes d’une violation du droit de l’Union par un état membre peuvent saisir les juridictions nationales pour demander réparation du préjudice subi en raison du non respect par un état de ses obligations communautaires. Ce principe de responsabilité de l’état a été posé pour la première fois dans l’arrêt « Francovich du 19 novembre 1991 ». cet arrêt fonde le principe de responsabilité de l’état sur la fait que le droit communautaire prime sur le droit des états membres. Dans l’arrêt « Factorlame du 5 mars 1996 », la Cour a définie le régime de responsabilité de l’état: il faut tout d’abord une violation d’une règle du droit de l’Union qui confère des droits aux particuliers / la violation doit être suffisamment caractérisée (manifeste et grave) / lien de causalité. Dans un arrêt « Köbler du 30 septembre 2003 », la CJUE a explicitement que la responsabilité de l’état pouvait être engagée lorsque la violation du droit de l’Union était le fait d’une décision suprême de l’état.

Chapitre II – Le système institutionnel de l’Union Européenne

Article 13 – L’union dispose d’un cadre institutionnel qui vise à promouvoir les valeurs de l’Union, à poursuivre ses objectifs, à servir les intérêts de l’Union, ceux de ses citoyens et ceux de ses états membres. Le cadre vise aussi la cohérence, l’efficacité de la politique et des actions de l’UE. Les institutions de l’UE y sont énumérées: le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil des ministres (dit parfois Conseil), la Commission, la CJUE, la BCE (gestion de la monnaie unique) et la Cour des comptes (contrôle des finances et des comptes).

Section I – La prise de décisions au sein de l’Union

  • 1 – Les institutions politiques de l’Union

Les institutions européennes ne sont pas régies par le principe de séparation des pouvoirs mais par celui d’équilibre institutionnel. La fonction de ce principe est de préserver un équilibre entre les institutions européennes quant à la répartition des pouvoirs opérée par les dispositions du traité. Ce principe met l’accent sur l’autonomie de chaque institution mai aussi sur la nécessité de collaboration des institutions selon les diverses procédures décisionnelles. L’équilibre institutionnel concerne les quatre institutions politiques.

A – Le Conseil Européen

Il incarne la légitimité étatique au plus haut niveau et fait l’objet de l’article 15 du traité sur l’UE. En réalité le Conseil Européen est né dans la pratique, il n’était pas prévu par le traité de 1957 mais dans les 60’s, les plus hauts responsables des états membres ont pris l’habitude de se réunir en conférence pour examiner des questions politiques très importantes. Son existence a été reconnue pour la première fois en décembre 1974 au sommet de Paris, elle a été consacrée au niveau des traités par l’acte unique européen de 1986. Avec le traité de Lisbonne il a acquis la qualité d’institution de l’UE. De ce fait, il peut désormais adopter des actes juridiques qui sont soumis au contrôle juridictionnel de la CJUE.

Le Conseil européen réunit les chefs d’état ou de gouvernement des états membres, le président du Conseil européenne et le président de la Commission européenne. Participe également le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politiques de sécurité. Le président de la Commission européenne peut être assisté d’un autre membre de la commission et les chefs d’état peuvent être accompagnés d’un ministre (le plus souvent celui des affaires étrangères). Il se réunit deux fois par semestre à Bruxelles et il se prononce par consensus. Ses réunions se terminent par la publication de conclusions. Par ces conclusions, le Conseil européen donne les impulsions nécessaires au développement de l’Union et il défini les orientations politiques générales qui sont ensuite concrétisées par les actes de droit dérivé adoptés par le Conseil, le Parlement européen et la Commission. Le Conseil européen ne participe par au pouvoir normatif, à l’adoption des actes.

Avant le traité de Lisbonne la présidence du Conseil européen était tournante, exercée tous les 6 mois par un chef d’état différent. Le traité de Lisbonne institue un président du Conseil européen permanent, il est élu par les membres du Conseil européen pour une durée de 2 ans et demi renouvelables une fois. Le mandat du président du Conseil européen est incompatible avec tous mandats internationales, son rôle est d’animer les travaux du Conseil européen, il facilite la cohésion et le consensus au sein de l’institution. Le président du Conseil européen assure la préparation et la continuité des travaux en coopération avec le président de la Commission européenne. Il assure la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune en collaboration étroite avec le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Le premier président du Conseil européen est un ancien ministre Belge.

B – Le Conseil de l’Union

Article 16 du traité sur l’UE tel que révisé par le traité de Lisbonne. Il incarne la légitimité étatique, intergouvernementale de l’UE car c’est l’institution où sont représentés les Gouvernements des états membres. Elle a pour mission d’exprimer la participation des états à l’ensemble communautaire. Le Conseil est formé par un représentant de chaque état au niveau ministériel qui est habilité à engager le Gouvernement de cet état. C’est la participation des ministres au Conseil de l’Union qui fait parler de Conseil des ministres. La composition du Conseil est variable car elle dépend de la matière abordée. S’il s’agit d’un problème environnemental, ce sont les ministres de l’environnement qui vont siéger. Le Conseil est assisté par deux organes (article 240 du traité sur le fonctionnement de l’Union):

  • le premier a été créé en 1965, c’est le Comité des représentants permanents des gouvernements des états de l’UE (COREPER). Cet organe a comme rôle principal la préparation des travaux du Conseil, il s’agit d’un cadre de négociation continu et d’arbitrage. Il est composé de diplomates qui représentent leur état. Lorsque le Commission soumet un texte au Conseil, ce texte passe d’abord par le COREPER. C’est au sein de cet organe que la véritable négociation sur le texte a lieu. C’est aussi à ce stade de négociation qu’il y a un important effort de lobbying de la part des acteurs intéressés par le projet
  • le deuxième organe est le secrétariat général du Conseil qui coordonne ses travaux. A sa tête, il y a un secrétaire général nommé par le Conseil.

La présidence du Conseil est exercée à tout de rôle par chaque état pour une durée de 6 mois, le président établit le calendrier de travail du Conseil qui reflète ses priorités. Le Conseil des affaires étrangères qui réunit les ministres des affaires étrangères des états membres est présidé par le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il est désigné par le Conseil européen avec l’accord du président de la commission. Il préside le Conseil des affaires étrangères et il est vice président de la Commission.

Son rôle est important: il dispose d’un pouvoir décisionnel. Aujourd’hui, il partage l’essentiel du pouvoir législatif et budgétaire avec le Parlement européen: tous deux adoptent les textes proposés par la Commission. Le Conseil a également un pouvoir important de nomination. C’est par l’exercice de tous ces pouvoirs que les Gouvernements maintiennent un rôle central dans le jeu institutionnel et dans le fonctionnement de la politique de l’Union. Lorsque le Conseil agit en tant que législateur, il siège en public. En revanche, pour les activités non législatives, les délibérations ne sont pas publiques.

Les règles de votes au sein du Conseil. Il y a tout d’abord l’unanimité qui est un procédé qui respecte les techniques habituelles du droit international: l’état reste pleinement souverain parce qu’il ne peut pas être tenu par une règle qu’il n’a pas voulue. Cependant, le domaine d’application de la règle d’unanimité se rétréci avec chaque révision des traités. Mais l’unanimité reste toujours acquise dans des matières sensibles pour les états: certains aspects de la politique étrangère et de sécurité commune, certains aspects de coopération policière entre les états, certains aspects liés à l’harmonisation du droit pénal ou du droit de la famille, la sécurité sociale, l’harmonisation de la fiscalité indirecte et l’adoption des mesures de lutte contre la discrimination. Selon le traité, la règle décisionnelle de principe est la majorité qualifiée. Le traité de Lisbonne introduit une nouvelle règle de majorité qui sera applicable en partie en 2014 et entièrement en 2017. Le système actuel: au sein du Conseil, chaque gouvernement dispose d’un nombre de voix pondéré en fonction de critères multiples (superficie, population, importance politique et économique). Le nombre de voix dont dispose chaque état varie entre 29, pour les plus grands états, et 3, pour Malte. La pratique du Conseil a été marquée par une grande crise dans les 60’s, une crise déclenchée par DG, la crise de la chaise vide. Sa conséquence est que les ministres cherchent toujours un consensus y compris dans les cas où, selon le traité, la majorité qualifiée serait suffisante. Le nouveau système: une décision est adoptée si elle rassemble 55% des états membres représentants au moins 65% de l’Union européenne. Cette règle est le fruit d’un équilibre entre les grands et les petits états. Elle est complétée par une deuxième règle: une minorité de blocage doit comporter au moins 4 états membres. Au moment de la négociation du traité de Lisbonne le gouvernement Polonais était très opposé à la nouvelle solution. Elle a donc été repoussée au 1er novembre 2014. Il a également été décidé qu’entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, tout état membre pourra demander au cas par cas que les règles du traité de Nice continuent à s’appliquer.

C – La Commission européenne

La Commission européenne est décrite à l’article 17 du traité sur l’UE. Elle est l’institution qui incarne le mieux l’originalité de la méthode communautaire, il s’agit d’une institution supranationale. Elle est garante de l’application des traités et de l’intérêt général commun de l’UE.

Composition: avant les élargissements de 2004 et 2007, la Commission était composée selon la règle suivante: deux commissaires pour les grands états membres et un commissaire pour les petits états. Mais la perspective de l’élargissement a obligé de réexaminer la question relative à la composition de la Commission parce qu’un collège de commissaires trop vaste risquerait de se transformer en assemblée. Un collège plus ramassé était exposé à deux critiques: les petits états, dont les ressortissants risquaient d’être écartés, ne souhaitaient pas recevoir un directoire des grands états membres et les grands états trouvaient inacceptable l’idée de ne pas participer à la Commission. La solution retenue par le traité de Nice est celle d’un commissaire par état, le président actuel de la Commission est José Manuel Barroso. La Commission européenne comprend également le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui a la qualité de vice président. Cette fonction change avec le traité de Lisbonne: il prévoit la réduction du nombre de commissaires, à partir de 2014, il sera égal au 2/3 du nombre des états membres. Chaque collège successif devra refléter l’éventail démographique et géographique de l’UE.

La désignation de la Commission: jusqu’au traité de Maastricht, les commissaires étaient nommés d’un commun accord par les gouvernements des états. Le président de la Commission faisait l’objet de négociations entre les gouvernements. Une pratique a été créée avec la Commission présidée par J. Delors en 1985. Ce dernier s’est présenté devant le Parlement avec son collège et il a sollicité l’investiture du Parlement européen (vote de confiance) parce que la Commission souhaitait tirer une partie de sa légitimité politique de l’onction parlementaire. Le traité de Maastricht est venu entériner l’usage institutionnel. La désignation a alors renforcé le caractère collégial de la commission, mais aussi le lien de celle-ci avec le Parlement européen. Cette procédure de désignation a été approfondie par le traité d’Amsterdam, le traité de Nice et le traité de Lisbonne. Aujourd’hui, on peut distinguer deux phases : la désignation du président de la Commission et la désignation des autres membres.

Pour le président, c’est le Conseil européen qui propose au Parlement européen un candidat. Il est censé tenir compte du résultat des élections européennes. Le candidat proposé doit être élu par le Parlement européen à la majorité de ses membres.

Ensuite, le Conseil adopte, en accord avec le président élu, la liste des autres personnalités envisagées pour devenir commissaires. Chaque candidat est auditionné par la commission compétente du Parlement européen. Les candidats sont ensuite soumis à un vote d’approbation du Parlement. Si cette approbation a lieu, la commission est officiellement nommée par le Conseil européen. Cette procédure renforce l’autorité du Président de la Commission sur le collège. De plus, la procédure oblige les gouvernements des Etats à tenir compte du point de vue du Parlement européen dans le choix des commissaires. En 2004, la mise en place de la première commission Barroso a rencontré des difficultés parce que le Parlement était fermement opposé à la désignation de Buttiglione à la tête de la direction générale de la Commission justice et affaires intérieures. Cela parce que lors des auditions au Parlement européen, Buttiglione avait eu des propos sexistes et homophobes. Face à cette opposition, Barroso a du renoncer à soumettre son équipe au vote d’approbation par le Parlement, sous peine d’un refus à bloc. Barroso a remanié le collège, c’est ainsi que le collège a été finalement investi par le Parlement européen. Cet épisode marque une percée démocratique et une parlementarisation de la vie européenne.

Quant à l’exercice des fonctions de la commission, le mandat est d’une durée de 5 ans et est renouvelable. Les commissaires doivent exercer leur fonction en pleine indépendance dans l’intérêt général de l’Union Européenne. Cela signifie que les commissaires ne doivent recevoir aucune instruction d’un gouvernement, d’une institution ou d’un organisme. Les commissaires ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle et aucun autre mandat électif européen ou national. Si un commissaire. Si un commissaire a commis une faute grave, la Cour de Justice, saisie par le Conseil ou par la Commission, peut prononcer des sanctions. Il y a aujourd’hui un seul arrêt du 11 juillet 2006 : Commission c/ Cresson. Les auteurs du traité de Lisbonne confient désormais au président de la Commission le pouvoir discrétionnaire de mettre fin au mandat d’un commissaire qui ne respecte pas ses obligations. Les réunions de la commission ne sont pas publiques. Elle doit prendre ses décisions de façon collégiale.

Le rôle de la commission: la commission représente et défend l’intérêt commun. La commission n’a pas la légitimité démocratique directe du Parlement européen ou indirecte du Conseil de l’Union, mais elle tire sa légitimité de la compétence de ses membres, de leur indépendance, des conditions de leur désignation et de la défense de l’intérêt commun de l’Union. Tout d’abord, elle dispose d’un rôle législatif, elle élabore les propositions des actes communautaires. Comme il s’agit d’un acte législatif, la commission a en principe le monopole d’initiative. C’est pour cela que la commission défend un programme politique. On lui a confié ce pouvoir car c’est l’institution indépendante qui doit toujours chercher l’intérêt commun et qui peut atténuer le rapport de force entre les Etats. C’est aussi la commission qui a l’expertise nécessaire pour la préparation des textes. Elle n’a cependant pas le monopole d’initiative en matière monétaire puisque cette initiative appartient à la BCE.

Ensuite la commission a un rôle diplomatique, elle négocie les accords externes de l’Union Européenne. La commission est la gardienne des traités c’est-à-dire qu’elle a un pouvoir de surveillance et de vigilance, elle veille à la bonne application par les Etats des dispositions des traités, mais aussi des actes du droit dérivé. Si un Etat membre ne se conforme pas à ces obligations, la commission peut exercer un recours en constatation de manquement devant la Cour de Justice. La commission est la gardienne des traités à l’égard des Etats, des opérateurs économiques. Elle a des pouvoirs d’enquête et de sanction à l’égard des entreprises dans le domaine de la concurrence. La commission dispose également d’un pouvoir d’exécution délégué. Elle exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l’exécution des règles établies par le Conseil. Cependant, en principe, le pouvoir d’exécution du droit de l’Union appartient aux états membres. Enfin, la Commission intervient systématiquement devant toutes les affaires de la CJUE, elle dépose des observations écrites et orales. Cette fonction de conseiller juridique à la Cour est essentiel car, par ce biais, la Commission exerce une influence décisive sur le développement jurisprudentiel du droit de l’Union.

Le rôle de la Commission, ses attributions telles que définit par la lettre du traité n’ont pas été modifiées depuis l’origine mais les différents collèges de commissaires avaient des pratiques différentes. Depuis 1995, on assiste à un déclin progressif de l’autorité de la Commission (depuis la fin de la Commission Delors), cela s’explique par la montée en puissance du Parlement européen. Cette montée en puissance s’explique elle même par l’apparition de la procédure de codécision qui fait du Parlement un véritable colégislateur. L’alliance classique en Commission et Parlement n’est donc plus systématique. L’autorité de la Commission a été très affectée par le scandale Cresson et par la démission collective de cette Commission en 1999. La Commission Prodi a été plutôt positive, quant à la Commission Barroso, on lui a reproché d’être timide dans ses démarches et de servir les intérêts nationaux des grands états, or, le but de la Commission est de rechercher l’intérêt général de l’UE.

Le Haut représentant aux affaires étrangères et à la sécurité politique → Article 18 du traité sur l’UE tel que révisé par le traité de Lisbonne (le traité de Lisbonne s’est inspiré du traité institutionnel qui prévoyait un ministre européen des affaires étrangères). Il est désigné par le Conseil européen avec l’accord du président de la Commission. Il est responsable devant le Conseil européen, d’un part il est vice président de la Commission et d’autre part il préside le Conseil de l’Union dans sa formation affaires étrangères, cette double appartenance vise à assurer l’unité de l’exécutif européen dans le domaine des relations extérieures.

D – Le Parlement européen

Article 14 du traité de l’Union. À l’origine il se nommait assemblée parlementaire, il a été établit dans un but de mimétisme par rapport au Conseil de l’Europe et par volonté d’associer le peuples européens à la construction communautaire. Enfin, on voulait assurer un contrôle minimal face à la Commission. En 1962, l’Assemblée parlementaire a décidé de changer de nom et de se nommer Parlement européen. Ce titre a été confirmé par l’acte unique européen de 1986 puis par les autres traités de révision. C’est la quête de la démocratisation de l’Union européenne qui a conduits à la montée en puissance du Parlement européen qui est aujourd’hui l’organe de décision à l’égal du Conseil.

La désignation des parlementaires.Le PE est composé des représentants des citoyens de l’UE. Le traité de Lisbonne fixe le nombre maximal de représentants à 750 + le président. Les sièges sont répartis entre les états suivant un critère démographique: l’Allemagne qui est le plus peuplé de l’Union a le plus grand nombre de siège et Malte le plus petit. À l’origine de la construction européenne, les membres du PE étaient désignés par les Parlements nationaux et chaque état était libre de choisir sa propre voix de désignation mais le 9 septembre 1996, le Conseil a adopté un acte de révision du traité, l’acte portant élection du Parlement européen au SUD. La première élection du PE a eu lieu en 1979, cela lui procure une assise populaire et lui confère l’onction démocratique et renforcer sa légitimité face au Conseil. Le traité de Lisbonne prévoit la possibilité d’adoption d’une procédure électorale uniforme applicable dans l’ensemble des états membres. Pour adopter cette procédure, il faut un vote du Conseil à l’unanimité et l’approbation du PE lui même et finalement, l’approbation du projet par les états selon leurs règles constitutionnelles respectives. Aujourd’hui il n’existe pas de procédure uniforme applicable dans les états. Simplement le 25 juin 2002, le Conseil a adopté une décision qui modifie l’acte de 1976 et qui pose un principe applicable dans tous les états: le principe de la représentation proportionnelle dans un cadre régional pour le reste les états sont libres. En France il y a 72 sièges à pourvoir, le scrutin est à la représentation proportionnelle en un seul tour et il y a, pour cette élection européenne, 8 circonscriptions régionales. Cela pénalise les grands états membres et conduit à la sous représentation des petits états. De plus, les états membres qui réservaient le droit de vote aux élections européennes à leurs nationaux doivent, depuis le traité de Maastricht et l’instauration de la citoyenneté européenne, ouvrir ce droit aux ressortissants des autres états membres qui résident sur leur territoire. Le droit de vote aux élections européennes peut également être reconnu par des états aux personnes qui ne sont pas citoyennes de l’Union. C’est la solution donnée par la CJUE dans l’arrêt du 12 septembre 2006 Espagne vs Royaume Uni. La durée du mandat des parlementaires est de 5 ans, leur statut n’est pas uniforme car il dépend des droits nationaux. Les parlementaires ne siègent pas par nationalité mais par affinités politiques, ils sont répartis par groupes politiques transnationaux.

Le rôle du Parlement européen. Il a évolué, à l’origine le PE avait un rôle essentiellement délibératif mais, on constate un accroissement continu des pouvoirs du PE, accroissement lié à la progression de la démocratie dans l’Union pour répondre aux critiques constantes du déficit démocratique de la construction européenne. La notion de déficit démocratique renvoie aux lacunes du système institutionnel de l’Union par rapport au modèle du régime démocratique que l’on connait au sein des états membres. La principale critique adressée à l’Union concernait la place du Parlement dans le système institutionnel. Les auteurs des traités ont répondu à ces critiques en augmentant le pouvoir du PE, aujourd’hui, le PE joue un rôle essentiel sur les deux terrains qui sont ceux sur lesquels intervient classiquement les Parlements nationaux: la fonction législatives et la fonction de contrôle de l’exécutif. Le PE a aussi un pouvoir de nomination.

  • la fonction législative. À l’origine, le PE avait un simple rôle consultatif mais aujourd’hui, à travers les différentes révisions, le PE constitue une des composantes d’un organe législatif complexe qui associe le Conseil, la Commission et le Parlement. Le PE est placé sur un pied d’égalité avec le Conseil concernant la prise de décision au sein de la procédure législative dite ordinaire. Traité de Maastricht, nouveau nom: procédure ordinaire, avant: procédure de codécision. Procédure: la Commission propose un texte et le texte doit être adopté par le Conseil et le Parlement. Ces deux autorités doivent trouver un accord commun. Aujourd’hui, la procédure législative ordinaire est la procédure de droit commun. À côté de cette procédure législative ordinaire, il existe des procédures législatives spéciales, ces procédures restent encore aujourd’hui nombreuses et concernent des domaines importants: procédure de consultation (le Conseil doit sollicité l’avis du PE, cet avis ne le lie pas, il est cependant une formalité substantielle et si le Conseil ne le respecte pas, l’acte peut être annulé), la procédure d’approbation (forme de véto, le Conseil ne peut pas prendre des décisions sans l’accord du parlement, le Parlement donne son approbation concernant notamment un certain nombre d’accords internationaux. le PE pour donner son approbation insiste à ce qu’une clause relative au respect des Droits de l’Homme et de la démocratie soit inclus dans les accords de coopération et d’aide financière par l’UE aux états tiers. La fonction législative comprend aussi le pouvoir décisionnel en matière budgétaire, le PE a le pouvoir d’arrêter en dernier ressort le budget de l’UE.
  • la fonction de contrôle. Ce contrôle s’exerce surtout sur la Commission européenne. Il contrôle l’investiture de la commission. Le Parlement peut aussi censurer la Commission qui est responsable devant lui. Si le Parlement adopte une motion de censure à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés et à la majorité des membres qui composent le Parlement, la Commission doit démissionner collectivement. En 1999, la Commission a été très durement attaquée pour le scandale lié aux emplois fictifs mais aussi pour ses erreurs de politiques dans la crise de la vache folle. Elle a décidé de démissionner plutôt que d’affronter la censure du PE qui était presque certaine. Le PE dispose également des traditionnelles techniques de contrôle parlementaire que l’on retrouve dans les états membres: questions écrite ou orales, commissions d’enquête, résolutions, discussion du rapport annuel de l’activité de l’UE.

  • 2 – La production normative de l’Union

A – Processus d’adoption des actes

Un acte de l’Union, notamment législatif, est adopté en principe en suivant la procédure législative ordinaire: la Commission propose le texte, mais avant, elle a l’habitude de consulter les gouvernements nationaux, les grandes entreprise, les groupements d’intérêt, les associations de consommateurs et plus généralement les organisations de la sté civile. Tous ces acteurs sont invités par la commission à participer au processus de consultation et de débat qui précède l’élaboration d’une proposition de texte d’acte communautaire. Le PE et le Conseil non pas le pouvoir d’initiative législative, ils peuvent simplement demander à la Commission de soumettre une proposition de texte, la Commission n’est pas liée juridiquement par cette demande. Ensuite, il faut signaler une innovation du traité de Lisbonne qui consacre un droit d’initiative populaire, ce droit est une expression de la démocratie participative, c’est la possibilité pour 1 million de citoyens européens ressortissants d’un nombre significatif des états membres de demander à la Commission de prendre une initiative législative dans un domaine de compétence de l’UE. Cette initiative ne lie pas juridiquement la Commission. Cependant, le Commission ne pourra pas ignorer une demande formulée par un nombre important de citoyens européen. La proposition de la Commission doit être adoptée par le Conseil et par le Parlement qui l’examinent et qui peuvent proposer des amendements au texte initial de la Commission. S’ils ne sont pas d’accord, il y a un comité de conciliation qui réunit des membres du Conseil et des membres du Parlement qui essai de trouver un compromis entre les deux institutions. (Vote à la majorité qualifiée au sein du Parlement).

B – La typologie des actes

1 – Les actes prévus par le traité

Article 288 qui énumère les différents instruments normatifs. La production normative de l’Union prend, selon cet article, 3 formes: règlements, directives et décisions. Il mentionne également les recommandations et les avis. Mais les recommandations et les avis n’ont pas de faits contraignants. Il n’établit pas de hiérarchie entre ses actes du droit dérivé. Ce sont les dispositions spécifiques du traité concernant chaque politique particulière qui définissent les types d’actes que les institutions devront adopter. Parfois les institutions sont libres de choisir l’instrument normatif

  1. a) Le règlement

Il a 3 caractéristiques: il a une portée générale c’est à dire qu’il s’adresse à des catégories générales de personnes définies de manière abstraite en fonction de critères objectifs. C’est un acte obligatoire dans tous ses éléments. Et enfin, il est directement applicable dans tout état membre, il produit de lui même des effets juridiques dans l’ordre interne des états membres. Aucune procédure de réception de la part des autorités internes ne doit intervenir. Les ressortissants des états membres peuvent invoquer devant les autorités nationales (administration et juridictions nationales) les dispositions des règlements comme il invoque les dispositions des lois nationales. Le règlement est le moyen donné à l’Union pour adopter des règles qui ont comme destinataire non seulement les états mais aussi les particuliers. (Le règlement de l’Union est une loi au sens matériel, c’est pour cela que le traité constitutionnel prévoyait de retenir le nom de « loi européenne pour désigner le règlement ». Cependant, pour sortir de la crise relative au traité constitutionnel on a voulu supprimer tout ce qui faisait penser à un état et c’est pourquoi le traité de Lisbonne maintient la dénomination classique de « règlement ».) Les règlements sont publiés au JO de l’UE et ils entrent en vigueur à la date qu’il fixe ou à défaut, le 20ème jour suivant leur publication.

  1. b) La directive

Il s’agit d’un type d’acte unilatéral caractéristique du système communautaire. Article 288, la directive lie tout état membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux institutions nationales le choix quant à la forme et aux moyens. La directive est par définition incomplète, les destinataires de la directive sont uniquement les états qui se voient fixer un objectif précis. La directive nécessite une transposition par les autorités nationales, elle prévoit elle même les délais de transposition. Les états disposent d’une certaine marge de manœuvre pour transposer la directive. En France, la transposition peut avoir lieu soit par voie législative soit par voie règlementaire (par lois, ordonnances ou décrets). Une simple pratique administrative ou l’adoption d’une simple circulaire administrative ne suffit pas pour considérer qu’il y a eu transposition effective. Le retard mis par l’état dans la transposition d’une directive, l’absence totale de transposition, ou une transposition défectueuse (qui ne respecte pas les objectif prescrits par la directive) peuvent conduire la Commission européenne à exercer un recours en constatation de manquement contre l’état (ex: affaire des ROM en France). La directive apparaît comme le moyen par excellence pour le rapprochement des dispositions législatives et règlementaires des états membres. Aujourd’hui, un grand nombre de textes nationaux procèdent d’une directive communautaire. La Jurisprudence CJCE a reconnu à la directive, dans certaines conditions un effet direct dans l’ordre interne des états membres. En effet, elle a reconnu que les dispositions des directives qui sont claires, précises et inconditionnelles pouvaient avoir un effet direct. Dans cette hypothèse, la directive se différencie peu du règlement. (Le traité constitutionnel retenait le nom de loi cadre européenne pour la directive. Mais le traité de Lisbonne maintient la dénomination originelle de directive.). L’obligation de transposer une directive découle de la lettre même du traité, c’est une facette du devoir de coopération loyale qui incombe aux états membre de l’Union. Pour la France, l’obligation de transposition a aussi une base constitutionnelle: l’article 88-1 de la Constitution. Selon la décision du CC du 10 juin 2004, la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle. Par sa décision du 27 juillet 2006, le CC affirme que la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France sauf si le constituant y a consentit. Le CC aurait un rôle de gardien de l’identité constitutionnelle de la France. Par la décision du 30 mars 2006, le Conseil Constitutionnel se réserve la faculté de déclarer non conforme à l’article 88-1 une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transpose. Ce contrôle est une conséquence du caractère constitutionnel, reconnu par le Conseil Constitutionnel, à l’obligation de transposer une directive.

  • la décision

Elle est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne. Elle est en effet un AI, elle peut être adressée à un état ou à plusieurs états mais elle peut aussi être adressée à des particuliers, des individus ou des personnes morales. Il y a un grand nombre de décisions en matière de concurrence adressées à des entreprises. Elles ont un effet direct.

2 – Les actes atypiques

Les institutions de l’Union ont recours, pour des raisons pratiques, à des actes qui ne sont pas prévus par le traité.

  1. a) les accords inter-institutionnels

Ils sont des engagements de comportement entre les institutions, ils lient politiquement et moralement les institutions. C’est l’expression de la coopération loyale entre les institutions de l’Union. Ils peuvent avoir des différents noms: code de conduite, ligne directrice, déclaration. Le recours aux accords-institutionnel s’est considérablement développé dans le domaine budgétaire et dans le domaine de la procédure décisionnelle. Ils permettent un meilleur fonctionnement et une prise de décision plus efficace par les institutions européennes.

  1. b) Les livres verts

Il s’agit de documents dans lesquels la Commission présente des pistes de réflexion dans un domaine spécifique, ces piste de réflexion sont destinées aux acteurs intéressés par le sujet (entreprises, associations de consommateurs, ONG, particuliers, organismes professionnels, …). Ces acteurs sont invités à participer au processus de consultation et de débat.

  • les livres blancs

Ils interviennent après les livres verts en principe. La Commission les utilise pour présenter des propositions plus ou moins finalisé de réformes ou des orientations très précises dans un domaine particulier. L’un des documents les plus déterminants pour l’intégration économique est le livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur, élaboré par la Commission Delors, et présenté en 1985. Il comportait une longue liste de mesures qui devaient être adoptées pour éliminer les obstacles qui se dressaient encore à la réalisation du marché intérieur.

  • Les communications de la Commission

Documents dans lesquelles la Commission explique sa conception relative à l’évolution du droit de l’Union dans un domaine, elle indique qu’elle sera son attitude, sa politique dans l’avenir.

C – Caractères des actes

1 – Conformité au droit originaire de l’Union

Les actes de l’Union qui forment le droit dérivé doivent être conformes au droit originaire et aux PGD de l’Union.

  1. a) respect du droit originaire du droit de l’Union

 Le droit originaire est la source suprême de la légalité communautaire. Font partis du droit originaire le traité sur l’UE et le traité sur le fonctionnement de l’UE (ils ont la même valeur juridique), les traités d’adhésion des états, certains actes prévus par les traités, adoptés selon des procédures particulières qui supposent une approbation par les états selon leurs règles constitutionnelles respectives.

  1. b) respect des PDG du droit de l’Union

Les PGD de l’Union existent dans l’ordre juridique de l’Union comme dans tout ordre juridique. C’est la CJCE qui découvre ou dégage des principes comme le Conseil d’Etat dans l’ordre juridique interne. Il y a différentes catégories de principes inhérents à la structure de l’Union (principe d’équilibre institutionnel), certains principes du droit international sont repris par le droit de l’Union (principe de bonne foi dans l’application des traités), les principes communs aux droits des états membres. Ces derniers sont susceptibles d’être transposés dans le droit de l’Union soit pour combler une lacune, soit pour mieux fonder un raisonnement juridique. La transposition, dans ce cas, n’est pas une démarche mécanique, la Cour a une approche sélective, elle a aussi la volonté de préserver l’autonomie du droit de l’Union. Il n’est pas nécessaire que le principe soit reconnu par tous les états membres pour que la CJCE l’érige en PGD du droit de l’Union (par exemple: principe de sécurité juridique et de confiance légitime, principe de proportionnalité inspirés du droit allemand). Les droits fondamentaux qui, selon la CJCE, font partis intégrante des PGD. La CJCE s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux états membres et des instruments internationaux de protection des droits fondamentaux qui lient tous les états membres, notamment la Convention EDH.

  • respect des accords internationaux

Il s’agit des accords internationaux avec des états tiers ou avec des organisations internationales (comme l’OMC). Ces accords qui engagent l’Union font partis intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Ils se situent à un niveau < droit originaire mais > droit dérivé.

Conclusion

Le système juridique de l’Union est partiellement hiérarchisé, au sommet de la pyramide on retrouve le droit originaire, ensuite on retrouve les PGD de l’Union, les accords internationaux conclus par l’UE et finalement, le droit dérivé.

2 – Effet direct

  1. a) les actes de droit dérivé

Les actes de droit dérivé sont dotés de l’effet direct. Il peut être définit comme la possibilité, pour l’individu, d’invoquer une norme communautaire devant les autorités nationales c’est à dire devant les autorités administratives mai aussi devant les juridictions nationales. Le droit international classique concerne avant tout les rapports interétatiques, les traités internationaux établissent en principe des droits et des obligations pour les états qui sont parties à l’accord international. Il est plus rare qu’un traité international créé des droits et obligations pour les particuliers. En revanche, pour le droit communautaire, la règle est l’existence d’un effet direct alors que l’exception est l’absence d’un tel effet. Il existe un arrêt de principe en la matière: arrêt Van Gend et Loos du 5 février 1963 (= la grande Charte de la doctrine de l’effet direct). La Cour a été saisie par un tribunal administratif des Pays Bas qui a posait à la Cour la question de savoir si l’entreprise VG&L pouvait invoquer directement, devant lui, contre l’administration douanière Hollandaise, les dispositions du traité de Rome qui interdisaient l’introduction de nouveaux droits de douane et l’augmentation des droits de douanes existants. La CJCE va donner une réponse positive à cette question, elle va saisir l’occasion offerte pour concrétiser son idée de l’Europe et de la construction européenne telle qu’elle résultait des traités. Elle rappelle en effet que l’objectif du traité institutif de l’UE est d’instituer un marché commun. Son fonctionnement concerne directement les justiciables, les traités constituent donc plus qu’un simple accord qui créerait des obligations entre les seuls états membres. Selon la Cour, la communauté constituerait un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les états ont limité leurs droits souverains, les sujets de ce nouvel ordre juridique seraient les états et les ressortissants de ces états ce qui conduit à accepter le principe de l’effet direct du droit de la communauté. Dans le même arrêt, la Cour définie les conditions que doivent remplir les dispositions du traité pour que l’on puisse leur reconnaître l’effet direct. Elles doivent être suffisamment claires, précises et inconditionnelles. Au fil de sa Jurisprudence, la Cours a appliqué ces 3 critères pour reconnaître l’effet direct à un nombre important de dispositions du traité, et notamment pour les dispositions qui consacrent la libre circulation des marchandises, des services mais aussi des personnes (dans un premier temps des personnes exerçant une activité économique: travailleurs salariés et indépendants, puis, la libre circulation des citoyens européens). L’effet direct des dispositions du traité est essentiellement vertical c’est à dire que ces dispositions peuvent être invoqués par les particuliers à l’encontre des autorités publiques. Dans certaines hypothèses, la Cour a aussi reconnu l’effet direct horizontal d’une disposition du traité c’est à dire la possibilité pour un particulier d’invoquer un article du traité à l’encontre d’un autre particulier (par exemple, l’article du traité qui consacre l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes peut être invoqué par un particulier non seulement contre une collectivité publique mai aussi contre un autre particulier). La Cour a admis l’effet direct horizontal dans un « arrêt du 8 avril 1976, Defrenne ».

  1. b) les règlements

Quant aux règlements communautaires, l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union prévoit que les dispositions des règlements sont directement applicables dans tout état membre. Cet effet direct peut, en fonction de la question traitée, vertical ou horizontal.

  • les directives

Article 288, les directives ont comme destinataires uniquement les états membres. Elles créent à la charge des états une obligation de résultat tout en leur laissant le choix des moyens. Si une directive est correctement transposée par l’état, les particuliers peuvent ensuite invoquer les dispositions du droit national qui ont opérées la transposition de la directive. Dans la logique du traité, la directive n’a pas normalement d’effet direct. Pourtant, la CJCE a reconnu dans un arrêt « Van Duyn du 4 décembre 1974 », qu’il est possible dans certains cas, pour les dispositions d’une directive, de produire un effet direct. (Mme Van Duyn, ressortissant hollandaise, membre de l’église de la scientologie, s’est vue refusée l’entrée au RU. Les autorités britanniques estimaient en effet que l’appartenance à la Scientologie pouvait représenter une menace à l’ordre public. La requérante a alors invoqué les dispositions d’une directive adoptée en 1964 qui offre des garanties de fond et de procédure aux travailleurs communautaires qui font l’objet d’une mesure d’ordre public. Le juge britannique a saisi la CJCE par le biais du renvoi préjudiciel. La Cour a donné une réponse positive en estimant que le traité reconnaissait un effet contraignant à la directive, cet effet serait affaibli si les particuliers étaient empêchés de se prévaloir d’une directive devant les tribunaux nationaux). Dans cet arrêt ont été définies les conditions de l’effet direct d’une disposition d’une directive: clarté, précision et inconditionnalité. L’effet direct fonctionne comme un substitut au défaut, de la part de l’état, de se conformer à son obligation de transposition:

  • l’état n’a pas transposé une directive
  • l’état n’a pas correctement transposé une directive
  • l’état a retardé la transposition

Dans ces hypothèses, l’effet direct reconnu par la Cour offre un remède, c’est un moyen d’obtenir par voie judiciaire que les états respectent leur obligation de transposer correctement et intégralement une directive. C’est cette logique qui explique la limite que connait l’effet direct des directives: l’effet direct peut être seulement vertical. Plus précisément, les dispositions claires, précises et inconditionnelles d’une directive peuvent être invoquées par un particulier devant les tribunaux nationaux à l’encontre de l’état qui est responsable du défaut de transposition (= effet vertical ascendant = particuliers / état). En revanche, la directive n’est pas transposable par les états membres à l’encontre d’un particulier (= effet vertical descendant = état / particuliers). La directive ne peut pas être invoquée par un particulier contre un autre particulier (effet horizontal). La Cour a affirmé cette exclusion de l’effet horizontal des directives dans l’arrêt Marshall du 26 février 1986. Selon la Cour, une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier. Par conséquent, une disposition d’une directive ne peut être invoquée en tant que telle à l’encontre d’un particulier. Cette position a été confirmée par un arrêt du 14 juillet 1974 Faccini Dori. Selon la Cour, lorsqu’une directive n’a pas d’effet direct, il existe malgré tout, une obligation d’interprétation du droit national par le juge national à la lumière du texte et de la finalité de la directive. Les juridictions nationales doivent toujours tenter d’interpréter le droit national en conformité avec la directive. Cette obligation d’interprétation conforme a été énoncée pour la première fois dans un « arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing ». La Cour applique les mêmes critères aux dispositions des accords extérieurs conclus par l’Union et, à quelques exceptions près, la Cour refuse l’effet direct des dispositions de l’OMC.

3 – Primauté

Le principe de primauté a été énoncé dans l’arrêt fondateur du 15 juillet 1964, Costa vs ENEL. La Cour commence par affirmer que les états ont limité, dans certains domaines, leurs droits souverains et qu’ils ont ainsi créé un corps de droits applicables aux états et à leurs ressortissants. Selon la Cour le traité a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des états, un ordre juridique qui s’impose aux juridictions nationales: le principe de primauté est un corolaire de la nature même de la communauté, c’est une nécessité existentielle à l’ordre juridique communautaire. S’il y a contradiction entre une disposition européenne et une norme nationale, la disposition européenne prévaut. Le principe de primauté concerne toutes les dispositions du droit communautaire sur toutes les dispositions de droit nationales y compris, selon la CJCE, sur les dispositions constitutionnelles. Cette primauté sur les dispositions constitutionnelles est exprimée dans un arrêt Internationale « Handelsgesellschaft du 17 décembre 1970 », selon la Cour, le droit né des traités issu d’une source autonome ne pourrait, en raison de sa nature, se voir opposer des règles de droit nationale qu’elle quelque soit sans perdre son caractère communautaire en sans que soit mis en cause la base juridique de la communauté elle même. Ce principe de primauté entraine des conséquences qui ont été dégagées par la CJCE dans les arrêts qui ont suivis:

  • en cas de contrariété entre une disposition nationale et une disposition du droit communautaire, le juge national a l’obligation d’écarter la norme nationale et il doit appliquer la norme communautaire: arrêt « Simmenthal du 9 mars 1978 ». Pour assurer la pleine effectivité du droit communautaire, le juge national doit interpréter le droit national à la lumière du droit communautaire (= interprétation conforme du droit national qui pèse sur les juridictions nationales)
  • principe de la responsabilité extra contractuelle de l’état membre pour violation du Droits de l’Homme. Les autorités nationales doivent réparer les conséquences dommageables de l’adoption ou du maintient d’une mesure nationale contraire au droit de l’Union: « arrêt Francovich », principe de la responsabilité de l’état en principe inhérent au système du traité. « Arrêt Factortame », définition du régime de la responsabilité de l’état: la règle communautaire qui a fait l’objet d’une violation par un état doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers et la violation du droit de l’Union par l’état doit être suffisamment caractérisée, enfin, il faut un lien de causalité entre la violation commis par l’état et le dommage subit par le particulier. La violation du droit de l’Union peut être le résultat de l’action ou de l’inaction d’un organe de l’état y compris les juges suprêmes: « arrêt Köbler du 30 septembre 2003″. L’obligation pour l’état de réparer un dommage subit par un particulier est un moyen qui assure la primauté du droit de l’Union et dans le même temps, une garantie de l’effectivité des droits que les particuliers tirent du droit de l’Union. Le principe de primauté a rencontré des résistances importantes en France car durant longtemps, les juridictions françaises et notamment le CE considéraient qu’elles n’avaient pas le pouvoir d’écarter une loi nationale qui serait postérieure au traité de Rome et contraire à ce traité. C’est la Cour de cassation qui a reconnu le principe de primauté du droit communautaire sur la loi nationale postérieure dans son arrêt Jacques Vabres du 24 mai 1975. Elle a fondé cette solution sur la nature spécifique du droit communautaire mais aussi sur l’article 55 de la Constitution française. Le Conseil d’Etat va finalement décider de se rallier au principe de primauté du droit communautaire sur la loi nationale postérieure: « Conseil d’Etat ass , 24 octobre 1989, Nicolo ». Le Conseil d’Etat a fondé cette solution sur l’article 55 de la Constitution française. Les juridictions françaises reconnaissent pourtant un limite à la primauté du droit communautaire, elle concerne uniquement la loi française mais non pas la Constitution française: « Conseil d’Etat, 30 octobre 1998, Sarrand » et décision de la « Cour de cassation du 2 juin 2000, Fraisse ». Mais la position du Conseil d’Etat a été infléchie dans l’arrêt: « Conseil d’Etat, ass., 8 février 2007, Société Arcelor » qui reconnaît des modalités particulières pour le contrôle des Actes Administratifs notamment des décrets qui transposent les dispositions précises et inconditionnelles des directives. La question de la primauté du droit communautaire doit aussi être examinée dans le cadre de la Jurisprudence du CC concernant la transposition des directives communautaires. Selon le CC, la limite ultime de la primauté du droit de l’Union semble être l’identité constitutionnelle de la France: la primauté du droit de l’Union doit céder seulement devant le principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France.

Section II – Le contrôle juridictionnel

Le contrôle juridictionnel revêt une grande importance, les juges européens et nationaux sont un moteur de l’intégration européenne. Le contrôle juridictionnel a été illustré dans deux ouvrages classiques du droit communautaire: « l’Europe des juges » par Robert Lecourt et « le droit de l’intégration » par Pierre Pescatore. Le terme juge de l’UE ou juge communautaire se réfère d’une part, aux juridictions de l’UE et d’autre part, aux juridictions nationales. Les juridictions nationales doivent appliquer le droit de l’Union au même titre que le droit national, il fait parti de l’ordre juridique national.

  • 1 – Les juridictions de l’Union européenne

Article 19 du traité sur l’UE (révisé par le traité de Lisbonne), la CJUE est composée de la Cour de justice, du tribunal de l’UE et des tribunaux spécialisées. L’ensemble de ces juridictions siège à Luxembourg. Aujourd’hui, la CJUE est un organe complexe, sa forme actuelle est le produit d’une longue évolution. A l’origine de la construction européenne, les traités fondateurs des 3 communautés européennes ont mis en place, à côté des institutions politiques, une Cour de justice qui était commune aux 3 communautés. Cette Cour avait vocation à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités. C’est également son rôle encore aujourd’hui. Dans les premières années de son existence, la Cour était saisie d’un petit nombre d’affaires, au fil des années, la Cour était saisie d’affaires de plus en plus nombreuses. Cette augmentation du contentieux a conduit la Cour de justice à exprimer le vœu de la création d’une deuxième juridiction communautaire. La Cour s’est déchargée de certains contentieux pour se concentrer sur son orle principal qui est d’assurer une interprétation uniforme du droit de communautaire. C’est l’acte unique européen de 1986 qui a rendu possible la création d’une nouvelle juridiction de première instance. C’est ainsi qu’une décision du Conseil du 24 octobre 1988 a institué le tribunal de première instance des communautés européennes = tribunal de l’Union. Il est entré en fonction le 1 septembre 1989, son existence a été confirmée par le traité de Maastricht. Il juge en première instance et la Cour de justice peut intervenir en pourvoi. Mais elle juge en premier et dernier ressort pour certaines catégories d’affaires. Elle est par ailleurs seule compétente pour répondre au renvoi préjudiciel. Le traité de Nice prévoyait la possibilité pour le Conseil de créer des tribunaux spécialisés, chargés de connaître des contentieux spécifiques. C’est donc en vertu de ce traité qu’une nouvelle juridiction a été créée pour alléger la tâche du tribunal de première instance. Il s’agit du tribunal de la fonction publique européenne établi en 2006

A – La Cour de justice

L’organisation et le fonctionnement de la Cour de justice sont régis par les dispositions pertinentes du traité sur l’UE et du traité sur le fonctionnement de l’UE par un protocole qui porte statut de la Cour et qui est annexé aux traités et enfin, par un règlement de procédure établit par la Cour elle même avec l’approbation unanime du Conseil.

Composition

Elle est composée de juges et d’avocats généraux, il y a un juge par état membre pour que chaque tradition juridique nationale puisse être représentée au sein de la Cour. Les juges sont nommés par les gouvernements des états membres d’un commun accord. Les gouvernements doivent choisir les juges parmi des personnalités hautement compétentes dans le domaine juridique qui offrent toute garantie d’indépendance. Pour la France, traditionnellement le juge vient du Conseil d’Etat et l’avocat général provient de la Haute magistrature. D’autres états préfèrent désigner des professeurs de droit ou des personnes qui ont fait carrière comme avocat, …. Le traité de Lisbonne prévoit pour la première fois l’institution d’un comité de 7 personnalités choisies parmi d’anciens membres de la Cour ou du Tribunal et des juristes qui possèdent des compétences notoires. Ce comité doit donner un avis sur l’adéquation des candidats à l’exercice de la fonction de juge ou d’avocat général. Le Parlement européen a souvent exprimé le vœu à voir son mot à dire concernant la désignation des membres de la Cour, ce voeux n’a jamais été exaucé, le Parlement européen aujourd’hui, peut simplement désigner l’une des 7 personnalités du comité qui donne son avis.

Le mandat des juges est d’une durée de 3 ans renouvelable. Les 27 juges élisent leur président pour un mandat de 3 ans renouvelable. Il y a aussi à la Cour de justice 8 avocats généraux, ils sont choisis dans les mêmes conditions que les juges et bénéficient des mêmes garanties d’indépendance. 5 des avocats généraux sont réservés aux grands pays (France, Allemagne, Italie, RU et Espagne). Au moment de la négociation du traité de Lisbonne, la Pologne a obtenu la chose suivante: si la Cour de justice demande que le nombre d’avocats généraux soit augmenté de 3 personnes, la Pologne obtiendra un poste permanent d’avocat général à l’instar des 5 grands pays. Cette demande montre l’importance du rôle de l’avocat général près la Cour de justice. Son rôle est de présenter en toute indépendance son opinion sur une affaire précise. Cette fonction se rapproche de celle des commissaires de gouvernements (rapporteurs publics près le CE français aujourd’hui). Mais contrairement aux rapporteurs publics, l’avocat général ne participe pas aux délibérés de la formation du jugement. Ses conclusion sont publiées et éclairent toujours les sens des arrêts de la Cour. La Cour constitue en son sein des chambres de 3 à 5 membres, il existe aussi la Grande Chambre qui est une formation solennelle composée de 11 membres, présidée par le président de la Cour de justice et à laquelle participe les présidents des différentes chambres. La Grande Chambre siège lorsqu’un état membre, une institution européenne partie à l’instance, le demande. La Cour de justice peut aussi siéger en assemblée plénière formée par touts les juges pour se prononcer sur la démission d’un commissaire s’il a manqué à ses devoirs d’indépendance, d’impartialité, … sur la démission du médiateur de l’UE, ou encore si la Cour estime qu’une affaire revêt une importance exceptionnelle. La langue de travail de la Cour est le Français, le délibéré a toujours lieu en Français. C’est le président de la Cour qui réparti les dossiers entre les juges et qui choisi le juge rapporteur qui va instruire le dossier. L’avocat général, en même temps va élaborer ses conclusions sur l’affaire. 6 mois après suit l’arrêt de la Cour.

Fonctions:

Consultative → le Cour peut être consultée par le Conseil, la commission ou un état membre sur la compatibilité avec les traités, d’un accord extérieur, d’un traité international, dont la conclusion est envisagée par l’UE. Si la Cour de justice estime que l’accord extérieur n’est pas compatible avec le traité, il faut une révision préalable des traités pour que ce traité soit conclu.

Contentieuse → le traité de Lisbonne a renforcée la compétence juridictionnelle de la Cour, cette compétence concerne aujourd’hui toutes les matières ouvertes par l’action de l’UE. Cette compétence est limitée: elle ne s’exerce pas aux matières de politique étrangère et de sécurité commune sauf pour les recours concernant le contrôle de la légalité des mesures restrictives adoptées par le Conseil à l’encontre des personnes physiques ou morales.

B – Le tribunal

Un des juges du tribunal peut être désigné pour faire fonction d’avocat général si cela est nécessaire dans une affaire particulière. Dans cette hypothèse, le juge qui fait fonction d’avocat général ne prend pas part aux délibérés. Le tribunal est divisé en chambres de 3 ou de 5 juges, certaines affaires qui ne présentent pas de difficultés particulières peuvent être décidées par la formation d’un juge unique. En revanche, pour les affaires très importantes, le tribunal peut siéger en grande chambre.

Sa compétence est exclusivement contentieuse. En l’état actuel du droit, le tribunal est compétent pour connaître 3 catégories de recours:

  • les recours en annulation et en carence introduit par les personne physiques et morales
  • les recours en réparation formées par les personnes physiques ou morales pour des dommages causés par l’activité des institutions de l’UE
  • les recours intentés sur la base de clauses contenues dans un contrat conclus par l’UE

Le tribunal dans ces 3 hypothèses statut en première instance, un pourvoi peut être formé devant la Cour de justice dans un délai de 2 mois. Le pourvoi est limité aux questions de droit, l’appréciation des faits est exclue. Le tribunal est aussi compétent pour statuer sur le recours formé contre les décisions du tribunal de la fonction publique européenne. Dans cette hypothèse, le tribunal statut en appel. Un réexamen de l’arrêt du tribunal est possible devant la Cour de justice, c’est le premier avocat général près la Cour de justice qui propose le réexamen s’il estime que la décision du tribunal est susceptible d’affecter l’unité ou la cohérence du droit de l’Union. En l’état actuel du droit, le Tribunal n’est pas compétent pour recevoir des questions préjudicielles par les juridictions nationales, seule la Cour de justice est compétente à cet égard.

C – Le tribunal de la fonction publique européenne

Composition

7 juges nommés pour 6 ans par le Conseil après avis du comité des 7 personnalités.

Compétence

Il est compétent pour statuer sur l’ensemble des litiges entre l’Union et ses fonctionnaires. Ses décisions peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’UE.

  • 2 – Les voies de droit

A – Le recours direct

1 – Le recours en constatation du manquement étatique

La Cour de justice contrôle les états par une procédure typique du contentieux communautaire qui est la procédure de constatation de manquement étatique (arts. 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l’UE). C’est une voie de droit originale parce qu’il n’existe pas d’équivalent sur la scène internationale. Il eut être exercé soit par le Commission européenne soit par un état membre. Cependant, il est rare que les états utilisent cette procédure car ils redoutent s les conséquences politiques de l’ouverture d’un contentieux devant la Cour de justice. (Exemple: Arrêt du 12 septembre 2006 Espagne vs Royaume-Uni qui concernait le droit de vote aux élections européennes des résidents au Gibraltar).

Les particuliers ne peuvent pas exercer ce recours mais ils peuvent informer la Cour des infractions commises par un état. En effet toute personne physique ou morale peut déposer une plainte à la Commission pour dénoncer la violation du droit de l’Union par un état membre. La Commission décidera de façon collégiale et discrétionnaire d’engager ou non une procédure de manquement.

Cette procédure est composée d’une phase précontentieuse et d’une phase contentieuse:

  • la phase précontentieuse: la Commission européenne adresse à l’état membre une mise en demeure d’agir dans un délai raisonnable (fixé par la Commission elle même). Si l’état ne fait rien, la Commission lui adresse un avis motivé, cet avis précise ce qui est reproché à l’état et les mesures que l’état doit prendre pour mettre fin au manquement. Cet avis est important car, par la suite, la Commission ne peut introduire dans sa requête que des moyens qui figuraient dans l’avis motivé. Tout au long de la procédure, la Commission conserve le pouvoir de mettre fin à l’action de manquement qu’elle a engagée. Si l’état ne s’est pas plié à ses obligations, la Commission peut saisir la Cour de justice.
  • la phase contentieuse: une procédure contradictoire se déroule devant la Cour. La charge de la preuve pèse sur la Commission. Le manquement peut constituer en une action positive ou en une omission de l’état, il peut résulter d’un acte juridique mais aussi d’une pratique administrative. Le manquement est imputé à l’état quelque soit l’organe étatique en cause. La constatation de manquement à un simple effet déclaratoire, il n’existe pas en droit de l’Union des mécanismes d’exécution forcée contre les états. Il appartient aux autorités nationales de tirer les conséquences et de prendre toutes mesures nécessaires pour mettre fin au manquement.

Il y a avait un problème d’exécution des arrêts constatant les manquements. Pour y remédier, le traité de Maastricht a introduit une nouvelle procédure (article 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union). Si l’état ne respecte pas l’arrêt de constatation de manquement, ma Commission peut saisir la Cour une deuxième fois et lui demander de condamner l’état à payer le montant d’un paiement forfaitaire ou une astreinte. C’est la procédure dite de manquement sur manquement qui donne à la Cour de justice la possibilité de prononcer les deux types de sanctions financières. La première application de cette procédure a été faite contre la Grèce par un arrêt du 4 juillet 2000: non respect d’un règlement relatif à la protection de l’environnement. Puis Espagne qui ne respectait pas des normes européennes de qualité de l’eau dans des zones de baignade. La France en 2006, par un arrêt du 16 mars: non respect de la réglementation communautaire de la pêche de poissons sous une certaine taille (double sanction pécuniaire pour la première fois). Le traité de Lisbonne a introduit deux nouveaux aspects du mécanisme: d’une part, il accélère la procédure de saisine de la Cour puisqu’il supprime, pour la procédure de manquement sur manquement, la phase de l’avis motivé. D’autre part, si le manquement étatique est constitué par l’absence de transposition d’une directive, la Cour de justice peut prononcer des sanctions financières à l’encontre de l’état dès la première condamnation en manquement. Par le recours en constatation de manquement, la Cour de justice contrôle les états. Mais dans le système juridictionnel de l’UE, ce sont aussi les institutions de l’Union qui font l’objet d’un contrôle, notamment par le biais du recours en annulation.

2 – Le recours en annulation

Il est prévu par l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’UE, c’est un instrument de contrôle de la légalité des actes adoptés par les institutions de l’Union. Ce recours a été créé sur le modèle français du recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. Selon la Cour, ce recours en annulation est ouvert à l’égard de tous les actes pris par les institutions qui visent à produire des effets de droit. La légalité de l’acte est examinée par rapport aux dispositions du droit primaire, dans un arrêt du 23 avril 1986, les Verts vs Parlement européen, la Cour a qualifié le traité de Charte constitutionnelle d’une communauté de droit. Ensuite, elle vérifie la légalité de l’acte par rapport aux dispositions des traités conclus par l’Union et enfin, par rapport aux PGD du droit communautaire.

Il existe d’une part les requérants dits privilégiés, ce sont les requérants qui n’ont pas à justifier de leur intérêt pour agir. A l’origine le requérant privilégié était le Conseil de l’Union, la Commission européenne et les états membres. Le Parlement européen n’était pas mentionné par le traité de Rome dans les institutions susceptibles de formuler un recours en annulation. C’est la Cour de justice qui a reconnu ce pouvoir au Parlement européen dans un arrêt du 22 mai 1990, Parlement vs Conseil. Dans cet arrêt, la Cour de justice a admis pour la première fois la recevabilité d’un recours en annulation introduit par le Parlement européen dans le cas où ce recours vise à sauvegarder les prérogatives du Parlement européen. Cette Jurisprudence a été consacrée par le traité de Maastricht et par le traité de Nice qui a placé le Parlement européen au range de requérant privilégié au même titre que les autres. On trouve ensuite les requérants semi-privilégiés: la Cour des comptes et la BCE, qui peuvent exercer un recours en annulation uniquement pour sauvegarder leurs prérogatives institutionnelles. Enfin, on trouve la catégorie des requérants dits ordinaires, il s’agit des particuliers, c’est à dire des personne physiques ou morales. La recevabilité de leur recours est soumise à des conditions assez strictes, ils sont jugés par le tribunal de l’Union mais la possibilité d’un pourvoi est envisageable devant la Cour de justice. Selon la lettre du traité, toute personne physique ou morale peut formuler un recours contre les décisions dont elle est le destinataire ou contre les décisions qui « bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressé à une autre personne, la concerne directement et individuellement». C’est l’intérêt individuel tel que défini par la Jurisprudence qui est difficile à démontrer. L’arrêt fondateur en la matière est « l’arrêt Plaumann de la Cour de justice du 15 juillet 1963″. Selon cet arrêt, les particuliers sont individuellement concernés par un acte s’ils sont affectés en raison de certaines qualités qui leurs sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire d’une décision. Cette interprétation est très restrictive, c’est pour cette raison que le tribunal de l’Union a prôné une interprétation plus souple, plus favorable aux particuliers dans sa « décision du 3 mai 2002, Jégo-Quéré ». De son côté, la Cour de justice a rejeté tout assouplissement en la matière, estimant qu’une telle démarche incomberait aux auteurs du traités: arrêt UPA du 25 juillet 2002. Le traité de Lisbonne répond en partie à l’appel de la Cour de justice, il étend la possibilité pour les particuliers d’exercer un recours en annulation aux actes règlementaires qui concerne les particuliers directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

Les moyens d’annulation sont aussi énoncés par le traité: l’incompétence de l’auteur de l’acte, la violation de forme substantielle, le détournement de pouvoir, la violation du traité ou de toute autres règles de droit relatives à son application. Si la Cour de justice retient un de ces moyens, elle annule rétroactivement, cependant, elle a la possibilité de moduler dans le temps les effets de l’annulation.

3 – le recours en carence

Article 265 du traité sur le fonctionnement de l’Union. Il a pour finalité de faire constater les abstentions illégales des institutions de l’Union, c’est un moyen de contrôler l’inaction des institutions européennes. Il est peu utilisé dans la pratique.

Les requérants sont les états membres, les institutions de l’Union mais aussi les personnes physiques et morales mais uniquement si une institution européenne a manqué d’adresser aux particuliers un acte susceptible de créer des effets de droit qui concernent les particuliers directement et individuellement.

4 – le recours en réparation

Article 268 du traité sur le fonctionnement de l’Union. En vertu de cet art., l’UE doit réparer les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. Conditions d’engagement: les mêmes que celles définies par la Cours pour la responsabilité extra contractuelle des états pour violation du droit de l’Union (violation par une institution de l’Union ou par un de ses agents d’un règle de droit qui confère des droits aux particuliers, cette violation doit être suffisamment caractérisée, il faut un lien de causalité entre la violation et le dommage subit par le particulier). L’alignement du régime de responsabilité de la Communauté sur celui des états membres pour la violation du droit de l’Union a été réalisé par « l’arrêt Bergaderm du 4 juillet 2000 » de la Cour de justice. A la différence du droit français et espagnol, le droit de l’UE ne connait pas la responsabilité sans faute.

B – Le renvoi préjudiciel

Article 267 du traité sur le fonctionnement de l’UE. Cette procédure est un système de coopération, c’est un lien de communication organique entre la Cour et les juridictions nationales mise en place par le traité de Rome. Le fonctionnement du mécanisme de renvoi préjudiciel repose sur la prémisse que le droit de l’UE est partie intégrante du droit national des états. La Cour de justice doit assister les juges nationaux qui sont les juges de droit commun du droit de l’Union dans leur mission d’interprétation et d’application de ce droit. A travers ce mécanisme, la Cour de justice assure une fonction régulatrice de l’ensemble du système juridictionnel. La procédure de renvoi préjudiciel permet aux juges nationaux d’adresser à la Cour de justice une question concernant l’interprétation du droit primaire ou du droit dérivé. Cette procédure a rencontré un grand succès en pratique, elle a permis au particuliers parties à des procès devant les juridictions nationales, de faire porter devant la Cour de justice, certaines questions essentielles concernant l’interprétation du droit de l’Union. C’est dans le cadre de ce mécanisme que ces particuliers et les juges nationaux sont devenus des acteurs à part entière du système communautaire. La Cour de justice a donc pu fournir des interprétations créatives de droit et assurer l’application uniforme de ce droit. Il a permis également d’assurer la pénétration du droit communautaire dans les droits nationaux des états membres.

=> Triple fonction: instrument puissant de protection des justiciables, garantie de l’uniformité de l’application du droit de l’Union et il a contribué à la création d’un véritable réseau juridictionnel en Europe.

Les juridictions nationales ont la possibilité de soumettre à la Cour de justice, pendant toute la durée du procès interne, des questions qui portent soit sur la validité de l’acte de droit dérivé en cause dans le litige principal, soit sur l’interprétation du droit primaire ou du droit dérivé. Le juge national doit estimer que la réponse apportée à sa question est nécessaire à la solution du litige. La faculté de saisir la Cour de justice existe pour toute juridiction nationale. Ce sont souvent les questions préjudicielles soumises par des juges de première instance qui ont donné lieu à des grands arrêts de la Cour de justice. Cependant, il existe aussi en vertu du traité, une obligation de renvoi pour les juridictions nationales qui statuent en dernier ressort: lorsqu’une question d’interprétation ou d’appréciation de validité est soulevé dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Les juridictions nationales concernées par cette obligation de renvoi sont les juridictions suprêmes des états membres. Par ce biais, les auteurs du traité ont entendu éviter que ne se cristallise au niveau national des interprétations qui remettraient en cause l’unité du droit de l’Union. La mise en œuvre de cette obligation a rencontré quelques difficultés car certaines juridictions suprêmes nationales (dont le CE français) ont fait une utilisation abusive de la notion d’acte clair pour échapper à l’obligation de renvoi préjudiciel. Cette attitude est aujourd’hui révolue. La Cour de justice elle même a rendu un arrêt important concernant la théorie de ‘acte clair: « arrêt Cilfit de 1982 », selon cet arrêt, il appartient au juge national, y compris lorsqu’il statut en dernier ressort, d’apprécier la pertinence et la nécessité d’une question préjudicielle, selon la Cour le renvoi est inutile si l’application correcte du droit communautaire s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. Selon la lettre du traité, en dehors du cas où la juridiction nationale statut en dernier ressort, le renvoi est facultatif qu’il s’agisse de questions d’interprétation ou de validité mais la Cour de justice a interprété comme lui donnant compétence exclusive pour prononcer la nullité d’un acte de droit dérivé. Cette solution est justifiée par le souci de la Cour de justice de préserver l’unité de l’ordre juridique communautaire. Si la juridiction nationale estime que le moyen d’invalidité de l’acte communautaire n’est pas fondé, il peut seul rejeter le moyen. Mais si le juge national a des doutes quant à la validité de l’ace communautaire en cause, il doit renvoyer à la Cour de justice. Seule la Cour de justice a le pouvoir de déclarer l’invalidité de l’acte: « arrêt Foto-frost 22 octobre 1987 ». L’interprétation donnée par la Cour de justice dans le cadre du renvoi préjudiciel à, en principe, un effet rétroactif. Mais parfois, dans des cas exceptionnels, dans un souci de sécurité juridique et afin de ne pas menacer la stabilité des relations établies de bonne fois, la Cour de justice peut décider, explicitement, de délimiter dans le temps la portée de son interprétation du droit de l’Union. La Cour de justice n’est pas compétente dans le cadre du renvoi préjudiciel pour se prononcer sur la légalité d’un acte national, elle ne peut pas déclarer inapplicable un acte national, elle ne peut pas annuler un acte national, elle peut simplement donner l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union. Mais, très souvent en donnant cette interprétation, la Cour affirme qu’un acte de droit national est contraire au droit de l’Union. Le juge national, qui a saisit la Cour justice, est lié par l’interprétation donnée par la Cour. Dans certaines affaires qui présentent un caractère d’urgence extraordinaire, les juges nationaux peuvent demander l’application d’une procédure de renvoi préjudiciel accélérée, c’est le président de la Cour de justice qui décide s’il y a lieu ou non de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure accélérée

  • 3 – La jurisprudence

La Cour participe à l’interprétation du droit de l’Union mais aussi à sa création. La Jurisprudence de la Cour, très constructive, à une fonction normative, elle est créatrice de droit. Les deux arrêts fondateurs de l’ordre juridique communautaire sont l’arrêt Van Gend en Loos qui a posé le principe de l’effet direct et l’arrêt Costa vs ENEL du 15 juillet 1964 qui a posé le principe de primauté du droit de l’Union. Il faut aussi citer la construction prétorienne relative à la protection des droits fondamentaux dans l’UE, c’est l’exemple le plus important de l’interprétation constructive de la Jurisprudence de la Cour. C’est par le biais des PGD du droit communautaire que la Cour de justice a réussi à protéger les droits fondamentaux au sein de l’Union.

Les constitutions nationales comportent le plus souvent une liste de droits qui doivent être respectés par les pouvoirs publics. En revanche, le traité de Rome ne comporte pas d’énumération de droits, il ne comporte pas non plus de référence à d’autres textes internationaux relatifs à la garantie des droits. C’est absence est due au fait que les auteurs du traité pensaient qu’une référence aux droits fondamentaux n’était pas nécessaire car le traité de Rome avait une nature essentiellement économique. Or, très rapidement il est apparu que certaines mesures communautaires étaient susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux. Les juridictions nationales et notamment les juridictions allemandes et italiennes se sont montrées très sensibles à cette question, estimant parfois que les droits fondamentaux n’étaient pas suffisamment garantis dans l’ordre juridique communautaire. Ces réserves émises par les juridictions nationales constituaient un obstacle à l’application uniforme du droit de l’Union. Pour assurer la primauté effective du droit de l’Union, la Cour de justice a été amenée à affirmer que les droits fondamentaux font partis intégrante des PGD dont la Cour de justice assure le respect. « 17 décembre 1970, Internationale Handelgesellschaft », dans cet arrêt, la Cour ajoute que la sauvegarde des droits fondamentaux doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de la communauté. Pour formuler les PGD par le biais desquels sont protégés les droits fondamentaux, la Cour s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux états membres. Dans un « arrêt Nold du 14 mai 1974 », la Cour énonce sa deuxième source d’inspiration, ce sont les instruments internationaux relatifs à la protection des Droits de l’Homme auxquels les états membres ont adhéré. La Cour attend que la France ratifie la Convention EDH en 1974 pour faire une première référence explicite à cette Convention dans « l’arrêt du 28 octobre 1975, Rutili ». Cette Jurisprudence de la Cour de justice concernant la protection des Droits de l’Homme n’a pas empêchée la Cour constitutionnelle allemande à rendre un arrêt, celui du « 29 mai 1974 Solange », dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle allemande affirme, qu’aussi longtemps que la communauté européenne n’a pas adopté un catalogue codifié de droits fondamentaux, elle est compétente pour contrôler la conformité des actes du droit dérivé (adoptés par les institutions de l’Union) par rapport aux droits fondamentaux garantis par la Constitution allemande. Pour répondre à cette réserve de la Cour constitutionnelle allemande la Cour de justice a multiplié, dans sa Jurisprudence, les références relatives à la protection des droits fondamentaux, par le biais des PGD et notamment les références explicites à la Convention EDH.

Cette Jurisprudence de la Cour a entrainé des conséquences importantes:

  • la position des juridictions nationales et notamment de la Cour constitutionnelle allemande. Cette dernière a levé les réticences qu’elle avait exprimé dans son arrêt de 1974 par un arrêt du 22 octobre 1986, Solange II. Cet arrêt est souvent présenté comme un traité de paix entre la Cour constitutionnelle allemande et la Cour de justice, il reconnaît que le droit communautaire apporte des garanties suffisantes de respect des Droits de l’Homme. Selon la Cour constitutionnelle allemande, tant que la Cour communautaire apporte une garantie suffisante au respect des DH, elle ne va pas contrôler la conformité du droit dérivé par rapport à la loi fondamentale allemande.
  • le constituant européen a été amené à énoncer le principe de la protection des droits fondamentaux au niveau des traités. C’est la Jurisprudence de la Cour de justice qui a été constitutionnalisée par le traité de Maastricht. L’article 6 du traité sur l’UE codifie la formule la Jurisprudence selon laquelle l’Union respecte les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la Convention EDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux états membres en tant que PGD
  • s’est posée la question de l’adhésion de la communauté et de l’UE à la Convention EDH. Cette question était posée notamment parce que les compétences de la communauté et de l’Union étaient élargies depuis le traité de Maastricht. Le Conseil de l’Union a donc demandé à la Cour de justice dans le cadre de sa fonction consultative si la communauté européenne pouvait ou non adhérer à la Convention EDH. A cette occasion, la Cour de justice a rendu l’avis du 28 mars 1996, elle a répondu que l’adhésion à la Convention EDH ne serait pas possible sans une révision préalable du traité. C’est finalement le traité de Lisbonne qui prévoit l’adhésion de l’UE à la Convention EDH. Des négociations sont en cours pour préciser les modalités d’adhésion à la Convention, en parti pour préserver les caractères spécifiques du droit de l’Union et les modalités de détermination de quel organe émane la violation des DH
  • l’adoption d’une Charte des droits fondamentaux de l’UE. C’est le Conseil européen de Cologne de 1999 qui a réuni une Convention, c’est à dire un organe composé de représentants des exécutifs et des Parlements nationaux, de représentants du Parlement européen et de la Commission européenne. Cette Convention a élaboré la Charte qui regroupe des droits civils, politiques, sociaux, économiques mais aussi des droits à la non discrimination. Ces droits sont regroupés autour de 6 valeurs: la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la citoyenneté et la justice. La Charte des droits fondamentaux a été, dans un premier temps, proclamée par le Conseil de l’Union, la Commission et le PE lors du sommet de Nice en décembre 2000. C’est le traité de Lisbonne qui reconnaît à la Charte la même valeur juridique que les traités, c’est à dire une valeur de droit primaire. La Charte fait donc désormais partie du bloc de la constitutionnalité de l’UE
  • position particulière de la Cour à l’égard du droit national, exprimée dans un arrêt de principe de Grande Chambre du 3 septembre 2008, Kadi. Dans cette affaire, la Cour devait se prononcer sur des règlements communautaires qui mettaient en œuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des NU dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international. Ces résolutions imposaient des sanctions dites intelligentes à savoir le gel des fonds et des avoirs des particuliers ou des entités soupçonnées d’avoir des liens avec des groupes terroristes. L’application d’un règlement communautaire avait conduit aux gels des avoir de M. Kadi. Celui ci a contesté le règlement communautaire devant le tribunal de première instance, il estimait que le règlement communautaire ne respectait pas son droit à une protection juridictionnelle effective et le droit de propriété. La décision du tribunal de première instance qui rejetait le recours de M. Kadi a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice, ce pourvoi a conduit à l’arrêt du 3 septembre 2008. Dans cet arrêt, la Cour de justice indique que l’obligation de respecter les droits fondamentaux fait partie des principes constitutionnels du traité. Selon la Cour, le respect des droits fondamentaux est un élément essentiel de la légalité communautaire, tous les actes adoptés par les institutions y compris ceux qui mettent en œuvre le droit international, doivent respecter les droits fondamentaux. La cour estime que le règlement communautaire mis en cause par M. Kadi était effectivement contraire aux droits fondamentaux, par faute d’information concernant l’imposition des sanctions. Les personnes concernées ne pouvaient pas exercer de manière efficace leur droit à la défense. Quant au contrôle juridictionnel de ces décisions, il devenait, faute d’information, impossible. La Cour de justice annule règlement communautaire car il était contraire aux droits fondamentaux, cela a comme conséquence de remettre en cause l’effectivité des résolutions du Conseil de sécurité des NU et donc de la primauté du droit international. La Cour de justice proclame en effet la primauté des principes constitutionnels de l’Union sur toute autre norme quel que soit son origine

Chapitre III – L’action de l’Union européenne

Section I – Les moyens d’action de l’Union

  • 1 – La définition des compétences de l’Union

Les compétences de l’Union sont définies selon le principe de spécialité (principe de compétence d’attribution) On retrouve ce principe dans le droit des organisations internationales en général, en vertu de ce principe l’UE ne dispose que des compétences qui lui sont attribuées par les traités. C’est ici que se situe la différence majeure entre l’UE et les états, les états disposent d’une compétence générale. Les compétences de l’Union n’ont cessé de s’accroitre au fil des révisions successives. Aujourd’hui, l’UE est une organisation internationale d’un type particulier caractérise par l’étendue très importante de ses compétences. Pourtant, avant le traité de Lisbonne, il n’existait pas dans le traité une liste des compétences de l’Union. Le traité de Lisbonne établit pour la première fois une typologie de compétences. Il s’agit d’une clarification et d’une codification des compétences qui existaient déjà.

A – Les compétences exclusives de l’Union

Article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union. Dans ce cas, les états membres sont dépossédés de leurs compétences, c’est l’UE qui est seule compétente en la matière et qui peut donc adopter des actes juridiques contraignants.

  • l’union douanière
  • la politique commerciale commune
  • l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur
  • la politique monétaire pour les états membres qui ont adoptés l’€

B – Les compétences partagées ou compétences concurrentes

Article 4 du traité sur le fonctionnement de l’Union. Il s’agit de compétences partages entre l’Union et les états membres. Ces derniers peuvent exercer leurs compétences dans la mesure où l’UE n’a pas exercé la sienne (principe de préemption)

  • le marché intérieur
  • la politique sociale
  • l’environnement
  • la protection des consommateurs
  • l’agriculture
  • les transports
  • l’énergie
  • l’espace de liberté, de sécurité et de justice

C – Les compétences de coordination

Article 5 du traité sur le fonctionnement de l’Union. Dans cette hypothèse qui concerne les politiques économiques, les politiques de l’emploi et les politiques sociales des états membres, les états membres restent titulaires de la compétence de principe. Il y a une coordination au niveau européen qui implique l’élaboration par les institutions européennes de lignes directrices qui doivent être mises en œuvre au niveau national.

D – Les compétences d’appui et de complément

Article 6 du fonctionnement de l’Union. Les états maintiennent leurs compétences, l’UE intervient simplement pour offrir un appui à l’action étatique. C’est le cas par exemple en matière de culture, de tourisme, d’industrie, d’éducation et de formation professionnelle, de sport, ….

Le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune inclus la définition progressive d’une politique de défense commune, elle ne s’inscrit pas dans le schéma classique de répartition de compétence en raison de la sensibilité de la matière lié à la question de la souveraineté et en raison de son caractère qui reste intergouvernementale.

Deux moyens d’extension des compétences de l’Union:

  • la clause de flexibilité qui existe depuis l’origine de la construction européenne et que l’on retrouve aujourd’hui à l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’UE. En vertu de cette clause, si une action de l’Union est nécessaire pour réaliser un objectif de l’Union et même si le traité n’a pas prévu les pouvoirs d’action requis à cette fin, il est possible pour le Conseil statuant à l’unanimité de prendre les dispositions nécessaires. Cette clause a été utilisée plusieurs fois avant l’acte unique européen et le traité de Maastricht. Désormais, son utilisation est plus limitée.
  • la théorie des compétences implicites mise en œuvre dans l’arrêt du 31 mars 1971, Commission c/ Conseil. La question était de savoir si la communauté pouvait ou non conclure des accords internationaux dans le domaine des transports, domaines pour lequel le traité ne prévoyait pas explicitement la compétence extérieure. La Cour a répondu positivement en appliquant le principe de compétence implicite (principe de parallélisme des compétences). La cour a estimé que la compétence externe (conclure un traité) était le prolongement nécessaire d’une compétence interne énoncée par le traité, elle pouvait être exercée si une action internationale de la communauté était nécessaire

  • 2 – L’exercice des compétences de l’Union

Les deux principes qui régissent l’exercice des compétences de l’Union sont le principe de subsidiarité et celui de proportionnalité introduits par le traité de Maastricht au moment où les états membres ont commencé à redouter une extension excessive de l’action normative européenne.

Le principe de subsidiarité exprime un souci légitime de répartition raisonnable entre le niveau national et le niveau européen dans le champ de compétences qui ne sont pas exclusives. Ce principe de subsidiarité est un principe de répartition des compétences qui caractérisent les structures de type fédéral et notamment le droit allemand. Le principe de subsidiarité est énoncé par l’article 5 al. 3 du traité sur l’Union, selon ce principe, l’Union intervient si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les états membres et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée peuvent être mieux réalisé au niveau européen. Il y a donc deux critères cumulatifs relatifs à l’application de ce principe:

  • un critère négatif: l’insuffisance de l’action au niveau étatique
  • un critère positif: l’amélioration qualitative résultant de l’intervention européenne

Un protocole annexé au traité prévoit le contrôle du respect du principe de subsidiarité, il y a deux types de contrôle:

  • un contrôle politique: exercé par les Parlements nationaux qui sont érigés en gardiens vigilants du principe de subsidiarité par la mise en place d’un mécanisme spécial, mécanisme d’alerte précoce. Selon ce mécanisme, les Parlements nationaux doivent être informés de toute proposition législative de la Commission. Si un certain nombre de Parlements nationaux contestent le bien fondé de la proposition, la Commission devra réexaminer sa proposition. Elle reste cependant libre de maintenir ou de modifier sa proposition. Si elle la maintient, et si l’acte est finalement adopté, si les Parlements nationaux ont encore des doutes sur le respect du principe, ils ont la possibilité de saisir la Cour de justice
  • un contrôle juridictionnel

Le principe de proportionnalité qui est énoncé par l’article 5 al. 4 du traité sur l’UE. En vertu de ce principe, l’UE ne doit pas aller au delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs énoncés par le traité. C’est la Cour de justice qui assure le contrôle juridictionnel du respect de ce principe.

L’exercice des compétences peu avoir lieu d’une façon différenciée concernant les différents états sur le mode de coopération renforcée. Ce mécanisme a été introduit pour la première fois par le traité d’Amsterdam et le traité de Lisbonne a assouplit les conditions de son régime. Si un groupe d’états souhaite de l’avant et avancer plus vite que les autres états dans un domaine particulier, il pourra le faire. Il doit s’agir, depuis le traité de Lisbonne d’un groupe qui comporte au moins 9 états membres. Les autres états membres ont la possibilité de rejoindre ultérieurement le groupe s’ils le souhaitent. Ce mécanisme n’a pas encore été utilisé mais il est certain que dans une UE qui compte aujourd’hui 27 états membres ce mécanisme qui confère une certaine flexibilité au système européen sera appliqué.

Section II – Les réalisations de l’Union

  • 1 – Le marché intérieur

L’objectif central du traité de Rome de 1957 était la réalisation d’un marché commun. C’est la Cour de justice qui a donné pour la première fois une définition du marché commun dans un arrêt du 5 mai 1982, Schul. Selon la Cour, le marché commun vise à l’élimination de toutes les entraves aux échanges intracommunautaires en vue de la fusion des marchés nationaux dans un marché unique réalisant des conditions aussi proches que possible de celles d’un véritable marché intérieur. Après cet arrêt de la Cour de justice, c’est l’acte unique européen de 1986 qui insère une disposition concernant le marché commun (il devient marché intérieur).

On le retrouve aujourd’hui à l’article 26 du traité sur le fonctionnement de l’Union, selon cet art., le marché unique comporte un espace sans frontière intérieure dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités.

Le marché commun est plus qu’une zone de libre échange (espace dans lequel les obstacles et échanges commerciaux sont abolis) puisque c’est une union douanière. Il y a en effet une frontière douanière commune à l’extérieur de l’Union, celle ci adopte donc un tarif douanier unique à l’égard des états tiers extérieurs.

Le marché commun est plus qu’une union douanière car il y a aussi une libre circulation des produits et des facteurs de production à l’intérieur de l’espace concerné par ce marché. Cela concerne également les travailleurs salariés et indépendant et les services.

Dans le marché commun il faut combattre tout ce qui ressemble à un cloisonnement de marchés nationaux. L’intégration prend donc deux formes essentielles:

  • l’intégration positive qui est l’adoption, par les institutions européennes, de règles communes qui visent l’harmonisation et la coordination des législations et des réglementations nationales. Cette intégration rencontre souvent des difficultés car il est compliqué de réunir le consensus des états membres pour arriver à l’adoption de mesures d’harmonisation ou de coordination. C’est pour cette raison que l’intégration européenne a pris la deuxième forme
  • l’intégration négative qui est l’élimination de tout obstacle, de toute entrave aux échanges par l’application des dispositions du traité énonçant la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux. Cette forme d’intégration a été assumée par la Cour de justice qui a reconnue très tôt que les dispositions du traité énonçant les libertés de circulation étaient dotées de l’effet direct (les particuliers et notamment les opérateurs économiques pouvaient invoquer ces dispositions devant les autorités nationales et notamment devant les juridictions). Les juridictions nationales ont souvent saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle concernant l’interprétation des libertés et la Cour de justice a le plus souvent donné l’interprétation la plus large possible. L’intégration négative doit éliminer toute entrave aux échanges, la Cour a définit l’entrave comme toute mesure susceptible d’empêcher la libre circulation. Cette intégration bénéficie d’une Grande élasticité et permet de condamner non seulement les mesures discriminatoires (les mesures qui opèrent une discrimination à l’encontre des produits de services ou de travailleurs non nationaux) mais aussi les mesures dites indistinctement applicables qui conduisent dans les faits à défavoriser les produits, les services et les travailleurs non nationaux. Exemple: arrêt Caixa Bank de 2004 (la loi française interdisait la rémunération des comptes à vue. L’Espagne pratiquait cette rémunération et notamment Caixa Bank qui voulait appliquer la même chose en France. Elle contestait donc la réglementation française interdisant la rémunération des comptes à vue en vertu de la liberté d’établissement. Or, la loi française n’opérait pas de discrimination puisque l’interdiction concernait aussi bien les banques françaises que les banques étrangères. Mais la Cour de justice a estimé que si une banque étrangère voulait s’établir en France et avoir une possibilité de récupérer une part du marché, elle devrait pouvoir pratiquer la réglementation des comptes à vue, l’interdiction française a donc été condamnée comme une entrave à la liberté d’établissement)

  • 2 – Les politiques communes

Il s’agit de politiques qui sont plus développées que d’autres, et notamment la politique de concurrence et la politique commerciale commune qui constituent les deux prolongements naturels de la construction du marché commun. On peut également mentionner la PAC dont le développement a été une priorité pour la France. Il y a aussi la politique monétaire commune pour les états qui ont adoptés l’€. Mais cette politique monétaire n’est pas accompagnée d’un véritable gouvernement économique au niveau de l’Union. La politique économique et budgétaire reste une compétence nationale. Il y a donc un certain équilibre qui est en parti à l’origine de la crise de certains pays (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne). Leurs problèmes sont dus à la gestion intérieure économique et budgétaire qui affecte l’ensemble des états appartenant à l’Union monétaire.

  • 3 – La citoyenneté de l’Union

La citoyenneté de l’Union a été introduite par le traité de Maastricht pour donner un supplément de légitimité à la construction européenne. En vertu de l’article 20 du traité sur le fonctionnement de l’Union, est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un état membre. Les ressortissants des états membres sont donc automatiquement des citoyens de l’UE. Les états membres demeurent exclusivement compétents pour décider des conditions de l’attribution mai aussi de la perte de leur nationalité. Il existe aujourd’hui plusieurs systèmes différents d’attribution de nationalité. Dans un état, la citoyenneté est pour l’essentiel de droits politiques entre les gouvernants et les gouvernés. La citoyenneté de l’Union telle que décrite par le traité est un statut juridique c’est à dire un ensemble de droits et de devoirs, le traité ne mentionne que les droits.

  • droits politiques:
  • le droit, pour les citoyens de l’Union qui résident dans un état membre, autre que celui de l’état de sa nationalité, de participait aux élections municipales et européennes. En France, la reconnaissance du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales a nécessité la révision de la Constitution: les ressortissants communautaires peuvent désormais participer aux élections municipales mais ne peuvent être maire
  • toute personne qui réside sur le territoire des états a le droit de présenter une pétition au Parlement européen sur un sujet qui relève de domaines d’activités de l’Union, le droit de s’adresser au médiateur européen désigné par le Parlement européen pour lui signaler tout incident de mauvaise administration dans l’action des institutions et des organes de l’UE, le droit d’écrire à tout institution et à tout organe de l’UE dans l’une des 25 langues de l’Union et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue
  • tout citoyen de l’Union a le droit à la protection, de la part des autorités diplomatiques et consulaires des états membres sur le territoire d’un pays tiers où l’état membre de sa nationalité n’est pas représenté
  • le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des états membres. La Cour de justice a reconnu en 2002 le fait direct de la disposition du traité qui énonce la liberté de circulation et qui concerne non seulement les citoyens économiquement actifs mais aussi les citoyens dits économiquement inactifs (étudiants, retraités, demandeurs d’emploi).

Jurisprudence abondantes sur ces droits. Ces droits ont été codifiés et précisés par la directive du 29 avril 2004 relative au droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille… Ce droit de séjour est accompagné du droit, pour les citoyens européens, d’être traités sur un pied d’égalité avec les nationaux de l’état d’accueil. La Cour de justice a rattaché le principe de non discrimination du fait de la nationalité au statut de citoyen européen dans l’arrêt du 12 mai 1998, Martinez Sala, cette Jurisprudence a ouvert l’accès, pour l’ensemble des citoyens européens, aux prestations sociales disponibles dans l’état d’accueil

=> amorce d’une citoyenneté européenne sociale, vecteur d’une intégration européenne qui va au delà de l’économique pour embrasser la sphère sociale.