Le libre échange du commerce international (Smith, Ricardo…)

LES FONDEMENTS THÉORIQUES DU COMMERCE INTERNATIONAL:

Rappel historique : le développement de la Grande Bretagne au 18ème et 19ème siècles a conduit très tôt ce pays à souhaiter l’ouverture commerciale de ses frontières. Par conséquent, les premiers théoriciens du “libre échange” sont anglais. Il s’agit principalement d’Adam SMITH et David RICARDO. Ces doctrines seront précisées ultérieurement, mais elles restent encore aujourd’hui la référence en matière d’échange international (les théories récentes sont bâties par rapport aux théories de SMITH et RICARDO).

1 – La théorie de spécialisation d’Adam SMITH:

L’auteur:c’est le fondateur de l’école libérale. Son ouvrage le plus connu date de 1776, c’est” recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations” (ouvrage incontournable encore aujourd’hui en matière d’économie) – (aujourd’hui, on le trouve sous le titre

“de la richesse des nations “). Il y a trois thèmes dans ce livre

— la recherche de l’intérêt individuel est le plus sûr moyen d’assurer la richesse d’une nation. Le rôle de l’Etat doit donc être strictement limité à des fonctions militaires et de maintien de l’ordre (ce sont les fonctions régaliennes de l’Etat). L’Etat ne doit pas se mêler de la vie économique. Il faut laisser les individus s’enrichir. La somme des enrichissements individuels fera l’enrichissement du pays.

— le travail humain est l’origine première de la valeur des biens, d’où, selon l’auteur, l’importance de la qualification de la main d’oeuvre (un bien a de la valeur parce que la personne qui l’a fait a une qualification supérieure à celle des autres). Le problème actuel est de conserver la qualification de ce que nous savons faire, par rapport àd’autres pays.

— la division du travail au niveau national, mais aussi international, est un facteur essentiel de l’enrichissement d’une nation (pourquoi faire chez nous des choses que l’on peut faire ailleurs pour beaucoup moins cher. La délocalisation est une forme de division du travail).

C’est dans cette troisième partie du livre qu’on trouve la fameuse théorie de spécialisation d’Adam SMITH:

si deux pays ont des productions semblables, chacun doit se spécialiser dans le domaine où il est le plus compétent, c’est à dire là où les coûts de production sont les plus faibles, dans son propre intérêt et dans celui de son partenaire” (à l’époque, il prend exemple de l’Angleterre et du Portugal: les deux pays font du vin – il dit:

les anglais peuvent acheter du vin au Portugal et les portugais peuvent acheter des tissus en Angleterre).

Un autre auteur va réfléchir:

2 – La théorie des coûts comparatifs de David RICARDO:

RICARDO est moins connu que SMITH : c’était un homme d’affaires. Il a réfléchi sur la façon dont il s’était lui-même enrichi. En 1817, à la fin de sa vie, il publie un ensemble de réflexions, dans un ouvrage intitulé “principe de l’économie politique et de l’impôt”. Il reprend la théorie de SMITH et la précise.

Il remarque que, selon la théorie de SMITH, si un pays (c’est une hypothèse) est le mieux placé dans la plupart des domaines, les autres ne produiront plus rien. Donc, il faut reformuler la théorie. RICARDO montre en fait que chaque pays “doit se spécialiser dans les productions où il est le plus compétent, c’est à dire là où il est le moins mal placé (et non le mieux placé). Par exemple : la France n’est pas la meilleure pour les automobiles, mais elle n’est pas la moins mal placée et elle en vend à l’extérieur.

3 – Les apports contemporains de HECKSCHER et OHLIN:

On passe ici au 20ème siècle.

HECKSCHER a fait des travaux avec OHLIN. Ensuite HECKSCHER a laissé l’économie pour faire autre chose. On ne cite plus que OHLIN. Ce sont des économistes suédois. Ils ont recherché pourquoi certains pays étaient mieux placés que d’autres dans certains domaines et plus particulièrement, ils ont essayé d’expliquer pourquoi il existait des écarts de coûts entre les nations (SMITH et RICARDO avaient seulement fait un constat alors que H et O essayent d’expliquer).

Ils apportent deux réponses:

— chaque pays se spécialise dans la production et l’exportation qui nécessitent des facteurs de production abondants chez lui et qui, par conséquent, sont peu chers (pourquoi un pays a des coûts moins chers ? parce qu’il a des facteurs de production abondants permettant de se spécialiser dans certains domaines qui feront qu’on sera meilleurs).

— chaque pays importe des biens qui nécessitent des facteurs de production rares chez lui et qui par conséquent sont onéreux. On pourrait améliorer aussi les facteurs de production que l’on a dans le pays (si on a des terres cultivables, mais une main d’oeuvre mal formée, on peut améliorer).

Liste des thématiques relatives à l’économie politique :

4 – Prolongements de l’explication de HECKSCHER et OHLIN:

Analyse plus fine des facteurs de production:

Paradoxe de LEONTIEF : économiste d’origine soviétique ayant participé à l’élaboration de la planification soviétique. Il a eu des divergences d’opinion avec STALINE. A la fin de la 2ème guerre mondiale, on lui a laissé le choix : soit rééducation culturelle en Sibérie, donc éloignement, avec sa famille, soit le départ vers un autre pays avec le statut de réfugié politique, mais lui seul. Il a fait le choix de partir sans sa famille aux USA.

Il a été naturalisé américain et était donc considéré comme un économiste américain. Les américains voulaient obtenir de lui des travaux (en échange, ils l’aidaient à faire venir sa famille) : il a choisi de vérifier la théorie de HECKSCHER et OHLIN (théorie que les produits exportés correspondent à des facteurs de productions abondants et que les produits importés correspondent à des facteurs de production rares) aux USA. Il l’a fait au début des années 50.

En 1950, on admettait qu’aux USA le capital (un des facteurs de production) était très abondant et que la main d’oeuvre (autre facteur de production) était relativement rare par rapport au reste du monde. Par conséquent, selon la théorie de H et O, les USA devaient exporter des biens à forte densité de capital et devaient importer des biens àforte densité de main d’oeuvre (bien à forte densité de capital = bien élaboré, sophistiqué -bien sans capital = matière première = il faut juste de la main d’oeuvre pour l’extraire).

Pendant trois ans, LEONTIEF a vérifié auprès des douanes

tous les bordereaux d’exportation et d’importation. Quand il a eu fini, son étude statistique des bordereaux montrait le contraire de la théorie de H et O.

L’explication qu’il va donner va porter le nom de “paradoxe de LEONTIEF” : on dit au point de départ que la vision traditionnelle de l’économie, fondée sur trois facteurs de production n’est pas satisfaisante. Ces trois facteurs de production sont : le travail (la population active), le capital (usine, monnaie, équipement..), les ressources naturelles (terres cultivables, matières premières…).

Par conséquent, LEONTIEF considère qu’il faut décomposer

ces trois catégories de facteurs de production en cinq nouvelles catégories plus homogènes:

– le travail qualifié,

le travail non qualifié,

– le capital (on y inclut les entreprises, les équipements et tout

ce qui est monétaire),

– la terre cultivable,

– les gisements miniers et pétrolifères.

(pour LEONTIEF, ce n’est pas la théorie de H et O qui est fausse, c’est le découpage des facteurs de production).

En fonction de cette nouvelle base d’étude, il ressort (en

1953) qu’il y a deux facteurs de production abondants aux USA:

– le travail qualifié,

– la terre cultivable.

Les facteurs rares aux USA sont

– le travail non qualifié,

– les gisements miniers.

Il y a un facteur intermédiaire (ni plus abondant, ni plus rare qu’ailleurs):

– le capital.

Donc LEONTIEF dit: “on reprend la théorie de H et O Son étude montre que les USA exportent des produits agricoles élaborés (produits finis, produits prêts à consommer – Nous exportions des patates, ils exportaient des frites) : ça suppose de la terre et une main d’oeuvre qualifiée.

En 1953, les américains importent essentiellement des

produits miniers non transformés (matières premières brutes).

LEONTIEF dit que la théorie n’était pas fausse, mais les

facteurs de production n’étaient pas bien définis.

Cette étude met en avant un élément extrêmement important

pour les échanges, c’est la qualification professionnelle (on se rend compte à cette époque que l’avenir se joue sur la qualification professionnelle).

La question se pose de comment définir la qualification

professionnelle? Quand passe-t-on de main d’oeuvre non qualifiée à main d’oeuvre qualifiée? Aujourd’hui, on peut dire que le degré de qualification est

évalué de manière approximative à partir de trois critères:

  • le revenu du travail moyen par individu,
  • le pourcentage de la main d’oeuvre ayant un diplôme d’un certain niveau,
  • le pourcentage du PIB consacré à la recherche (c’est peut être le seul critère fiable. On sait que les pays qui font le plus de recherche sont ceux qui ont la main d’oeuvre la plus qualifiée).

Un professeur d’économie français Raymond VERNON a prolongé cette question de la qualification par:

L’explication des échanges de produits manufacturés par la technologie:

Il dit que les échanges actuels se fondent sur des écarts technologiques et l’incidence de la technologie sur les échanges peut se voir à travers l’étude du cycle de vie du produit.

Selon VERNON, on peut diviser le cycle de vie d’un produit

en trois phases:

la phase de nouveauté du produit: le pays qui fabrique ce

produit dispose du monopole des connaissances techniques pour sa fabrication. Donc, il possède un avantage absolu qui lui permet d’exporter à prix élevé.

la phase de maturité du produit: le pays novateur n’a pas su ou n’a pas pu conserver le monopole des connaissances techniques. Par conséquent, il existe désormais une concurrence dans la fabrication du bien et l’avantage absolu devient un simple avantage comparatif.

la phase de standardisation: désormais, la technologie est assimilable par tous. Il y a donc diminution de l’écart technologique. De plus, l’avantage des pays en voie de développement en matière de salaires fait plus que compenser l’éventuel retard technologique existant encore (produits venant du tiers monde, un peu moins fiables, moins sophistiqués, mais moins chers). Il y a disparition de l’avantage comparatif.

Conclusion: l’équilibre commercial des pays industrialisés repose sur le rythme de l’innovation technologique.