Histoire du droit administratif (de Blanco à nos jours)

L’histoire du droit administratif et de ses juridictions (de l’arrêt Blanco à nos jours)

– le Droit Administratif appartient au droit public interne et s’intéresse à l’exécution de la loi par l’Administration.

– La nécessité de soumettre l’administration à la règle de droit

– Etat de droit : séparation des pouvoirs <=> respect de la règle (cf droit constitutionnel. L1)

– La nécessité de soumettre l’administration à des règles spécifiques

– l’Etat de droit n’implique pas une dualité des ordres <= spécificité (historique) française justifiable par la séparation des pouvoirs et par le but (donc les moyens) particulier poursuivi par l’Administration

– Maupeaou, chancellier du Roi, 1770 : «Elle doit à son autorité de ne pas laisser pénétrer dans le secret de son action» (en parlant de la majesté royale)

– Pierre Paul Nicolas Henrion de Pansey, président de la Chambre des requêtes et membres du Conseil d’Etat : » Juger l’Administration, c’est encore administrer»

Chapitre 1 => une corrélation historique

– pape Pi VI (discours de 1793) : » La France ne suit pas les Nations, elle les précède toutes »

Paragraphe 1 => l’interdiction faite aux tribunaux ordinaires de connaître des affaires d’administration

I – Une tradition remontant à l’Ancien Régime

– tendance ancienne traduite par la création de juridiction spéciales (Vivier en Brie, 1319, chambres des comptes) ou par des interdictions : Saint-Germain-en-Laye (1641) défend de connaître les affaires de l’État et du Gouvernement ; Fontainebleau (1661) réitère à la suite de la «Fronde Parlementaire«

II – La loi des 16 et 24 Août 1790

– les révolutionnaires relayent la méfiance envers les juges qui avaient tenté de s’opposer aux réformes libérales des ministres du roi (Turgot, Necker…) : la loi des 16-24 Août 1790 et le décret du 16 fructidor An III, défendent aux juges de connaître les affaires de l’Administration

– Thouret, en parlant du juge commun : » Ce rival de l’Administration«

Paragraphe 2 => l’émergence progressive d’une juridiction administrative

– les textes de 1790 et de l’an III s’inscrivent dans un principe de justice retenue (le chef de l’exécutif retient un projet de décision présenté par son Conseil)

– avec le coup d’état du 18 Brumaire an VIII (Nap. et Consulat), la Constitution 22 Frimaire an VIII (1799) pose la création du Conseil d’Etat (article 52), organe consultatif en matière juridictionnelle

loi Dufaure 24 mai 1872 transforme le Conseil d’Etat en véritable juridiction en lui attribuant des compétences : système de justice déléguée (compétence déléguée par la loi)

CE 13 déc. 1889, Cadot : se reconnaît compétent pour statuer souverainement y compris dans les affaires dans lesquelles le ministre n’a pas statué => compétence de principe (juge de droit commun)

Paragraphe 3 => l’arrêt Blanco et ses suites

– le père d’une enfant grièvement blessée par un wagon conduit par des employés poursuit l’Etat en responsabilité devant la juridiction judiciaire sur le fondement de 1382 <= préfet dénonce cette saisine et invite le Juge Judiciaire à décliner sa compétence <= devant sa détermination à connaître le litige, le représentant de l’Etat élève le conflit devant la juridiction (re)nouvellement instituée par la jeune (II) République., le Tribunal des conflits

TC 8 fév. 1873, Blanco : Service Public => responsabilité engagée devant le Juge Administratif (la compétence suit le fond) qui ne peut appliquer les règles du Code civil instituées pour les particuliers, et doit donc dégager des règles spé. (existence du droit administratif) en tenant compte de la spécificité de l’action de l’État (la poursuite de l’intérêt général)

– le droit se construit par la jurisprudence du Conseil d’état, moins fondamentale aujourd’hui (multiplication des textes) mais tout aussi importante (hypothèses imprévues)

Chapitre 2 => la juridiction administrative aujourd’hui

Paragraphe 1 => l’organisation actuelle de l’ordre juridictionnel administratif

I – Les deux grandes catégories de juridiction administrative

A/ Les juridictions à compétence générale

– Tribunal administratif, CAA et Conseil d’Etat compétents pour les litiges divers non attribués à une juridiction spécialisée.

B/ Les juridictions administratives spécialisées

– compétent entes pour des affaires précises prévues par un texte leur donnant expressément compétence

– soumises au contrôle du Conseil d’Etat

II – Les juridictions administratives à compétence générale

A/ Les tribunaux administratifs

– juridiction de 1er ressort et de droit commun, substitués aux conseils de préfecture en 1953 pour soulager le Conseil d’Etat encombré par les affaires et dont le ressort géographique varie selon la densité de pop.

– malgré l’inflation du Contentieux («de masse» : permis, OQTF…), délai de jugement réduit à dix mois env. au lieu de deux ans

– env. 95% des décisions rendues par les Tribunaux Administratifs sont définitives ou confirmées

B/ Les Cours Administratives d’Appel

– juridiction de droit commun créées en 1987(BorNantParNancLyo puis DouMarVer) pour alléger le Conseil d’Etat, ne disposent pas d’une compétence absolue en matière d’appel des jugements des Tribunaux Administratifs (appel peut être formé devant le Conseil d’Etat directement : contentieux électoral local.) dont les délais avoisinent 11 mois ½

C/ Le Conseil d’État

– juridiction suprême, organe hybride (fion consultatives, 1799et juridictionnelles, 1872) composé de 6 section administratives et une 1 section du contentieux divisée en 10 formation de jugement (sou-section)

– les affaires peuvent être traitées par une ou plusieurs sous-section, par la Sect. du contentieux (présidents des sous-sect. + président sect.) ou par l’Assemblée du contentieux (présidents des sections administratifs + président Sect. contentieux + vice-président Conseil d’Etat)

– juge de cassation mais garde des compétences dans des matières spécifiques : il peut juger en 1er ressort (pour les décrets par ex) ou en appel, et peut trancher (au fonds) les litiges des arrêts qu’il casse

Paragraphe 2 => la consécration contemporaine de l’ordre juridictionnel administratif

37 à 39 Constitution 1958 => Conseil d’état = conseiller du Gouvernement => fonction juridictionnelle sans assise Constitutionnelle mais Conseil Constitutionnel comble cette lacune par l’utilisation des PFRLR reconnus en 1971

I – La consécration de l’indépendance et de l’existence

DC, 22 juil. 1980, validation d’actes administratifs => érige en PFRLR l’indépendance de la juridiction et interdit aux pouvoirs pub. de remettre en cause une de ses décision <= mais garantir l’indépendance ne garantit pas l’existence

DC 1987, Conseil de la concurrence : vise les lois de 1790 et 1872 pour dégager un PFRLR réservant le traitement de certains litiges au Juge Administratif dans la mesure où il a été fait interdiction au Juge Judiciaire d’en connaître => «réserve Constitutionnelle de compétences» pose l’existence et la protège (mais réserver l’annulation ou la révocation des actes administratifs au Juge Administratif ne revient-il pas à limiter sa compétence ?)

II – La protection renforcée de l’ordre juridictionnel

rév. Constitutionnelle 23 juillet 2008 modifie la composition du CSM (conseil supérieur de la magistrature) et notamment la formation statuant sur le sort des magistrats du siège en y excluant entre autres des membres de l’ordre administratif <= 1e référence à ce qui semble être l’ordre juridictionnel administratif

– une loi organique est venue définir la procédure applicable aux QPC <= les LO complètent la Constitution donc soumises au contrôle du Conseil Constitutionnel pour vérification avant promulgation => DC 2009, LO relative à l’application de l’art. 61-1 Constitution déclare que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sont des «juridiction placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction reconnus par la Constitution» <= l’ordre aif jouit donc du même statut Constitutionnel que l’ordre jud.

CE 2010, Association Alcaly et a. reprend cette formule en posant que «le Conseil d’etat est simultanément chargé par la Constitution de fonction administratives et placé au sommet de la juridiction ave«

Paragraphe 3 => La contribution de la juridiction administrative à la détermination du droit administratif

I – En qualité de juge de l’administration

– depuis Blanco1873, il incombe à la juridiction administrative de trancher les litiges intéressant l’Administration

– il existe de grandes familles de Contentieux, dont deux sont relatives à la contestation de la légalité d’un acte administratif et pour lesquels le Juge Administratif aide à en définir les contours : l’annulation rétroactive d’un acte contre au droit auquel il aurait dû se conformer (excès de pouvoir) et la détermination de l’existence d’un droit qu’un administré revendique à l’égard de l’Administration (réparation d’un dommage)

A/ Le pouvoir d’interprétation du droit écrit applicable au litige

– le juge devant statuer sur la base de textes obscurs peut être amené à éclaircir le contenu ou la portée d’une disposition => il doit dégager l’esprit du texte, la logique ayant présidé sa rédaction (ratio legis) <= il contribue à l’élaboration du droit par l’interprétation

– eg (exempli gratia), CE 2013, Ministre de l’écologie… : s’inspire des travaux parlementaires pour éclaircir la «bonne foi» et précise les conditions de son appréciation dans le cadre du DALO

B/ Le pouvoir de créer de véritables normes juridiques

– il s’agit ici de combler un vide juridique en inventant la règle solution du litige => après Blanco1873, le Juge Administratif crée de nombreuses normes inexistantes et définit des pans entiers du Droit Administratif (responsabilité) et de nombreuses notion fonda. (service public)

– le «jurislateur» a créé et continue de créer des principes généraux guidant l’action de l’Administration et pouvant lui être opposés : CE 1973, De Peynet : PGD qui interdit de licencier une femme enceinte

– Jagerschmidt, concl. CE 1894, Conseil Presbytérial de Saint-Etienne : » dans le silence de la loi, ce sont les principes gx du droit aif…que nous devons appliquer « .

II – En qualité de conseil de l’administration

A/ Le rôle (originel) consultatif du Conseil d’État

  1. Présentation générale

– conseiller privilégié du Gouvernement en vertu de la Constitution, associé à l’élaboration des principaux textes juridiques, il peut être saisi pour avis par un ministre ou le Premier Ministre pour éclaircir un point de droit

– depuis révision Constitutionnelle 23 juil. 2008, saisi par le président d’une assemblée afin d’examiner une proposition de loi

– réalise des études (intégrées dans ses rapports annuels et coordonnées par la Sect. du rapport et des études) afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur des réformes qu’il estime d’intérêt général d’entreprendre

– rapport de 2013 sur le droit souple : Sophocle (Créon à Antigone) : » C’est le manque de souplesse, le plus souvent, qui nous fait trébucher »

  1. Consultations facultatives ou consultations obligatoires
  • a) Les avis sur les projets de texte

– la saisine est obligation pour les projets de loi avant adoption au Conseil des Ministres et dépôt au Parlement (39 Constitution), pour les ord. soumises à l’avis du Conseil d’Etat (38) et pour les mesures législateur prises avant 1958 dans le cadre d’une délégalisation d’une loi de 34 Constitutionprise dans le domaine de 37 Constitution (Conseil constitutionnel pour après 1958)

– un texte peut prévoir pour son application l’adoption d’un décret pris après avis du Conseil d’Etat ; de même, la modification d’un décret pris dans le cadre d’une saisine préalable obligation nécessite aussi cette saisine

– dans les tous les cas, le projet est soumis à la section administrative concernée et le Conseil d’Etat peut suggérer des modifications lui paraissant nécessaires <= l’avis ne lie pas le Gouvernement qui peut retenir le texte initial, le nouveau, ou mélanger les 2 mais ne peut pas retenir une nouvelle rédaction (donc un nouveau texte qui nécessiterait la saisine du Conseil d’état)

révision Constitutionnelle 23 juil. 2008 => 39 Constitution permet au président d’une ass. de le saisir d’une demande d’avis sur une proposition de loi déposée => loi 15 juin 2009 (modifiant L. 112-1 Code de Justice administrative ) prévoit que » le Conseil d’Etat émet un avis sur les proposition de loi…dont il est saisi par le président de cette assemblée. «

  • b) Les avis sur des questions de droit

– les membres du Gouvernement peuvent saisir le Conseil d’Etat en vue d’éclaircir un point juridique (L.112-2 Code de Justice administrative) d’un avis facultatif et confidentiel pouvant être publié à la demande du destinataire (permettant ainsi d’influer une doctrine et guider l’Administration)

  1. Les formations consultatives
  • a) Les sections concernées

– Secteur de l’Intérieur : libertés publiques, principes Constitutionnels, organisation des pouvoirs publics.

– Section des Finances : imposition, taxes, redevances, disposition budgétaires et comptables

– Section des Travailleurs Publics : opération de grande infrastructure (TGV, autoroutes), environnement, agriculture, pêche

– Section Sociale : santé, organisation du système de santé, Sécurité social, droit du travail.

– Section action (récente) : organisation administrative, agents publics, fonctionnaire, Défense

  • b) L’Assemblée Générale

– pour les textes ou question de droit importants, le Conseil d’Etat peut, une fois que la section compétente a examiné le problème, se réunir en formation solennelle pour marquer sa position : l’Assemblée générale comprend le vice-président du Conseil d’Etat et tous les président de section

B/ Le problème soulevé par le cumul des fonctions administratives et juridictionnelles

– à la fois juge et collaborateur de l’Administration => son impartialité peut être mise en doute

  1. La position de la Cour EDH

– la Cour EDH tend à éliminer toute impression d’impartialité : CEDH 1995, Procola sanctionne le Conseil d’Etat luxembourgeois dont les conseillers ont connu une même affaire en formation consultative et juridictionnelle.

– cette jurisprudence peut sembler imposer une séparation des organes, mais CEDH 2003, Kleyn et a. c/ Pays Bas admet la coexistence, au sein d’un même organe, de fonction administrative et juridictionnelles (confirmé par CEDH 2009, UFC-Que choisir Côtes d’Or c/ France) : il convient juste d’éviter qu’une même personne conseille et juge dans la même affaire

  1. Les ajustements intervenus dans l’organisation interne du Conseil d’état

– tribunal martial institué lors de la Guerre d’Algérie condamne à mort des généraux mutinés : CE, Ass. 1962, Canal, Robin et Godot censure le tribunal au motif qu’il méconnaît un PGD (principe général du droit)

– en réaction, déc. 30 juil. 1963 pose un principe de double appartenance (formation administratives et juridictionnelles) des membres du Conseil d’Etat afin de permettre au Juge Administratif de mieux connaître l’Administration active et d’en apprécier les difficultés

– un décembre 6 mars 2008 atténue cette règle et privilégie l’affection à une unique section et aucun membre ne peut participer au jugement d’un recours dirigé contre un acte pris après avis du Conseil d’Etat s’il a pris part à la délibération de cet avis (les parties peuvent demander la listes des membres participants)

décret du 23 nov. 2011 les membres d’une formation de jugement ne peuvent consulter les dossiers des formations consultatives ni prendre connaissance des avis formulés au préalable sur les actes objets du litige qu’ils ont à connaître