L’histoire du droit de la filiation

Le droit de la filiation, son histoire

L’étude du droit de la filiation nous amène à nous pencher sur l’état de l’enfant qui ressort du lien de filiation qui le relie à ses parents. Ce lien qui se divise en 2 branches, une branche maternelle, une branche paternelle, ressort de la preuve de la procréation. La filiation se définit donc comme le lien de droit qui existe entre le père ou la mère et l’enfant.

Introduction :

Traditionnellement, il existait 3 types de filiations :

  • La filiation légitime : c’est la filiation dans le mariage, c’est parce que les parents de l’enfant étaient mariés.

En principe, la filiation légitime supposait que l’enfant soit conçu pendant le mariage. Afin de ne pas désavantager l’enfant, on considérait que l’enfant conçu avant mais né pendant le mariage était légitime. Par contre, l’enfant né avant le mariage n’était pas légitime mais légitimé par le mariage.

  • La filiation naturelle : c’est la filiation hors mariage.

Les parents de l’enfant n’étaient pas unis par le mariage, entre eux. Suivant l’état des parents, la situation de l’enfant différerait.

  • Etait enfant naturel simple, l’enfant issu de relations entre 2 personnes qui sont célibataires ou qui vivent en concubinage mais qui ne sont pas mariées entre elles ou avec d’autres.
  • Etait enfant naturel adultérin, l’enfant issu de relations entre une personne mariée avec un tiers au moment de la conception ou de la naissance et une autre. Plusieurs hypothèses doivent être distinguées dans ce cas :
  • L’enfant pouvait être adultérin « a matre»: la mère était engagée dans les liens du mariage avec une tierce personne.
  • L’enfant pouvait être adultérin « a patre»: le père était engagé dans les liens du mariage avec une tierce personne.
  • L’enfant pouvait être doublement adultérin: le père et la mère étaient engagés chacun de leur côté dans les liens du mariage.
  • L’enfant incestueux : lorsqu’ il existait entre ses parents un empêchement à mariage pour parenté ou alliance. (les termes « incestueux » ou « adultérin » ont été remplacés par des périphrases par la loi du 3 janvier 1972 comme les articles 334-10 ou 759 du Code civil le montrent.)
  • La filiation adoptive : ce type de filiation est créé de manière artificielle par un jugement d’adoption. La filiation adoptive résulte d’un choix, d’un acte de volonté. Il y a 2 sortes d’adoption :
  • L’adoption simple : il n’y a pas de rupture avec la famille de sang
  • L’adoption plénière : il y a rupture avec la famille de sang.

Désormais, cette distinction n’existe plus. A côté de la filiation par procréation charnelle, se trouvent des filiations plus particulières comme la filiation par procréation médicalement assistée ou la filiation par adoption.

Section I – Histoire des règles relatives à la filiation

Sous l’Ancien Droit, et en 1804, 2 types de filiation étaient déjà réunis dans la présentation. Mais le Code civil accordait sa préférence à la famille légitime. L’enfant légitime a toujours été avantagé par rapport à l’enfant naturel, sous l’influence de la religion chrétienne et des mœurs de l’époque. Quelques textes ont amélioré le sort des enfants naturels au XIX° siècle mais l’inégalité entre les filiations demeurait.

  • La loi de 1912 va permettre la recherche en paternité naturelle.
  • La loi de 1955 ouvre une action alimentaire aux enfants adultérins et incestueux : action à fins de subsides.

Ce principe de hiérarchie des filiations a été remis en cause par la réforme de 1972 qui se définit de 2 façons :

  • Par la volonté d’instituer l’égalité entre les filiations. Bien que l’égalité entre la famille.
  • Légitime et la famille naturelle ne puisse pas être réalisée car il manque un élément, le mariage des parents, le législateur a adopté un certain nombre de règles afin de réaliser un rapprochement entre les 2 qui figurent aux articles 311 à 311-13 du Code civil.
  • Par la volonté de rechercher la vérité, que ce soit la vérité biologique ou la vérité sociologique. Entre ces deux vérités, le législateur de 1972 a plutôt tendance à privilégier la vérité biologique.

La loi du 8 janvier 1993 a eu pour but d’améliorer la protection des droits de l’enfant et a pris en compte les progrès de la science. Grâce aux analyses biologiques, on peut déterminer qui est le père d’un enfant. Du coup, elle a supprimé les « cas d’ouverture » de l’action en recherche de paternité, simplifié la preuve de la maternité et réglé le sort des enfants conçus grâce à une assistance médicale.

La loi du 29 juillet 1994 dite « loi bioéthique » statue sur le respect du corps humain, le don des éléments et produits du corps, l’assistance médicale à la procréation et le diagnostic prénatal, ce qui a des incidences sur le droit de la filiation.

La loi du 5 juillet 1996 en matière d’adoption.

En matière de filiation, un bouleversement important est apparu avec la loi du 3 décembre 2001. La loi du 3 décembre 2001 sur les droits du conjoint survivant et les droits de l’enfant adultérin a tiré les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Mazureck du 1er février 2000, en abrogeant l’ensemble des articles du Code civil qui établissent une discrimination successorale à l’encontre de l’enfant naturel adultérin. Désormais, sa part successorale et sa réserve sont identiques à celle des autres enfants du défunt. Il peut recevoir des libéralités en plus de sa part héréditaire. Sa quotité n’est plus réduite en présence du conjoint survivant. Il peut demander la conversion de l’usufruit du conjoint en une rente viagère.

(Il faut noter qu’en conséquence, la créance alimentaire dont il bénéficiait contre la succession afin de tempérer la discrimination dont il faisait l’objet est supprimée).

L’article 1527 du Code civil a été modifié afin d’ouvrir l’action en retranchement à l’ensemble des enfants qui ne sont pas issus du mariage dissous par décès. Cette action n’était ouverte qu’aux enfants issus « d’un précédent mariage », excluant ainsi les enfants naturels et les enfants adultérins.

Cette action tend à protéger la réserve des enfants qui ne sont pas appelés à succéder au conjoint survivant en demandant que les avantages matrimoniaux accordés par le défunt à ce dernier soient considérés comme des libéralités susceptibles d’être réduites.

Sur cette question, l’arrêt du 22 décembre 2004 CEDH MERGER et CROS contre France et l’arrêt du 21 juillet 2011 CEDH FABRIS contre France.

La loi du 22 janvier 2002 sur l’accès aux origines.

La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale vient compléter et parachever l’œuvre commencée en 1987 et en 1993 visant à instaurer définitivement et complètement les principes fondamentaux de coparentalité et d’égalité des parents comme des enfants dans les relations familiales. L’apport essentiel de la loi du 4 mars 2002 réside sans aucun doute dans la suppression de la distinction entre enfant légitime et enfant naturel en matière d’autorité parentale. Celle-ci est désormais envisagée comme une conséquence de la parenté et non comme un effet particulier de telle ou telle filiation. Le principe selon lequel il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses 2 parents même lorsque ceux-ci sont séparés est mis en avant, c’est pour cela qu’il n’y a plus qu’un seul régime d’autorité parentale que les parents soient mariés ou non. Dès lors, on ne parle plus d’enfant légitime ou d’enfant naturel dans l’autorité parentale. Cette loi a eu pour objectif d’harmoniser les conditions d’exercice de l’autorité parentale quelle que soit la situation juridique des parents en regroupant dans un seul chapitre l’ensemble des règles relatives à l’autorité parentale, aux articles 371 et suivants du Code civil. L’autorité parentale s’analyse comme un ensemble de droits- fonctions (article 371-1). (Les articles 286 et suivants et 256 et suivants relatifs à l’autorité parentale après le divorce ou la séparation de corps des parents sont supprimés).

L’autorité parentale est désormais conçue comme« un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ».

L’article 310 du Code civil, pose le principe de l’égalité de droits et de devoirs pour tous les enfants dont la filiation est légalement établie dans leurs rapports avec leurs père et mère et vis-à-vis de la famille de chacun d’eux.

La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille crée un mécanisme commun pour les filiations légitimes et naturelles en introduisant de nouvelles règles de dévolution du nom de famille. Elle a été complétée par une loi du 18 juin 2003 et son application a été retardée au 1° janvier 2005.

En matière de filiation, l’ordonnance du 4 juillet 2005 introduit à l’article 310-1 et suivants du Code civil une réforme de la filiation inspirée par le souci majeur de parfaire l’égalité entre enfants, de promouvoir à travers leur engagement la responsabilité des père et mère et d’assurer la stabilité du lien de filiation.

Désormais, le statut des enfants ne dépendra plus des conditions de leur naissance. Que les parents soient mariés ou non, qu’ils vivent ensemble ou séparément, que l’un ou l’autre soit marié avec un tiers sera sans incidence. Dès lors que la filiation est établie, les enfants bénéficieront tous de la plénitude de leurs droits. (Il n’y a désormais plus d’enfant adultérin, légitime ou naturel). L’ordonnance y parvient en uniformisant les modalités mêmes d’établissement et des systèmes de preuve de ce lien juridique qu’est la filiation. La mention du nom de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant suffira à établir la filiation maternelle hors mariage comme elle le permet déjà pour les enfants nés d’une femme mariée.

La filiation paternelle continuera à reposer sur l’engagement du père qui selon les situations se traduira à travers le mariage et la présomption de paternité ou la reconnaissance.

L’ordonnance de 2005 non seulement vient parachever l’égalité des filiations mais prolonge également la loi du 3 janvier 1972 en faisant prévaloir la vérité biologique sur la vérité sociologique aussi longtemps que l’intérêt de l’enfant le commande. (Dans l’hypothèse où la vérité biologique ne coïncide pas avec la réalité vécue par l’enfant, l’intérêt de ce dernier peut nécessiter que le silence soit gardé sur sa filiation biologique). Les dispositions communes à l’établissement des filiations légitime et naturelle figurant aux articles 311 et 311-18 du Code civilsont largement maintenues : règles communes en matière de preuve : présomptions relatives à la date de la conception, à la paternité du mari. Il en est de même pour les règles relatives à la caractérisation de la possession d’état et de celles générales quant aux actions relatives à la filiation. Le délai de prescription est porté à 10 ans sauf d’autres délais spécifiques. Les principes relatifs à la résolution des conflits de filiation se fondent sur le choix de la filiation la plus vraisemblable, à défaut la possession d’état. Pour ce qui est de l’établissement et de la contestation de la filiation, les règles ont fondamentalement changé puisque la ligne de partage n’est plus la filiation légitime/ la filiation naturelle. Le nouveau droit issu de l’Ordonnance de 2005 est entré en application le 1° juillet 2006.

Idées force : moderniser et simplifier le droit antérieur.

La loi du 16 janvier 2009 a ratifié l’ordonnance de 2005 tout en apportant des modifications à celle-ci. Loi du 28 mars 2011 Modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées (modifiant les articles 71,72 et 317 actes de notoriété). Loi du 17 mai 2011 Simplification et amélioration de la qualité du droit (article 328 et 329 du Code civil). Loi du 7 juillet 2011 Loi bioéthique (article 16-14 ; sous article 311-20). Loi du 13 décembre 2011 Loi relative à la répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles (articles 317, 361, 365, 370-2 et 372, 373-2-13 du Code civil). Loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe a touché au droit de la filiation. Aux articles 311-21 et 311-32: incidences quant au nom ; aux articles 345-1, 353-2, 357, 357-1 pour l’adoption plénière, 360, 361, 363 pour l’adoption simple, 371-1 et 371-4 quant à l’autorité parentale.

Section II- La distinction entre maternité et la paternité

Si le droit a supprimé la distinction entre les enfants selon le lien unissant ses auteurs, l’Ordonnance de 2005 maintient celle qui sépare la paternité de la maternité à la fois pour des raisons biologiques. (Cela tient au fait que la paternité conduit seulement à une transmission génétique alors que la maternité comporte deux aspects, la transmission de gènes mais aussi la gestation et l’accouchement) et sociologiques (Cela tient au fait que maternité et paternité renvoient à des symboles différents en terme d’autorité, d’éducation, de rapports affectifs, de transmission morale…)

Un enfant a une double parenté paternelle et maternelle qu’il faut établir : il est indispensable de prouver cette procréation. La procréation ne devient filiation que si elle est légalement établie, c’est-à-dire prouvée conformément à la loi.

Mais la preuve de la paternité ou de la maternité n’est pas également facile.

1) La maternité :

Elle est plus facile à appréhender car visible par le fait même de l’accouchement qui n’est pas secret. La preuve de la maternité découle naturellement de la preuve de l’accouchement. D’où la maxime :« Mater semper certa est ». Cet adage signifie que dans l’ordre de la preuve, la maternité est certaine. Le droit français désigne comme la mère, celle qui accouche. Le fait physique de l’accouchement désigne avec certitude la mère et le fait physique de la grossesse en amont aussi. Cela ne veut pas dire néanmoins que toutes les femmes sont obligées d’être mères. En effet, le droit reconnaît à la mère la possibilité d’accoucher sous X, c’est-à-dire de façon anonyme afin que le lien biologique qui la relie à l’enfant ne soit pas établi.

La loi du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat tend à améliorer la situation des enfants nés sous X en facilitant la recherche de leurs origines biologiques par la mise en place d’un Conseil national de l’accès aux origines personnelles. La loi ne remet toutefois pas en question le droit des parents biologiques à préserver le secret de leur identité et à ne délivrer aucun renseignement les concernant s’ils le souhaitent.

La Cour européenne des droits de l’homme saisie par Pascale Odièvre par une décision du 13 février 2003 a estimé que la loi de 2002 n’allait pas à l’encontre du respect de la vie privée de l’enfant dans la mesure où il permet l’accès à des informations non identifiantes sur sa mère et sa famille biologique permettant d’établir quelques racines de son histoire dans le respect de la préservation des intérêts des tiers.

Affaire Benjamin : effet de la reconnaissance prénatale du père, la mère accouchant sous X.

La loi de 2009 a supprimé la fin de non-recevoir liée à l’accouchement sous X qui était un obstacle à toute action en recherche de maternité.

JURISPRUDENCE divergente relative à la volonté des grands-parents d’établir un lien de filiation avec un enfant né sous X. Décision du TGI d’Angers Octobre 2009 accepte (la mère qui a accouché sous X avait fait venir ses parents à la maternité) alors qu’un arrêt de la Cour de Cassation du 8 juillet 2009 refuse ce droit aux grands-parents. Conseil Constitutionnel 16 mai 2012: N° 2012-248 QPC.

Saisine du Conseil Constitutionnel, au motif que les dispositions attaquées heurtent 2 principes à valeur constitutionnelle : le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Pour le Conseil Constitutionnel, le droit pour une future mère de demander l’anonymat répond à un autre objectif de valeur constitutionnelle qu’est la protection de la santé de l’enfant à naître. Quant au grief portant sur le droit de mener une vie familiale normale, il a été jugé que la loi du 22 janvier a aménagé dans la mesure du possible, par des mesures appropriées l’accès de l’enfant à ses origines personnelles en confiant au Conseil National pour l’accès aux origines personnelles la tâche de rechercher la mère de naissance, à la requête de l’enfant et de recueillir le cas échéant le consentement de celle-ci à ce que son identité soit recueillie soit révélée ou dans l’hypothèse où elle est décédée, de vérifier qu’elle n’a pas exprimé de volonté contraire lors d’une précédente demande.

Arrêt du Conseil d’Etat du 17 octobre 2012: la responsabilité du département a été retenue pour non-respect du secret de l’adoption. Une obligation de résultat quant à l’accouchement anonyme et à l’adoption retenue.

2) La paternité :

La paternité est moins visible. Elle ne peut s’induire de l’accouchement, il faut donc remonter à la conception. Lorsqu’il s’agit de prouver la procréation naturelle, il faut tour à tour établir la maternité dont la preuve résulte de l’accouchement et la paternité.

Section III – Les modes d’établissement de la filiation

L’Ordonnance distingue avec rigueur les modes d’établissement et les modes de preuve de la filiation.

L’article 310-1 du Code Civilmet en place 4 modes d’établissement légal de filiation :

  • L’établissement « par l’effet de la loi »: vise la présomption de paternité du mari de la mère (article 312 et suivants) et la désignation de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant (article 311-25 du Code Civil).
  • L’établissement par « reconnaissance volontaire » (plus de reconnaissance implicite ou présumée possible). (Article 316).
  • L’établissement par la « possession d’état constatée par un acte de notoriété (confusion entre acte et preuve). (Article 317).
  • L’établissement par « jugement »: l’article 310-1 du Code civil vise à la fois l’action en recherche de maternité (article 326), l’action en recherche de paternité (article 327), l’action en rétablissement de la présomption de paternité du mari de la mère (article 329) ne recherchant que la seule vérité biologique. A côté de ces 3 actions, il y a aussi l’action en constatation de la possession d’état (article 330).