La vie politique sous la IIIème République

La IIIème République et l’enracinement d’un ordre politique républicain

1870-1871

  • 4 septembre 1870. Proclamation de la IIIe République à la suite de la défaite de Sedan.
  • 8 février 1871. Elections législatives à la nouvelle Assemblée nationale. Victoire des monarchistes. Adolphe Thiers devient le chef du pouvoir exécutif de la IIIe République française.
  • 18 mars – 28 mai 1871 : Commune de Paris
  • Mai 1871 : Le territoire d’Alsace-Lorraine est annexé par l’empire allemand. Adolphe Thiers devient Président de la République (loi Rivet, août 1871)

1875-1879

  • 24-25 février et 16 juillet 1875 : L’Assemblée nationale vote les Lois constitutionnelles de la IIIe République, qui tiennent lieu de Constitution.
  • 1876 : dissolution à New York de la Ière Internationale (Association Internationale des Travailleurs – AIT) créée en 1864 et dont K. Marx rédigea les statuts.
  • 16 mai 1877 : Le Maréchal Mac-Mahon, élu président de la République le 24 mai 1873, met en cause le président du Conseil, Jules Simon, pour son manque de fermeté. Celui-ci démissionne et est remplacé par Albert de Broglie qui forme un gouvernement d’ordre moral, appelé « ministère du 16 mai ».
  • 25 juin 1877, Mac Mahon dissout la Chambre des députés, sur avis conforme du Sénat.
  • 14 et 28 octobre 1877 : élections législatives. Les républicains sortent vainqueurs de la consultation. Mac Mahon se soumet.
  • 30 janvier 1879 : Mac Mahon se démet et est remplacé par Jules Grévy. Les républicains ont désormais le pouvoir au Sénat, à la Chambre et à l’exécutif.
  • 1879 : fondation par Jules Guesde du Parti ouvrier

1880-1899

  • Le 14 juillet devient la fête nationale de la France (1880). La Marseillaise devient l’hymne national.
  • Lois de Jules Ferry : liberté de réunion et de la presse (1881), liberté municipale et syndicale (1881), école primaire gratuite (1881), école laïque et obligatoire (1882).
  • 18 mai 1882 : fondation de la Ligue des patriotes
  • 1887 : Scandale des décorations, qui entraîne la démission de Jules Grévy.
  • 1887-1889 : Agitation nationaliste et antiparlementaire derrière le général Boulanger.
  • 1889 : création de la IIème Internationale (Internationale socialiste)
  • 1892-1893 : Scandale de Panamá.
  • 25 juin 1894 : assassinat du président de la République, François Marie Sadi-Carnot, par l’anarchiste Caserio.
  • Fin 1894 : le capitaine Alfred Dreyfus, accusé d’espionnage est condamné au bagne à perpétuité et déporté sur l’Ile du Diable (Guyane).
  • Janvier 1898 : Emile Zola publie sa tribune « J’accuse ! » dans L’Aurore. Alfred Dreyfus ne sera innocenté qu’en 1906 (arrêt sans renvoi de la Cour de Cassation).
  • 20 février 1898 : création de la Ligue des Droits de l’Homme
  • 31 décembre 1898 : La fondation de la Ligue de la Patrie Française (LPF)

1901-1906

  • Juin 1901 : congrès constitutif du « Parti républicain, radical et radical socialiste »
  • Juillet 1901 : loi sur le contrat d’association.
  • 1902 : Le Bloc des Gauches remportent les élections. Le radical Émile Combe devient président du Conseil.
  • Avril 1905 : création de la Section française de l’Internationale Ouvrière (SFIO)
  • 9 décembre 1905 : loi de séparation des Églises et de l’État. L’État garantit la liberté religieuse mais la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte.
  • 11 février 1906 : le pape Pie X condamne la loi de Séparation dans une encyclique : Vehementer nos.

1914-1918

  • Avril-mai 1914 : la gauche radicale et socialiste gagne les élections.
  • 31 juillet 1914 : assassinat de Jules Ferry.
  • 3 août 1914 : déclaration de guerre de l’Allemagne à la France.
  • Août 1914 : réalisation de « l’Union sacrée » réclamée par Raymond Poincaré.
  • 1917 : mutineries dans l’armée.
  • 1917 : Georges Clémenceau est nommé président du Conseil.
  • 11 novembre 1918 : Signature de l’armistice.

1919-1940

  • 1919 : création de la IIIème Internationale (Internationale communiste ou Komintern)
  • 1920 : création du Parti communiste français, alors Section français de l’Internationale communiste
  • 1924-1926 : victoire du « Cartel des gauches ».
  • 1926-1929 : gouvernement d’« Union nationale ».
  • Janvier 1934 : affaire Stavisky.
  • 6 février 1934 : Edouard Daladier présente à la Chambre son nouveau gouvernement.
  • 6 février 1934 : manifestations antiparlementaires sanglantes à Paris qui rassemblent des ligues (à droite et à l’extrême droite : Les Croix de Feu du lieutenant-colonel de La Roque, la ligue monarchiste Action française, la ligue des Jeunesses patriotes fondée en 1924 par Pierre Taittinger, conseiller municipal de Paris, le groupe Solidarité française du parfumeur François Coty, émule de Mussolini… à gauche, l’Association républicaine des anciens combattants).
  • Mai 1936 : Victoire du Front populaire (union des partis de gauche).
  • Juin 1936 : Accords de Matignon.
  • 1938 : Dislocation du Front populaire.
  • 23 août 1939 : signature du Pacte germano-soviétique.
  • 3 septembre 1939 : La France et la Grande Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne.
  • 16 juin 1940 : après la « débâcle » de l’armée française, Paul Reynaud est contraint de démissionner. Il est remplacé par le Maréchal Pétain.
  • 22 juin 1940 : Signature de l’Armistice à Rethondes.
  • 10 juillet 1940 : L’Assemblée, rassemblée à Vichy, vote les pleins pouvoirs à Pétain, mettant fin, de fait, à la 3ème République. Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.
  • 12 juillet 1940 : le Maréchal Pétain se proclame chef de l’État français et congédie les chambres et le président de la République.
  • octobre 1940 : statut des Juifs en France

Noms cités dans ce chapitre :

  • Adolphe Thiers – Patrice de Mac-Mahon – Léon Gambetta – Jules Grévy
  • Césarisme
  • Nicolas Rousselier, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
  • primus inter pares
  • Alfred Dreyfus – Georges Clémenceau – Georges Boulanger – Ferdinand Walsin Esterhazy – Emile Zola – Félix Faure – Georges Thiébaud – Paul Déroulède – Paul Maurras – Pierre Waldeck-Rousseau – Alexandre Millerand – Jules Ferry – Émile Combes
  • Les canuts
  • Karl Marx – Pierre-Joseph Proudhon – Mikhaïl Bakounine – Friedrich Engels – Jules Guesde – Jean Jaurès
  • Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique, Paris, PUF, 1990.
  • Croix de feu (Lieutenant-Général La Roque) – Action française – La Cagoule
  • Raymond Poincaré – Louis Barthou – Pierre Laval – Jean Tardieu – Edouard Daladier – Maréchal Philippe Pétain – Serge Berstein – Pierre Milza

vie politique sous la IIIème république

Introduction et propos liminaires sur la IIIe République.

Fondamental pour comprendre la vie politique y compris actuelle.

A partir de 1870 sont posés les fondements de la démocratie représentative et de la lutte politique.

A la proclamation de la 3ème République, beaucoup la considèrent comme un régime transitoire. L’opposition entre camps politiques est construite surtout sur la question du régime. C’est un enjeu majeur. La victoire de la République ne va pas alors de soi, car les mouvements monarchistes sont puissants. La forme que va prendre cette république n’est pas écrite en 1870. La commune incarnait la possibilité d’un autre type de république, une république sociale basée sur une fédération de commune et la participation du peuple. La 3ème république se fondera de façon très distincte à cette idée.

Les lois constitutionnelles de 1875, si elles donnent un cadre légal, sont cependant soumises aux usages qu’en feront les acteurs politiques. Au moment de la proclamation de la république, elle n’est pas considérée comme en mesure de durer, car l’assemblée, le gouvernement, et les institutions ne sont pas pleinement convertis au républicanisme. Les élections législatives de 1871 permettent aux monarchistes et aux conservateurs d’obtenir une majorité. Le chef de l’exécutif, Thiers, est élu par l’assemblée, c’est un monarchiste libéral, un Orléaniste. Il est méfiant à l’égard du suffrage universel et du peuple, il n’hésitera pas à faire donner le canon contre le peuple. Chez les monarchistes perdurent aussi des oppositions entre orléanistes et légitimistes. Cette opposition se fonde sur le nom du futur roi, sera-ce le comte de Paris ou le comte de Chambord (légitimiste). Les oppositions sont aussi des oppositions entre groupes sociaux. Les monarchistes sont aussi opposés sur le rôle du parlement et sur la souveraineté.

Thiers va se résoudre à la République, car «c’est le gouvernement qui nous divise le moins» dira-t-il. C’est aussi parce que pour lui la République semble compatible avec l’ordre moral, car le suffrage universel a donné une majorité conservatrice à l’assemblée nationale, et parce que c’est bien la République qui a écrasé la Commune et est ainsi le meilleur garant contre la révolution et le peuple.

En mai 1873 Thiers sera renversé et sera remplacé par Mac Mahon, du fait que les monarchiste le remettait en question. Les monarchistes attendent pacifiquement la restauration monarchique qui serait facilité si une des branches monarchique disparaissait. La monarchie est donc en suspens, car il y a aussi division au sein du corps républicain.

3 lois constitutionnelles seront adoptées entre janvier et juillet 1875. Elles instaurent un parlementarisme bicaméral avec, la chambre des députés et le sénat. Le Président y joue un rôle central. Il nomme le président du conseil à son gré, il n’a pas à tenir compte de la majorité parlementaire, même si cette dernière peut renverser le gouvernement.

Le président dispose du droit de dissolution de la chambre basse avec accord de la chambre haute. Ainsi, ce Président peut effectivement dissoudre la chambre basse et s’assurer ainsi de se constituer une majorité entre les deux chambres.

L’amendement Vallon du 30/01/1875, officialisera la République : » le président est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la chambre réunis en assemblée nationale « . Son pouvoir est l’émanation du pouvoir des chambres. C’est un souvenir de l’élection de Louis Napoléon Bonaparte. On considère que le peuple n’est pas assez intelligent pour présider à sa destinée, il faut laisser ce soin aux parlementaires.

C’est à cette époque que le septennat sera instauré, au prétexte de confier au nouvel homme fort du pouvoir, Mac Mahon, un mandat suffisamment long pour permettre aux monarchistes d’avoir le temps de s’accorder sur un roi.

Les lois constitutionnelles sont considérées comme une constitution de régence. Une république faible où les chambres ne sont pas les institutions fortes de la vie politique.

Malgré ces mauvaises conditions, on va constater que le régime républicain et le parlementarisme vont s’affirmer et se consolider au prix de luttes politiques intenses. La république va s’imposer comme faisant l’objet d’un large consensus.

A la suite, le régime de Vichy nous rappelle que dans des conditions particulières l’idée républicaine demeure très fragile. Ce n’est donc pas un régime naturel, il est régulièrement remis en cause ou défendus par divers groupes sociaux.

Il reste que la 3ème République malgré son objet premier durera plus de 70 ans et permettra des évolutions importantes qui marquent encore notre époque.

Autre élément important, c’est sous cette république que se généralisera la pratique du vote avec la confirmation du suffrage universel toujours masculin, et c’est là que les élections vont devenir libres, que le peuple s’appropriera le vote qu’il va considérer comme le moyen d’exprimer une opinion en dehors d’identités collectives. C’est là encore que le peuple va se détacher des notables, que la politique va devenir une affaire d’idéologie et de professionnels. Les partis politiques vont devenir des acteurs essentiels de la vie politique et de l’idéologisation.

 
  • La crise du 16 mai 1877 ou le triomphe du parlementarisme.
  • Démission de Mac-Mahon et apogée du processus de parlementarisation de la vie politique.
  • Monopolisation du pouvoir par l’élite parlementaire.
  • Radicalisme et anticléricalisme.
  • De la crise boulangiste à la création du « parti républicain, radical et radical-socialiste ».
  • La « républicanisation » de la France : lancement de la lutte anticléricale et invention du « bon citoyen-électeur ».
  • Les recompositions des résistances à l’idée républicaine.
  • Classes laborieuses, classes dangereuses ? Le mouvement ouvrier entre séparatisme et intégration.
  • De l’effacement des partisans de la monarchie aux ligues des années 1930.
  • Conclusion sur le régime de Vichy

I) La crise du 16 mai 1877 ou le triomphe du parlementarisme.

Les débuts de la 3ème République sont des débuts très agités, c’est le régime des drames et de l’incertitude au début. Il y a la défaite de Sedan, la perte de l’Alsace-Lorraine en mai 1871 après le traité de Francfort. C’est d’abord une incertitude territoriale et nationale. Ce sont aussi les élections de février 1871 qui envoient à l’assemblée nationale une majorité monarchiste, il y aussi la défaite de la commune. C’est une période de multiples oppositions.

Malgré ces difficultés, les chances de restauration demeurent relativement compromises du fait de la division des monarchistes.

Dès juillet 1871 les élections législatives partielles sont favorables aux républicains. C’est dans ce contexte que Thiers va se rallier à la République, et à la suite de ce ralliement la majorité monarchiste le reversera pour installer Mac Mahon, qui est monarchiste.

Dès son arrivée Mac Mahon n’aura de cesse de mettre en place une politique d’ordre moral pour limiter les progrès du républicanisme en France et sur les bancs mêmes du parlement.

Les lois constitutionnelles, auxquelles sont opposés les légitimistes et les bonapartistes, si elles avaient connues de simples légères retouches auraient conduit à la restauration.

Les élections de 1876 seront gagnées par les républicains. Mac Mahon se trouve dans une position inconfortable, il doit composer avec une chambre basse républicaine. Il y aura un conflit entre parlementaires et Mac Mahon. Ce conflit se soldera par la disparition de Mac Mahon et par l’apparition de la parlementarisation de la vie politique.

  • Démission de Mac-Mahon et apogée du processus de parlementarisation de la vie politique.

Le bloc républicain remporte les élections de la chambre basse. Mac Mahon doit composer avec une chambre républicaine hostile au retour de la monarchie. Cette chambre basse trouvera en Jules Simon , président du Conseil, un président acceptable, il se définit comme »profondément républicain et résolument conservateur « . C’est au nom de ce républicanisme que Jules Simon laissera à la chambre basse une place importante dans le processus décisionnel.

Le 16 mai 1877, Mac Mahon qui juge Jules Simon trop timoré, lui demande une explication, ce qui provoque sa démission. S’en suivra une grave crise institutionnelle et politique. Elle se soldera par la dissolution de la chambre basse en juin 1877 que mac Mahon annonce après s’être assuré du soutien du Sénat. Mac Mahon pense qu’avec cette dissolution et comptant sur la caractère versatile des électeurs, le retour de la monarchie sera assuré (Il y a une similarité avec la dissolution prononcée par Chirac).

Les républicains feront bloc. Aux élections de 1877, ils conserveront la majorité au sein de la chambre basse. Ainsi Gambetta dira : «Mac Mahon n’a plus qu’à se soumettre ou à se démettre». Mac Mahon garde encore le soutien du Sénat. En janvier 1879, le Sénat bascule dans le camp républicain et ainsi Mac Mahon va se soumettre.

Son départ marquera le début de «La république des Républicains». Jules Grévy accède à la Présidence de la République, son discours signera la fin de la crise politique, il y donne de grandes garanties au députés et sénateurs. Il propose une nouvelle lecture des lois constitutionnelles et fixera les règles de la Présidence. On parlera alors de Constitution Grévy, qui n’en est pas une, mais qui s’impose en tant que telle. Grévy indique dans son discours que le Président sera un arbitre neutre dans les débats politiques, et que sa fonction sera essentiellement honorifique. Ceci marque le triomphe du parlementarisme. Désormais c’est le président du Conseil qui gouverne notamment par le choix de ses ministres. Il ne s’agit pas ici de transférer le pouvoir d’un homme vers un autre, il s’agit de transférer le pouvoir d’un homme à un collectif, en particulier à la chambre basse. Le Président du Conseil prendra soin de choisir ses ministres parmi les parlementaires. Ce choix consiste à faire en sorte que ce soit l’assemblée qui fasse et défasse l’exécutif. C’est un usage non prévu des institutions, une lecture particulière des lois constitutionnelles de 1875. Ceci pose la question de l’équilibre et de la séparation des pouvoirs. Ce sera la monopolisation du pouvoir par l’élite parlementaire.

  • Monopolisation du pouvoir par l’élite parlementaire.

A la suite de la crise du 16 mai 1877, les républicains ont 2 peurs. La peur du retour du Césarisme (pouvoir autoritaire et absolu exercé par un seul homme), et peur des classes laborieuses. Ceci justifiera la mise en place d’un régime d’assemblée.

Les républicains veulent empêcher tout retour du pouvoir personnel. Ils vont placer le pouvoir au sein du parlement, et faire de la délibération collective le principe de toute décision politique. Il y a le souci dès 1880 de garantir la décision politique au détriment du pouvoir personnel.

De là découlent 3 usages :

  • C’est la monopolisation du pouvoir par les parlementaires dont découle :

o La liberté de vote.

o La dispersion de l’autorité politique.

La monopolisation du pouvoir par les parlementaires :

Avec la constitution Grévy on a vu que la place du chef de l’état devient secondaire par rapport à celle occupée par le parlement.

On met en place un règlement des assemblés. Or sa première fonction ne consiste pas à assurer le bon fonctionnement, mais à garantir le droit des élus. Ainsi tout orateur inscrit peut prendre la parole et nul ne peut l’interrompre. Les discussions au sein des chambres prendront ainsi un temps et une importance considérable. Le droit de dissolution sera aussi neutralisé. Tout se passe comme si le parlement était assez digne pour exercer le pouvoir du gouvernement (le nombre de ministres non parlementaires est quasiment nul).

On met aussi en place des systèmes qui donnent lieu à discussion ; on y favorise les cumuls de mandats. Il y aura aussi peu de rotation au sein des parlementaires, c’est l’installation d’une nouvelle élite qui tient son pouvoir de son capital politique, qu’on fait fructifier en restant en poste le plus longtemps possible.

La liberté de vote :

Il y a aussi la liberté de vote. Les parlementaires s’autorisent la mobilisation du pouvoir politique, car la discussion parlementaire semble être parée de nombreuses vertus (Rousselier: «le parlement de l’éloquence»). Ceci est censé permettre la fabrication de politiques consensuelles. Ceci avec la procédure d’élaboration des lois, qui sont le fruit d’un consensus entre toutes les tendances représentées à l’assemblée. Ainsi on estime que plus un texte est remanié, amendé, plus il est légitime, du fait d’une prise de décision collective.

On comprend ainsi la logique d’indiscipline parlementaire qui caractérise la 3ème république. Pour construire de la collégialité, il faut que les élus puissent changer d’avis, qu’il n’aient pas les mains liés par un programme ou des consignes partisanes.

La constitution des coalitions gouvernementales ne se constitue pas durant les élections, ni dans les partis, mais au sein du parlement.

La dispersion de l’autorité politique :

Pour conjurer la personnalisation du pouvoir il faut aussi s’assurer qu’aucun membre du parlement ne s’approprie l’autorité collective de la chambre, ni sur l’ensemble du gouvernement. Ainsi le jeu consiste à faire en sorte que les détenteurs du pouvoir forment une société de pairs, une communauté d’individus relativement égaux entre eux qui entretiennent des relations peu hiérarchisées. Ainsi le Président du Conseil n’aura pas d’autorité sur les autres membres du gouvernement, ce n’est qu’un primus inter pares (premier parmi les autres) qui n’oriente en aucun cas l’action des autres ministres. Le parlement disposera de nombreux moyens afin de contrôler l’autorité politique et administrative du gouvernement (commission d’enquête, motion de censure, logique d’interpellation directe qui conduit à la chute d’un gouvernement).

La stabilisation des règles du jeu passe aussi par l’apprentissage du républicanisme qui s’appuie sur le radicalisme et sur la lutte anticléricale, en tant que vrai piliers.

II) Radicalisme et anticléricalisme.

Un parti incarnera la 3ème république et son jeu parlementaire, c’est le parti républicain radical et radical socialiste.

Radicalisme désigne ici, le courant des défenseurs des institutions républicaines et les défenseurs de l’héritage de la révolution. Ce mot apparait sous la monarchie de juillet et sert de synonyme pour désigner les républicains.

Cette monarchie interdira l’usage du mot républicain afin de lutter contre cette idée.

Le radicalisme se structurera avec Gambetta. Il fixera le cœur du radicalisme et du républicanisme dans le programme de Belleville, qu’il prononce en 1869 sous le second Empire au moment des législatives. Il y décline les principaux thèmes du radicalisme qui sont 4 :

  • L’attachement à la république et à toutes ses potentialités (attachement à la réalisation de la liberté et de l’égalité)
  • La défense du vrai suffrage universel.
  • La liberté de presse et d’association (utile pour mobiliser la population)
  • L’anticléricalisme et la laïcité.

Dans ce programme, texte fondateur des républicains, les radicaux mettent l’accent sur les problèmes institutionnels et ne mettent pas en avant les problèmes économiques. Il y a l’idée que c’est par la garantie des droits politiques et juridiques qu’on parviendra à l’égalité sociale et économique. Différents épisodes vont permettre au radicalisme de s’imposer.

  • De la crise boulangiste à la création du « parti républicain, radical et radical-socialiste ».

La république commence à gagner de l’audience et de la force au cours de la 3ème république et on observe une modification du radicalisme et une opposition interne.

Dès 1880 apparaissent des opportunistes qui sont gradualistes, ainsi certains sont pour opérer des réformes mais ils estiment qu’on ne peut les faire que par étapes.

Face à eux se trouve l’aile gauche, représenté par Georges Clémenceau. Ici on est sur une logique d’intransigeance politique qui engagerait les radicaux à faire des réformes rapides et sévères. Clémenceau défendra l’idée d’un impôt progressif sur le revenu. C’est sous sa protection que Boulanger entrera au ministère de la guerre, il cultivera une image de patriote et de républicain, il améliore les conditions des soldats et met en place une réforme d’extension du service militaire. Il devient une idole au sein du petit peuple parisien qui voit en lui l’incarnation de la république et l’outil de la disparition des privilèges. A force de s’agiter il sera évincé en mai 1887, car il contrevient à la logique de collégialité. Dès lors son aventure personnelle va commencer. Comme il n’est plus tenu par ses obligations de ministre et militaires, il entre en politique et se fait élire en janvier 1889 député de Paris, à la suite d’une campagne contre le parlementarisme et dans laquelle il propose une révision de la constitution. Tout républicain qu’il se présente, il commence à inquiéter l’état-major du parti républicain, d’autant plus qu’à la suite de sa victoire, son entourage l’encourage à prendre l’Elysée. Fort tenté, il sera rejoint par des ligues et des bonapartistes, mais privé en avril 1889 de son immunité parlementaire, plutôt que de tenter un coup d’état, il décide de s’exiler en Belgique, car il est poursuivi pour complot contre la sécurité intérieure et parce qu’il a détourné des biens publics.

Ce péril signal la force de l’antiparlementarisme en France et montre combien le peuple n’est pas encore totalement rallié à la République. C’est en cela qu’on s’en souviendra longtemps.

L’affaire Dreyfus jouera aussi un rôle majeur. Elle explose à la fin des années 1890 et a 2 enjeux essentiels. Elle pose des questions décisives touchant à la nature du pouvoir. Quelle conception de la citoyenneté fonde la légitimité républicaine ? Comment s’articule la défense des droits de l’homme et la raison d’état ? Elle est l’occasion d’une reconfiguration durable de l’espace politique. C’est ici que se reformule le clivage gauche/droite, même si cet évènement marque l’apogée du parti républicain, radical et radical socialiste.

En 1894-95 l’armée découvre qu’un traitre se trouve en son sein qui dévoile des informations à l’ennemi allemand. Le capitaine Dreyfus est désigné comme coupable facile. C’est un officier républicain et juif. L’état-major est monarchiste et catholique il est aussi antisémite. Rapidement il sera condamné en conseil de guerre, bien que par la suite le commandant Esterhazi sera identifié comme étant le vrai coupable. On aura fait appel à des experts qui n’avaient aucune capacité notamment en graphologie. Le gouvernement, refusera de remettre en cause le jugement. En janvier 1898, Esterhazi est jugé et acquitté, Zola dans L’Aurore publiera le 13 janvier 1898 son texte-lettre «J’accuse» adressé au Président. Le 20 février est créée la ligue des droits de l’homme pour mener le combat dreyfusard. En 1898 et 1899 l’affaire éclate sur le devant de la scène politique. Malgré le fait que beaucoup de gens soient convaincus de la non culpabilité de Dreyfus, le gouvernement s’entêtera. Des groupes antidreyfusards vont aussi se constituer. Il y la Ligue des Patriotes (constituée en 1882 avec le soutien de Boulanger), dirigée par Paul Déroulède ; le 05/12/1898 Georges Thiébaud dira que s’il faut faire la guerre civil, ils la feront. Le 31/12/1898 sera fondée la Ligue de la Patrie Française en réaction de la création de la ligue des droits de l’Homme; cette ligue donnera un nouveau visage au nationalisme français. Avant le patriotisme était incarné par la gauche républicaine, désormais cette question sera portée par la droite politique française. Ces ligues diront que le patriotisme, c’est défendre la patrie contre l’anti France. Cette année est celle de tous les dangers pour la République qui se trouve sous la menace d’un coup d’état.

Dans ce contexte le 22/06/1899, Waldeck Rousseau fonde un gouvernement de défenses républicaine, l’objectif étant de contrôler l’état républicain, de le soumettre au pouvoir réglementaire. Avec l’affaire Dreyfus il y a l’idée que le parquet et l’armée sont des lieux très forts de contestation. Le 08/09/1899 Dreyfus est à nouveau reconnu coupable avec des circonstances atténuantes et est condamné à 10 ans de réclusion. L’amnistie générale n’interviendra que plus tard. Il faut attendre 1906 pour que Dreyfus soit innocenté et réhabilité.

Le centre de gravité du front de défense républicaine se constitue contre les ligues nationale et la droite Française. En 1899 les radicaux s’associent à Alexandre Millerand. En juin 1901 se tient le congrès constitutif du parti républicain, radical et radical socialiste, il se tient avec 476 représentants des comités électoraux locaux, 215 membres des journaux locaux et 155 représentants des loges maçonniques. Dans l’histoire de ce parti, la place des élus est prépondérante. On compte sur 1100 membres, 201 députés et 78 sénateurs ; c’est un parti d’élus et non de citoyens. La décision de rassemblement trahit la préoccupation de consolider la gauche du parti, car il s’agit dès 1900 de faire face à l’agitation menée par les forces socialistes, il faut aussi se prémunir de la menace qui vient de la droite de l’échiquier politique, il faut assoir la république contre les ligues nationalistes. Dès 1901, ce parti va devenir très important, ce sera un parti qu’on retrouve dans la majorité des coalitions gouvernementales de la 3ème république. Il devient un parti pivot toujours au pouvoir selon sa tendance de droite ou de gauche qui deviendra majoritaire. On compte sur cette période 13 présidences du conseil qui reviennent au parti radical (de 1900 à la fin de la 3ème république).

C’est un parti d’élites républicaines, dont l’objectif est de se maintenir au pouvoir et de gouverner, malgré la concurrence croissante des forces socialistes. Les tendances diverses de ce parti font que ce parti ne correspond pas à l’image d’un parti structuré, c’est une structure floue et lâche qui est un regroupement d’élus qu’on retrouve dans des groupes parlementaires très différents. C’est un parti de comités, car les élus y font la loi et il n’y a pas vraiment de direction nationale, les comités locaux y priment et il y très peu d’adhérents et de militants.

  • La « républicanisation » de la France : lancement de la lutte anticléricale et invention du « bon citoyen-électeur ».

Les débuts de la 3ème république sont marqués par d’importantes réformes. Les premières sont symboliques mais marquent le type d’orientation des républicains.

On rapatrie le parlement à Paris (espace urbain marqué par l’esprit républicain). On ferme la chapelle du palais Bourbon. On institue une fête nationale au 14 juillet (prise de la bastille).

L’idée est d’entrer dans une lutte anticléricale qui sera associée à l’assise de la république des républicains. C’est en 1881 qu’on instaure la liberté des réunions, de la presse. C’est en 1882 et 1844 que les maires ne seront plus élus mais nommés et en 1885 qu’on légalise les syndicats. L’idée est d’installer définitivement l’idée républicaine parmi les élus et les citoyens. La république va entrer dans une période de régime d’assemblée (parlementarisme absolu). Les représentants de la république vont s’engager dans la lutte anticléricale en développant l’attachement à la république via l’école primaire. Les lois de 1880 et 1882 font que l’école devient gratuite, laïque et obligatoire (Ferry), on va aussi favoriser l’apprentissage du vote.

Le parti radical est le parti de l’opposition au clergé et à l’église qui sont accusés d’entretenir l’obscurantisme. C’est autour de la question scolaire que cette lutte va se cristalliser. Il faut annihiler l’emprise de l’église au sein de l’école, pour assoir définitivement la république dans les esprits. On développera une représentation mythologique, dans laquelle on fait apparaitre le hussard noir de la république, l’instituteur et de l’autre côté le prêtre enseignant. Cette opposition à l’église est le constat de la forte présence religieuse dans l’enseignement. On compte alors 160.000 religieux en France et les femmes y sont majoritaires. Jules Ferry lancera cette politique anticléricale, il sera de 1879 à 1880 ministre de l’institution d’enseignement public et président du conseil à 2 reprises. Il dépose 2 projets de lois qui visent à modifier la composition des conseils d’enseignants et de l’académie. On va ainsi laïciser l’ensemble des structures de l’enseignement public. Un autre projet vise à réserver à l’état la collation des grades, pour que seul l’état soit en mesure de déterminer les places, les avancements et les rémunérations. C’est ce projet qui mettra le feu aux poudres, car il exclut les religieux notamment la communauté jésuite. Un an plus tard Ferry fera appliquer ces lois.

Des protestations, des pétitions et des manifestations viseront à remettre en cause ce qui est alors considéré comme une chasse aux sorcières. Ferry sûr de son fait ne reviendra pas en arrière. Avec cette mise au pas de l’instruction publique, il va y avoir un véritable nettoyage et cela aura un effet direct sur la place des congrégations, 261 établissements vont être fermés et de nombreux religieux seront exclus de l’enseignement. Dans les années qui suivent, la base de l’œuvre scolaire républicaine est posée comme un service public. Ferry fera voter plusieurs lois. La loi sur la gratuité totale de l’enseignement (juin 1881) qui permet de voter l’obligation de la fréquentation scolaire (pour les enfants de 7 à 13 ans. La loi de laïcité des programmes (1882) et en 1886 la loi de laïcisation des personnels de l’éducation.

Un autre gouvernement, celui de Combes entre 1902 et 1905 renforcera cette lutte anticléricale. Emile Combes fera voter une loi sur les congrégations subordonnant leur existence à une autorisation des forces républicaines. Plusieurs milliers de congrégations disparaitront alors. C’est ici aussi en 1905 qu’est mise en place la loi de séparation de l’église et de l’état. Elle a un effet financier immédiat, le clergé n’est plus financé par l’état et la république abandonne toute référence à la religion catholique ; c’est un tournant essentiel pour comprendre les débats actuels.

Parallèlement se développe l’apprentissage du vote. C’est par des éléments techniques que sera menée cette œuvre. En 1848 on établit des listes permanentes alphabétiques des électeurs masculins (nécessitées du fait du suffrage universel – à l’époque il n’y a pas de proximité des bureaux de vote). Dans les années 1860 on standardise les urnes (la dernière remonte à 1983, urnes transparentes) et on met aussi en place des règles qui seront des représentations normatives du vote. En 1884 on institue une carte d’électeur obligatoire, à partir de 1880 on fait en sorte que la salle de vote devienne un espace neutre, et ainsi petit à petit on occupera les écoles et les mairies, symboles de la république. En 1913 on met en place l’isoloir. En 1923 les bulletins sont mis à la disposition des citoyens à l’intérieur du bureau de vote. Avec l’isoloir il y a l’idée d’égalité de tous les électeurs face à l’acte de vote (vision individualiste). Au début ceci créera des tensions, notamment du fait des notables qui voient leurs influences amoindries.

Pour les républicains, en devenant de bon électeur, on devient français et en devenant français on devient un bon électeur.

Petit à petit la république s’installe en France.

On voit cependant la survivance de résistances.

III. Les recompositions des résistances à l’idée républicaine.

Elles sont de 2 types, les ouvriers et la droite.

  • Classes laborieuses, classes dangereuses ? Le mouvement ouvrier entre séparatisme et intégration.

A mesure que se structure le mouvement ouvrier il aura un impact sur le parti radical, qui occupera une position centrale. Le mouvement ouvrier devra choisir entre le fait de s’exprimer par des revendications et celui de se constituer en véritable parti politique. En participant aux élections, le mouvement ouvrier fait un acte de légitimation des règles républicaines. C’est donc un choix entre une voix révolutionnaire ou républicaine.

La question sociale émerge difficilement en France, car le nombre d’ouvrier progresse très lentement. En 1789 on estime que ce secteur représente 15% des activités économiques et 26% en 1885. Sont associés des mouvements de grèves qui se déroulent dès le 19ème siècle (1817, 1830, 1836 et 37, 1840). Les journées révolutionnaires de 1830 (3 glorieuses) et de 1848 mobiliseront les ouvriers et poseront concrètement la question sociale.

Ce n’est pas pour autant que les républicains vont se saisir de la question. Bien qu’ils aient soutenus l’avènement de Louis Philippe, le pouvoir n’hésitera pas à tirer en 1831 et 1834 contre les ouvriers lors de la révolte des canuts à Lyon.

En 1848 la révolte qui met fin à la monarchie de juillet verra une forte présence ouvrière. Mais ces différents évènements font se développer au sein des ouvriers un fort sentiment de méfiance vis-à-vis de l’état même républicain, car il n’hésite pas à faire maintenir l’ordre par les baïonnettes. Ainsi se développera le séparatisme ouvrier.

En 1864, se mettent en place des échanges et des rencontres entre ouvriers de différents pays, ils ont pour but de permettre aux ouvriers de s’organiser, c’est la mise en place de l’organisation internationale des ouvriers (OIT) dont Marx rédige les statuts, c’est la première internationale. Demeurent cependant de fortes dissensions au sein de ce mouvement.

Entre 1864 et 68 oppositions entre les thèses de Proudhon (travail sans patron) et Marx qui plaide une lutte politique révolutionnaire.

Entre 1869 et 72 oppositions entre les anarchistes (révérence à l’égard de Bakounine) et les communistes derrière Marx. Cela aboutira à la scission de l’internationale en faveur de Marx face aux libertaires anarchistes.

La commune et sa répression seront un grand choc pour les ouvriers comme la faillite de la 1ère internationale. Marx et Engel mèneront la structuration du mouvement en parti politiques nationaux.

En 1880 en France sera fondé le parti ouvrier de Jules Guèdes. En 1889 à Paris et à Bruxelles en 1891 des congrès conduiront à la fondation de la 2ème internationale. Ce sera le succès du marxisme, qui fait de la lutte politique par les partis la tâche essentielle du mouvement. Cette 2ème internationale est toujours à l’œuvre aujourd’hui.

Il existe un morcellement des forces socialistes qui se traduit par une compétition.

Il y a des marxistes orthodoxes qui sont méfiants envers la république. Il y a les socialistes indépendants plus proches des républicains et prêts à participer au pouvoir.

Sous la pression de l’internationale socialiste, les français s’unifieront dans la SFIO, constituée en avril 1905, on y observera 5 tendances différentes, dont les socialistes républicains menés par Jean Jaurès. Cette SFIO est un parti ouvriériste qui compte peu d’ouvriers dans ses camps (ils sont plus présents dans les fédérations du Nord) ; c’est plus un parti de petits intellectuels, attachés à une forme de pureté doctrinale. Il va développer un fort ancrage municipal, dès 1880 avant même la fondation du parti, qui tranchera avec son exclusion nationale. Ces mairies seront un laboratoire du socialisme municipal.

En 1914 la SFIO comptera 80.000 militants et de nombreux élus locaux et nationaux. Ce sera bientôt le premier parti en voie et cela débouche sur l’expérience du front populaire.

Les révolutions bolcheviques de 1917. Lénine considèrera que la dernière internationale a échoué, car les socialistes français et allemand sont considérés comme vendu du fait qu’ils ne sont pas opposés à la guerre. En 1919 sera fondée la 3ème internationale (Kominterm) qui regroupe les partis nationaux, elle imposera des conditions d’adhésions, les 21 conditions. Nicolas Werth dit qu’elle était appelée à devenir l’organe combattant, un seul parti communiste ayant des branches dans chaque pays.

Dans ce contexte se tient en décembre 1920 le congrès de Tours de la SFIO, qui permet d’observer la division du parti en 2 branches; d’un côté Blum qui refuse les conditions de la 3ème internationale, et de l’autre ceux qui les acceptent et créent la SFIC qui deviendra le PCF. Malgré cette scission on observe une progression électorale de la SFIO qui lui permettra de créer une alliance avec les radicaux. En 1924 et 32 on assiste ainsi à la fondation de cartels et l’avènement du gouvernement en 1936 du front populaire.

Le 6 février 1934 on observe à Paris une forte agitation des ligues d’extrême droite qui se réunissent devant le palais Bourbon ; ces ligues sont dans une logique insurrectionnelle. Alarmé par ce coup de force fasciste, les leaders de gauche vont se rapprocher en écoutant les bases syndicales ; c’est la mise en place d’une tactique, ou réflexe républicain, de la SFIO et des radicaux. Ça bouge aussi chez les communistes, désormais, l’ennemi n’est plus les socialistes ou les républicains, mais les fascistes. Ce sont les ambitions de la gauches socialiste en matière de réformes sociales qui conduiront à l’instauration du front populaire (nationalisation de la SNCF qui permet aux ouvriers de prendre le train pour partir en vacance, reconnaissance des droits syndicaux, congés payés). C’est aussi une expérience douloureuse pour le mouvement ouvrier, qui découvre qu’il y a une distance entre la théorie et la réelle gouvernance.

Le PC est le dernier né de cette famille. Pour lui le modèle soviétique est le modèle absolu en termes d’organisation, ainsi le PC doit viser l’avènement de la révolution prolétarienne. On met en place le centralisme démocratique, largement opposé au mode de fonctionnement de la SFIO qui est fédéral. Le PC se pensera comme la section française du parti mondial. Du fait de ce positionnement des années 20 à 30 le parti ne progresse pas en voie. La dégénérescence de l’URSS (développement du Stalinisme), transformera le PC en courroie de transmission du Parti soviétique et seront exclus de vieux militant jugés trop en marge de la doctrine. Le PC privilégiera la création d’écoles de cadre du parti. Cette rigidification se traduira par une perte d’effectif et de légitimité électorale. Cela conduira à la victoire de la droite en 1928, il faudra attendre la victoire du front populaire pour que les communistes reviennent au-devant de la scène.

23 août 1939, le pacte germano-soviétique est un engagement à la neutralité des 2 pays en cas de conflit et il y a un partage secret des pays tampon entre l’Allemagne et l’URSS. Cette signature du pacte a un effet direct sur les PC nationaux, considéré comme des traitres. Ainsi le PCF sera interdit en septembre 1939, et les députés sont déchus de leur siège. On crée ainsi une légitimité à postériori de ce parti qui ainsi ne sera pas accusé d’avoir collaboré au régime de Vichy.

  • De l’effacement des partisans de la monarchie aux ligues des années 1930.

Les forces légitimistes de droite sont davantage attachées à un mode de fonctionnement qui renvoie à celui de l’ancien régime.

Ces forces n’ont pas disparues.

Ces forces qui furent très puissantes au 19ème voient leur audience décliner et sont soumises à des transformations. Elles vont prendre 2 formes, les ligues patriotiques et celle d’une droite parlementaire qui petit à petit se convertira à la république et avec laquelle il faudra compter.

Les ligues, sont des mouvements populaires et anti parlementaires qui réclament l’ordre et déclarent défendre les classes sociales moyennes et basses. Elles sont attachées à un exécutif fort et à un césarisme du pouvoir. Elles ont soutenu Boulanger et prit fait et cause pour l’armé à l’époque de l’affaire Dreyfus. Elles se développent sur l’antisémitisme et l’antilibéralisme (qui pour elles ruinent les petits commerçants). La ligue patriote de Paul Déroulède.

C’est à la fin de la première guerre mondiale que les ligues se réactiveront avec les mouvements des anciens combattants. Lors de la crise du 6/02/1934 on retrouvera ces anciens combattants et ces ligues défier le mouvement républicains dans des manifestations sanglantes, on y trouve les croix de feu de Laroque et l’action française (ligue monarchiste). Ceci amènera la création d’associations secrètes qui travaillent au renversement des institutions, il y a la Cagoule (pour eux la république est une prostitué).

Une autre partie de la droite va elle se convertir au jeu républicain. Au début du 20ème il y a bien le développement d’une droite républicaine qui réunit des parlementaires, qui se disent laïques, libéraux et favorables à la petite entreprise. Parmi les leaders on trouve Raymond Poincaré (Pdt en 1913) et Louis Barthou.

On trouve aussi les convertis, plus conservateurs et qui gardent l’espoir d’une restauration, mais ils créeront la Fédération Républicaine et se rallieront donc à l’idée républicaine.

Il y a les catholiques ralliés. Ces formations deviendront républicaines et à partir de 1930 il développeront la doctrine du personnalisme pour réconcilier le catholicisme et la démocratie,, dans une 3ème voie qui se construit contre le fascisme et le communiste.

C’est l’alliance démocratique qui va dominer la période 1919-1936 avec un moment de gloire important, car sous la houlette de Poincaré il y la volonté de répondre à la crise de 1934 par une union sacrée, l’objectif étant d’associer la droite républicaine aux radicaux et d’éloigner la menace socialiste au pouvoir. Ce bloc rassemblera les droites républicaines, les conservateurs et les convertis. Cependant malgré les efforts d’une droite plus moderne incarnée par Laval et Tardieu, les partis de droite restent des groupes parlementaires appuyés sur des journaux. Laval et Tardieu contesteront cette agencement en disant que la droite a intérêt à se constituer en véritables partis d’adhérents et de militants. Au début en 1920 il n’y a que 3.000 adhérents. Ces partis sont des organisations notabiliaires qui donnent des investitures aux candidats aux élections.

Entre 1938 et 1940 la droite revient au pouvoir, car elle s’allie aux radicaux. Ce retour correspond à la montée des périls et elle aura à prendre en charge ces menaces. Elle y montrera toute son impuissance, et si elle s’est rallié à la république, elle demeure toujours favorable au retour d’un homme fort.

Conclusion sur le régime de Vichy

Il a pour origine la guerre, la défaite et l’occupation. Le projet de révolution nationale de Pétain est un projet original au sens où il est spécifique et en rupture. Il est doté de sa dynamique propre, ce n’est pas un régime imposé de l’extérieur par les nazis. Au cœur se trouvent le césarisme, le culte du sauveur, l’antisémitisme qui n’est pas non plus imposé par l’extérieur. L’établissement en octobre 1940 du statut des juifs précède les demandes extérieures. Ce régime est l’occasion pour tout un tas de juristes et d’hommes politiques de prendre leur revanche sur la république et d’expérimenter nombre de projets. Il s’agit ici de rompre avec la décadence des années 1930 et de régénérer le pays, grâce à l’instauration de l’homme nouveau et de la fête des mères.

Bibliographie pour la séance :

  • Maurice Agulhon, La République, t. I, 1880-1932, Paris, Hachette, 1990.
  • Jean Pierre Azema, Michel Winock, La troisième République, 1870-1914, Paris, Hachette, 1991.
  • Gérard Baal, Histoire du radicalisme, Paris, La Découverte, 1994.
  • Serge Berstein, Michel Winock (dir.), L’Invention de la démocratie (1789-1914), Paris, Seuil, 2002.
  • Gilles Candar, Histoire politique de la IIIème République, Paris, La Découverte, 1999.
  • Yves Déloye, École et citoyenneté. L’individualisme républicain de Jules Ferry à Vichy : controverses, Paris, Presses de la FNSP, 1994.
  • Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, Paris, Seuil, 2002.
  • Alain Garrigou, « Vivre de la politique. Les ‘quinze mille’, le mandat et le métier », Politix, vol. 5, n° 20, 1992.
  • Raymond Huard, « Comment apprivoiser le suffrage universel ? », in Daniel Gaxie (dir.), Explication du vote, Paris, Presses de la FNSP, 1985, pp. 126-148
  • Raymond Huard, La naissance du parti politique en France, Paris, Presses de la FNSP, 1996.
  • Jacques Lagroye, Bastien François, Frédéric Sawicki, « L’apparition des professionnels de la politique et la bureaucratisation », in Sociologie Politique, Paris, Presses de Sciences Po, Dalloz, 2002.
  • Michel Offerlé, « Mobilisation électorale et invention du citoyen. L’exemple du milieu urbain français à la fin du XIXème siècle », in Daniel Gaxie (dir.), Explication du vote, Paris, Presses de la FNSP, 1985, pp. 149-174
  • Nicolas Rousselier, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
  • Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique, Paris, PUF, 1990.