La responsabilité civile délictuelle

La responsabilité civile délictuelle

La responsabilité délictuelle est l’obligation de réparer le dommage injustement causé par des agissements intentionnels. On a une logique de rétablissement. C’est la situation dans laquelle a une personne doit réparer le dommage subi par autrui. Ce sont des cas particuliers et précis. Il n’y a donc pas de règle générale. Voici le plan du cours sur la responsabilité délictuelle :

  • Chapitre 1: Introduction au droit de la responsabilité
  • I. La responsabilité délictuelle et les autres types de responsabilité
  • A) La responsabilité civile et la responsabilité pénale
  • B) La responsabilité civile et la responsabilité administrative
  • C) La responsabilité civile délictuelle et la responsabilité civile contractuelle
  • II. La responsabilité délictuelle et les autres mécanismes de réparation du dommage
  • A) La Sécurité Sociale et les fonds d’indemnisation
  • B) L’assurance
  • III. La spécificité de la responsabilité délictuelle
  • A) Responsabilité et causalité
  • B) Le fondement de la responsabilité et l’exigence d’un dommage injustement causé
  • C) La fonction de la responsabilité et les effets secondaires
  • D) La structure fondamentale de la responsabilité délictuelle
  • IV. Ordre d’exposition de la matière
  • Chapitre 2: La responsabilité pour faute
  • I. Les conditions de la responsabilité
  • A) Le dommage
  • 1. Un intérêt légitime protégé par le droit
  • 2. Une atteinte certaine
  • 3. Un intérêt personnel ou collectif
  • B) La faute
  • 1. L’élément matériel
  • 2. L’élément moral

Domat a essayé de synthétiser ces différents délits et quasi délits, repris du droit romain et dégagés par les tribunaux dans l’ancien droit. Celui qui a causé par sa faute un dommage doit le réparer.

Le Code civil en parle au Livre 3 du Titre 4 : obligations qui naissent d’autre chose qu’un contrat → art. 1382 à 1386.

Art.1382 principe général dégagé par Pothier. Dans les trois qui suivent, des cas particuliers sont prévus. On est dans un régime hybride. Ces cinq articles sont devenus une branche du droit majeure.

La jurisprudence s’est le plus tôt montrée audacieuse et entreprenante. La Cour de cassation n’a pas hésité à créer de nouveaux cas de responsabilité et elle a utilisé au maximum l’ambiguïté, l’absence de définition précise. On a également eu des interventions législatives, des textes spéciaux qui ne figurent pas au Code civil. Ainsi l’essentiel du droit de la responsabilité délictuelle n’y apparaît que très peu.

Une réforme du droit de la responsabilité est envisagée. Les deux projets ont un fond commun: proposition de consolidation.

Chapitre 1 : Introduction au droit de la responsabilité

I. La responsabilité délictuelle et les autres types de responsabilité

La responsabilité est un concept large. On l’utilise pour désigner des choses qui relèvent du droit et d’autres qui ne sont pas juridiques: responsabilité morale, responsabilité politique.

A) La responsabilité civile et la responsabilité pénale

La responsabilité civile → réparation du dommage causé injustement.
La responsabilité pénale → punir un comportement dont l’ordre juridique a décidé qu’il est contraire aux intérêts de la société.

La distinction entre les deux n’est pas toujours évidente et a mis du temps à s’imposer.

La faute n’a pas le même rôle, elle est plus importante en responsabilité pénale : en principe, elle n’existe pas sans faute du délinquant. En responsabilité civile, il est possible qu’il n’y ait aucune faute pour la mettre en œuvre. Il y a cependant un lien entre faute pénale et faute civile. La jurisprudence a pendant longtemps appliqué le principe de l’identité des fautes civiles et pénales. S’il n’y a pas de faute pénale, il ne peut y avoir de faute civile. La question se pose quand une infraction pénale cause un dommage.
Article 3 du Code de procédure pénale : la victime peut agir devant le juge pénal en réparation de son dommage, c’est l’action civile. Le juge civil ne peut pas se prononcer sur la responsabilité civile tant que le juge pénal ne s’est pas prononcé sur la responsabilité pénale.

B) La responsabilité civile et la responsabilité administrative

Cette distinction n’est qu’une application de la distinction plus générale droit privé/droit public. La responsabilité administrative est portée devant les tribunaux administratifs. Il existe des cas exceptionnels où une personne privée peut être tenue d’une responsabilité administrative ou une personne publique est tenue sur le fondement de règles privées. Le législateur a confié aux tribunaux administratifs un contentieux de responsabilité civile.

Les deux ordres de juridiction s’inspirent l’un de l’autre. On a des domaines où on a un rapprochement assez net, notamment en matière de responsabilité médicale. Une loi du 4 mars 2002, Kouchner, a posé des règles légales sans distinguer entre droit civil et droit administratif.

C) La responsabilité civile délictuelle et la responsabilité civile contractuelle

La responsabilité se divise traditionnellement en deux branches. On ne trouve pas cette distinction au Code civil. Progressivement, ce sont la doctrine et la jurisprudence qui l’ont dégagée. Elle fait l’objet de beaucoup de débats voire de controverses.

La responsabilité contractuelle → obligation qu’a un débiteur contractuel de réparer le dommage causé à son créancier par la violation du contrat.

La responsabilité délictuelle obligation de réparer le dommage injustement causé en dehors de tout contrat.

On a le principe de non cumul des responsabilités (contractuelle et délictuelle). Seules les règles de la responsabilité contractuelle sont susceptibles de s’appliquer à la réparation du dommage causé par la violation du contrat. Celles de la responsabilité délictuelle ne s’appliquent donc pas en présence d’un contrat. L’expression «responsabilité extra-contractuelle» → synonyme de responsabilité délictuelle.

II. La responsabilité délictuelle et les autres mécanismes de réparation du dommage

Il n’y a pas que la responsabilité qui crée des obligations de réparer.

A) La Sécurité Sociale et les fonds d’indemnisation

La Sécurité Sociale a été introduite en France en 1945 et a des incidences importantes. Les personnes physiques paient des cotisations qui leur donnent droit à des prestations. Il y a plusieurs branches : maladie, vieillesse, chômage. Dans certains cas, ces prestations ont pour objet et pour effet de réparer un dommage que l’on a subi. Ce n’est pas toujours le cas : la retraite n’a rien à voir avec une quelconque réparation d’un dommage. S’il y a un responsable du dommage, du fait de son paiement, la Sécurité sociale est subrogée dans nos droits. Sauf exception quand un assuré social est victime d’un dommage il est toujours pris en charge, au moins partiellement.

La loi a créé des fonds d’indemnisation qui sont destinés à réparer certains dommages survenus dans des conditions particulières : exemple pour les victimes d’infraction, pour les victimes d’accidents médicaux… L’indemnisation touchée n’est pas liée au mécanisme de responsabilité. Le fonds d’indemnisation peut se trouver subrogé dans les droits de la victime.

B) L’assurance

C’est un mécanisme contractuel par lequel une personne, l’assuré, obtient d’une autre, l’assureur, l’engagement de verser une prestation en cas de réalisation d’un certain évènement prédéfini (en général, appelé sinistre) et ce en l’échange d’une cotisation.

Elle joue un rôle majeur en matière de responsabilité. On a deux types d’assurance particulièrement importants.

– L’assurance directe est celle par laquelle l’assureur s’engage à indemniser l’assuré dans l’hypothèse où celui-ci subirait un dommage aux caractéristiques prédéterminées. L’assureur est subrogé dans les droits que l’assuré pourrait avoir envers l’auteur du dommage.

– L’assurance de responsabilité civile est celle par laquelle l’assureur s’engage à prendre en charge les obligations de réparer qui pourraient peser sur l’assuré au titre de la responsabilité civile. Elle est particulièrement étendue : la plupart des entreprises la souscrivent.

L124-3 du Code des assurances : le tiers lésé dispose d’un droit d’action direct à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile du responsable.

Elle permet de déplacer la charge financière d’un dommage, elle ne le supprime pas. Quand on parle de réparer un dommage, il ne s’agit pas de remettre directement les choses dans lequel elles étaient avant, sauf exception. La réparation du dommage est le versement d’une somme d’argent censée compenser les conséquences de ce dommage.

III. La spécificité de la responsabilité délictuelle

A) Responsabilité et causalité

On ne peut définir la responsabilité simplement comme l’obligation de réparer le dommage. Ce qui la définit c’est la causalité, le rapport de cause à effet. On pourrait être tenté de la définir comme l’obligation de réparer le dommage causé à autrui. Il est cependant possible de se voir condamner à réparer un dommage que l’on n’a pas causé personnellement.

Le terme de victime est ambigu. Une victime de dommage l’est au sens où elle a subi un dommage. Cela peut aussi vouloir désigner la personne qui a un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité civile. Il n’est pas possible que tous les dommages engagent la responsabilité civile, La vie en société fait qu’on se frotte les uns aux autres, reconnaître la responsabilité c’est diminuer la responsabilité des gens. Casus sentit nominus: c’est celui sur qui la chose tombe qui doit l’assumer. C’est le principe de départ : si la responsabilité était systématiquement engagée, on ne sortirait plus de son lit de peur de créer des dommages quoi que même en restant au lit vous pouvez créer des dommages.

B) Le fondement de la responsabilité et l’exigence d’un dommage injustement causé

Le fondement peut désigner deux réalités.

C’est le fait générateur qui donne naissance à la responsabilité. Ce peut être aussi la justification de la responsabilité. Dans ce cas, c’est la faute. C’est parce que quelqu’un a commis une faute qu’on l’oblige à réparer le dommage causé. On crée des dommages tous les jours (en respirant on pollue, en ouvrant un restaurant on prend de la clientèle) mais sans mauvais comportement il n’y a pas le fondement de la faute donc pas de réparation possible.

Au 19ème siècle, la doctrine considérait que la seule justification possible était la faute. Ce n’est pas le système retenu par le Code civil mais ce courant doctrinal n’a pas totalement disparu. Si je fais le choix même sans faute de créer des risques pour autrui afin de réaliser un profit, si les risques se forment je dois réparer les dommages. Ubi emolentum, ibi onus: là où est le gain, là est la charge. L’idée de risque et profit n’explique cependant pas tous les cas de responsabilité.

L’injustice est un fondement. La causalité n’est pas suffisante.

C) La fonction de la responsabilité et les effets secondaires

La fonction première de la responsabilité est une fonction de réparation de certains dommages causés aux sujets de droit. Cela étant, on met en valeur d’autres fonctions de la responsabilité : fonction préventive et fonction punitive.

– La responsabilité peut avoir une dimension préventive : la perspective d’engager sa responsabilité peut éviter à une personne de causer un dommage. Ex : je sais que si je commets une faute, je devrais la réparer : je vais tout faire pour ne pas la commettre. Toutefois, il faut tempérer la fonction préventive de la responsabilité. D’une part, les personnes ne connaissent pas forcément toutes les règles de responsabilité. D’autre part, les responsables potentiels sont souvent couverts par une assurance, ils savent que s’ils commettent un dommage, leur assurance paiera. Néanmoins, plus l’on commet de dommages, plus l’on paye cher notre assurance, ce qui est dissuasif.

Par ailleurs, l’analyse économique du droit est un courant de pensée qui analyse les phénomènes juridiques sous l’angle de leur incidence économique, c’est à dire sous l’angle de la création et de la répartition des richesses : souvent, l’idée qui se trouve derrière cette analyse est que le droit doit contribuer au maximum à l’accroissement de la richesse. Les analystes ont ainsi insisté sur la portée préventive de la responsabilité, du dommage. Ils en arrivent à faire peser la responsabilité sur celui qui, à l’avenir, sera le plus susceptible de causer des dommages du même type que ceux souvent causés. Cette analyse économique du droit existe surtout aux USA, très peu en France.

– La responsabilité peut avoir une dimension punitive : l’obligation de réparer un dommage peut avoir des allures de sanction. Pourtant, la responsabilité pénale est là pour punir alors que la responsabilité civile est censée juste réparer. La dimension punitive est donc subjective. Mais ceci est atténué par le fait que celui qui doit réparer un dommage est tenu de le réparer entièrement. Attention : c’est possible de commettre une faute grave sans causer un dommage, et vice versa, on peut faire une faute légère qui cause un lourd dommage. La responsabilité civile est donc peu efficace car il y a un décalage entre le caractère répréhensible du comportement de la personne et l’obligation de réparer.

Le Code civil préconise l’introduction des dommages et intérêts punitifs. Ils consistent en des dommages et intérêts qui excèdent le montant du dommage effectivement subi. Ex : je casse quelque chose qui vaut 100, je dois 100 + un montant pour me punir d’avoir cassé. ATTENTION : EN FRANCE, LES DOMMAGES ET INTERETS PUNITIFS N’EXISTENT PAS.

Il est certain que la responsabilité civile peut avoir des effets de prévention et de sanction. Mais il faut nuancer la notion. Il ne faut pas voir véritablement là des fonctions de la responsabilité civile, mais uniquement des effets. Dans de nombreux cas, on ne peut pas concilier par exemple la fonction réparatrice et la fonction punitive.

Pour prévenir les dommages, il existe d’autres mécanismes que la responsabilité civile, plus efficaces.

D) La structure fondamentale de la responsabilité délictuelle

La fonction première de la responsabilité est la réparation du dommage. Comment cela se traduit-il au niveau technique ?

Il y a une structure fondamentale que l’on retrouve dans tous les cas de responsabilité. On présente cette structure comme composée de 3 éléments :

– pour qu’il y ait responsabilité il faut qu’il y ait un dommage

– le dommage doit avoir été causé par un fait générateur

– il faut que les deux soient liés par un lien de causalité

Si ces conditions ne sont pas réunies, il n’y a pas d’obligation de réparer. C’est au demandeur de prouver l’existence de ces 3 éléments. Néanmoins, il faut ajouter un élément : il faut établir un lien entre le débiteur et le fait générateur. Il ne suffit pas d’avoir un fait générateur, il faut qu’il soit imputé à un responsable (ce n’est pas toujours le débiteur, mais ça l’est le plus souvent…). Ce rapport d’imputation n’a pas le même statut que les 3 éléments précédents. En cas de contestation, il appartient au demandeur de prouver les 3 éléments, tandis que ce 4e élément n’a pas être prouvé, il est établi a priori pour chacun des cas de la responsabilité. Mais ce 4e élément reste une condition de la responsabilité. Attention : le lien n’est pas à prouver, mais parfois il faut prouver l’identité du responsable, qu’on ne connait pas toujours.

Dans certaines hypothèses, la loi prévoit des rapports d’imputation multiples c’est à dire que plusieurs personnes peuvent être appelées à répondre du même fait générateur. C’est tantôt alternatif, tantôt cumulatif.

Pour qu’il y ait un rapport d’obligation, il faut aussi identifier le créancier, qui est souvent la victime du dommage. Néanmoins, le terme de dommage est ambigu. Le dommage est l’atteinte à l’intégrité d’une personne ou d’une chose mais ce peut aussi être les conséquences de cette atteinte. Il faudra réparer l’atteinte ET ses conséquences.

Par ailleurs, une même atteinte peut avoir des conséquences sur plusieurs personnes. Quand il y a atteinte à une réalité immatérielle (l’honneur), il est difficile de faire la distinction entre les deux. Cette distinction ne s’est pas faite par le Code civil, mais les auteurs y attachent de plus en plus d’importance. Ils vont distinguer le dommage (atteinte) du préjudice (conséquences de l’atteinte). Pendant longtemps, la jurisprudence ne distinguait pas les 2 termes. Progressivement, on voit émerger la distinction dans la loi, dans l’article 2226.

S’il y a préjudice, il y a créancier.

IV. Ordre d’exposition de la matière

On distingue les différents cas de responsabilité et les effets de la responsabilité (spécificités du régime de l’obligation de réparer). On distingue le droit commun (article 1382 à 1386) et les régimes spéciaux. Ce qui distingue les différents cas de responsabilité est le fait générateur (au sein du droit commun).

Pour Borghetti, les articles 1382 à 1386 ne constituent pas vraiment le droit commun, il n’y a que des cas différents de responsabilité. Il ne veut pas distinguer droit commun et régimes spéciaux, et dire qu’au sein du droit commun, le fait générateur distingue les cas.

On va donc d’abord étudier la responsabilité pour faute dans le chapitre 2. Chapitre 3 : les principaux cas de responsabilité sans faute, qui se distinguent effectivement de la responsabilité pour faute par le fait générateur. Chapitre 4 : les principaux cas de responsabilité du fait d’autrui. Chapitre 5 : les effets de la responsabilité.

Chapitre 2 : La responsabilité pour faute

Article 1382 : à connaitre par cœur. L’auteur d’une faute est obligé de réparer le dommage causé par celle-ci.

La plupart des systèmes juridiques ne connaissent pas un tel système de responsabilité pour faute. Aujourd’hui, la majorité des cas où la personne voit sa responsabilité engagée ne constitue pas forcément une responsabilité pour faute. On trouve les 3 conditions de la responsabilité délictuelle : le dommage, le fait générateur de responsabilité et le lien de causalité. Cela vaut, sauf précision contraire. Le fait générateur (faute) est l’élément le plus important. Par ailleurs, le texte précise aussi le critère d’imputation : « c’est l’auteur de la faute ». Normalement le demandeur ne doit pas le prouver, sauf en cas de contestation.

L’existence de ces éléments constitue une question de droit : la Cour de cassation va pouvoir censurer les juges du fond car au vue des faits de l’espèce, les juges du fond ont énoncé que l’un des 3 éléments n’était pas caractérisé. L’existence de la faute est caractérisée par la Cour de cassation. La loi ne dit pas ce qu’est une faute, un dommage ou un lien de causalité. Pas de définition.

I. Les conditions de la responsabilité

A) Le dommage

Le dommage est le point de départ de la responsabilité. La question d’existence de la responsabilité ne se pose pas sans dommage.

Quand on parle du dommage, on parle surtout des caractères qu’il devrait présenter pour être réparable: direct, actuel et certain. La question du dommage est plus une question de causalité qu’une question de dommage à proprement parler : l’idée de direct est à remettre en cause. Le caractère actuel est également contestable. Le caractère certain est insuffisant à lui tout seul.

La Cour de cassation s’est risquée à une définition du dommage dans les années 1930. A l’époque elle a été confrontée à des affaires dans lesquelles des concubines d’hommes morts accidentellement demandaient réparation des préjudices que leur avait causés la mort de leur concubin (ex : accident de voiture). A l’époque, le concubinage était une situation socialement illégitime (ce n’est plus le cas aujourd’hui). La Cour de cassation avait refusé pour les concubines, seules les femmes mariées avaient le droit à la réparation.

Chambre civile 27 juillet 1937 : la concubine ne peut pas se prévaloir de la lésion certaine d’un intérêt juridiquement protégé.

Cette définition a été posée à l’occasion d’un contentieux particulier. Cette jurisprudence a fini par disparaitre. Aujourd’hui le concubinage est reconnu dans le Code civil.

En 1970 la Cour de cassation a renouvelé cette jurisprudence : on a eu tendance à dire que la définition du dommage n’était plus valable. Le dommage constitue une atteinte certaine à un intérêt légitime protégé par le droit.

1. Un intérêt légitime protégé par le droit

Cette notion d’intérêt n’est pas définie. Quand est-ce que l’intérêt est légitime et protégé par le droit ?

A priori, tout intérêt est légitime et protégé par le droit. C’est ce que l’on tire de l’article 1382 qui parle de dommage, sans précision. Le droit allemand, lui, pose une liste limitative d’intérêts.

a. L’exclusion des atteintes aux intérêts illicites

Il y a certains intérêts que le droit positif refuse de protéger. En pratique, les affaires en jurisprudence sont peu nombreuses. Ex: trafiquant de drogue ne peut pas demander réparation, de même que la femme de ménage qui travaille au noir.

Il faut distinguer l’intérêt légitime/licite de l’intérêt lésé du caractère licite/légitime de la situation de la victime.

Ex : une personne est blessée dans un train qu’elle a pris alors qu’elle n’avait pas payé son billet. Elle peut toucher réparation du dommage qu’elle a subi, même si elle était dans une situation illicite.

b. La vie peut-elle constituer un dommage ?

Il a existé beaucoup de cas dans lesquels le demandeur se prévalait du préjudice de la vie, notamment le préjudice d’être né. Ni la loi ni la jurisprudence n’ont pris de position claire sur la question, mais l’une et l’autre tendent vers une réponse négative c’est à dire qu’elles considèrent que la vie ne peut pas constituer un dommage.

–> L’hypothèse de l’enfant sain non désiré

C’est l’hypothèse dans laquelle une femme a voulu avorter mais l’avortement a échoué. La Cour de cassation dit que dans ce cas, la naissance de l’enfant ne peut constituer, à elle seule, pour sa mère, un préjudice juridiquement réparable. La Cour de cassation parle de préjudice mais c’est le dommage qui est en cause ici. Cette décision est importante car c’est très rare que la Cour de cassation dise explicitement qu’il y a là un intérêt non protégé juridiquement.

–> L’hypothèse de l’enfant handicapé

On distingue le cas dans lequel l’enfant a été handicapé suite à une faute médicale (il y a évidemment dommage) et celui dans lequel il l’a été congénitalement. La question de cette dernière hypothèse s’est posée dans l’affaire Perruche: un médecin n’avait pas diagnostiqué la rubéole chez une femme enceinte, qui présente de grands risques de handicap pour l’enfant. La mère n’a donc pas eu la possibilité d’avorter. L’enfant est donc né gravement handicapé du fait de la rubéole contractée par la mère durant la grossesse. Les parents ont demandé réparation pour eux, et pour leur enfant handicapé, en son nom.

Deux arrêts de la Cour de cassation : 1996 et 2000.

Arrêt de 2000 : la Cour de cassation retient que la naissance de l’enfant avec un handicap constituait un dommage aussi bien pour les parents que pour l’enfant lui-même. La vie avec handicap constituait donc un dommage.

Le législateur est intervenu pour briser cette jurisprudence car il y a eu des problèmes d’assurance etc.

Loi du 4 mars 2002 : L. 1114-5 : nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

Cela laisse entendre que la naissance en elle-même n’est pas un dommage, puisque la loi parle ici de préjudice. La seule existence d’une personne, même lorsque la naissance s’accompagne d’un handicap, ne constitue pas un dommage.

2. Une atteinte certaine

Traditionnellement, on parle de dommage certain.

Idée : on ne peut pas demande réparation lorsque l’atteinte que l’on prétend avoir subi est imaginaire.

Deux hypothèses : la perte de chance et le risque de dommage.

a. La perte de chance

Cette notion n’est pas dans la loi. On parle de perte de chance lorsque le demandeur a été privé de la possibilité de bénéficier d’un évènement favorable, sans que l’on sache si cet évènement se serait effectivement réalisé. Ex: perte du billet de loto = perte de la chance de gagner. Le préjudice effectivement subi est incertain. Le dommage est constitué par la perte de chance.

On admet aujourd’hui la perte de chance lorsque la personne a perdu une chance de poursuivre une activité rémunératrice.

La jurisprudence prend en compte ce qu’aurait gagné le demandeur si la chance s’était concrétisée et multiplie cela par la probabilité si cette chance s’était effectivement concrétisée (ou le pourcentage de chance). Des éventualités favorables ou défavorables peuvent disparaitre. On peut toujours imaginer des éventualités favorables, partout, tout le temps : on n’indemnise que ce qui est raisonnable. Si l’on indemnisait toutes les situations de la vie, on n’en sortirait pas. La jurisprudence exige donc que la chance perdue soit réelle et sérieuse. Ex : en cas de perte de perspective professionnelle, il faut que la personne soit déjà avancée dans sa carrière pour espérer obtenir indemnisation. (L’étudiant en L2 qui veut être indemnisé pour ne pas pouvoir être avocat ne le sera pas, l’étudiant qui est à la veille de l’examen du barreau a ses chances).

Souvent on indemnise la perte de chance. Borghetti : c’est une tendance dangereuse car il n’y a plus de limites, car la vie de manière générale est faite de pertes de chances mais aussi de créations de chances. Dès que l’on bouge, on fait perdre une chance à quelqu’un…

De plus, on utilise la perte de chance pour pallier une incertitude sur le lien de causalité : le médecin a commis une faute mais on ne sait pas si c’est de sa faute si le patient est mort. Ce qui est problématique c’est que l’on va accuser le médecin d’avoir fait perdre au patient une chance de survivre : il peut y avoir des abus.

b. Le risque de dommage

Si une personne est exposée à un risque de dommage, on ne sait pas nécessairement si le dommage se réalisera concrètement (affaire de l’individu qui porte le VIH sans développer pour l’instant le SIDA). Aujourd’hui il est probable que l’individu n’atteigne jamais le stade du SIDA, mais ce n’est pas une certitude. (Affaire également de la femme qui s’est fait posée une sonde cardiaque dont le modèle a été défectueux sur d’autres personnes : elle demande réparation de l’angoisse que lui cause le risque).

Depuis quelques années, on observe des tentatives d’aller encore plus loin dans la réparation du risque du dommage. La question se pose essentiellement à propos des antennes-relais. Certains accusent ces antennes de pouvoir avoir des conséquences sur la santé : probable mais non certain. Il y a là une double incertitude car il s’agit uniquement d’un risque, et il n’est même pas certain que ce risque existe. C’est l’hypothèse d’une possibilité de dommage. Certains ont fait valoir que l’exposition à d’éventuelles ondes nocives pour la santé leur crée une angoisse.

C’est là qu’entre en jeu le principe de précaution: c’est d’abord un principe en matière de protection de l’environnement. En l’absence de certitude, l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à causer un dommage grave et irréversible à l’environnement ne doit pas être retardée (article L.110-1 Code de l’environnement). Ce principe de précaution a été étendu au droit de la responsabilité et a été invoqué pour l’affaire des antennes relais. On n’a pas encore de réponse de la jurisprudence mais sur un cas proche, celui des lignes à haute tension, la Cour de cassation a rejeté la requête. Le principe de précaution poussé à son terme serait irréaliste : on mettrait un terme à la recherche scientifique, à l’utilisation des portables…

Pour qu’il y ait responsabilité civile et donc réparation, il faut que le dommage soit certain : ce peut être une perte de chance ou encore une angoisse liée à un risque certain. Il existe des actions qui permettent d’empêcher la survenance d’un dommage. On admet de plus en plus souvent qu’une personne peut agir pour empêcher la survenance d’un dommage. Il n’existe pas de fondement textuel général pour ces actions, mais quelques textes ponctuels.

3. Un intérêt personnel ou collectif

Le plus souvent, le dommage est une atteinte à un intérêt personnel (biens, intégrité physique…). Il peut arriver que l’atteinte à l’intérêt d’une personne cause un préjudice à une autre personne. Il peut également arriver qu’il y ait atteinte à des intérêts collectifs.

« Le dommage en matière de responsabilité civile est l’atteinte à un intérêt personnel. Les atteintes aux intérêts collectifs ne peuvent donner lieu à réparation que dans certains cas explicitement prévus par le législateur. » C’est ce que propose le projet Terré. C’est une proposition mais cela ne correspond pas au droit positif.

Le législateur a dit que les associations ou les syndicats représentatifs peuvent agir en réparation des atteintes à certains intérêts collectifs causés par des infractions pénales, intérêts qu’ils ont vocation à défendre. (Articles 2-1 et suivants du Code de procédure pénale). De même, les associations de défense de l’environnement peuvent demander réparation des atteintes à l’environnement. De même, pour les intérêts collectifs des consommateurs (Code de la consommation).

La Cour de cassation, dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 18 septembre 2008, a décidé qu’indépendamment de toute autorisation législative, une association est en droit d’agir en défense d’un intérêt collectif, et donc demander réparation en cas d’atteinte à cet intérêt collectif, dès lors que cet intérêt rentre dans son objet social.

Finalement, aujourd’hui, seuls les organismes à but non lucratif (associations ou syndicats) peuvent agir en réparation pour les intérêts collectifs.

Si l’on admet que l’atteinte à un intérêt collectif constitue un dommage, les associations vont demander réparation du préjudice, qui sera considéré comme moral.

Il existe une directive de l’UE, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale, qui a été transposée en France par une loi du 1er août 2008 (articles L160-1 et suivants du Code de l’environnement) : obliger à certaines conditions les entreprises qui polluent à réparer le dommage causé par la pollution. Cette directive réussit à éviter l’écueil du préjudice, car elle en reste au stade du dommage sans s’intéresser au préjudice.

B) La faute

Article 1383 Code Civil : chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par ses négligences ou par ses imprudences.

La faute peut aussi être une imprudence ou une négligence, et pas seulement un fait. Cet article ne renseigne que sur les types de fautes, et pas uniquement sur le contenu de la faute. La faute est une notion du langage courant. Il n’y a donc pas une définition unique de la faute.

Précision : il existe des responsabilités pour faute en droit français qui se distingue du cas de l’article 1382. Il s’agit de fautes qualifiées, d’une gravité particulière. Ici on ne s’intéressera qu’au cas de l’article 1382.

La jurisprudence ne s’est jamais risquée à donner une définition de la faute, car elle peut ainsi conserver une plus grande marche de manœuvre.

Définition traditionnelle de la faute : violation consciente d’un devoir de comportement. Il y a deux éléments : violation d’un devoir de comportement + caractère conscient = élément matériel + élément moral. Depuis 40 ans, le système français a supprimé l’élément moral.

1. L’élément matériel

Deux grandes positions se sont opposées en doctrine :

– Définition de la faute comme la violation d’une obligation préexistante. On doit cette définition à Plagnol.

– Définition de la faute comme un comportement qui ne correspond pas à la figure du bon père de famille, c’est à dire la personne raisonnable. Le comportement du bon père de famille constituerait alors une norme. Donc dans cette 2e conception, la faute est également la violation d’un devoir de comportement.

Aujourd’hui il n’y a pas de discussion sur le fait que la faute est, dans son élément matériel, la violation d’un devoir de comportement.

a. Le devoir

i. La source des devoirs

Les textes législatifs et réglementaires contiennent un grand nombre de devoirs de comportement. Avec l’inflation législative, on a un gros potentiel de fautes …

La loi pénale contient les devoirs de comportement les plus importants. Poser une infraction revient à poser une norme de comportement. Donc, une infraction pénale est toujours une faute civile.

Il existe également un « devoir général de prudence et de diligence », devoir qui impose à tous de se comporter en toutes circonstances avec prudence et diligence, c’est à dire comme une personne raisonnable. Aucun texte ne pose ce type de devoir mais c’est admis depuis longtemps par la jurisprudence. Le juge décide au cas par cas s’il y a devoir général de prudence et de diligence, et si la personne est raisonnable.

Quand il y a violation par le défendeur d’un usage, d’une règle de l’art ou d’une règle déontologique, les juges vont avoir tendance à considérer qu’il y a une faute, car même si l’usage ou la règle n’a pas valeur législative ou réglementaire, on va considérer que le devoir général de prudence et de diligence impose à la personne de respecter ce devoir, ces règles déontologiques qui s’appliquent à sa profession.

En sport, il existe des règles sportives qui correspondent à un devoir de prudence et de diligence : si l’on fait une faute en jouant, c’est une faute sportive et non une faute civile. De plus, en sport, certaines règles sont autorisées alors qu’elles ne le sont pas dans la vie civile ! Ex : frapper sur un ring de boxe/frapper dans la rue.

Les juges disent qu’il y a faute en sport en cas de « manquement délibéré aux règles du jeu ». Toute contravention à une règle sportive ne constitue pas une faute civile !!

Cour de cassation : toute violation d’une obligation constitue une faute au sens de l’article 1382 et à l’égard de toutes les personnes qui subissent les conséquences de cette violation.

Solution très contestable…

Le devoir général de prudence et de diligence est susceptible d’exiger plus que ce qu’exigent les textes du droit. On peut très bien avoir respecter les textes en ayant manqué à la prudence.

ii. La nature des devoirs

On distingue les devoirs d’abstention et les devoirs d’agir positivement.

– Devoir d’abstention : nous sommes tenus de nous abstenir de faire certaines choses, c’est d’ailleurs la manière de procéder du droit pénal. La faute sera de commission car elle consiste à commettre un acte positif.

– Devoir d’agir positivement : le devoir général de prudence et de diligence peut-il se décliner sous forme de devoir positif ? Lorsque le défendeur crée une situation dangereuse, il va de soi que le devoir de prudence et de diligence peut lui imposer d’agir positivement pour limiter les risques. Il s’agit d’agir pour le bénéfice d’autrui. Ex : non assistance à personne en danger.

1ère chambre civile 1951 : arrêt Branly : un historien avait entrepris de rédiger une histoire de la TSF sans parler de Branly car ils n’étaient pas de la même religion, alors que Branly est un personnage clé de l’histoire. Branly a donc intenté une action en responsabilité contre l’historien pour une faute d’abstention. L’historien avait-il un devoir envers Branly ? La Cour de cassation a décidé que c’était une faute, disant qu’il n’y avait pas de distinction à faire entre la faute d’abstention et la faute de commission.

b. La violation du devoir

i. La gravité de la violation

Toute violation constitue une faute au sens de l’article 1382, peu importe qu’elle soit grave ou non. Ex : si on roule à 55km/h ou à 100 km/h en ville, dans les deux cas il y a faute.

En principe, toute violation d’un devoir de comportement constitue une faute indépendamment de sa gravité. Peu importe la volonté de violer le devoir, selon l’article 1383. Le « fait » est la violation délibérée d’un devoir de comportement, dans cet article.

Même si en théorie ce n’est pas important, en pratique la distinction entre faute volontaire et intentionnelle est importante. Intentionnelle : Violation + intention de dommage. Volontaire : violation.

L’assurance ne couvre pas la faute intentionnelle.

Comme l’article 1383 assimile les différentes fautes, l’habitude s’est perdue de faire la distinction entre les articles 1382 et 1383. De plus en plus, on vise l’article 1382 alors qu’on parle de faute intentionnelle ou volontaire.

ii. La justification de la violation

Dans certains cas, la violation même volontaire ne constitue pas une faute car la violation est justifiée.

Ex : je fais un excès de vitesse car je dois conduire une femme sur le point d’accoucher à la clinique.

– Les faits justificatifs en droit pénal jouent également en responsabilité civile, même si ce n’est pas dit dans le Code civil.

[Cours Grégoire] Le consentement de la victime constitue-t-il un fait justificatif ? S’il y a un intérêt dont j’ai la libre disposition et que je consens à ce que l’on y porte atteinte, alors il n’y aura pas de faute. Mais cela ne vaut que pour les intérêts dont je dispose.

L’exercice d’un droit dispense-t-il d’exercer le devoir général de prudence ? Est-ce mieux d’user de son droit de manière négligente ou respecter l’obligation de diligence ? Les droits discrétionnaires sont insusceptibles d’abus, les autres droits comportent un risque de faute… Il faut prendre en compte le droit qu’exerce la personne et assouplir le devoir de prudence et de diligence dans des cas concrets, mais il ne faut pas supprimer ce devoir.

Les faits justificatifs font aussi obstacles aux autres faits générateurs de responsabilité.

2. L’élément moral

L’auteur doit avoir conscience de son acte : exigence d’imputabilité. Cette exigence a été supprimée pour les personnes physiques.

a. La disparition de l’exigence d’imputabilité pour les personnes physiques

En 1968, le législateur a pris une initiative lorsqu’il a réformé le droit des incapacités : introduction de l’article 414-3 (modifié depuis la réforme de 2007) du Code civil. « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’emprise d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». On doit cette mesure à Carbonnier.

Cette disposition ne concerne que les personnes sous l’emprise d’un trouble mental, et non par exemple un enfant en bas âge qui n’a pas conscience de la portée de ses actes. Ce texte peut être interprété de deux manières :

– On peut y voir la création d’un nouveau cas de responsabilité : la faute suppose la conscience de ses actes donc la personne sous l’emprise d’un trouble mental ne peut pas avoir conscience de sa faute, donc il y aurait là une responsabilité sans faute puisque l’individu est quand même tenu à réparation.

– Cour de cassation : l’article 414-3 ne crée pas un cas autonome de responsabilité sans faute, il supprime l’exigence de l’élément moral en cas de violation d’un devoir de comportement, commise par une personne sous l’emprise d’un trouble mental. Il y a en fait une règle qui vient supprimer l’exigence d’imputabilité pour les fautes commises par les personnes sous l’emprise d’un trouble mental. Cour de cassation 2e chambre civile, 4 mai 1977.

— Mais arrêt de l’assemblée plénière du 9 mai 1984, arrêt Lemaire : la Cour de cassation a décidé que la capacité de discernement du mineur n’a pas à être prise en compte dans l’appréciation de la faute : absence de l’élément moral dans la faute. Il suffit que le mineur se soit comporté de manière objectivement anormale pour qu’il ait commis une faute. Cette position est établie aujourd’hui en droit français.

Cette jurisprudence soi disant humanitaire sert surtout à réduire le droit à réparation de la victime. De plus, on a vidé la faute de son sens.

Deux projets de réforme proposent de changer la situation :

Catala : conservation d’une conception purement objective de la faute (continuité). Il faut distinguer la faute de l’auteur et la faute de la victime. Auteur : purement objectif (matériel). Victime : élément moral + matériel.

Terré : il faut rétablir l’élément moral (conscience) mais prévoir un cas de responsabilité sans faute des personnes qui commettent un comportement objectivement anormal causant un dommage.

II. Les effets de la responsabilité pour faute


Si les 4 conditions exposées ci-dessus sont réunies, l’obligation de réparer les dommages prend naissance immédiatement. Le droit à réparation ne naît pas lorsque le juge rend sa décision, mais dès que les conditions sont réunies.


a) La responsabilité est-elle totale ou partielle ?


Le principe est que le défendeur fautif doit répondre intégralement du dommage qu’il cause.
– Ce principe joue quelque soit la gravité de la faute.
– Il joue aussi lorsque d’autres personnes ont commis des fautes à l’origine du dommage (coauteurs du dommage) : chacun des coauteurs répondent entièrement du dommage, la responsabilité n’est pas divisée par le nombre des coauteurs ; on parle d’ « obligation in solidum » ; la victime peut donc se diriger vers un seul des coauteurs pour obtenir la pleine réparation du dommage. Une fois la victime indemnisée, les fautifs pourront se répartir le poids de la réparation, et devront le faire si le tribunal impose une proportion à chacun.


La victime peut avoir contribué à la faute en commettant elle même une faute. Dans ce cas, elle doit supporter une partie de son dommage, ce qui se traduit par une condamnation partielle du fautif qui est souvent condamné à supporter la moitié des dommages. Les parts sont à déterminer discrétionnairement par le juge.
Quand la victime commet une faute, on dit que la faute lui est « opposable », ce qui implique que le fautif est déchargé d’une partie de la responsabilité.
Si la faute de la victime réduit la responsabilité du fautif principal, réduit-elle sa responsabilité due au préjudice causé aux victimes par ricochet ? La cour de Cassation répond que oui : la faute n’est pas autonome, elle est une et ne peut pas être considérée partielle dans un cas et complète dans l’autre. (arrêt CCassation 1981)


b) L’intervention éventuelle de l’assureur de responsabilité


L’assureur intervient dans le procès :
– volontairement (les assureurs préfèrent souvent défendre leurs assurée, et diriger ainsi la défense),
– par « appel en garantie » (l’assuré peut appeler l’assureur en garantie de manière à ce que la condamnation
soit opposable directement à l’assureur ; s’il ne le fait pas il devra supporter le poids de l’indemnisation et se
diriger par la suite contre l’assureur dans un procès distinct) ;
– par « action directe » (la victime se dirige directement contre l’assureur, ce qu’il ne pourrait normalement pas faire selon les normes applicables aux contrats, car il n’est pas partie au contrat d’assurance).
L’art. L113-1 C du Code des Assurances interdit à l’assureur de prendre en charge la responsabilité de l’assuré si celuici
a commis une faute intentionnelle.