L’arrêté de cessibilité

L’arrêté de cessibilité

Avant d’étudier l’arrêté de cessibilité, il convient de résumer les étapes de l’expropriation.

L’expropriation se déroule en quatre étapes :
1) Une enquête préalable à la déclaration d’utilité publique avec :
o La constitution d’un dossier d’enquête rassemblant des informations sur l’opération projetée, la délimitation des immeubles à exproprier, l’appréciation du coût des travaux projetés…
o Transmission du dossier au préfet qui prend un arrêté par lequel il ouvre une enquête publique et indique sa durée (qui ne peut être inférieure à 15 jours), il désigne un commissaire enquêteur chargé de se prononcer sur l’utilité publique du projet d’expropriation.
o Publication de l’arrêté, au moins 8 jours avant le début de l’enquête et pendant toute la durée de l’enquête, dans des journaux régionaux et affiché dans la mairie concernée par le projet d’expropriation.
2) Une enquête parcellaire aboutissant à un arrêté de cessibilité.
o Avant d’ouvrir une enquête parcellaire, la personne expropriante doit constituer un dossier comprenant un plan des parcelles à exproprier réalisé par un géomètre-expert.
o Ce dossier est ensuite transmis au préfet qui prend un arrêté par lequel il ouvre l’enquête parcellaire et indique sa durée (qui ne peut être inférieure à 15 jours), il désigne un commissaire enquêteur chargé de se prononcer sur la cession des parcelles concernées par l’expropriation.
o La personne expropriante doit informer toutes les personnes concernées par l’expropriation de l’ouverture d’une enquête parcellaire, par lettre recommandée avec accusé de réception.
o Cette enquête a lieu soit en même temps, soit après l’enquête d’utilité publique.
o Les conclusions de l’enquête sont adressées au préfet.
o Lorsque le commissaire enquêteur est favorable à la cession des parcelles, un
arrêté de cessibilité est prononcé. Cet acte signifie que la propriété peut être
transférée à la personne expropriante.
3) Le transfert de propriété, soit par acquisition amiable, soit par ordonnance du juge d’expropriation,
4) La fixation des indemnités.

Qu’est ce que l’arrêté de cessibilité?

Une fois que la déclaration d’utilité publique a été adoptée, et indépendamment des recours dont elle a pu faire l’objet, l’autorité administrative va devoir organiser une enquête parcellaire, le but étant de déterminer précisément les biens à exproprier, et plus exactement de délimiter l’étendue exacte de la parcelle à exproprier (superficie), et aussi, dans certains cas, de rechercher les propriétaires voire les titulaires de droits réels sur la propriété.

Cette enquête se déroule de façon contradictoire entre chacun des propriétaires et l’administration.

Une fois l’enquête parcellaire réalisée, le Préfet va adopter un arrêté de cessibilité : c’est simplement l’acte administratif qui identifie et délimite les immeubles à exproprier, il n’opère absolument pas un transfert de propriété.

Cet arrêté ne peut en aucun cas viser comme cessibles des biens qui ne sont pas expressément visés par la déclaration d’utilité publique.

Cet arrêté de cessibilité, contrairement à la déclaration d’utilité publique, doit être notifié individuellement à l’administré, date qui fait courir le délai contentieux. Si l’administration omettait de notifier individuellement à l’un des administrés l’arrêté de cessibilité, celui-ci pourrait le contester sans aucune restriction de délai.

L’administré dispose d’un délai de deux mois pour former un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté de cessibilité, et c’est là que la jurisprudence du Conseil d’Etat est très favorable à l’administré car, lorsque celui-ci va former son recours contre l’arrêté, il a le droit d’invoquer l’exception d’illégalité de la déclaration d’utilité publique.

Cette exception d’illégalité repose sur le fait que la base légale sur le fondement de laquelle a été pris l’acte contesté va permettre à l’administré de soulever son illégalité devant le juge. Si le juge donne raison à l’administré, il ne peut quand même pas annuler la déclaration d’utilité publique puisque le recours était formé contre l’arrêté de cessibilité, lequel se basait sur la déclaration d’utilité publique jugée illégale par l’administré ; le juge va écarter au cas d’espèce l’application de la déclaration d’utilité publique pour en tirer la conséquence que l’arrêté de cessibilité est dépourvu de base légale et donc, annuler cet arrêté.

La déclaration d’utilité publique peut donc être discutée par un recours pour excès de pouvoir, recours directement formé contre elle, dans les deux mois qui suivent son adoption, soit bien plus longtemps après, lors du recours pour excès de pouvoir exercé contre l’arrêté de cessibilité.

Le recours pour excès de pouvoir avec exception d’illégalité contre la déclaration d’utilité publique a été consacré dans un arrêt du Conseil d’Etat du 29 juin 1951 Lavandier.

Une question a été posée devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux : l’absence de notification individuelle de la déclaration d’utilité publique à l’administré ne viole-t-elle pas le droit à un recours effectif protégé aux articles 6 et 13 de la CESDH ? Elle a considéré dans un arrêt du 17 décembre 2008 Péré-Laperne qu’il n’y avait pas violation de la CESDH car de toute façon, l’administré pourra soulever l’exception d’illégalité de la déclaration d’utilité publique lorsqu’il attaquera l’arrêté de cessibilité.