L’intention frauduleuse, l’élément moral de la faute de gestion

L’élément moral de l’abus de biens de gestion

  L’intention frauduleuse ne doit pas être confondue avec l’intention de nuire comme l’avait apprécié un arrêt de la chambre criminelle février 1970 et la cour de cassation prend en compte le fait de faire courir pour la société un acte anormal et compte tenu de ses fonctions l’agent ne pouvait pas ne pas se rendre compte qu’il agissait dans un sens contraire à l’intérêt de la société. Le dom spécial pour l’incrimination des abus de gestion l’usage des biens contraire à l’intérêt de la société doit aussi présenter la particularité d’être commis par des dirigeants à des fins personnels ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est intéressé ce qui justifie l’exigence d’un dol spécial. Le législateur fait entrer dans l’incrimination ce qui pourrait rester hors champ car le législateur érige un mobile en élément constitutif de l’élément moral et ce mobile est révélé par l’exigence de biens personnels en connaissance de cause et commis à des fins personnels ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il a des intérêts. Lorsque le dirigeant social commet en connaissance de cause l’acte abusif il y a dol général et ce prélèvement contraire à l’intérêt de la société a pu être fait pour diverses raisons et ce mobile est intégré dans l’incrimination par l’exigence du dol spécial qui vient restreindre le champ d’application de l’incrimination et il ne suffit pas que le dirigeant social est commis un usage abusif car contraire à l’intérêt de la société encore faut il qu’il l’ait fait de façon volontaire. La cour de cassation a pu imiter le dol spécial il est réduit à néant et la jurisprudence réduit la portée pratique de cette exigence et l’intérêt personnel peut correspondre à un intérêt maté riel ou enrichissement mais la jurisprudence admet aussi que l’intérêt personnel puisse être morale crédit de la société pour la défense de la réputation de la famille mais sous couvert d’intérêt moral on pouvait se demander si l’usage abusif des biens répondaient un intérêt de la société ou de l’agent. Pour la cour de cassation l’intérêt personnel peut être morale ou matériel et résulter du souci d’entretenir de bonnes relations avec in tiers proche des sphères politiques et ce qui est retenu à des fins personnels est le mobile de l’auteur et la cour de cassation réduit à néant l’exigence de l’intérêt personnel en tant que dol spécial et elle considère que dès lors qu’il n’est pas justifié par le prévenu que les fonds ont été utilisés dans le seul intérêt de la société ces fonds prélevés de manière occulte l’ont été dans sont intérêt personnel (11 janvier 1996) avec la conscience et la volonté d’agir dans l’intérêt contraire de la société.

 

 1) Exemple de jurisprudence :

Crim, 6 février  96 Noir Bouton : dirigeant de société condamné par la CA de Lyon pour Abus de Biens Sociaux B.

L’arrêt a été cassé. La Cour de Cassation a reproché à la CA d’avoir statué ainsi alors que la démarche du dirigeant a pu avoir pour résultat en échange d’un versement de minorer substantiellement la dette de sa société envers le trésor public. Et cet arrêt a été cassé car la Cour de Cassation a reproché à la CA de ne pas avoir la Cour de Cassation en capacité de juger de la légalité de sa décision.

 

La portée de cet arrêt a fait l’objet d’interprétations différentes selon les auteurs.

 Certains auteurs en ont tiré une portée certaine : pour ces auteurs, les prélèvements abusifs prélevés sur les fonds sociaux ne constituaient pas pour autant un Abus de Biens Sociaux car l’infraction de corruption qu’avait commise le dirigeant l’avait été dans la recherche de l’intérêt de la société

 

Cet arrêt a été critiqué : on reproche à la Cour de Cassation de mettre en œuvre le dicton « le fin justifie les moyens » et de dire que l’intérêt d’une société privée pouvait se satisfaire de l’intérêt d’une infraction.

Donc de nouveau, la Cour de Cassation a changé son fusil d’épaule (après 92 et 96)

 

Crim, 27 octobre 97 arrêt Carignon (nom du maire de Grenoble) (Bulletin n°352) : les dirigeants de deux groupes de société de Grenoble avaient boulu obtenir la concession du service des eaux de Grenoble et on dépensé 31 millions de francs pour entrer dans les bonnes grâces du maire, ils lui ont offert un appartement à Paris, lui ont réglé plus de 120 déplacements en avion taxi entre Paris et Grenoble de sorte qu’au final, ils se sont vus attribuer cette concession. Ils ont été condamnés pour Abus de Biens Sociaux par la CA de Lyon. Cour de Cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt. La Cour de Cassation a affirmé que quelque soit l’avantage a court terme qu’elle peut procurer, l’utilisation des fonds sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption, est contraire à l’intérêt social en ce qu’elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou fiscales contre elle-même et ses dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa réputation.

 

Cet arrêt a fixé la jurisprudence qui n’est plus contestée aujourd’hui.

 

Crim, 10 mars 2004 et Crim, 19 septembre 2007 : « l’utilisation de fonds sociaux pour commettre

 

 

le délit de corruption expose la société à un risque anormal de sanction pénale ou fiscale et cela

 

relève une contrariété à l’intérêt de l’associé ».

 

 

Cette solution est plus satisfaisante que la solution inverse de 92.

 

L.

La solution inverse présentait ce vice rédhibitoire d’admettre qu’un acte contraire à l’objet social

 

et donc illicite pouvait néanmoins être considéré comme répondant à l’intérêt de la société d’où

 

un paradoxe qui avait été soulevé. Et finalement, la Cour de Cassation a entendu la critique et a

 

changé.

 

On vient de finir la contrariété à l’intérêt social

 

 

 

 

 

3e point (bonus) : nous présente la question de l’appréciation d’un usage de fonds sociaux qui

 

dans le cadre d’un groupe de sociétés peut avoir pour objet de répondre à l’intérêt de l’autre

 

société.

 

 

Dans un groupe de société, un acte qui de premier abord pourrait être contraire à une société, cet

 

acte peut se révéler bénéfique à l’échelle du groupe de société parce qu’il va profiter à une autre

 

société faisant partie du groupe. Donc dans ce cas, on ne peut pas que se livrer à la contrarié té à

 

l’intérêt social dans la seule société ou l’acte a été commis. Il faut avoir une vision plus générale.

La jurisprudence apprécie dans ce contexte, avec beaucoup

de souplesse les actes

 

d’appauvrissement d’une société dès lors que ce prélèvement de fonds sociaux dans une société a

 

pu bénéficier à une autre. On y voit l’existence d’un fait justificatif tiré de l’intérêt de groupe. Ce

 

fait est présent dans plus arrêts de la Cour de Cassation : Crim, 4 février 85 Bulletin, 4 septembre

 

1996, 20 mars 2007.

 

. Quelles sont les conditions de ce fait justificatif ?

 

.

L’arrêt du 4 septembre 96 est très intéressant car il formule les conditions d’admission de ce fait

 

justificatif : « le concours financier apporté par la dirigeant d’une société à une autre entreprise

 

dans laquelle il est intéressé n’échappe aux prévisions des textes incriminant le délit d’abus de

 

biens sociaux que si d’une part l’existence d’un groupe de société est établi et si d’autre part, ce

 

concours est dicté par les intérêts du groupe apprécié au regard d’une politique commune n’est

 

pas dépourvue de contrepartie ou ne rompt pas l’équilibre entre les engagements respectifs des

diverses sociétés et n’excède pas les possibilités financières de celles qui en supportent la charge »

On voit par l’énoncé de ces conditions qu’il y a des considérations pragmatiques et économiques. Il ne faut pas que les prélèvements soient excessifs pour la société. Il doit y avoir un équilibre des intérêts.

Il faut remarquer que cette jurisprudence est très créatrice car ce fait justificatif c’est finalement la Cour de Cassation qui l’a élaboré. Or, ce faisant, la Cour de Cassation joue ici un rôle qui n’est pas celui du juge.es faits justificatifs qui sont de nature à neutraliser un texte d’incrimination sont de la compétence du législateur et seulement lui. Donc ici, fort pouvoir créateur de la jurisprudence et ce pouvoir créateur est mis au service non pas de la répression mais au profit d’une souplesse dans l’application des textes d’incrimination, souplesse commandée par la réalité économique.

 

 

Voilà pour l’élément matériel de l’abus de biens sociaux.

 

Parallèle avec l’élément matériel de l’abus de confiance : détournement du bien qui aura fait l’objet de la remise à titre précaire. Entre l’Abus de Biens Sociaux et l’abus de confiance, il peut y avoir des recoupements possibles dans leur incrimination sur l’élément maté riel. Pour distinguer la doctrine ajoute des subtilités : l’abus de confiance repose sur un acte de détournement alors que les abus de gestion se caractérisent par des actes de déviance par rapport à une gestion normale. Quoi qu’il en soi, on peut envisager un concours idéal d’infractions c’est à dire que les faits peuvent dans certains cas recevoir aussi bien la qualification d’abus de confiance et d’abus de gestion mais ici il s’agit de qualifications qui seront exclusives l’une de l’autre car dans les deux cas il faut protéger la société. S’il y a doute, c’est la qualification spéciale qui l’emporte donc celle d’abus de biens sociaux.

  1. II)  L’élément moral des abus de gestion se décompose en deux éléménts

 

  1. Le dol général

   Les abus de gestion sont des délits intentionnels et c’est ce qu’expriment les textes d’incrimination (R242-6 du code de commerce). A deux reprises les rédacteurs de ce texte attirent l’attention sur le caractère intentionnel du délit. Ce qui est incriminé c’est de faire de mauvaise foi un usage des pouvoirs des biens, des… un usage qu’ils savent contraire à la société.

 

Le dol général : la jurisprudence n’est pas très exigeante. Le dol général est facilement caractérisé. Il désigne une faute intentionnelle, la conscience qu’a le dirigeant social de commettre un acte contraire à l’intérêt de la société. On trouve aussi dans la jurisprudence l’expression d’intention frauduleuse. L’intention frauduleuse n’est pas à confondre avec l’intention de nuire (Crim, 3 février  70 ; pas d’intention de nuire est requise pour caractériser l’infraction) Cour de Cassation, 16 janvier 89 : il y a dol général quand le dirigeant a conscience de faire courir à la société un risque anormal.

La jurisprudence s’achemine vers une Présomption très dure à renverser par le dirigeant social.

 

Ce qui est plus difficile c’est le dol spécial qui doit se cumuler au dol général.

  1. Le dol spécial

 Il est révélé par le fait que l’incrimination des abus de gestion précise que l’usage des biens contraire à l’intérêt de la société doit aussi présenter la particularité d’avoir été commis par le dirigeant à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé.

 Le dol spécial est loin d’être toujours présent dans une infraction intentionnelle. C’est une particularité d’un élément intentionnel.

 

En quoi consiste le dol spécial ?

 Le législateur prévoit une infraction qui intègre un dol spécial. Le législateur fait entrer dans l’incrimination ce qui resterait hors du champ de l’incrimination parce que constituant un mobile. Le législateur érige en mobile un élément constitutif de l’élément moral.

Dans les faits c’est cette exigence de fin personnelle qui est à l’origine de la jurisprudence la plus intéressante à observer.

 Lorsque le dirigeant social commet en connaissance de cause cela caractérise le dol général.

 Pourquoi a -t-il prélevé ces fonds de la société ?

 Il a pu le faire par exemple pour s’acheter une voiture, pour payer des vacances à sa famille et sans cette indication du texte, cela resterait hors des éléments constitutifs de l’infraction mais maintenant ça en fait partie. L’exigence de ce dol spécial vient restreindre le champ d’application de l’incrimination. Il ne suffit pas en toute rigueur que le dirigeant social ait commis un usage qu’il savait abusif parce que contraire à la société, il faut encore s’assurer qu’il l’a fait à des fins personnelles.

De sorte que la Cour de Cassation, quelque peu embarrassée chercher et arrive à limiter la portée de ce dol spécial à un point tel qu’en observant la jurisprudence, on voit que le dol spécial est réduit à néant par la Cour de Cassation.

 

La jurisprudence réduit la portée pratique de cette exigence.

 

 L’intérêt personnel du dirigeant peut correspondre à un intérêt maté riel (son enrichissement qu’il recherche), mais la jurisprudence admet également que son intérêt personnel puisse être simplement moral. Ca peut être ainsi une volonté de soustraire sa famille du déshonneur (Crim, 3 mai 1967 : un dirigeant social avait consenti à son frère des ouvertures de crédits irrégulières et qui faisait courir à la société des risques anormaux aux biens et au crédit de sa société. L’intérêt personnel était d’aider son frère et de protéger l’honneur de sa famille.

 Sous couvert d’intérêt moral, la jurisprudence a fini par donner une signification très extensive à l’intérêt personnel : Crim, 15 septembre 99 (affaire de corruption financée par des fonds prélevés de la société : en l’espèce, l’usage abusif des biens répondait il à un intérêt personnel.)

 La Cour de Cassation a dit que l’intérêt personnel pouvait être maté riel, personnel et pouvait comme en l’espèce résulter du souci d’entretenir de bonnes relations avec un tiers proche des sphères politiques.

Mais alors tout  devient intérêt moral. La tendance de la jurisprudence  est de réduire l’exigence d’un dol spécial à une condition toujours remplie pour ne pas entraver la répression. Ici, ce qui a poussé à agir le dirigeant c’était d’entretenir des bonnes relations avec le politicien.

 La Cour de Cassation réussit donc à rendre lettre morte l’exigence de l’intérêt personnel.

 Et par ailleurs, la jurisprudence n’hé site pas le cas échéant à le présumer. Elle considère que dès lors qu’il n’est pas justifié par le prévenu que les fonds ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, ces fonds prélevés de manière occulte l’ont nécessairement été dans son intérêt personnel (Crim, 11 janvier 96 et Crim, 14 juin 2006). Donc en pratique l’élément moral est suffisamment caractérise pour les juges par la conscience et la volonté de l’agent d’agir d’une façon contraire aux intérêts de la société. Et dans les faits, dans la jurisprudence, la condition du dol spécial est quasiment réduit à néant à des fins de répression à tel point que la doctrine souhaiterait que le législateur consacre la jurisprudence.