L’expulsion : conditions, procédure

L’expulsion

L’expulsion est l’action de faire sortir une personne, au besoin par la force, d’un lieu où elle se trouve sans droit. Selon la définition de wikipedia, les mesures d’expulsion sont des procédures civiles d’exécution qui permettent au propriétaire d’obtenir la restitution d’un bien immeuble occupé par un locataire, ou par des occupants sans titre (squatteurs). L’expulsion ou l’évacuation d’un immeuble ou d’un lieu habité nécessite une décision de justice ou un procès-verbal de conciliation, et suppose la signification préalable d’un commandement de quitter les lieux par exploit d’huissier de justice (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mesures_d%27expulsion_en_droit_civil_fran%C3%A7ais).

NB: la procédure ne s’applique pas à l’expulsion du conjoint violent qui peut être ordonnée par le JAF sur le fondement de Code Civil. Article 220-1.

La L91 recherchait déjà un équilibre entre la défense du droit de propriété (côté créancier) et le respect du droit au logement (côté débiteur). La loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a privilégié le droit au logement, objectif à valeur constitutionnelle. De même, la circulaire du 9 fév. 1999 limite l’expulsion locative pour impayé aux seuls locataires de mauvaise foi tout comme le fait la circulaire Borloo du 13 mai 2004.

Cette mesure étant dramatique pour le débiteur et sa famille, le législateur la réglemente minutieusement (L91 Article 61 à 66-1 et D92 Article 194 à 209) les conditions d’expulsion (Section 1), les opérations d’expulsion (Section 2) et fixe le sort des biens se trouvant dans les lieux (Section 3).

Section 1: Les conditions de l’expulsion

Certaines conditions sont communes à toutes les mesures d’expulsion (1), d’autres spécifiques aux mesures concernant les locaux affectés à l’habitation (2).

1) Les conditions communes à toutes les mesures d’expulsion

Article 62 Loi de 91 « » on constate que l’habitation n’est pas une condition nécessaire pour pratiquer la mesure, dès lors tout local immobilier, tout bien immeuble quel qu’en soit l’affectation relève des conditions communes (ex: garage, habitation). Tout bien immobilier peut justifier une mesure d’expulsion dès lors que l’occupant n’a pas le droit de se maintenir dans le local. L’expulsion suppose que le créancier soit titulaire d’un titre exécutoire délivre un commandement de quitter les lieux.

  1. A) Le titre fondant la mesure d’expulsion

La liste des titres exécutoires justifiant l’expulsion est limitative par rapport à celle énumérée cf. Supra. Tous les titres exécutoire de l’Article 3 L91 ne légitiment pas une mesure d’expulsion. Ainsi un bailleur peut demander expulsion de son locataire en vertu d’un bail authentique même si le notaire a expressément prévu dans le bail le recours à l’expulsion. Loi de 1991 Article 61 vise seulement 2 titres exécutoires mais il faut y ajouter depuis le 1er jan. 2007 un troisième titre exécutoire justifiant l’expulsion: le jugement d’adjudication rendu en cas de saisie immobilière.

  • – la décision de justice: Le texte vise une décision de justice. Dès lors, toute décision de justice peut a priori justifier le recours à une mesure d’expulsion. Toutefois il existe une réserve, encore faut-il que cette décision ordonne l’expulsion.
  • – le PV de conciliation: le PV de conciliation doit être signé par les parties au litige et par le juge, la loi n’opérant aucune distinction (ubi lex…) tout PV de conciliation peut a priori justifier l’expulsion. ex: le PV de conciliation rendu en matière de divorce permet à l’un des époux d’avoir recours à une mesure d’expulsion contre l’autre.
  • – le jugement d’adjudication rendu à la suite d’une procédure de saisie immobilière: cf. infra.

De plus, ces titres doivent être exécutoires, ainsi, si le juge quel qu’il soit, octroi des délais de grâce au débiteur, le créancier doit attendre l’expiration de ces délais pour agir et donc obtenir l’expulsion.

Enfin, dans un souci de protection du débiteur Code de Procédure Civile, Article 503 ce titre doit être signifié au débiteur mais pour gagner du temps cette signification au débiteur peut avoir lieu en même temps que celle du commandement d’avoir à quitter les lieux.

  1. B) Le commandement d’avoir à quitter les lieux

L’expulsion donne lieu à la signification d’un commandement d’avoir à quitter les lieux, il s’agit d’un acte de huissier mentions à peine nullité Article 194 D92:

  • – l’indication du titre exécutoire en vertu duquel l’expulsion est poursuivie
  • – l’indication de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les demandes de délais et toutes les contestations relatives aux opérations d’expulsions
  • – date à partir de laquelle locaux doivent être libéré
  • – l’avertissement qu’à partir de cette date butoir il pourra être procédé à l’expulsion forcée du débiteur ainsi que de tout occupant de son chef (i.e. de sa famille).

Ce commandement est signifié à la personne que l’on veut expulser, signification à personne, à domicile ou par la remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice car depuis le 1er mars 2006 il n’y a plus de signification à mairie. Le propriétaire n’a pas à signifier ce commandement aux occupants du chef du débiteur.

Aucun délai légal n’est prévu entre la délivrance du commandement et l’expulsion proprement dite sauf pour les locaux affectés à l’habitation principale, il s’agit d’une condition spécifique à ces locaux.

2) Les conditions spécifiques aux mesures d’expulsion des locaux affectés à l’usage d’habitation

La doctrine adopte une définition large des locaux … : caravane, mobil home, bateau. Il importe peut que l’occupation du bien ne trouve pas sa source dans un contrat dès lors que le débiteur habite les lieux. I.e. ces règles spécifiques s’appliquent aux personnes occupant les lieux sans droit ni titre i.e. les squatteurs.

L91 Article 62 195 D92, conditions supplémentaires à celles communes. Tout d’abord, le commandement d’avoir à quitter les lieux comprend des mentions supplémentaires (A), le préfet du département du lieu de situation de l’immeuble doit être informé de la procédure engagée (B), enfin certains délais doivent être respectés (C).

  1. A) Les mentions supplémentaires du commandement d’avoir à quitter les lieux

outre les mentions de Article 194, le commandement d’avoir à quitter les lieux comprend à peine de nullité la reproduction de Article 62 L91 ainsi que des articles 613 à 613-5 du Code de la construction et de l’habitation prévoyant que l’expulsion ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de 2 mois après le commandement et en aucun cas en hiver. Ce commandement spécial est impérativement signifié au domicileréel et non à domicile élu pour que les occupants aient une information précise de la mesure d’expulsion envisagée. Il existe une exception pour les occupants non dénommés sans doit ni titre (squatteur) l’acte peut alors être remis au parquet, à toutes fins.

L’acte doit en plus être dénoncé

  1. B) La dénonciation du commandement d’avoir à quitter les lieux au préfet du département

L’huissier dénonce le commandement au préfet en lui envoyant par LRAR une copie de cet acte, il y joint une fiche de renseignement relatif à l’occupant et aux personnes qui vivent habituellement avec lui (famille). Cette dénonciation devrait normalement favoriser la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant au titre du plan départemental d’action pour le relogement des personnes défavorisées. D’ailleurs, le juge qui ordonne l’expulsion dans une décision de justice ou qui statue sur une demande de délais de grâce peut très bien lui-même décider que sa décision sera transmise par son greffe aux représentants de l’Etat en vue d’une prise en compte de la demande de relogement. Le préfet du département tient un fichier de traitement automatique d’informations nominatives dont la finalité est la gestion des dossiers d’expulsions locatives. Ce fichier peut être consulté par les membres des commissions d’expulsions, par les huissiers, les services de police et le maire. Tout est fait pour favoriser le relogement des personnes expulsées mais le meilleur moyen d’assurer le relogement des personnes expulsées reste la prévention.

  1. C) Le respect des délais

L’expulsion est soumise aux restrictions légales relatives aux heures et aux jours fériés. En outre, il est sursis à l’expulsion entre le 1er nov. et le 15 mars de l’année suivante à moins que les intéressés soient relogés dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Cette faveur ne vaut pas pour les occupants entrés dans les lieux par voie de fait (squatteur). Article 62 L91 l’expulsion a lieu au plus tôt 2 mois après le commandement d’avoir à quitter les lieux. En théorie, ce délai devrait laisser le temps à la personne expulsée de trouver un logement et donc de déménager pour éviter l’expulsion.

Toutefois, le délai de 2 mois peut être soit réduit ou supprimé soit prorogé.

– le délai réduit ou supprimé par une décision spéciale et motivée du juge lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux par voie de fait.

– le délai peut être prorogé pour une durée qui ne peut excéder 3 mois lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté. La charge de la preuve incombe au débiteur. En plus il faut ici tenir compte des délais octroyés le cas échéant par le juge des référés ou de l’exécution prévus par Article 613-1 du Code de la construction et de l’habitation, délais accordés aux occupants de locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel si leur relogement ne peut pas avoir lieu dans des conditions normales satisfaisantes. Ces délais spécifiques ne peuvent être inférieurs à 3 mois et supérieurs à 3 ans. Pour octroyer ces délais, le magistrat tient compte de la bonne ou mauvaise volonté de l’occupant dans l’exécution de ses obligations. Ensuite, la décision accordant des délais est notifiée au préfet, de ce fait, le préfet refusera le concours de la force publique s’il est sollicité avant l’expiration des délais.

Section 2: Les opérations d’expulsion

Les opérations d’expulsion proprement dites sont conduites par huissier de justice, il peut en cas de besoin, requérir le concours de la force publique après avoir dressé un procès verbal de tentative d’expulsion relatant les difficultés rencontrées.

L’huissier dresse un PV dans lequel il consigne l’ensemble des opérations, cet acte comprend, à peine de nullité les mentions de Décret de 92 Article 199:

  • – la description des opérations auxquelles l’huissier a procédé ainsi que l’identité des personnes dont le concours a été nécessaire
  • – la juridiction compétente pour statuer le cas échéant sur les contestations relatives aux opérations d’expulsion

Le PV est signé par toutes les personnes mentionnées et, en cas de refus de l’une d’elles, l’huissier en fait mention.

Si l’occupant est présent, le PV lui est remis en main propre, à défaut, il lui est signifié à personne ou à domicile.

L’expulsion permet seulement au propriétaire des lieux de récupérer les locaux mais des problèmes supplémentaires peuvent se poser lorsque des meubles se trouvent dans les lieux lors des opérations d’expulsion.

Section 3: Le sort des meubles situés dans les locaux lors des opérations d’expulsion

L’expulsion tend uniquement à libérer le local occupé irrégulièrement, elle ne conduit pas au paiement du créancier. Cette mesure ne concerne pas les meubles situés dans les locaux. Ainsi, l’occupant peut les enlever librement mais n’y est pas obligé ainsi certains meubles peuvent rester dans les lieux soit parce qu’ils ont fait l’objet d’une saisie antérieure (1) soit parce que l’occupant négligeant ne les a pas enlevé (2).

1) Le sort des meubles antérieurement saisis

Si les meubles ont fait antérieurement l’objet d’une mesure conservatoire ou d’exécution, 2 situations doivent être distinguées selon Décret de 92 Article 200:

– la personne expulsée indique à l’huissier le lieu où ces biens doivent être transportés: dans ce cas, l’huissier dresse un inventaire des biens meubles dans le PV d’expulsion le lieu où ils doivent être transportés aux frais de l’expulsé. La mesure conservatoire ou d’exécution se poursuit normalement.

– la personne expulsée n’indique pas le lieu où les biens doivent être transportés: l’huissier dresse l’inventaire dans le PV et indique le nom et l’adresse du séquestre auquel ils sont remis. A partir de là, la saisie se poursuit entre les mains du séquestre.

Dans les 2 cas, le PV est dénoncé au créancier qui a pratiqué la saisie et à ce titre, si le propriétaire de l’immeuble (celui qui a pris l’initiative de la mesure d’expulsion) veut se joindre à la saisie antérieure, il peut le faire en formant opposition lorsque le PV est dénoncé au créancier antérieur.

2) Le sort des meubles non saisis

2 cas de figure lorsque des meubles non saisis se trouvent dans les lieux lors de l’expulsion.

L’expulsé indique un lieu dans lequel les meubles doivent être déposés, l’huissier les fait alors transporter en ce lieu aux frais de la personne expulsée qui peut en disposer librement (puisqu’ils ne font pas objet d’une mesure de saisie par hypothèse).

L’expulsé n’indique aucun lieu, alors les meubles sont soit laissés sur place soit entreposés dans un autre lieu, dans ce cas, le PV contient les mentions requises par D92 Article 201:

– l’ensemble des biens figurant dans les lieux (inventaire des biens) et l’huissier indique si les biens ont ou non une valeur marchande

– mention du lieu et des conditions d’accès au local où sont déposés si sont déplacés

– la sommation à la personne expulsée en caractères très apparents d’avoir à les retirer dans le délai non renouvelable d’1 mois à compter de la signification de l’acte, il est précisé qu’à défaut, les biens non retirés seront vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnés.

– la convocation de la personne expulsée d’avoir à comparaître devant le juge de l’exécution du lieu de situation de l’immeuble à une date déterminée qui ne peut être antérieure à l’expiration du délai d’1 mois, afin qu’il soit statué sur le sort des biens qui n’auraient pas été retirés avant le jour de l’audience. Dans ce cas, le propriétaire de l’immeuble et l’huissier ne sont pas responsables de la conservation des meubles sauf faute prouvée de leur part. Dès lors, à l’expiration du délai d’1 mois si l’expulsé à retiré les meubles, le propriétaire de l’immeuble en informe le juge l’huissier par écrit ou par déclaration au greffe. A défaut, l’huissier saisit le juge par le dépôt d’une copie du PV d’expulsion et le juge fixe une date d’audience qui est portée à la connaissance de l’huissier de justice, du propriétaire et de l’expulsé. L’expulsé peut encore retirer ses meubles jusqu’à la date de l’audience, si c’est le cas, le propriétaire en informe le juge par lettre simple ou par déclaration au greffe et l’audience est annulée. A défaut de d’enlèvement des meubles, lors de l’audience, la décision du juge varie selon que les biens ont ou non une valeur marchande:

– si les biens ont une valeur marchande: le JEX ordonne leur vente aux enchères publiques, même si ces biens sont en principe insaisissables. Cette vente est faite selon les règles applicables à la saisie-vente, les frais et la créance du bailleur seront payés sur le prix de vente obtenu lors de la vente aux enchères. S’il y a un surplus, il est consigné au profit de l’expulsé qui en est informé par LRAR par l’officier ministériel ayant réalisé la vente.

– si les biens n’ont aucune valeur ne marchande: le juge les déclare abandonnés, les papiers et les documents personnels sont alors placés sous enveloppe scellée et conservés pendant 2 ans par l’huissier qui en avise par LRAR la personne expulsée. A l’expiration du délai de 2 ans, si les documents n’ont pas été réclamés, l’huissier les détruit après avoir dressé un PV mentionnant précisément les documents officiels et les instruments bancaires détruits. La loi ne précise pas le sort des autres meubles (autres que les documents officiels). Les lois spécifiques ayant pour objet la vente des biens sont par définition inapplicables puisque les biens n’ont aucune valeur marchande, aucune vente n’est donc recevable. Dans le silence des textes, les auteurs considèrent majoritairement que le juge doit ordonner la destruction des biens.