L’huissier et les personnes chargées de l’exécution

L’huissier de justice et les autres personnes chargées des procédures civiles d’exécution

Les procédures civiles d’exécution sont mises en œuvre par des personnels particuliers qui effectuent des opérations d’exécution.

Plusieurs personnes interviennent dans la mise en œuvre d’une saisie: les personnes chargées de l’exécution, l’autorité judiciaire et des tiers.

Section 1: Les personnes chargées de l’exécution : l’huissier de justice

Les agents du Trésor et de l’administration des douanes sont habilités à pratiquer une saisie mais le personnage central reste l’huissier de justice.

1) Le statut professionnel de l’huissier de justice

Monopôle: «Seuls peuvent procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l’exécution. » (L91 Article 18), le monopôle de l’huissier de justice a été pose par l’ordonnance du 2 nov. 1945 (Article 1).

Accès à la profession: décret n°75-773 du 14 août 1975, différentes conditions sont requises:

  • §être français
  • §ne pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs
  • §ne pas avoir été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation ou mise à la retraire d’office, ou de retrait d’agrément
  • §ne pas avoir été frappé de faillite personnelle
  • §depuis le 1er jan. 1996, être titulaire d’une maîtrise en Droit ou de l’un des titres ou diplômes reconnus équivalent pour l’exercice de cette profession.

A l’issue d’un stage d’une durée de 2 ans, le candidat subit un examen professionnel qui ne peut être passé que 4 fois. A l’issue de l’examen, la nomination intervient par arrêté du garde des seaux suite à la demande formée par le candidat auprès du procureur de la République. Le candidat doit justifier d’une affectation à un office créé, cédé ou vacant. Le candidat prête serment devant le TGI dans le ressort duquel il exercera ses fonctions.

2) Les missions de l’huissier de justice

L’huissier de justice est un mandataire (A) et un auxiliaire de justice (B).

  1. A) Les missions de l’huissier de justice mandataire

Lorsqu’il pratique une saisie, l’huissier est le mandataire de son client i.e. il doit avoir reçu mandat.

  • §Forme: le mandat n’a pas à recouvrir la forme d’une convention spéciale «la remise du jugement ou de l’acte à l’huissier de justice vaut pouvoir pour toute exécution pour laquelle il n’est pas exigé de pouvoir spécial» (Code de Procédure Civile Article 507). Le mandat spécial est n’est requis que pour la saisie immobilière.
  • §Acceptation: l’huissier est réputé avoir accepté le mandat dès lors qu’il conserve le titre exécutoire qui lui a été remis sans protester, le simple fait de conserver les pièces et de garder le silence ne vaut pas refus du mandat.
  • §Obligations: en tant que mandataire, l’huissier a une obligation de diligence et un devoir de renseignement et de conseil: il doit mettre en garde son client et, le cas échéant, le dissuader d’agir.

  1. B) Les missions de l’huissier de justice en tant qu’auxiliaire de justice

L’huissier de justice en tant qu’auxiliaire de justice a des obligations (1) et des prérogatives spécifiques (2).

1) Les obligations de l’auxiliaire de justice

En tant qu’officier public, l’huissier doit prêter son concours pour procéder à un acte d’exécution sauf

  • si la mesure requise présente un caractère illicite. Si le créancier insiste pour poursuivre une exécution illicite, l’huissier doit saisir le JEX.

  • si le montant des frais est susceptible de dépasser celui de la créance (il doit alors dissuader son client d’agir).

Si l’huissier refuse son concours sans raison, le créancier peut saisir le JEX, s’adresser au procureur de la République ou aux instances professionnelles (Président de la chambre départementale des huissiers de justice).

En tant qu’auxiliaire l’huissier a un devoir d’information à l’égard du débiteur, des tiers et des autorités. La signification d’un acte par l’huissier garantit la bonne information du destinataire. L’huissier doit faire connaître au débiteur ses obligations mais aussi ses droits (ex: possibilité de demander la vente amiable des biens).

L’huissier est tenu au secret pour les informations qui lui sont communiquées par le ministère public: il ne peut révéler directement ces informations au créancier.

2) Les prérogatives de l’auxiliaire de justice

Responsable de la conduite des opérations d’exécution, l’huissier dispose de certaines prérogatives liées à sa qualité d’officier ministériel chargé d’une mission publique.

«L’huissier de justice chargé de l’exécution peut requérir le concours de la force publique» (L91 Article 17): dans ce cas il remet au préfet sa réquisition, une copie du dispositif du titre exécutoire et un exposé des diligences accomplies vainement (D92 Article 50).

S’il doit pénétrer dans un local dont l’occupant est absent ou lui en refuse l’accès, l’huissier peut requérir le maire de la commune, un conseiller municipal ou un fonctionnaire municipal délégué par le maire, une autorité de police ou de gendarmerie, ou, à défaut, 2 témoins majeurs qui ne sont ni à son service ni au service du créancier (L91 Article 21).

L’huissier peut rechercher des informations auprès du ministère public et du préfet: avant la réforme, les administrations et les établissements bancaires se retranchaient derrière le secret professionnel pour refuser de délivrer toute information. Dorénavant, l’huissier porteur d’un titre exécutoire peut demander au procureur de la République d’entreprendre les diligences nécessaires pour connaître l’adresse des organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur, le nom du débiteur et, le cas échéant, le nom de son employeur à l’exclusion de tout autre renseignement (L91 Article 39).

En cas de saisie d’un VTM, l’huissier peut demander au préfet la communication des mentions portées sur le registre de la préfecture existant en vertu du décret du 30 sept. 1953 (publication des cartes grises), ces mentions lui permettent d’obtenir tout renseignement relatif aux droits du débiteur sur le VTM.

L’huissier dispose de moyens matériels de contrainte: l’huissier peut, sous certaines conditions, entrer dans un local, immobiliser un VTM grâce au sabot de Denver, faire ouvrir un coffre-fort dans une banque ou faire enlever et transporter des objets saisis.

Section 2: L’autorité judiciaire

En visant l’autorité judiciaire, législateur vise le JEX (1) et le ministère public (2).

1) Le juge de l’exécution

Pour regrouper entre les mains d’un juge spécialisé un contentieux dispersé, un nouveau juge a été institué: le juge de l’exécution (JEX).

Le juge de l’exécution est la juridiction spécialisée chargée de traiter le contentieux spécifique de l’exécution forcée.

1. La compétence du JEX
– compétence d’attribution :
>Le juge de l’exécution (qu’on appelle communément le « JEX ») tranche les difficultés survenues lors de l’exécution d’une décision de justice en matière civile.
> Le magistrat normalement compétent est le président du TGI mais il peut déléguer ses pouvoirs de JEX à un ou plusieurs juges de ce tribunal et donc à des juges d’instance.
– compétence territoriale : la juridiction compétente est, au choix du demandeur, soit celle du domicile du débiteur, soit celle du lieu d’exécution de la mesure contestée. Cette option existe sauf disposition contraire. C’est par exemple le cas en matière de saisie immobilière, puisque la juridiction compétente est celle dans le ressort duquel est situé l’immeuble saisi.
– La saisine du juge de l’exécution se fait normalement par une assignation.

2. Les pouvoirs du JEX
– Le juge de l’exécution ne peut pas remettre en cause le titre exécutoire, le juge de l’exécution n’étant pas une juridiction d’appel.
– Le juge de l’exécution statue sur les incidents d’exécution (ex : validité d’une saisie).
– Le juge de l’exécution peut autoriser des mesures conservatoires si le créancier craint que sa créance soit menacée.
– Recours contre la décision du juge de l’exécution : les décisions du juge de l’exécution peuvent être contestées par la voie de l’appel, dans les quinze jours qui suivent leur notification. Procédure avec représentation obligatoire. La cour d’appel est alors tenue de statuer rapidement. En cas d’appel, un sursis à exécution des décisions du juge de l’exécution peut être demandé au Premier Président de la Cour d’appel.


2) Le ministère public

Le ministère public assure une mission générale de surveillance de l’exécution des décisions de justice (A) et une mission spéciale de recherche d’informations (B).

  1. A) La mission générale: la surveillance de l’exécution des titres exécutoire

«Le procureur de la République veille à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires» (L91 Article 11). A ce titre, il «peut enjoindre à tous les huissiers de justice de son ressort de prêter leur ministère» (L91 Article 12 al.1). Dans cette hypothèse, le recours au ministère public est le dernier recours du créancier car le procureur de la République a une autorité sur les agents d’exécution, il dispose de moyens pour contraindre l’huissier à respecter ses obligations (ex: action disciplinaire).

Le procureur de la République peut même poursuivre «d’office l’exécution des décisions de justice dans les cas spécifiés par la loi» (L91 Article 12 al.2).

  1. B) La mission spéciale: la recherche des informations sur le débiteur

Le créancier n’a pas toujours les renseignements utiles pour pratiquer une saisie à l’encontre du débiteur et l’huissier se heurtait souvent au secret professionnel (sauf pour le recouvrement des créances alimentaires puisqu’une loi de 1973 imposait aux administrations et organismes sociaux une obligation de fournir des renseignements). Depuis 1991, le ministère public recherche les renseignements concernant l’éventuelle solvabilité du débiteur.

vCette recherche se limite, à l’exclusion de tout autre renseignement, à la recherche de:

  • l’adresse des organismes auprès desquels le débiteur a ouvert un compte sans que le solde de celui-ci puisse être communiqué.

  • l’adresse du débiteur et de son employeur.

vLe ministère public peut s’adresser à différents organismes (L91 Article 40): les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôt (établissement bancaires).

vPréservation de la vie privée du débiteur: les renseignements obtenus ne peuvent être utilisés que pour l’exécution des titres pour lesquels ils ont été demandés. Ils ne peuvent être ni communiqués à des tiers ni mentionnés dans un fichier nominatif. Le non respect de ces dispositions fait encourir les peines sanctionnant les atteintes à la vie privée soit 1 an d’emprisonnement et/ou 45.000 euros d’amende (CP L226-1).

vRequête: l’huissier présente une demande par requête contenant (circulaire du 22 avril 1994):

  • un énoncé des diligences sollicitées

  • le relevé certifié sincère des recherches infructueuses

  • la copie du titre exécutoire

  • pour les personnes physiques: le nom, les prénoms, la date, la commune, le département de naissance et l’adresse personnelle.

  • pour les personnes morales: le numéro SIREN, la dénomination sociale et le siège social.

vIssue: le procureur de la République n’est pas obligé de donner suite à requête, il peut très bien enjoindre l’huissier à procéder à des recherches complémentaires après lesquelles une nouvelle requête sera possible le cas échéant.

Le défaut de réponse du procureur dans un délai de 3 mois à compter de la requête vaut réquisition infructueuse.

Dans les faits, cette mission reste souvent lettre morte en raison de la surcharge des parquets et de leur manque de moyens.

Section 3: Les tiers

« Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers » (L91 Article 13). Les tiers même s’ils ne sont pas concernés par saisie, peuvent jouer un rôle. Le concours de certains professionnels (tiers) peut être nécessaire à la mesure de saisie (ex: serrurier) et des renseignements peuvent –être demandés à d’autres tiers pour permettre la saisie. Une liste exhaustive des tiers ne peut être dressée mais il est mis à leur charge des obligations sous peine de sanction.

1) Les obligations des tiers

vLes tiers sont tenus à des obligationspositives (faire) ou négatives (ne pas faire).

  • Certains tiers doivent apporter leur concours aux saisies diligentées:

le JEX peut enjoindre à un tiers de lui communiquer l’adresse du débiteur. Les tiers sont tenus d’une obligation particulière de communication des pièces.

même lorsque leur concours n’est pas requis, les tiers ont au minimum un devoir d’abstention, ils ne doivent pas, par leur comportement, empêcher ou rendre plus difficile la réalisation d’une saisie.

  • Les tiers peuvent être astreint à des obligations particulières lors de certaines saisies: en cas de saisie-attribution sur un compte bancaire ou de saisie conservatoire de créances, le tiers banquier doit fournir sur le champ à l’huissier les renseignements relatifs à l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui affectent les dites obligations.

vLe tiers peut toujours se prévaloir d’un motif légitime pour refuser de satisfaire aux obligations mises à sa charge.

ex: le tiers peut exciper de l’illicéité de la réquisition pour refuser son concours (refus d’ouvrir une porte car une saisie ne peut en principe être diligentée un dimanche).

2) Les sanctions de l’inexécution des obligations des tiers

Outre les sanctions pénales relatives à l’outrage à la justice et à la rébellion, il existe des sanctions civiles de 3 types (L91 Article 24):

  • la garantie: si le tiers se soustrait à ses obligations, il peut être tenu au paiement des causes de la saisie i.e. de la créance, il est alors personnellement tenu à l’égard du créancier sous réserve de son recours contre le débiteur (souvent illusoire). La Cour de cassation a ainsi condamné un tiers au paiement des causes de la saisie car il avait fourni les renseignements le lendemain de la saisie alors qu’il n’avait aucun motif légitime et aurait dû les fournir sur le champ.

  • les dommages et intérêts: le tiers qui met obstacle ou refuse son concours à mesure d’exécution peut être condamné au paiement de dommages et intérêts si son comportement est générateur d’un préjudice.

  • l’astreinte: condamnation du tiers au paiement d’une certaine somme d’argent par jour de retard lorsqu’il ne s’exécute pas.

Des sanctions sont également prévues pour chaque obligation particulière en fonction de la saisie diligentée (cf. infra.).

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