L’opposabilité de la doctrine administrative fiscale

L’OPPOSABILITÉDE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE FISCALE

Le droit fiscal est marqué par la doctrine administrative qui est une source de droit fiscal qui prend une importance considérable de non jours. La doctrine administrative est l’ensemble des instructions et circulaires publiées par l’administration fiscale. Cette doctrine est opposable à l’administration.

LEPHÉNOMÈNEDE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE

La prolifération des instructions et circulaires en matière fiscale est un phénomène ancien qui répond a des nécessites profondes :

  • Les sources traditionnelles, la loi et le règlement, sont inadaptés. Pour qu’un régime fiscal fonctionne, il doit tenir compte de toutes les particularités des activités des contribuables. Donc il doit être déterminé dans les détails : l’administration fiscale est la plus apte a élaborer ces règles.
  • L’administration fiscale est la meilleure administration : très structurée, pénétrée de principes juridiques. Une faiblesse : géographiquement très dispersée. Donc le ministre des finances a eu pour préoccupation d’unifier le comportement des ses agents et de lui donner tous les moyens pour appréhender la masse imposable.

Le contenu de la doctrine fiscale

  • Publiée dans le bulletin officiel des impôts et des revues professionnelles : conditionne le comportement du contribuable qui cherche a s’y conformer
  • Si abondante qu’elle a tendance a se substituer a la loi et au règlement. Problème : les ministres n’ont pas de pouvoir car ces instructions n’ont pas de valeur réglementaire. En droit administratif, le statut juridiques des circulaires a été défini dans un arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat, 1954, Association Notre dame de Kreisker. Le Conseil d’Etat oppose 2 catégories de circulaires (interprétatives et règlementaires) : compétence du chef de service pour les circulaires interprétatives ; les circulaires réglementaires fixent des règles nouvelles (elles peuvent être illégales).
  • Arrêt de 1990, Association freudienne, le Conseil d’Etat ayant a connaitre la légalité d’une circulaire en matière fiscal, reprend le raisonnement de 1954 (mais il s’agit d’un raisonnement d’apparence car la Jurisprudence de 1954 est inadaptée au droit fiscal car appliquée au pied de la lettre, 90% des instructions qui constituent la doctrine administratives seraient illégales) : ne sont censurées par le Conseil d’Etat que les circulaires qui sont ouvertement contraires aux lois et règlements, soit qu’elles modifient le régime fiscal, soit qu’elles modifient le champ d’application des textes législatifs et réglementaires (si elles complètent la loi fiscale, elles sont considérées comme interprétatives).

Concrètement, il y a peu de recours contre les circulaires fiscales : un contribuable qui s’y est conforme n’a aucun intérêt a contester les dispositions qu’il a applique.

L’OPPOSABILITÉ DE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE

Le droit de reprise : prérogative de l’ADMINISTRATION FISCALE par laquelle elle peut modifier unilatéralement les bases imposables des contribuables.

  • Droit de reprise qui se traduit par un acte juridique : le redressement (fixation d’une nouvelle base imposable).
  • Droit est enserré dans des délais : 3 ans (avant 4)

Problème : un contribuable en 2014 se conforme parfaitement a la doctrine fiscale. En 2017, l’administration fiscale vient le contrôler (ce ne serait plus les bonnes instructions), L’ADMINISTRATION FISCALE entend faire un redressement. Le contribuable porte le litige devant le juge fiscal (qui ignore les circulaires, interprétatives, et vérifie juste que la situation du contribuable est conforme a la loi fiscale). Le juge, sur la base de sa propre interprétation de la loi fiscale, statuera sur le redressement.

C’est pourquoi le droit fiscal connait un regime original d’opposabilité de la loi fiscale.

I/ La garantie de l’article L80-A du livre des procédures fiscales

Art L80-A du Livre de PF (loi du 28 décembre 1959 pour éviter les problèmes évoqués), règle de l’opposabilité de la doctrine fiscale a l’administration : interdiction a l’administration d’opérer un redressement quand le contribuable s’est conformé a la doctrine administrative.

A/ Caractéristiques générales de la garantie

  • Application uniquement en matière fiscale : textes qui régissent les impositions de toutes nature mais ne concernent pas par ex. les taxes parafiscales
  • La garantie ne joue qu’au profit du contribuable, pas de l’ADMINISTRATION FISCALE (ne peut invoquer elle-même une instruction administrative pour assoir une imposition, ou s’en servir de base légale a un redressement).
  • La garantie joue même si la doctrine fiscale se révèle être illégale

B/ Les conditions de reconnaissance de la doctrine fiscale

  • Les interprétations de textes qui concernent exclusivement l’assiette et le taux de l’impôt. Mais les instructions qui interprètent les textes relatifs au recouvrement de l’impôt ou au champ d’imposition n’entrent pas dans le champ de l’article L80-A.
  • Parmi les interprétations de textes, seules entrent dans ce champ les interprétations formelles : les prises de positions explicites sur un texte fiscal. Mais, les recommandations adressées aux agents, ou le silence sur une demande du contribuable ne font pas partie de la doctrine.
  • Conseil d’Etat 5 juillet 1991, Artola : cette doctrine doit avoir fait l’objet d’une diffusion destinée au contribuable. Donc entrent dans la catégorie de la doctrine administrative : les circulaires et instructions publiées, les réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires et les lettres adressées aux contribuables.
  • Ces interprétations doivent émaner d’une autorité fiscale : le ministre des finances ou des agents des impôts qui lui sont subordonné

C/ Les conditions d’application de la garantie

  • Antériorité de la doctrine : La doctrine n’est opposable que si elle a été émise soit antérieurement a la décision primitive d’imposition, soit antérieurement a la déclaration faite par le contribuable quand celui-ci a modelé sa situation fiscale sur la doctrine.
  • La doctrine peut être modifiée selon les règles du droit commun.
  • La doctrine fiscale ne s’interprète pas : pour en revendiquer le bénéfice, le contribuable doit être exactement placé dans la situation prévue par la doctrine.
  • Le contribuable qui revendique la doctrine doit être de bonne foi (avoir rempli ses obligations fiscales)

D/ Incidences de l’innovation de la garantie sur l’office du juge

Problème : la doctrine fiscale n’est jamais considérée comme étant la base légale de l’impôt (c’est une norme juridique s’intégrant dans la hiérarchie des normes) et elle peut être illégale.

Solution : principe de l’examen a titre subsidiaire de la doctrine administrative par le juge, énoncé dans les conclusions du commissaire du gouvernement Fouquet sur un arrêt du Conseil d’Etat du 25 février 1985, Ecole parisienne des hôtesses.

Mise en œuvre : le juge estime qu’au regard de la loi le redressement n’est pas fonde, le contribuable triomphe sans même que la doctrine soit mise en jeu ; ou alors le juge considère que le redressement est justifie au regard de la loi seule. Dans ce cas, si le contribuable invoque alors la garantie et le juge doit subsidiairement l’examiner (il va rechercher si le contribuable s’est bien conformer a la doctrine qu’il invoque). Dans ce cas le juge devra annuler le redressement sur le fondement de l’article 80-A.

Cette doctrine perturbe donc l’exercice de la fonction juridictionnelle : la plupart des commissaires du gouvernement considèrent que cette garantie de l’article L80-A est inconstitutionnelle. En 1980, le Conseil Constitutionnel s’est déclaré incompétent pour donner un avis. Mais il ne fait aucun doute que la disposition est contraire a la Constitution.

II/ La garantie accessoire de décret du 28 novembre 1993

Décret sur les relations entre l’administration et les usagers, art 1 : « Tout intéressé est fondé a se prévaloir a l’encontre de l’administration des instructions et circulaires publiées lorsqu’elles ne sont pas contraires aux lois et aux règlements ».

Intérêt de ce décret fiscal : pour les instructions et les circulaires qui n’entrent pas dans le champ de l’article L80-A (les instructions concernant la procédure de recouvrement de l’impôt).

Mais, ne sont invocables que les instructions légales : le juge doit d’abord en rechercher la conformité aux lois et règlements. Or la plupart de ces instructions sont considérées comme illégales, donc inopposables au juge fiscal : beaucoup modifient le champ d’application d’une disposition législative ou réglementaire, ou font obstacle a la mise en œuvre d’une procédure prévue par la loi ou le règlement.

Donc faible portée de la garantie de ce décret.

III/ Le rescrit fiscal de l’article L80-B

Le rescrit fiscal est une prise de position formelle de l’administration sur l’interprétation d’un texte ou sur l’appréciation d’une situation de fait, en réponse à une demande présentée par un contribuable. Il engage l’administration vis-à-vis de celui-ci. Lorsqu’il est publié, il a des effets de droit pour les autres contribuables placés dans la même situation.