L’ordre de virement : condition de validité, preuve, effet

L’ordre de virement :

Qu’est ce qu’un virement? Au sens large, le virement consiste en un jeu d’écritures, cette écriture est une double inscription : au débit d’un compte et corrélativement au crédit d’un autre compte.

Ce jeu d’écriture est le mode de dénouement de tous les paiements par monnaie scripturale (chèque).

Au sens strict, le virement est le jeu d’écriture qui n’est déclenché ni par un chèque, ni par une carte de paiement, mais par un ordre simple donné par le titulaire du compte débité.

L’ordre et l’opération constituent le virement au sens strict.

→ Le virement est un procédé de transfert de fonds ou de valeurs qui, supposant l’existence de deux comptes, repose sur un simple jeu d’écriture.

Le virement procède de deux phases :

  • D’une part, l’ordre de virement qui s’analyse comme un mandat conféré par le donneur d’ordre à son banquier. Ce mandat a pour objet le transfert de fonds au profit du bénéficiaire.
  • D’autre part, le dénouement de l’opération, opération du virement proprement dite, est assuré par le banquier mandataire, qui par un jeu d’écritures, va opérer le transfert de fonds

Nous étudierons ici « l’ordre de virement ». Le virement est déclenché par un ordre donné au banquier teneur de compte, par son client titulaire du compte.

Qu’est ce qu’un ordre de virement? Il s’agit de l’ordre de transférer une somme déterminée, à un bénéficiaire, lui-même titulaire d’un compte dans le même ou dans un autre établissement bancaire.

A)- Analyse juridique de l’ordre de virement :

La doctrine, comme la jurisprudence, analysent l’ordre de virement comme un mandat, donné par le titulaire du compte à son banquier de débiter son compte et de créditer le compte du bénéficiaire, c’est à dire soit le compte du bénéficiaire, lorsque son compte est domicilié dans le même établissement, soit le compte de la banque du bénéficiaire, lorsque son compte est domicilié dans un établissement différent.

Lorsque le compte du bénéficiaire n’est pas domicilié dans la même banque que le compte du donneur d’ordre, se posent :

un problème pratique : Toutes les banques sont liées par une convention interbancaire, à un système interbancaire de télécompensation.

C’est un système informatisé de compensation multilatérale.

un problème juridique : En quelle qualité intervient la banque du bénéficiaire ?

On peut considérer, qu’elle intervient comme mandataire substitué de la banque du donneur d’ordre.

Ou comme mandataire du bénéficiaire chargé d’un mandat général d’encaissement, prenant sa source dans la convention générale de service bancaire qui le bénéficiaire à sa banque.

L’intérêt est de déterminer le régime de responsabilité en cas de défaillance dans l’exécution du virement.

Ex : un contrat, prenant une pénalité de retard si le paiement n’est pas intervenu avant le 5/10 or le compte du bénéficiaire n’a été crédité que le 18, le retard est dû à la faute de la banque du bénéficiaire.

Le donneur d’ordre doit il agit sur Code Civil 1994 al2 (mandat) ou est-ce une action en responsabilité délictuelle (1382 Code Civil ) ?

Cour de cassation, 29/01/2002 : le fondement de l’action était l’article 1382 du Code Civil , excluant la qualification de mandataire substitué, la banque du bénéficiaire intervient en vertu du mandat général d’encaissement donné par le bénéficiaire.

· Donneur d’ordre : contrat de base : bénéficiaire

· Donneur d’ordre : ordre : banque du donneur d’ordre

· Banque du donneur d’ordre : banque du bénéficiaire

· Banque du bénéficiaire : ordre, crédite le compte du bénéficiaire

NB : Influence du nombre de banquiers : responsabilité

Si le banquier du donneur d’ordre est en même temps celui du bénéficiaire, le banquier cumule deux mandats. Il est donc seul responsable du déroulement de l’opération.

Si deux banquiers interviennent, le banquier du bénéficiaire du virement a une double qualité. Il est mandataire de son client pour le compte duquel il reçoit les fonds.

Mais il est aussi mandataire substitué du banquier du donneur d’ordre qui le charge d’inscrire le montant de la somme virée au crédit du compte du bénéficiaire.

Il en résulte que les dispositions de Code Civil 1994 vont jouer (le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s’est substituée).

Le banquier du donneur d’ordre ne saurait être considéré comme responsable de la défaillance du banquier du bénéficiaire.

De fait, le banquier du donneur d’ordre ne choisit pas le mandataire substitué, il lui est imposé par l’ordre de virement, car il s’agit nécessairement du banquier du bénéficiaire.

Cependant un arrêt a admis la responsabilité contractuelle du banquier bénéficiaire à l’égard du banquier du donneur d’ordre. (cf arrêt compagnie d’assurance).

B)- Régimes juridiques de l’ordre de virement :

1°)- Les conditions de validité :

a)- Les conditions de fond :

les conditions de validité de tout mandat :

Code Civil 1108 : consentement, objet, cause licite et la capacité du donneur d’ordre.

Ces exigences sont parfois incompatibles avec la sécurité des paiements, aussi la jurisprudence a-t-elle été amenée à adapter ces conditions pour ne pas fragiliser les paiements par virement.

La jurisprudence limite les conséquences de l’incapacité du titulaire du compte (donneur d’ordre).

Lorsque le donneur d’ordre devient incapable, alors que l’ordre a déjà été donné, cette incapacité devrait entrainer la caducité de l’ordre tant que le paiement n’a pas été exécuté.

Cette règle de droit commun est écartée par la jurisprudence commerciale pour le virement, l’ordre ne devient caduc que si l’inscription au débit du compte n’est pas encore intervenue.

Si l’incapacité intervient entre l’inscription au débit du compte et celle au crédit du compte du bénéficiaire, elle est sans incidence sur le virement.

L’ordre de virement devient caduc en cas de survenance d’une incapacité ou de décès du donneur d’ordre.

Toutefois, la caducité de l’ordre de virement ne s’impose au banquier qu’à partir du moment où il a eu connaissance du décès (droit commun du mandat).

La jurisprudence limite la portée de l’illicéité de la cause du virement :

Ex : Le client d’une banque avait donné l’ordre à sa banque d’effectuer un certains nombre de virements, à la suite desquels son compte était devenu débiteur, la banque avait demandé la clôture du compte et le paiement du solde, pour refuser de payer, le client a invoqué l’illicéité de la cause des virements.

Cour de cassation : les écritures ayant été régulièrement passées, elles avaient entraîné dessaisissement des comptes et corrélativement remise de monnaie scripturales, et que le titulaire du compte ne pouvait invoquer à l’égard de la banque l’illicéité des virements

Cour de Cassation, 22/07/1986

L’illicéité du contrat, de la relation commerciale, est sans effet sur le virement, flux financier.

NB : le mandat donné au banquier ne pourra être exécuté que si le solde de compte bancaire à débiter est suffisant et disponible. A défaut, l’ordre de virement n’en est pas moins valable ; il est alors suspendu jusqu’ à une fourniture d’ « une provision » suffisante.

– l’existence de deux comptes bancaires :

L’ordre de virement étant destiné à opérer un transfert de solde de compte bancaire, la condition primordiale est l’existence de deux comptes bancaires tenus par des banques ou établissements assimilés.

b)- Les conditions de forme :

Principe du consensualisme, le virement n’est soumis à aucun formalisme ad validitatem.

L’ordre de virement peut être valablement donné soit par écrit, soit verbalement (tel) soit par fax ou e-mail.

La seule utilité du recours à l’écrit sur papier était de permettre l’établissement d’une preuve.

L’admission de l’écrit électronique change la donne, et la profession bancaire encourage désormais les virements télématiques, que la banque se charge de sécuriser (virements électroniques).

L’utilisation des divers procédés est encadrée par les contrats de compte.

Le défaut de respect de ces exigences ne saurait entacher de nullité l’ordre de virement, en revanche il fonde le banquier à ne pas exécuter l’ordre qui lui est donné, et peut constituer une faute du client en cas de détournement par un tiers.

2°)- La preuve de l’ordre de virement :

Les règles de preuve en matière de virement sont celles de droit commun :

entre commerçants, la preuve est libre, si le client est un commerçant ;

si le client n’est pas commerçant, il peut prouver par tout moyens, mais la banque ne peut prouver qu’en vertu de Code Civil 1341 : preuve libre jusqu’à 1 500 euros, au-delà la preuve exigée est un écrit.

Le législateur a adapté le régime des preuves aux nouvelles technologies : l’écrit sur support électronique a aujourd’hui la même valeur probante que celui sur support papier Code Civil 1313s

La preuve de l’ordre de virement peut se faire par tous moyens.

Le problème peut se présenter de différentes façons :

– soit un donneur d’ordre ou un bénéficiaire conteste l’existence ou le contenu de l’ordre de virement,

– soit la banque du donneur d’ordre ou celle du bénéficiaire cherche à justifier le bien-fondé de ses écritures ou son absence de réaction.

Si le client n’a pas protesté rapidement, l’écriture est présumée acceptée, et le client doit renverser cette présomption à l’aide d’éléments particuliers.

3°)- Les effets de l’ordre de virement :

a)- Effets à l’égard du donneur d’ordre :

Il est soumis aux obligations à l’égard du mandant et bénéficie des droits du mandant.

La jurisprudence adapte le droit commun, pour sécuriser : en principe le mandat est révocable ad nutum.

Le donneur d’ordre peut se rétracter, mais son banquier ne pourra engager sa responsabilité s’il a déjà exécuté l’ordre de virement et l’a fait savoir au donneur d’ordre par un avis d’opéré.

Il convient de déterminer à quel moment cesse cette faculté de révocation.

La jurisprudence de 1983 distingue deux périodes :

L’ordre de virement devient irrévocable à partir de la date de son inscription au débit du compte du donneur d’ordre.

Critique :

Le mandat ne porte pas seulement sur un débit, mais aussi sur un transfert de fonds.

Cette solution semble plus protectrice pour le donneur d’ordre, mais à défaut, cela ferait supporter au banquier du donneur d’ordre un risque excessif.

De plus la seule émission d’un ordre de virement ne produit aucun effet libératoire à l’égard du débiteur. Le donneur d’ordre n’a pas le droit de repentir, si ce n’est sur le fondement du paiement indu à l’égard du bénéficiaire, et dans la limite des sommes détenues pour son compte par son banquier, à l’égard de celui-ci.

b)- les effets à l’égard du banquier du donneur d’ordre :

Le banquier est un mandataire (obligations), rémunéré (responsabilité aggravée).

Une fois l’inscription effectuée, le donneur d’ordre ne peut plus révoquer le mandat.

Le banquier peut refuser d’exécuter le virement, engendrant la fin du mandat, ou payer à découvert, ce faisant il consent à son client une facilité de caisse.

En cas d’insuffisance du solde créditeur du compte du donneur d’ordre, le banquier a la possibilité de ne pas donner suite à l’ordre de virement.

Celui-ci voit ses effets suspendus.

La jurisprudence considère que le banquier est tenu de trois obligations (vérifier l’ordre de virement, rendre compte et exécuter à brefs délais).

L’obligation d’exécuter l’ordre avec diligence :

• avec vigilance :

Le banquier a l’obligation de procéder à certaines vérifications : identité, pouvoir du donneur d’ordre, et éventuellement de la régularité formelle de l’ordre, s’il est écrit.

Si falsification, la perte financière est en principe assumée par le donneur d’ordre.

Mais généralement, celui-ci essayera de prouver la faute de la banque (manquement à l’obligation de vigilance), pour obtenir un partage de responsabilité (responsabilité contractuelle).

Néanmoins, il est admis que si l’ordre de virement est urgent (fax), le banquier est déchargé de son obligation de vérification.

En cas de faux, lorsqu’il n’a jamais été signé par le client, la perte est supportée par le banquier fautif pour avoir disposé de fonds appartenant à son client sans en avoir reçu l’ordre.

Dans le cas où un ordre de virement falsifié aurait été exécuté sans faute du banquier mandataire, les juges du fonds tendent à considérer qu’aucune responsabilité ne pèse sur le banquier.

Lorsque le risque pèse sur la banque, qui supporte la perte ?

Cour de Cassation ; 29/01/2002 : une compagnie d’assurance indemnisait ses clients par virement, mais la secrétaire apposait à côté du nom des clients son propre numéro de compte, la compagnie d’assurance a engagé la responsabilité de la banque bénéficiaire.

Les juges du fonds ont débouté la compagnie d’assurance.

La Cour de cassation casse : la banque réceptionnaire ne peut se borner à un simple traitement informatif sur le seul numéro de compte, sans aucune vérification sur le nom, dès lors que ce contrôle n’a pas été exclu par le donneur d’ordre.

Les banquiers qui participent à la réalisation d’une opération de virement sont responsables des erreurs qu’ils ont commises, responsabilité contractuelle.

• Avec célérité :

Le délai est, en principe prévu par la convention de service bancaire, mais aussi par la loi, lorsque le virement a un montant supérieur à 50 000 euros, et s’il s’agit d’un virement transfrontalier, au sein de l’UE, CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; 133-1. cf plus bas

Comme tout mandataire, le banquier est tenu d’exécuter l’ordre de virement à brefs délais.

Il semble que sous réserve d’hypothèses particulières qui justifieraient un délai plus long, un retard de plus de huit jours doit être considéré comme fautif.

Toutefois si des vérifications s’imposent ou si le banquier ne peut exécuter l’ordre de virement sans instructions complémentaires de son client, un délai plus long pourra être admis.

En outre, les parties peuvent convenir d’un délai d’exécution.

L’obligation de rendre compte de sa mission :

Le banquier devra en application de Code Civil 1993, rendre compte de l’exécution de l’ordre de virement.

En ce cas, comme le banquier mandataire est aussi dépositaire des fonds nécessaires à l’exécution de l’ordre de virement, il ne saurait se contenter de rendre compte par un avis de débit du compte de son client ; il doit justifier qu’il a remis la somme correspondante à l’ordre de virement au bénéficiaire de celui-ci.

L’exécution de l’obligation se fait par l’envoi d’un avis de débit au donneur d’ordre.

Lorsque les virements sont de faible montant, la jurisprudence admet que l’envoi des relevés périodiques constitue l’exécution de cette obligation.

Ces relevés de banque peuvent également constituer la preuve de l’ordre de paiement dès lors qu’ils ne sont pas contestés dans les délais conventionnellement prévus.

Des devoirs particuliers existent à la charge du banquier en cas de virement transfrontaliers (directive du 25/01/1997).

Le virement transfrontalier s’effectue entre deux banques situées dans des Etats membres différents.

Le donneur d’ordre et le bénéficiaire peuvent être la même personne.

Le banquier est tenu d’une obligation d’information sur les coûts et commissions de l’opération, ainsi que sur le taux de change.