La cause du contrat : existence et licéité de la cause

La cause du contrat

La cause n’est pas définie dans le Code civil. Il en est question dans les articles 1131, 1132 et 1133 de ce Code. On distingue la cause de l’obligation et la cause du contrat. La cause de l’obligation est appelée cause abstraite, objective, tandis que la cause du contrat est appelée cause concrète, subjective.

I – L’existence de la cause

A) La notion de cause de l’obligation

Lorsque l’on s’interroge sur la cause de la cause, c’est de la cause de l’existence de l’obligation qu’il s’agit. La cause de l’obligation était la même dans tous les types de contrats.

  • 1) Les contrats onéreux
  • a) Les contrats synallagmatiques

Dans ces contrats chacune des parties s’engage pour que l’autre exécute une obligation. L’exécution de l’obligation par l’une des parties constitue la cause de l’obligation de l’autre partie. Toutefois, la nature de cette contrepartie peut varier selon qu’il s’agit de contrat commutatif ou de contrat aléatoire. Dans les contrats commutatifs, chacune des parties attend une contreprestation considérée comme équivalent à la sienne. Le défaut de contreprestation équivalente entraine l’absence de cause et justifie l’annulation du contrat. La jurisprudence en donne de nombreux exemples ; la Cour de cassation a annulé la convention conclue entre une personne et un généalogiste qui avait pour objet de révéler une succession ouverte en faveur de cette personne parce qu’il était apparu qu’elle aurait surement eu cette information sans le généalogiste. Cass. Civ. 18 avril 1953, Dalloz 1953 p.403.

Dans un contrat synallagmatique la fausseté partielle de la cause ne peut entrainer la réduction de l’obligation, voir en ce sens Civ. 1ère 31 mai 2007, Bull. Civ 1 n°211. Dans les contrats aléatoires la cause de l’obligation de l’une des parties est le risque de perdre ou la chance de gain voulu par les parties. Le défaut de cause résulte alors de l’inexistence de l’aléa. Le contrat aléatoire qui n’a pas d’aléa doit être annulé pour défaut de cause. Voir les contrats de rente viagère, tout contrat de rente viagère créé sur une personne qui était morte au jour du contrat ne produit aucun effet. Pas d’aléa si la personne est déjà décédée, le contrat est nul pour défaut de cause. L’article 1975 du Code civil ajoute qu’il en est de même du contrat pour lequel la vente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat. 2 mars 1997, Bull. Civ. 1 n° 116.

  • b) Les contrats unilatéraux

Ce sont les contrats dans le cadre desquels une seule partie a des obligations. La jurisprudence admet que la cause de l’obligation réside dans ce qui a précédé le contrat, par exemple dans le contrat de dépôt c’est la remise de la chose qui constitue la cause du contrat Comm. 30 janv. 2001, Bull. Civ. 4 n° 28.

En matière de reconnaissance de dette il a été jugé qu’une personne qui reconnait à tort l’existence d’une dette peut obtenir l’annulation du contrat si elle en démontre l’inexistence, Civ. 1ère 6 oct. 1981. Bull. Civ 1 n° 273. La solution admise pour la fausseté partielle de la cause, est qu’en matière de contrats unilatéraux l’obligation peut être réduite à la mesure de la fraction subsistante. Civ. 1ère 11 mars 2003, JCP 2003 1 p. 142.

  • 2) Les contrats à titre gratuit

Il ne fait naitre aucune obligation à la charge des bénéficiaires, le débiteur n’attend aucune contrepartie de la part du bénéficiaire. Dans ces contrats l’on considère que la cause de l’obligation provient de l’intention libérale de celui qui s’engage.

B) La preuve de l’absence de cause

C’est la preuve de l’engagement des volontés, de celui qui a une intention libérale.

  • Dans les contrats synallagmatiques ; on prouve le défaut de cause en comparant les obligations des parties ce qui va permettre de faire apparaitre le défaut de contrepartie. Comm. 30 juin 1987 Bull. Civ 4 n° 163.
  • Dans les contrats unilatéraux ; celui qui se prévaut de défaut de cause, doit le prouver. Dans le cadre des contrats de prêt d’argent conclus par écrit, celui qui veut prouver l’absence de cause doit le prouver par écrit. La question est plus délicate lorsque l’écrit n’a pas de cause exprimée. L’article 1132 du Code civil : « La convention n’en est pas moins valable quoique la cause n’en soit pas exprimée. » dans cette hypothèse on présume qu’il existe bien une cause. C’est plus simple parce que l’absence de cause se fait par tous moyens et non pas par écrit.

II – La cause illicite

L’article 1133 dispose que la cause est illicite quand elle est contraire à la loi, aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. La cause envisagée ici, est la cause concrète, la cause du contrat, c’est-à-dire les mobiles ou motifs qui vont pousser une partie à conclure le contrat. La prise en compte de cette cause subjective permet l’annulation de contrat qui ne pouvait être annulé si l’on considérait seulement la cause de l’obligation ou d’une autre manière l’objet de l’obligation.

A) La notion d’illicéité

La licéité ou l’illicéité dépend de l’évolution des bonnes mœurs.

  • 1) Illustrations
  • a) Les contrats à titre onéreux

La vente de matériel d’occultisme doit être annulée sur le fondement de la cause illicite car cette activité est contraire l’article R-34 du Code pénal. C.cass 1989 12 juillet, JCP 1990-2 21756.

La cour de cassation a considéré que le contrat consistant à payer un intermédiaire en but de l’adoption d’un enfant doit être annulé pour cause illicite sur le fondement de l’article 1233 du Code civil. Civ. 1ère 22 juillet 1987, Dalloz 1988 p. 172.

  • b) Les contrats à titre gratuit

La cour de cassation considérait que la donation faite par un mari adultère, à sa maitresse pour la retenir auprès de lui alors qu’il savait qu’elle avait un amant plus jeune, une telle donation devait être annulée sur le fondement de l’article 1133 du Code civil. Civ. 1ère 2 déc. 1981, Dalloz 1982, 474. Mais la Cour de cassation dans un arrêt du 29 octobre 2004 admit que la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère n’est pas nulle. Ass. Plén 29 oct. 2004.

  • 2) Conditions de l’annulation

Deux questions doivent-être résolues pour savoir si le contrat peut être annulé pour cause illicite.

  • a) Le mobile déterminant

Parmi les mobiles des parties au contrat lesquels faut-il choisir ?

Tous les mobiles ne peuvent être pris en compte, la jurisprudence s’attache au(x) mobile(s) déterminant(s). En d’autres termes, les juges recherchent la cause impulsive et déterminante. Seul le motif qui a conduit à la conclusion du contrat mérite théoriquement d’être retenu. Mais en réalité le juge peut considérer, et considère généralement que le motif illicite constitue la cause impulsive et déterminante.

  • b) Le mobile commun

Le mobile doit-il être commun aux deux parties ? Ou au minimum être connu de la partie dont il n’a pas déterminé le consentement ?

A cette question la doctrine a tenté de comparer les contrats à titre onéreux, et à titre gratuits. Pour les premiers on proposait que si l’autre cocontractant ne sait pas que le but poursuivi est illicite il y a possibilité d’annuler le contrat Cass. 7 oct. 1998, a considéré qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale même lorsque l’une des parties n’a pas connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat. Bull. Civ. 7 oct. 1998, 1ère Civ. Cass.

B) La preuve de la cause illicite

La cause est présumée licite, il appartient donc à celui qui se prévaut de l’illicéité de la prouver. La preuve de la cause illicite peut être faite par tous moyens. Voir en ce sens, Civ. 1ère 4 juillet 1995, JCP 1996 édition notariale 2 p.152.