La charge de la preuve

Qui doit prouver? La question de la charge de la preuve des droits subjectifs.

Article 1315 à 1369 du Code Civil. Pour pouvoir invoquer un droit subjectif, il faut pouvoir démontrer son existence et dire qu’on en est bien titulaire car être titulaire d’un droit sans pouvoir le prouver revient à la même situation que de ne pas avoir ce droit. Si nul ne conteste l’existence d’un droit, la preuve de ce droit est inutile.

Mais si une personne conteste l’existence d’un droit dont une autre se déclare titulaire, elle exigera que le prétendu titulaire en rapporte la preuve en justice.

La question de la preuve des droits subjectifs est donc une question essentielle, il faut noter que cette matière a fait l’objet d’une réforme par une loi du 13 Mars 2000 dont l’objet a été d’adapter le droit de la preuve aux nouvelles technologies en admettant notamment la validité de la signature électronique. Pour étudier le droit de la preuve, quel est l’objet de la preuve et sur qui pèse la charge de la preuve, puis étudier les différents moyens de preuve qui existent et enfin s’interroger sur leur admissibilité.

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SECTION 1 –OBJET ET CHARGE DE LA PREUVE

Que doit-on prouver, qui doit prouver?

§1. l’objet de la preuve.

L’objet de la preuve se limite aux questions de faits. En effet, les parties n’ont pas à établir, à prouver, l’existence de la règle de droit car le juge est sensé connaitre la loi. Une seule exception si une partie se prévaut d’une loi étrangère, il lui appartient de prouver son contenu. Les faits qui font l’objet de la preuve sont tous les éléments qui ont une portée juridique, c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles de constituer un acte ou un fait juridique. La partie qui a la charge de la preuve ne doit prouver que les éléments dont dépend la solution du litige, c’est ce qu’on appelle les faits pertinents.

I. Le droit n’est pas à prouver

Les avocats n’ont pas besoin de prouver le droit et les lois => le juge est considéré comme connaissant le droit ; mais c’est une vue de l’esprit car un juge ne peut pas connaître tout le droit français

Le juge n’est pas supposé connaître la coutume et les usages => les parties doivent prouver l’usage

Connaissance par le juge d’une loi étrangère : possibilité d’appliquer une loi étrangère dans une juridiction française => traducteurs-jurés : leurs traductions font foi

II. Les faits doivent être prouvés

1. Principe : chacun doit prouver ce qu’il allègue : accident, contrat…

Chacun doit prouver ce qu’il allègue : quand on affirme qqc en justice :

soit l’adversaire ne conteste pas et l’allégation est considérée comme reflétant la vérité

soit l’allégation est contestée par l’autre partie => prouver ce qui est contesté par l’adversaire

Une allégation est une affirmation

2. Exclusion de la preuve des certains faits

a) Preuve interdite

Dans certains cas, la preuve est interdite par la loi : extrêmement rare, seulement pour problème de filiation dans famille (enfant naturel ou non) => loi veut la « paix des ménages »

b) Preuve inopérante

On ne peut pas se forger ses propres preuves : par exemple, on ne peut pas justifier un paiement par un talon de chéquier

3. Difficulté : preuve impossible

a) Fait positif

Dans certains cas, on ne peut pas le prouver : par exemple, on ne peut pas prouver le moment de la fécondation

La loi intervient en prenant des faits positifs voisins pour prouver le fait positif en question => jeu des présomptions

Pour fécondation, moment de la naissance est le point de départ et on remonte entre 180 et 300 jours avant la naissance

b) Fait négatif

On peut prouver la réalité d’un fait négatif lorsque c’est binaire (si ce n’est pas une cause, c’est nécessairement l’autre)

On peut prouver un fait négatif si on arrive à écarter toutes les autres raisons du fait que celle que l’on veut prouver

§2. La charge de la preuve.

La question de la charge de la preuve est déterminante parce que lorsqu’en fin de compte la vérité n’a pas pu être établi c’est la partie qui devait rapporter la preuve de ses prétentions qui supportera les conséquences de cet échec. On dit que c’est sur elle que pèse le risque de la preuve ou à l’inverse que le doute profite à son adversaire. Le principe est posé à l’article 1315 du Code Civil qui dit que la preuve incombe au demandeur : « Actori incombit probatio ». On entend par là tout personne qui formule une prétention nouvelle. Exemple: je prétends devant le juge que Mme. Dupont me doit 5,000€, je dois prouver cette prétention. Si Mme. Dupont prétend m’avoir déjà remboursé, c’est une prétention nouvelle, elle doit donc l’approuver.

Il existe toute fois des exceptions au principe posé à l’article 1315, parfois, c’est la loi qui attribue la charge de la preuve. Par exemple, l’article 2268 dispose que la bonne foi est toujours présumée. En d’autres termes, celui qui invoque sa bonne foi n’a pas à la prouver, c’est à son adversaire de prouver le contraire. De même, les parties à un contrat peuvent s’entendre dans leur contrat pour modifier les règles d’attribution de la charge de la preuve. Enfin la jurisprudence a parfois consacré un renversement de la charge de la preuve. Exemple: en matière médicale. En effet, le médecin est tenu à l’égard de son patient à une obligation d’information relative aux risques découlant de l’acte pratiqué. Imaginons qu’un incident se produise, un de ces risques se réalise. Le patient peut obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’information. Le demandeur c’est la patient, c’est lui qui prétend que l’obligation d’information n’a pas été remplie, donc en principe c’est lui qui doit prouver que le médecin ne l’a pas informé. Mais la Cour de Cassation a opéré un renversement de la charge de la preuve en obligeant le médecin à prouver qu’il avait bien rempli son obligation d’information.

En matière de charge de la preuve, il faut faire une Distinction entre le rôle du juge et celui des parties :

procédure pénale : rôle inquisitoire du juge d’instruction => instruction à charge et à décharge (éléments contre et en faveur du présumé coupable)

procédure administrative : juge administratif dirige la recherche des preuves

procédure civile : procédure inquisitoire => juge est neutre et ce sont les avocats qui doivent démontrer au juge que ce qu’ils prétendent est exact

A : Rôle des parties

I. Principe

La preuve incombe au demandeur (article 1315 du Code civil)

1. Sens

C’est celui qui demande qui doit prouver ce qu’il demande

2. Fondement

Celui qui réclame trouble l’ordre juridique => à lui de prouver qu’il a une bonne raison de troubler l’ordre

3. Portée

Nuance entre demandeur au procès (le demandeur assigne) et défendeur (le défendeur est assigné) => dans un procès chacun allègue un fait

Dans une assignation, il y a plusieurs chefs de demande (ex : un tel doit nous payer des dommages intérêts)

II. Les présomptions légales

C’est la loi qui intervient : à partir d’un fait connu et prouvé, la loi va déduire la réalité juridique d’un fait inconnu et qui n’a donc pas à être prouvé => dispense de la charge de la preuve

Exemple : présomption de paternité

1. Rôle des présomptions légales

Le juge doit respecter les présomptions légales (même s’il sait qu’elles sont fausses)

2. Fondement des présomptions légales

Probabilité : dans certaines situations, il est très probable que certains faits soient vrais (paternité dans mariage)

Sécurité : souci de sécurité ou de compassion envers les victimes (lien de causalité est présumé dans un accident de ski ; le propriétaire est présumé gardien et le gardien est présumé être responsable) => système de présomption pour la sécurité des victimes

3. Régimes des présomptions légales

a) Présomption simple (ou relative)

Si la chose présumée peut être combattue par une preuve contraire, la présomption est simple

Exemple : présomption de paternité est une présomption simple (preuve contraire : désaveu de paternité)

b) Présomption irréfragable (ou absolue)

Présomption irréfragable : on ne peut pas les remettre en cause

Exemple : quand le créancier d’une somme d’argent remet son titre de créance au débiteur, le paiement a été fait => présomption irréfragable même si le paiement n’a pas eu lieu

B : Rôle du juge

I. Neutralité du juge

1. Principe : impartialité du juge

Le juge est impartial concernant les preuves, le juge ne doit pas se servir de ses connaissances personnelles des faits

2. Portée

a) « Principe dispositif »

Le juge doit laisser aux parties le soin d’exposer leur demandes et de décider de leur prétentions => le juge n’a pas le droit d’indiquer aux parties ce qu’elles doivent demander => interdit au juge de statuer ultra petita (au-delà des demandes)

b) « Principe du contradictoire »

Chaque prétention doit être débattue et chaque preuve doit être présentée aux autres parties

Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves introduites par les parties et qui ont été débattues contradictoirement

II. Initiatives du juge

1. Mesures d’instruction

Le juge peut décider des mesures d’instruction : expertise, descente sur les lieux, appel à témoin…

Le juge n’est pas lié par les résultats de l’expertise

Le code de procédure dit que si un assuré refuse l’instruction demandée par le juge, le juge ne peut pas le forcer mais le juge peut en déduire ce qu’il veut => pouvoir du juge d’inventer la réalité juridique

2. Production des éléments de preuve

Le juge peut ordonner aux parties de produire toutes les pièces qu’il veut

Ci-dessous, un autre cours d’Introduction au droit civil est divisé en plusieurs fiches (sources, droit objectif, droit subjectif, preuves,

Autres Cours complet de Droit civil divisé en plusieurs fiches :

SECTION 2 – LES MODES DE PREUVE

Le Code civil fixe les modes de preuve

Régime d’admissibilité de la preuve

Paragraphe 1 : Diversité des modes de preuve

I. La preuve par écrit

1. Définition de l’écrit

a) Contenu

Suite de lettres, de caractères, de chiffres, ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible (article 1316 du Code civil)

b) Papier et support électronique

L’écrit a un support matériel (papier)

L’écrit électronique est admis comme preuve, exactement au même titre que l’écrit papier

c) Conditions

Il faut que l’écrit soit établi et conservé de façon à en garantir l’intégrité

L’identification de l’électeur : qui a établi l’écrit => on doit pouvoir identifier celui qui a établi l’écrit et l’écrit doit représenter la volonté de celui qui l’a écrit

Problème de hiérarchie entre support papier et support électronique : ces deux supports sont au même niveau dans la hiérarchie

Evolution technologique prise en compte par les contrats

2. Catégories d’écrit

a) Actes authentiques

Ecrit dressé par un officier public et suivant les formes imposées par la loi

Conditions : compétences d’un officier public (civil, ministériel)

Original : dressé par notaire => minute conservé par notaire ; copies : données aux intéressés => expédition aux intéressés ; exemplaire comportant la formule exécutoire

Force probante : acte authentique fait foi

b) Actes sous seing privé (sous signature privée)

Acte sous signature privée : écrit papier ou électronique, signé par les parties à l’acte sans officier public (contrats signés dans le vie courante)

Contrats : plusieurs parties => autant d’exemplaires que de parties, signature de chaque partie sur chaque exemplaire

Actes unilatéraux : une seule partie (testament : volonté d’une personne quant à sa mort, organisation de sa sépulture) => un exemplaire et une seule signature

La signature peut être contestée (contrairement à l’acte authentique) => dénégation de signature ou d’origine => juge doit immédiatement désigner un expert pour expertiser l’origine de ce document

Si les parties ne dénient pas leurs signatures, l’acte fait foi du contenu et de la date => acte fort entre les parties (pour celles qui ont chacune signé chaque exemplaire)

c) Autres écrits

Force probante inférieure à celle des actes sous seing privé mais actes valables

Autres écrits :

lettres missives : toute la correspondance privée

livres de commerce : écrits pouvant être utilisés contre les entreprises

registres et papiers domestiques

Un écrit imparfait (ni authentique, ni sous seing privé) peut être produit en justice s’il émane de l’adversaire ou de son représentant => on ne peut pas de fabriquer ses propres preuves

II. Témoins

Témoignage direct : ce que raconte une personne de ce qu’elle a personnellement vu, entendu, senti… => il est établi comme preuve dans les systèmes démocratiques

Preuve par commune renommée : tout le monde sait ce que qqn fait même si personne ne l’a vu => « réputation »

Rumeur

1. Conditions requises pour être admis à témoigner

Toute personne majeure peut être témoin, sauf exceptions (personne ayant subi de lourdes peines de condamnation ou filiation avec accusé)

2. Forme du témoignage

Forme écrite du témoignage

3. Force probante du témoignage

Le juge est souverain : juge peut retenir ou non le témoignage => témoignage est un moyen de preuve très peu fiable

4. Sanction

Faux témoignage est grave : infraction pénale => peine encourue est de 5 ans de prison et de 75000 € d’amende

III. La preuve par présomptions

1. Notion

Ce n’est pas une présomption légale

Ici présomption du fait de l’homme : tous les indices possibles

On raisonne tout le temps par présomption : à partir de faits réels, on en déduit d’autres faits

2. Conditions par recevabilité

Juge en pense ce qu’il veut => ça prouve ce qui est allégué ou non

Juge apprécie la force probante de ces indices

IV. Aveu

1. Notion

Aveu : de la part de quelqu’un, reconnaître un fait ou un acte et cette déclaration aura des conséquences à son propre détriment

L’aveu ne peut porter que sur un point de fait

2. Régime

Aveu judiciaire : déclaration de qqn faite pendant l’instance (pendant le procès) => fait devant le juge donc force probante très forte de l’aveu => cet aveu devant le juge vaut pour preuve

Aveu extra judiciaire : déclaration en dehors de l’instance => juge est libre d’apprécier la force probante de cet aveu extra judiciaire

V. Le serment

Serment : déclaration faite par qqn, qui affirme de façon solennelle et devant le juge que ce qu’il dit est la réalité

Le serment vient de l’Antiquité

Toutes les études montrent que quand qqn doit jurer devant le juge, le parjure est très faible

1. Serment décisoire

C’est une partie au procès qui demande à l’autre partie de jurer devant le juge

Déférer serment : demander de faire serment donc de jurer, à l’autre partie

Trois attitudes possibles :

il jure que ce qu’il dit est vrai => il gagne le procès

il refuse de jurer => il a perdu le procès

il réfère le serment => il renvoie le serment à l’autre partie

Arme de dernier recours car il n’y a plus rien à perdre

Le juge est lié par la réaction des parties qui emporte la décision

2. Serment « déféré d’office » ou serment supplétoire

C’est le juge lui même qui prend l’initiative de demander à l’une des parties de jurer ses allégations => c’est un moyen pour le juge de tâter le terrain

Le juge ne peut pas se déterminer exclusivement sur un serment supplétoire

Le serment décisoire est pratiqué mais le serment supplétoire peut être utilisé

grande distinction entre deux catégories de preuves :

preuves parfaites qui lient le juge (les écrits parfaits : actes authentiques et actes sous seing privé, aveu judiciaire, serment décisoire) => juge considère que c’est prouvé

preuves imparfaites qui ne lient pas le juge (écrits imparfaits émanant de l’adversaire, les témoins, les indices de toutes sortes, l’aveu extra judiciaire, le serment supplétoire)

Paragraphe 2 : Admissibilité des modes de preuve

Solutions possibles : liberté de la preuve et légalité de la preuve

Solutions retenues pour droit pénal, droit administratif, droit civil

Suivant ce qui est à prouver, on admet tels ou tels moyens de preuves :

droit pénal et droit administratif : principe de liberté : on utilise tous les moyens de preuves => le juge doit les recevoir et les observer

droit civil : tous les moyens de preuve ne sont pas tjs admissibles : distinction fondamentale entre la preuve des faits juridiques et des actes juridiques

I. Faits juridiques

1. Principe : liberté de la preuve

Liberté de la preuve : tous les moyens de preuves sont acceptés par le juge

2. Exceptions : faits intéressant l’état des personnes

En matière d’état des personnes, la naissance et le décès sont des faits => théoriquement, la naissance et le décès doivent être prouvés par un acte authentique

II. Preuve des actes juridiques

Prouver l’existence d’un contrat

1. Principe : légalité de la preuve ; nécessité d’un écrit

Légalité de la preuve : il faut un écrit parfait (acte authentique ou acte sous seing privé) pour prouver un acte juridique

L’aveu judiciaire et le serment décisoire peuvent également prouver l’existence d’un contrat

2. Exceptions : liberté de la preuve ; tous modes admis

Intérêt en jeu (montant du litige) :

quand l’intérêt en jeu est inférieur à 1500 €, tous les moyens de preuve sont admissibles

quand l’intérêt en jeu est supérieur à 1500 €, il faut une preuve parfaite (écrit parfait ou serment décisoire ou aveu judiciaire) pour prouver l’acte juridique

Régime civil de preuve : légalité de la preuve sauf si l’intérêt en jeu est inférieur à 1500 €

Régime commercial de preuve : liberté de la preuve => vis à vis d’un commerçant, la preuve de l’acte juridique est libre : tous les moyens de preuve sont admissibles

Litige entre civil et commerçant : on utilise le régime de preuve de la personne contre laquelle on prouve

Le régime de preuve ne dépend pas de la juridiction devant laquelle le procès se déroule

Cas du commencement de preuve par écrit :

Litige supérieur à 1500 € et régime civil de preuve ; mais on dispose d’un commencement de preuve par écrit, c’est à dire d’un écrit imparfait (il émane de l’adversaire)

Le commencement de preuve par écrit doit avoir un lien avec ce qui est allégué, si le juge accepte que l’écrit imparfait soit un commencement de preuve par écrit, le juge peut alors accepter tous les types de preuves dans le procès (même si litige supérieur à 1500 € et régime civil de preuve)

Impossibilité de produire ou de se procurer un écrit :

Litige supérieur à 1500 € et régime civil de preuve ; convaincre le juge qu’on ne peut pas avoir d’écrits : si impossibilité matérielle (catastrophes naturelles, au lendemain des guerres) ou si impossibilité morale

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