La Cour européenne des droits de l’homme

La Cour européenne des droits de l’homme

La Cour européenne des droits de l’homme dépend du Conseil de l’Europe. Elle veille au respect de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un procès équitable, droit au respect de la vie privée et familiale, liberté d’expression…). Elle siège à Strasbourg.

La Convention a concrétisé certains des droits et libertés inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et créé une juridiction internationale compétente pour condamner les États ne respectant pas leurs engagements.

La Convention est applicable au niveau national. Elle a été incorporée dans les législations des États parties à la Convention,lesquels sont tenus de respecter les droits énoncés dans la Convention. Les juridictions nationales doivent de ce fait appliquer la Convention. Si tel n’était pas le cas, les États s’exposeraient à être condamnés par la Cour si un individu se plaignait que ses droits n’ont pas été respectés.

Cour européenne des droits de l'homme

Cette garantie est indispensable, elle constitue la grande originalité du système de la Convention EDH, elle a institué d’autres système régionaux de sauvegarde des Droits de l’Homme. L’efficacité de la protection internationale des Droits de l’Homme est proportionnelle à son caractère juridictionnel, le mode de contrôle juridictionnel constitue le mode de contrôle le plus aboutit, le plus efficace. Ce contrôle juridictionnel est assuré par la Cour EDH, elle passe par des voies de recours précises, et ses requêtes aboutissent à des arrêts. Le contrôle juridictionnel insaturé par la Cour européenne est subsidiaire, il faut en principe invoquée la Convention européenne dans un premier temps devant les autorités nationales et notamment les juridictions nationales. S’il y a une défaillance dans le système national, l’individu pourra saisir la Cour EDH.

  • 1 – La Cour européenne des droits de l’homme

A – Le système initial

A l’origine, le contrôle juridictionnel était facultatif, il était possible pour un état d’adhérer à la Convention EDH sans permettre aux individus de saisir les organes de contrôle. La France a ratifié la Convention européenne en 1974, elle a accepté le recours individuel seulement en 1981. A l’origine se trouvait 3 organes qui exerçaient le contrôle juridictionnel: la commission européenne des Droits de l’Homme qui n’existe plus, le comité des ministres, la cour européenne des Droits de l’Homme qui n’était pas permanente. Selon le système initial, une personne qui pensait être victime d’une violation de ses droits ne pouvait pas saisir directement la Cour, elle devait d’abord s’adressait à la Commission européenne des Droits de l’Homme qui se prononçait sur la recevabilité de la requête. Si la commission estimait que la requête était recevable, elle devait se mettre à la disposition des intéressés, l’objectif était d’arriver à un arrangement amiable de l’affaire. En cas d’échec de règlement à l’amiable, la commission avait deux choix: elle pouvait soir saisir la Cour EDH, soit le comité des ministres qui se prononçait sur la violation alléguée. Ce jugement par le comité des ministres semblait peu normal car l’individu requérant était totalement exclus de la procédure et l’état auquel était reprochée une violation des Droits de l’Homme prenait partie au vote du comité des ministres (l’état était partie et juge en même temps).

B – Le système actuel

Il est issu notamment du protocole n°11 à la Convention européenne signée en 1994 et entrée en vigueur le 1er novembre 1998 après sa ratification par tous les états membres de l’Europe. Ce protocole porte restructuration du mécanisme de contrôle établit par la Convention. Il rend le droit au recours individuel obligatoire, c’est à dire que si un état ratifie la Convention, automatiquement, les individus peuvent saisir la Cour EDH. Avec le protocole 14, la commission européenne des Droits de l’Homme a été supprimée c’est donc la Cour EDH qui apprécie aussi bien la recevabilité que le fond d’une requête. C’est une compétence exclusive parce que le comité des ministres ne peut plus se prononcer sur une affaire, son seul rôle est de surveiller l’exécution des arrêts de la Cour européenne. Il n’y a pas de possibilité pour les états contractants d’échapper à la juridiction de la Cour. La réforme du protocole 11 a rapidement portée ses fruits, le nombre de requêtes devant la Cour EDH a augmenté, on a donc constatait la nécessité d’une réforme de la réforme. Cette réforme a été concrétisée dans le protocole 14 signé en 2004 et entré en vigueur le 1er juin 2010. Le système actuel de protection juridictionnelle est le système issu des protocoles 11 et 14.

C – La composition de la Cour européenne

Il y a un juge par état partie à la Convention (47). Ces juges ne siègent pas en tant que représentant de leur état, ils sont indépendants, mais représentent en quelque sorte la culture juridique de leur état. Ils sont élus par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à la majorité des votes exprimés sur une liste de 3 candidats présentés par chaque état. Ils sont auditionnés par l’assemblée parlementaire avant sa décision. Avant l’entrée en vigueur du protocole 14, le mandat des juges était de 6 ans renouvelables. Ce système avait l’inconvénient de soumettre les juges sortants à réélection dans un contexte très politique, celui de l’assemblée parlementaire. C’est pourquoi le protocole 14 change cette situation, désormais, il y a un mandat unique de 9 ans. C’est une garantie de l’indépendance formelle des juges. La limite d’âge est de 70 ans. Les juges de la Cour EDH élisent leur président, aujourd’hui, le président de la Cour européenne est français M. Costa qui était auparavant conseiller d’état.

Les formations de jugement: la formation ordinaire est la chambre à 7 juges. Les Chambres ne sont pas spécialisées par matière et la Chambre qui s’exprime sur une affaire inclus nécessairement le juge de l’état partie au litige. La formation la plus solennelle de la Cour est la Grande Chambre, elle est composée de 17 juges dont font partis le président de la Cour, les vices présidents et les présidents des Chambres. Elle veille à la continuité et à la cohérence de la Jurisprudence européenne, elle peut être saisie dans deux hypothèses:

  • La première est prévue par l’article 30 de la Convention, c’est le dessaisissement: une chambre se dessaisit d’une affaire au profit de la Grande Chambre parce que l’affaire soulève une question importante ou qui peut conduire à un revirement de Jurisprudence.
  • La deuxième est prévue par l’article 43 de la Convention, c’est le renvoi à la Grande Chambre: si la Chambre à 7 rend une décision, toute partie à l’affaire peut demander dans un délai de 3 mois et dans des cas exceptionnels, le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Dans cette hypothèse, c’est un collège de 5 juges qui décident d’accepter le renvoi s’il estime que l’affaire soulève une question très importante.

Le protocole 14 a mis en place un juge unique qui peut déclarer une requête irrecevable, la grande majorité sont d’ailleurs des requêtes irrecevables. Si le juge a des doutes, il peut saisir un comité de 3 juges qui va opérer un examen complémentaire de l’affaire. Il pourra déclarer une affaire irrecevable. Si la requête est recevable, le comité de 3 juges peut se prononcer sur le fond de l’affaire s’il existe une Jurisprudence bien utilisée sur la question. S’il n’y a pas de réponse claire sur la question, le comité de 3 juges va transmettre la requête à la Chambre à 7.

  • 2 – Les voies de recours

A – Le recours étatique

Article 33 de la Convention. C’est une illustration du mécanisme des garanties collectives des droits. Selon l’article 33, tout Etat parti à la Convention peut saisir la Cour de toute violation des droits commise par un autre état. Dans les faits, les recours étatiques sont très rares car les états ont peur des conséquences possibles. Le recours étatique s’inscrit souvent dans le contexte d’un différend politique plus large qui déborde le seul problème du respect des DH: Arrêt du 18 janvier 1978 Irlande vs RU et Arrêt du 10 mai 2001 Chypre vs Turquie.

B – Le recours individuel

C’est l’innovation majeure du système supranational de la Convention européenne. Selon la Cour, l’individu s’est fait reconnaître un véritable droit d’action pour faire valoir les droits qu’il tient de la Convention. Avec le recours individuel, les personnes physiques et morales deviennent non simplement des destinataires de la Convention européenne mais aussi des véritables sujets de droit international à côté des sujets traditionnels que sont les états et les organisations Internationales. Selon la lettre de l’article 34, il s’agit de toute personne physique relevant de la juridiction d’un état partie, de toute ONG et de tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation de Droits de l’Homme. La Cour a donné une interprétation originale à la notion d’ONG pour couvrir les sociétés commerciales, les syndicats, les partis politiques, les associations, les organisations religieuses, mais aussi les personnes morales de droit public qui n’exercent aucune prérogative de puissance publique et qui ont une autonomie complète par rapport à l’état. En réalité, en l’état actuel de la Jurisprudence, seules les collectivités territoriales sont privées du droit de saisir le Cour européenne.

Les conditions: le plaignant doit être victime d’une violation de ses droits, le plagiant doit avoir un intérêt personnel à agir. La Jurisprudence a sensiblement assoupli ses conditions. La Jurisprudence a accueilli la notion de victime potentielle ou de victime éventuelle. Exemples: Arrêt Klass vs Allemagne, 6 septembre 1978 sur les écoutes téléphoniques en Allemagne. Selon la Cour toute personne susceptible de subir les effets de la législation allemande sur les écoutes téléphoniques est une victime potentielle même en l’absence de toute application effective de la loi. Arrêt Soering 7 juillet 1989, la Cour a estimé que si Mr Soering était extradé vers les USA, il allait subir un traitement inhumain, c’était donc une victime éventuelle, sa requête était recevable. Arrêt « Open Door vs Irlande 29 octobre 1992 », une législation en Irlande interdisait la communication des informations des avortements effectués au RU. La Cour européenne a estimé qu’il y avait une violation du droit à recevoir des informations des femmes qui n’étaient pas enceintes mais qui étaient simplement en âge de procréer, elles étaient considérées comme des victimes potentielles. La Cour a également eu recours à la notion de victime indirecte, est victime indirecte toute personne qui a un lien étroit et personnel avec la victime directe d’une violation (souvent les membres de la famille d’une personne dont on a violé les droits). Le protocole 14 ajoute une nouvelle condition, pour que la requête soit recevable, le requérant doit avoir subi un préjudice important. Cette condition a été ajoutée parce qu’il y a un grand nombre de requêtes devant la Cour EDH qui ne lui permettent pas de remplir de manière efficace et dans les délais sa mission. Autre condition de recevabilité: l’épuisement des voies de recours internes. Cette condition est une manifestation de la subsidiarité et de la complémentarité du mécanisme de protection de la convention. Elle s’explique par une raison simple: il faut donner à l’état le moyen de remédier à ses problèmes par ses propres moyens. Il faut en même temps obliger l’état de prévoir des recours efficaces. Les voies de recours doivent être utiles c’est à dire accessibles, adéquates et effectives. Si ce n’est pas le cas et que les recours internes ne sont pas utiles, l’individu est dispensé de l’obligation de les avoir épuisés: Arrêt « Akdivar vs Turquie » 16 septembre 1996. Les requérants allégués que l’incendie délibéré de leur maison par les autorités de sécurité constitué une atteinte à l’article 8, la Turquie contestait la recevabilité de la requête au motif que les plaignants n’avaient pas saisi au préalable les juridictions turques pour faire valoir leurs droits. A cette occasion, la Cour européenne a souligné la passivité totale des autorités turques devant l’incendie, permettent de penser que les voies de recours prévues en Turquie n’étaient pas des voies de recours utiles et donc les plaignants pouvaient s’adresser directement à la Cour. Dernière condition de recevabilité: il faut que la requête soit introduite dans un délai de 6 mois à compter de la décision interne définitive.

  • 3 – Les arrêts de la Cour EDH

Ils sont obligatoires, c’est à dire qu’ils sont revêtus de l’autorité de la chose jugée. Cette autorité couvre les dispositifs de l’arrêt mais aussi les motifs essentiels qui soutiennent le dispositif, elle est relative car elle vaut uniquement à l’égard des parties au litige. Parfois, d’autres états qui n’étaient pas condamnés par la Cour mais qui ont un dispositif similaire décident de modifier ce dispositif justement pour éviter des futures condamnations. Arrêt « Klass vs Allemagne », l’Allemagne a été condamnée pour ces dispositifs d’écoute, la France avait été condamnée pour des faits similaires, elle aurait donc pu anticiper et éviter sa condamnation, elle ne l’a pas fait: Arrêt « Huvig et Kruslin 24 avril 1990 ». Cette condamnation a aboutit à l’adoption d’une nouvelle loi du 10 juillet 1991 sur le secret des correspondances téléphoniques. Arrêt Marckx-Mazurek => abrogation de la distinction enfant naturel enfant légitime dans le Code civil. Les arrêts de la Cour européenne bénéficient d’une autorité persuasive, ils produisent un effet d’orientation de Jurisprudence nationale: « Ass. Plénière 11 décembre 1992 », la Cour de cassation abandonne sa Jurisprudence relative au refus de modifier l’état civil d’un transsexuel qui avait été jugé contraire à l’article 8 de la Convention européenne. « Ass. 4 février 1996 Maubleu », par cet arrêt le Conseil d’Etat s’est rallié sur l’applicabilité de l’article 6, c’est à dire du droit à un procès équitable au contentieux disciplinaire. On peut également citer l’arrêt GISTI pour illustrer cette influence de la Jurisprudence de la Cour EDH.

Ils sont donc obligatoires mais déclaratoires, la Cour ne fait que déclarer la compatibilité ou l’incompatibilité avec la Convention EDH. Elle n’a aucune compétence pour annuler ou pour abroger l’acte national qui se trouve à l’origine de violation des Droits de l’Homme. La Cour ne peut pas prescrire des mesures concrètes l’Etat condamné, elle ne peut pas non plus adresser d’injonction à l’état concerné. C’est en réalité à chaque état de tirer les conséquences juridiques de l’arrêt. Il incombe à l’état de choisir le moyen nécessaire pour se conformer aux décisions de la Cours. A titre exceptionnel, la Cour peut accorder à al partie lésée une réparation équitable seulement si le droit interne de l’état ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de la violation en vertu de l’article 41 de la Constitution.

Enfin, les arrêts de la Cour européenne sont dépourvus de force exécutoire. L’exécution sera donc laissée à l’initiative des états. Il existe cependant un contrôle exercé en vertu de l’article 46 de la Convention par le comité des ministres. A cette fin, tous les arrêts de la Cours sont transmis, par le greffe, au comité des ministres qui invite les états à l’informer des mesures prises à la suite des arrêts. Depuis 1989, le comité des ministres se reconnait le pouvoir de vérifier si l’Etat a réellement pris les mesures redressant la violation. Si tel n’est pas le cas, le comité, dans un premier temps, adopte une résolution intérimaire et reprend l’examen de l’affaire à une date ultérieure, si l’état ne fait rien, le protocole n°14 prévoit la possibilité pour le comité des ministres de saisir une nouvelle fois la Cour européenne. Cette mesure ne paraît pas très efficace.

  • 4 – L’avenir du système

Le Conseil de l’Europe compte aujourd’hui 47 états. Il y a donc 800 millions de citoyens qui jouissent du droit de recours devant la Cour européenne. Cette dernière est donc devenue, en quelque sorte, victime de son succès. Elle fait face depuis quelques années à d’importants problèmes d’engorgement. Il faut remarquer que la plupart des affaires qui arrivent jusqu’à la Cour européenne proviennent d’un petit nombre d’états. Le plus grand nombre des requêtes sont en réalité irrecevables. C’est pour remédier à ce problème d’engorgement que le protocole 14 a été adopté, il introduit la formation d’un juge unique, qui a pour compétence de rejeter les requêtes manifestement irrecevables, et une nouvelle condition de recevabilité des requêtes liée à l’importance du préjudice subit par le requérant. L’objectif est de limité le nombre de requêtes exercées devant la Cour. A cette fin, l’exécution des arrêts revêt une importance particulière mais elle dépend tout de même de la bonne volonté des états. Le comité des ministres fait, tous les ans, un rapport concernant l’exécution des arrêts et la Cour s’en préoccupe de plus en plus.