La définition de l’entreprise et du droit de l’entreprise

La définition de l’entreprise et du droit de l’entreprise

Le droit de l’entreprise, ou droit commercial, aborde plusieurs thématiques relative à l’entreprise : droit commercial, des sociétés, des contrats, de la concurrence et de la consommation, instruments de paiement et de crédit, droit du travail, droit fiscal, droit pénal des affaires, droit des entreprises en difficulté, droit international.

Assez souvent, les juristes procèdent par citations pour répondre aux questions. Un des plus grands juristes du XXe siècle Gény : le droit est un et on y a introduit des divisions que pour l’étudier avec ordre et méthode. Cela signifie que la distinction entre le droit public et privé, droit civil et commercial, droit des sociétés et concurrence, concurrence interne et communautaire etc. ne doit avoir comme finalité que de mettre de l’ordre dans la méthode d’enseignement et d’apprentissage du droit.

Cette citation s’applique au droit de l’entreprise. Le droit de l’entreprise qui normalement s’appelait le droit commercial.

Le droit commercial prouve par son contenu que le cloisonnement que certains voudraient étanche entre certaines branches du droit manque souvent de pertinence. On retrouve en effet réunis dans le droit commercial des aspects du droit civil, des aspects du droit du travail, des aspects du droit constitutionnel, des aspects du droit communautaire et des règles spécifiquement commerciales. Le pôle fédérateur des branches du droit qui se retrouvent autour et dans le droit commercial est l’entreprise.

Certains voudraient abandonner l’expression droit commercial pour lui substituer le droit de l’entreprise. L’entreprise est une notion récente en droit et dans son affirmation en tant que branche du droit, le droit de l’entreprise le rencontre pas vraiment l’unanimité si l’on retenait l’idée d’un droit de l’entreprise. Ce droit de l’entreprise ne servirait pas seulement à fixer le statut du commerçant et le régime d’activité commerciale ou d’introduction aux différentes branches du droit des affaires comme le droit de la société ou de la concurrence. Le droit de l’entreprise pourrait nourrir l’ambition d’appréhender l’entreprise dans l’ensemble de ses aspects juridiques, par exemple la personnalité juridique avec l’entreprise composée d’une seule personne physique ou bien l’entreprise formée en personne morale, mais également appréhender les rapports du travail avec la rencontre entre le salarié et l’employeur, d’appréhender le destinataire de la production économique avec le consommateur.

Bien que l’entreprise ne soit donc pas que commerciale, elle représente le point d’encrage de l’activité commerciale et du droit commercial. Pour s’en rendre compte, il convient de considérer tour à tour la notion d’entreprise (A), la démarche du droit commercial (B), les sources du droit commercial (C), l’actualité du droit commercial (D)

  • La notion d’entreprise

A la différence de certaines notion dont il use abondamment comme par exemple le contrat, le droit ne défini pas nettement l’entreprise. Il y a là, ce qu’on appelle en théorie du droit, un concept induit.

Charles Eisenmann, théoricien du droit nous apprend que les concepts induits sont des notions que la loi et la jurisprudence utilisent fréquemment sans les définir. Classiquement, le droit connaît l’entreprise à travers le contrat d’entreprise. Le contrat d’entreprise est celui par lequel une personne (entrepreneur) se charge de réaliser un ouvrage pour autrui (le maître d’ouvrage) moyennant une rémunération en conservant son indépendance dans l’exécution du travail. Exemple : la construction d’une maison d’habitation où l’entrepreneur se charge d’édifier la construction avec le plan et les matériaux achetés par le client (contrat d’entreprise) L’entreprise telle qu’on l’envisage dans ce cours n’a rien a voir avec le contrat d’entreprise. L’entreprise qui nous intéresse est invoquée dans certains textes mais sans être définie.

Livre 6 du code de commerce : il traite des procédures collectives ouvertes contre les entreprises (droit des entreprises en difficulté : sauvegarde des entreprises, le redressement judiciaire des entreprises, la liquidation judiciaire des entreprises) Ici, les entreprises sont donc mentionnées mais non définies.

Article L. 313-12 du code monétaire et financier : Il fixe la condition de rupture d’un crédit octroyé aux entreprises de même que la loi NRE (nouvelle régulations économiques) du 15 mai 2001 comporte un titre 3 consacré à la régulation des entreprises. Il y a donc beaucoup de texte qui évoquent les entreprises sans définir la notion même de l’entreprise.

L’entreprise relève du fait économique. C’est en effet dans l’économie que l’entreprise au sens juridique prend sa source. Il faut voir ce que l’entreprise donne comme notion en termes économiques.

En économie, diverses théories ont été soutenues pour fixer la notion d’entreprise. Il n’est pas nécessaire de les reprendre toutes. On ne retient que les deux conceptions étroites et larges :

Conception étroite de l’entreprise au sens économique : L’entreprise serait toute organisation structurée en homme et en capital tournée vers la recherche du profit. En somme, l’entreprise s’affirme comme une forme d’organisation à vocation capitaliste mobilisant des moyens de production en terme humain et matériel en vue de l’accumulation du profit. La société commerciale en serait l’archétype.

Conception large de l’entreprise au sens économique : Elle voit dans l’entreprise toute entité composée d’hommes et de biens poursuivant un but économique quelconque.

La différence entre les deux conceptions n’est pas si grande que cela car la recherche du profit et d’un bénéfice est un but économique. Donc la conception étroite de l’entreprise rejoint la conception large. Cependant, les deux conceptions se différencient : Si toute recherche de profit (conception étroite) constitue un but économique, en revanche, tout but économique (conception large) ne se réduit pas à la recherche de profit. Exemple : Une association soumise à la loi du 1e juillet 1901 peut exercer une activité économique sans pour autant distribuer de bénéfices à ses membres.

Partant de l’analyse économique de l’entreprise, les auteurs suggèrent une approche en droit de l’entreprise. Grâce notamment à la thèse de Michel Despax intitulée l’entreprise et le droit et aux propositions qui ont suivie, la définition de l’entreprise suivante peut être retenue :

Entreprise: Toute entitéautonome composée d’hommes et de biens poursuivant un dessein économique de :

  • Production
  • Distribution
  • Prestation de service

Une entité : consiste dans un ensemble d’éléments qui interagissent. Ce sont dans l’entreprise, des hommes et des biens.

Autonome : Elle détient toujours une certaine indépendance, une certaine autonomie, un pouvoir d’initiative qui la rend apte à agir par elle même en considération des personnes qui l’ont créé ou qui la compose.

Hommes et biens : On y retrouve un gérant, des administrateurs, des salariés. Autant de personnes qui oeuvrent ensemble dans le cadre d’une entreprise. Les biens réunis dans l’entreprise sont par exemple des immeubles, des machines, du matériel de bureau, des transports. Se révèlent alors l’interaction des hommes entre eux et entre les hommes et les biens au sein de l’entreprise.

Dessein économique: L’entreprise est une notion juridique fonctionnelle. La définition de l’entreprise résulte non pas d’une démarche abstraite mais d’un raisonnement téléologique. C’est à dire, une analyse de la finalité de l’entreprise. La finalité d’une entreprise résulte dans le but économique, c’est le profit pour une entreprise en société cependant, le but économique n’est pas réductible au profit. Le facteur spéculatif n’imprègne pas nécessairement toute activité de production ou de distribution de biens et de services. Une entreprise en association soumise à la loi du 1e juillet 1901 ne poursuit pas un but de profit en ce sens. Il lui est interdit de distribuer des dividendes à ses membres. Le but non lucratif d’une association s’avère pourtant autant économique que le profit. Divers services publics poursuivent un but économique qu’on ne peut pas réduire à un profit dans l’acception économique du terme. Par exemple, le service postal d’acheminement du courrier relève de l’activité économique sans qu’il faille évoquer le profit pour le prestataire qu’est la poste. Le but économique de l’entreprise s’affirme donc comme une notion large dont le profit ne représente qu’une des traductions possibles. Cette autre illustration nous est fournie par la jurisprudence :

L’article L. 313-22 du code monétaire et financier… Dans 3 arrêts émanant de la première chambre civile, la cour de cassation fourni des précisions importantes sur la notion d’entreprise. 12 mars 2002, cour de cassation, Recueil Dalloz 2002, actualité jurisprudence, p. 1199, Lienhard.

Dans l’espèce opposant Mr. Bernard à la Caisse d’épargne de Poitoux Charentes, on peut lire : « attendu d’abord qu’ayant relevé que l’association avait une activité employant 37 personnes, la cour d’appel a constaté le caractère économique de l’activité de l’association et par la même caractérisé l’existence d’une entreprise, peu important qu’il n’y est pas de recherche de bénéfice » La solution est nette : une association soumise à la loi du 1e juillet 1901, qui emploi 37 personnes en tant que salariés exerce indubitablement une activité économique. Cela en fait une entreprise. Il importe peu que cette association ne recherche pas un profit partageable entre ses membres.

  • La démarche du droit de l’entreprise (du droit commercial)

On pourrai dire de ce droit qu’il est la branche du droit qui régit l’entreprise dans la poursuite de son but économique. Dans l’entreprise, on devine une nature juridique riche et complexe. Cette double nature se retrouve dans cette composante particulière résidant dans des hommes et des biens mais également dans sa finalité économique qui peut être le profit. Un service rendu au public en général, une activité désintéressée. La richesse se perçoit aussi dans ces expressions juridiques. On invoque ainsi l’entreprise individuelle s’agissant d’une personne physique ou bien d’une personne physique exerçant une activité professionnelle libérale.

L’entreprise s’exprimera aussi dans une personne morale de droit privé (société ou association) ou dans une personne morale de droit public (administratif ou industriel et commercial)

Cette diversité de contenu de l’entreprise fait alors du droit de l’entreprise une sorte de creuset. Un point de rencontre de diverses branches du droit. Exemple : 7 branches du droit qui envisagent la fonction d’entreprise :

Droit commercial et entreprise : Le droit commercial envisage généralement le statut du commerçant et l’ensemble des aspects juridiques de l’activité commerciale. L’activité commerciale au sens large est la recherche du profit à travers la production de biens ou de services et la distribution de ces biens ou services. La spéculation commerciale prend pour cadre l’entreprise car on retrouve ici des hommes et des biens réunis pour réaliser un but économique qui est ici,le profit.

Droit de la concurrence et entreprise : L’économie capitaliste se caractérise par la mise en œuvre de moyens de production et d’échange en vue d’accumuler le profit dans un contexte de compétition entre les agents économiques intervenant sur le marché. On entend par libre concurrence, non pas une course acharnée et anarchique au profit, mais l’encadrement juridique de la compétition économique en régime capitaliste et ceci dans l’intérêt des acteurs des marchés mais aussi dans l’intérêt des consommateurs finals. Les acteurs économiques sont ici des entreprises en concurrence sur tel ou tel marché. Le droit de la concurrence défini donc les marchés qui font l’objet de sa réglementation. On parle alors de marchés pertinents. Le droit de la concurrence apprécie et sanctionne éventuellement les comportements d’entreprise intervenant sur un marché pertinent donné. C’est dans cette perspective que le droit de la concurrence et droit de l’entreprise se rejoignent.

Droit des sociétés et entreprise : Il est fréquent de distinguer entre entreprise individuelle et entreprise en société. L’article 1832 du code civil dit que la société est un contrat institué par deux ou plusieurs personnes qui affectent les biens ou leur industrie à une activité en vue de partager le bénéfice qui en résultera ou de réaliser une économie. Ce texte ajoute que par exception de la loi, la société peut être instituée par une seule personne. Il ressort alors que la société n’est rien d’autre qu’une technique juridique d’organisation de l’entreprise. Grâce à la société, l’entreprise dispose d’une personnalité juridique propre, une personnalité morale distincte de ses créateurs.

Droit fiscal et entreprise : Quand une entreprise prend la forme d’une personnalité juridiquement indépendante à l’image de la société. Il est logique et cohérent que le droit fiscal soumette cette entreprise personnalisée (en tant que personne juridique) à l’impôt. Cependant, cette soumission a un régime autonome d’imposition n’est pas automatique pour toutes les entreprises personnalisées sur le plan juridique. En effet, seules les sociétés de capitaux (SARL et toutes les sociétés par action, exemple SA) sont assujetties de plein droit à un impôt particulier qu’on appelle l’impôt sur les sociétés.

Les autres types de sociétés (exemple, société civile etc.) voient leurs bénéfices être imposés en principe dans le patrimoine de leur membre au titre de l’impôt sur le revenu mais avec un régime dérogatoire que l’on appelle le régime fiscal des bénéfices industriels et commerciaux. D’une manière générale, toutes les activités exploitées entreprise suivent des régimes fiscaux regroupés dans une branche du droit que l’on désigne par fiscalité des entreprises ou encore droit fiscal des affaires.

En pratique, avant de créer une entreprise, surtout quand cette entreprise s’oriente vers la réalisation d’un profit partageable, il est recommandé d’en analyser par avance toutes les implicationsfiscales.

Droit public et entreprise : Le droit public rassemble les règles encadrant les rapports des personnes publiques entre elles et le personnes publiques avec les personnes privées. Pourquoi le droit public doit il se préoccuper des entreprises ? La réponse tient notamment dans ce qu’une personne publique peut satisfaire les critères de l’entreprise et s’intégrer en conséquence dans la catégorie « entreprise ». C’est en quelque sorte, l’Etat entrepreneur. Ainsi, il existe des établissementspublicsadministratifs (EPA) et des établissementspublicsindustrielsetcommerciaux (EPIC) qui sont des entreprises, pour les premières, intégralement régies par le droit public et pour les secondes, soumises pour partie au droit public et pour partie au droit privé.

Exemple : Le CROUS est un établissement qui remplie les conditions de l’entreprise. En outre, des politiques de nationalisation conduisent parfois l’Etat à s’approprier des entreprises en société appartenant au secteur privé (1945, et 1981-82) Le changement d’actionnariat conduit le droit public à s’immiscer dans le fonctionnement de ce type de société (sociétés nationalisées) principalement dans le fonctionnement de la direction de pareilles sociétés.

Depuis 1986, l’heure est plutôt aux privatisations complètes ou partielles. Certains politiques qualifient les privatisations partielles d’ouverture de capital d’une entreprise public au secteur privé pour mieux amortir le choc social du désengagement de l’Etat.

Par la privatisation totale, le droit privé récupère la réglementation intégrale des entreprises concernées

Tandis que par la privatisation partielle, il y a co-règlementation de l’entreprise par le droit public et par le droit privé. Ce partage de compétences normatives entre droit public et droit privé s’observe dans cette autre forme d’intervention directe de l’Etat dans l’économie capitaliste que sont les sociétés d’économie mixte dont les actions sont majoritairement détenues par l’Etat.

L’évolution récente e la législation va dans le sens du renforcement de la collaboration du secteur public et du secteur privé dans le domaine économique impliquant l’Etat. C’est l’objectif poursuivi par la loi relative au partenariat public privé (loi amorcée dans une ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat entre le secteur public et le secteur privé) Il existe un droit public des entreprises appelé droit public des affaires. C’est une branche du droit qui envisage les modalités de participation de l’Etat à l’activité économique.

Droit du travail et entreprise : Le droit du travail regroupe les règles applicables aux rapports des employeurs avec les salariés. Il vise essentiellement à corriger le déséquilibre structurel des rapports entre employeurs et employés. La notion d’entreprise se situe au cœur du droit du travail car les employeurs et les employés représentent les composantes humaines de l’entreprise. Le cadre juridique des rapports de l’employeur et de l’employé est le contrat de travail.

Le contrat de travail pose les conditions d’exercice de l’activité salariée dont l’élément clé est la subordination du salarié à son employeur. Cette subordination permet de distinguer le contrat de travail du contrat d’entreprise tel qu’on l’a précédemment défini. Prévu par le code civil, le contrat d’entreprise est un contrat prévoyant qu’une personne (entrepreneur) exécutera en toute indépendance, une prestation commandé par un maître d’ouvrage.

Dans les circuits commerciaux (notamment de distribution), les rapports de subordination sont perceptibles notamment dans la grande distribution pour ce qui est des établissements à grande surface, employant un grand nombre de salariés subordonnés à des employeurs. Cependant, les choses peuvent être plus complexe dans ces circuits quand on est en présence d’un contrat de franchise. Le franchiseur et le franchisé d’une marque ou par exemple le concédant et le concessionnaire sont dans des rapports juridiques qui soulèvent des interrogations sur la subordination ou l’indépendance du franchisé ou du concessionnaire par rapport au franchiseur et au concédant.

Droit de la consommation et entreprise : Comme le droit du travail, le droit de la consommation vise à corriger un déséquilibre significatif entre deux catégories de sujet de droit. Il s’agit ici du professionnel et du consommateur. Ainsi, le droit de la consommation contient le régime juridique des rapports professionnels et des consommateurs. En quoi l’entreprise se trouvent elle concernée par ces rapports entre pro et consommateurs. Le droit de la consommation ne fait pas souvent référence à la notion d’entreprise. Cependant, le professionnel en rapport avec le consommateur se trouve être généralement une entreprise commerciale. Le consommateur s’affirme de son côté comme le destinataire ultime de l’activité de l’entreprise. En effet, en achetant des biens ou des services produits par l’entreprise, le consommateur achève les cycles de production et de distribution. Pour autant, la notion de consommateur n’est pas identique en droit et en économie :

En économie, le consommateur est la personne qui termine le cycle de production et d’échange en acquérant les biens ou les services produits par les entreprises.

En droit de la consommation, le consommateur est considéré comme une catégorie de sujet de droit en situation de désavantage par rapport à une autre catégorie (les professionnels)

Si le droit de la concurrence poursuit l’objectif de régulation des marchés, il convient de retenir que le marché n’est pas une fin en soit. Ce sont les consommateurs au sens économique et également au sens juridique qui bénéficient en définitive de la libre concurrence.