La définition juridique de l’État

A quoi reconnait-on un État en Droit? Sa définition juridique

L’Etat en Droit s’envisage selon trois éléments sans lesquels l’Etat n’existe pas. Etat se caractérise par pouvoir d’une nature particulière: souveraineté de l’Etat, notion difficile, ses conséquences sont difficiles à cerner.

A- Les éléments constitutifs de l’Etat

Pour avoir une existence juridique, l’Etat doit avoir trois éléments identifiés qui donnent lieu à contestation juridique: un territoire, une population et un gouvernement effectif.

1- Le Territoire

Cadre géographique d’exercice du pouvoir de l’Etat. Absolument essentiel. Pour toute règle de Droit, question de savoir en fonction de l’endroit où se situe le fait, quelle règle applicable. Si chose se passe sur territoire français, Droit applicable est le Droit français. Compétence territoriale première question qu’on se pose quand on est juriste. Territoire se distingue d’Etat de simple volonté d’un groupe de personnes de vivre ensemble. Il y a des Territoires sans Etat, mais pas d’Etat sans Territoire. Territoire sans Etat comme la Pleine mer, appelée aussi la Haute mer, qui échappe à la compétence d’un seul Etat, compétence est soit internationale, soit étatique, mais variable. Si demain on décide de mener recherche scientifiques en pleine mer, on le fait dans cadre international, la Pleine mer bien commun de l’Humanité, il faut faire la demande au niveau international, on va la faire en commun. En Antarctique, la «Res Nullius« , Territoire n’appartient à aucun Etat, donc bien commun. Mais en Pleine Mer, ne nous aura pas échappé que circule des bateaux, or un bateau a un pavillon, une nationalité, un Etat dans lequel a été créé navire. Si se produit problème sur ce bateau en Pleine mer donc dans Territoire sans Etat, on considère que se passe sur Territoire auquel appartient le bateau; mais si problème dans eau française, compétence est française. cf. Affaire de l’Erica, savoir qui est responsable, car comme le problème avait dépassé des eaux françaises, pouvait se poser problème de la compétence: quelle juridiction compétente? Problème du conflit entre Israël-Palestine, Palestine a une population et un gouvernement mais n’a pas de territoire, Palestine ne peut donc pas être considéré comme un Etat, conséquences juridiques.

Le Territoire juridiquement entendu a des frontières, souvent l’enjeu de débats juridiques importants. Frontière conçue comme une ligne continue et fixe déterminée sur papier et qui permet donc de fixer clairement la compétence territoriale des différents Etats. On est en France, on passe frontière, on est en Allemagne, et on change de Loi. Frontières nées généralement il y a très longtemps et dans circonstances délicates. Il y a deux schémas de détermination frontière:

1° Schéma Européen, la plupart du temps, la frontière fixée sur base naturelle. Apparu plus simple que frontière soit montagne ou fleuve, et difficile d’aller de l’autre côté de Montagne ou Rivière pour exercer pouvoir. Mais une guerre de territoire fait bouger les frontières.

2° Mais il y a aussi un autre moyen de créer des frontières, comme en Afrique: on prend une règle et on trace des lignes droites. Problème: au moment de décolonisation, conflits entre Etats indépendants, parce que tracer une ligne droite avec règle ne garantit pas cohérence du territoire >>> on va se retrouver avec un fleuve avec un petit bout dans Etat et le reste de la rivière ailleurs, populations dans un Territoire qui ne correspond pas avec l’Etat, choses se concluent avec guerre au pire, et au mieux, conflits vont être portés devant Cour Internationale de Justice qui va essayer d’obtenir solution de compromis pour fixer une ligne frontière. Enjeu est que si on déplace frontière au profit d’un Etat, contrepartie. Il y a derrière enjeux stratégiques et économiques, comme quand il y a ressources.

Tout ce qui se passe à l’intérieur des frontières se passe en territorialité, tout ce qui se passe à l’extérieur des frontières se passe en exterritorialité. En principe, même si il y a des exceptions, comme Etat a compétence territoriale, tout ce qui se passe en exterritorialité de relève pas de sa compétence. Et l’Etat ne peut s’occuper que de ce qui se passe en territorialité, sinon viole compétence d’un autre Etat. Mais exception: ambassades, bâtiments consulaires, sont sur territoires d’autres Etats, mais sont réputés territoire d’origine. On est aux USA et on franchi la porte de l’ambassade Française, on est sur territoire français. Raison pour laquelle on peut aller dans ambassade du pays dont on citoyen pour voter, car on est fictivement dans son Etat.

Territoire d’un Etat peut être discontinu géographiquement. La France en est l’illustration concrète: territoires peuvent être séparés par portion de mer, comme la Corse par rapport au reste de la France continentale, et nous avons des portions de territoire français, collectivités d’Outre-mer, et que l’on soit à Mayotte, à la Réunion, en Guadeloupe ou à Créteil, on est sur le même territoire: la même loi s’applique sur toutes ces portions de territoire. On peut aussi organiser portions de territoire d’une certaine manière, Mayotte ou Corse sont des départements, la Polynésie a un statut particulier, mais choix global d’organisation Français qui est un choix de collectivités territoriales, alors qu’USA ou Allemagne ont fait un autre choix avec Etats fédérés, et le Territoire, c’est l’Etat fédéral. Fait que statut de la Polynésie différent de la France, ou que Constitution d’Hawaii différente de celle du reste des USA n’a aucune incidence sur le fait qu’on est sur le même territoire qu’on soit à Hawaii ou au Texas ou que l’on soit à Tahiti ou à Créteil.

2- La Population

Pas terme juridique, c’est un terme neutre, ensemble des individus soumis aux règles d’un Etat, qui relèvent de la compétence d’un Etat. C’est ce qu’on appelle la compétence personnelle de l’Etat: on sait sur la base de ce critère quel rapport on entretient avec quel Etat. Les personnes, physiques ou morales, ont toutes un lien avec un Etat, c’est la nationalité. Pour les personnes physiques, il y a des exceptions peu nombreuses que l’on essaie de faire disparaitre: ce sont les apatrides. Viennent de déplacement de populations privées de nationalité, ou quand Etat disparait. Il faut trouver une solution par accords internationaux, car aucun Droit ne s’applique sur les apatrides: ce qui nous est normal, où aller pour voter, où aller pour payer impôts, ne s’applique pas aux apatrides. Chaque Etat fixe souverainement les règles d’octroi de nationalité, règles sont dans tous les Etats, avec notamment choix fait par les Etat entre loi du sol et loi du sang, les deux pouvant être combinés, avec possibilité de double nationalité. Toute personne qui a la nationalité d’un Etat a un lien particulier avec l’Etat dont elle a la nationalité.

La population quand on envisage son rapport politique à l’Etat est alternativement qualifié de Nation ou de Peuple. Les deux termes ont une signification particulière, histoire particulière. Nation, c’est la traduction qu’on a appliqué à une réalité démographique. Nation renvoi à une volonté de vivre ensemble, le «vouloir vivre au collectif » de Renan. Idée de Nation, en droit français, concurrencée par autre notion, celle de peuple. Peuple français, notion juridiquement définie, juridiquement protégée, ne peut pas être utilisée n’importe comment par législateur. Peuple est constitution juridique de l’Etat, il ne peut y avoir par exemple de peuple Corse car si oui, il y a un Etat Corse. Peuple notion juridique, ne peut pas être utilisée n’importe comment par le législateur. Conséquences sur le plan du Droit international. Cette notion de peuple a légitimé la décolonisation, Droit international pose comme principe le Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et si groupe d’individu se considère comme peuple, a le droit d’avoir son Etat. Donne lieu à la naissance de nouveaux Etats: en 2008, scission de la Serbie et naissance du Kosovo. Il y a la population du Val-de-Marne, mais pas de peuple du Val-de-Marne.

3- Un gouvernement effectif

Gouvernement dans deux sens: sens large renvoie à la manière dont un Etat est gouverné, on vise l’ensemble des institutions qui gouvernent, le chef de l’Etat, le Parlement, etc.; sens institutionnel, vise à l’intérieur du gouvernement au sens large, une composante importante, des ministres et un chef de gouvernement (premier ministre, chancelier, etc.). Est-ce qu’il y a un gouvernement dans l’Etat? C’est la question de l’effectivité du pouvoir, savoir si gouvernants en mesure de gouverner, et si gouvernés respectent leur autorité. Le gouvernement est-il légitime? Doit fixer des règles de Droit, et doit être en mesure de garantir le respect des règles de Droit. Question de l’effectivité ne se pose généralement pas, mais quand gouvernement contesté, quand pas de légitimité, il faut choisir qui sera celui identifié comme gouvernant. Changer de gouvernants, pacifiquement par élections, ou de manière plus violente comme lors de chute de Ben Ali ou de Moubarak. Alors il y a une phase transitoire, puis phase démocratique avec élection de représentants, adoption d’une nouvelle Constitution.

Troisième situation, pouvoir contesté, mais on ne sait pas qui est le nouveau gouvernement, comme en Lybie, en Syrie, ou durant 2eme Guerre Mondiale en France dans contexte totalement différent, entre gouvernement en place et gouvernement qui peine ou ne veut pas s’imposer. Ceux qui peuvent intervenir, plus les gouvernés mais des acteurs extérieurs. 1940, défaite de la France, Armistice, arrivée de Pétain dans formes juridiquement incontestable, choisi par des parlementaires. Si on adopte regard de pur juriste objectif qui ne se préoccupe pas de réalité des choses, tout va bien dans le meilleur des mondes, les Français ont parlé et choisi. Mais appel du 18 Juin 1940 par De Gaulle depuis Londres, affirme qu’il va structurer un mouvement de résistance à l’occupation, on a donc deux gouvernements si on voit choses de l’extérieur, un choisi par parlementaire et un autre autoproclamé depuis Londres. Des Etats étrangers, prenant en compte que France envahie par Allemagne, ont décidé que chef de l’Etat est De Gaulle. Churchill le premier à reconnaitre De Gaulle comme gouvernement français en exil, processus de Droit international qui est la reconnaissance d’Etat. Même chose en Libye dans contexte différent. Problématique actuelle: celle de la Syrie dont cas discuté par ONU dernièrement. Gouvernement effectif est celui dont on se dote démocratiquement, différent du gouvernement externe.

B- Souveraineté de et dans l’Etat

Notion qui n’est pas bornée, pas délimitée, difficile à cerner donc. Une des rares notions qui ne pourrait être définie que par une tautologie: la Souveraineté, c’est le fait d’être souverain. Juridiquement, c’est la compétence de l’Etat. Compétence titre qu’on a à agir. Savoir si on est compétent, ce n’est pas savoir si on est bon ou pas bon, mais si juridiquement on peut exercer certains Droits. Etre souverain, c’est être compétent juridiquement. Université compétente pour délivrer un diplôme, majeur compétent pour voter, université pas compétente pour prélever l’impôt, sinon viole règle de Droit.

Etat a une compétence, mais il définit lui-même sa compétence, telle est la différence entre l’Etat et toute autre personne juridique. Il y a un service public de l’enseignement dans l’Etat, donc compétence pour créer écoles et universités, Etat compétent pour créer des école, mettre en place programme, il exerce donc une compétence, il a un titre, cette compétence il l’exerce, cette compétence née d’un texte qui a créé service public, mais ce texte qui définit service public de l’Etat a été créé par l’Etat. Pas le cas de toute autre personne juridique. C’est l’Etat qui fixe toutes compétences. C’est l’Etat qui décide qu’on est majeur à 18 ans, pendant longtemps on était majeur à 21 ans. Etat est le chef d’orchestre et le compositeur, il est souverain, distribue compétences, et est souverain car choisi sa propre compétence

1- La souveraineté, pouvoir de l’Etat

L’Etat exerce le pouvoir politique, il l’exerce souverainement. Suppose deux choses:

L’adhésion de la population, donc des gouvernés au gouvernement. Système démocratique dans lequel le choisissent. Parce que le choisissent, est légitime, vont respecter ses règles, et peuvent le changer. Il est légitime. Règles indirectement choisies par eux mêmes.

Monopole du pouvoir. Parce que l’Etat est légitime, les gouvernés respectent ses règles, lui qui exerce monopole de la contrainte légitime. Il choisit, détermine en toute liberté, souverainement les règles applicables dans l’Etat, et nul ne peut autrement que devant le pouvoir juridique contester les règles. Sinon on bascule d’un pouvoir public à un pouvoir privé. Système d’une police privé, de milices, un conseil de sage qui a décidé qu’on peut raisonner différemment chez eux, système de cow-boy qui peut permettre etc., renvoie aussi à une autre idée, le fait que ne peut exercer pouvoir que parce qu’il est légitime, accepté par gouverné, émanation de volonté des gouvernés. La souveraineté de l’Etat appartient au peuple, dit-on dans la Constitution. Quand nous élisons, nous exerçons la souveraineté.

2- Compétence de et dans l’Etat

Deux manières avec lesquelles on peut appréhender l’Etat: l’Etat de l’extérieur est un tout, un acteur dans la vie internationale; mais l’Etat de l’intérieur, a un pouvoir sur ses gouvernés, c’est le Droit intérieur, national. Mais vision simplificatrice, et comme toute vision simplificatrice, simple à comprendre mais ne correspond pas totalement à la réalité. Le fait qu’un Etat signe avec un autre Etat une convention internationale peut avoir un retentissement à l’intérieur, sur les citoyens. Ce sont deux faces de la même médaille.

Souveraineté externe: en tant qu’acteur dans la vie internationale, peut s’engager juridiquement à l’égard d’autres Etats. Signifie qu’il peut conclure des traités internationaux. Peut participer à une organisation internationale, l’ONU dont on a entendu parler cette semaine, ou encore l’Union Européenne, ou dans une perspective moins pacifique ce qui peut expliquer qu’il peut y avoir des conflits armés ou non, des guerres.

Si on cherche à savoir ce que signifie la souveraineté de l’Etat, signifie que chaque Etat est indépendant, peut choisir sans qu’aucun Etat ne puisse le contraindre. Principe d’égalité souveraine entre les Etats, signifie que chaque Etat, quel que soit sa taille ou son poids (Liechtenstein, Monaco, Luxembourg, face à l’Inde, Russie, Chine, USA) est indépendant, a le même poids. L’Inde, la Russie, la Chine ou les USA ne peuvent pas contraindre le Liechtenstein, Monaco ou le Luxembourg. Chaque Etat a la totale métrise de sa volonté sur la scène internationale. Dès lors qu’un Etat existe, il y a un principe de non ingérence dans ses affaires, impossible en principe à un Etat tiers de dicter à un autre Etat sa politique si celui-ci ne le souhaite pas. D’où difficultés dans relations internationales, comme avec la Syrie, la Lybie. Mais exception: Etat qui n’arrive pas à gérer ses affaires, on peut intervenir, mais cela remet en cause sa souveraineté.

Souveraineté nationale protectrice de la souveraineté interne. Se traduit par l’auto-organisation de l’Etat. A propos des institutions politiques de l’Etat, comme le Parlement, c’est l’Etat qui choisit ses institutions, la manière avec laquelle il soumet populations à la Loi, et la Loi française peut s’appliquer aux Français dans et hors du territoire, ainsi qu’aux étrangers présents sur la Territoire. Originalité d’avoir la compétence de ses compétences, définit ses compétences, ce qu’il juge utile de faire ou ce qui en revanche ne doit pas relever d’une intervention de l’Etat. Hollande durant sa campagne promettait de créer une Banque publique, donc création de Lois à propos de cette Banque publique, parce que Hollande a jugé que c’était important. Pas autre Etat qui l’a obligé de le faire, et la ville de Créteil par exemple ne peut pas décider de la créer, c’est l’Etat qui la crée.

Mais souveraineté, juridiquement entendue, connait dans la réalité des limites qui sont des limites de bon sens. L’Etat ne peut pas faire n’importe quoi, puisque ne doit pas penser qu’il est seul au monde, même si juridiquement, en théorie, a cette liberté absolue: c’est une question de stratégie, de diplomatie. Parce que nous les avons élus que pouvoirs législatifs et exécutifs peuvent exercer en notre nom cette liberté qu’est la souveraineté. Dans pays non démocratiques, les choses sont différentes.

3- Les effets de la souveraineté

Souveraineté suppose que l’Etat peut conclure des accords internationaux. Il peut y avoir recours contre un Etat: un Etat contre l’Etat, ou une personne juridique physique ou morale contre l’Etat. Il ne peut pas y avoir une limite temporelle de l’Etat, principe de continuité signifie que l’engagement en ce qui concerne un texte de Loi lie l’Etat jusqu’à ce qu’il cesse de faire exister ce texte de Loi: une Loi votée par l’Etat français il y a 150 ans lie toujours l’Etat français tant que le chef de l’Etat ne l’a pas abrogée. Organisation internationale n’a pas la souveraineté. Mais pour comprendre comment l’Etat fonctionne, il faut aborder les formes de l’Etat.