La délivrance de la chose dans le contrat de vente

L’OBLIGATION DEDÉLIVRANCEDE LA CHOSE

L’article 1603 du Code civil dispose que l’acheteur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend». Nous évoquerons ici l’obligation de délivrance, ce n’est pas le seul effet de la vente. On distingue, pour rappel, les effets réels et les effets personnels.

  • Les effets réels de la vente qui concernent le transfert de propriété et des risques
  • Les effets personnels du contrat qui distingue les obligation du vendeur (parmi lesquels on évoquer l’obligation de délivrance et les garanties) et les obligations de l’acheteur (payer le prix et retirer la chose).

L’article 1604 du Code civil stipule que «La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur». Or la délivrance n’a rien à voir avec l’obligation de livraison ni avec le transfert de propriété. La jurisprudence mise à disposition de l’acheteur d’une chose conforme aux dispositions contractuelles. L’acheteur est possesseur même s’il n’a pas l’objet entre les mains.

I) Le contenu de l’obligation.

Savoir si la chose est conforme aux stipulations contractuelles dépend des clauses du contrat. C’est à l’acheteur qu’il revient de prouver qu’il n’y a pas eu de délivrance conforme. Or cette règle est conforme au droit de la preuve, celui sur qui pèse la charge de la preuve est celui sur qui pèse une situation anormale et qui doit la démontrer (il lutte contre les apparences). Une exception à cela, le droit de la consommation, depuis la transposition de la directive de 1999 par ordonnance de 2005, article L221-7 du Code de la consommation, est instaurée une présomption simple de non-conformité du bien au moment de la vente si un défaut de conformité apparait dans un délai de 6 mois après la délivrance, on présume alors que le défaut de conformité existait au moment de la vente et la preuve revient alors au vendeur. Cette notion de conformité est nettement plus complexe.

a) Distinction entre délivrance conforme et garantie des vices cachés.

La encore, théoriquement les choses sont fort simple. Une non-conformité est aliud, un délivre un bien autre que celui commandé. Alors qu’un bien affecté d’un vice caché est un bien impropre à l’usage normal que l’on en attend, c’est pejus (chose pire que celle que l’on a demandé). Pour la non-conformité, il s’agit donc d’un critère matériel et subjectif, alors que pour le vice caché le critère est fonctionnel et objectif. Un ordinateur dont la puissance est inférieur à celle indiquée : défaut de conformité. Tuile non étanche : vice caché.

Le contentieux a porté sur deux différences de régime :

Le délai de prescription. L’action en garantie des vices cachés est soumise à un bref délai (1648 Code civil). Aujourd’hui le délai est de 2 ans. Or pendant longtemps l’action pour non-conformité se prescrivait au bout de 30 ans. La loi 2008-561 de juin 2008 a modifié les dispositifs relatifs à la prescription, l’article 22-24 précise que la prescription pour la non-conformité est de 5 ans.

Il a trait aux causes élusives ou limitatives de responsabilité qui bénéficient d’un principe de validité qui ne sont pas possibles en matière de vices cachés.

A compter d’un arrêt de l’assemblée plénière du 7 février 1986, dans lequel pour la première fois la notion de défaut de conformité a était tellement étendu, qu’elle englobait la notion de vice caché. Seule la 3ème Civ. a résisté et notamment cela a donné lieu à des jurisprudences discordantes entre la 1ère et la 3ème. La jurisprudence de l’assemblée plénière a été très fortement critiquée. A la suite de cette confusion, on eut droit à un retournement de jurisprudence par la 1ère Civ en 5 mai 1993, suivit par la Com en 1994, avec un retour à la solution retenue avant la décision de 1986. [Dalloz 1993 Page 1, Atias].

Bien qu’on s’attache au critère objectif et subjectif de ces notions, les recoupements sont possibles. Lorsque les parties explicitent l’usage conventionnel du bien, qui n’est rien autre que l’usage normal. Quelle qualification l’emporte ? Tout dépend des circonstances, arrêts des 17 juin 1997 et 6 octobre 2004. En mars 2000 Civ 3ème, constructibilité stipulée dans le contrat en vue de construire une maison ; l’inconstructibilité a été qualifiée de vice caché.

Malgré la clarté des critères l’hypothèse de chevauchement est toujours possible, et dans ce cas là, la jurisprudence n’est pas encore homogène. Il est donc préférable de tout marquer dans le contrat, notamment en ce qui concerne l’usage, même si ce dernier semble évident.

Si le même défaut peut aussi bien être un défaut de conformité et de vice caché, pourquoi trancher, pourquoi ne pas laisser à l’acheteur choisir ? Mais la jurisprudence n’est pas en ce sens. L’acheteur ne peut pas cumuler les 2 actions (règles de non cumul), la jurisprudence exige qu’il choisisse la qualification correspondante.

Laquelle règle est fondée sur le fait que la garantie en vice cachée est très différente de l’action pour non-conformité. Cette dernière étant une action en droit commun (responsabilité contractuelle). Cette position est jugée très sévère pour l’acheteur mais qui était très adoucie pour ne pas dire annihilée par la jurisprudence décidant que le juge devait requalifier d’office une action en justice le fondement juridique de l’action de l’acheteur. Or quand on lisait les arrêts de la 2ème Civ qui cassait les décisions d’appel reprochant au juge de ne pas avoir requalifié d’office le fondement juridique ils concernaient le changement de vice caché en défaut de non-conformité.

Cet état de fait a été modifié par un arrêt de l’assemblée plénière de 2007, qui a décidé que les juges n’avaient plus à requalifier d’office le fondement juridique d’une demande erronée. La règle de non cumul s’applique alors dans toute sa grandeur. Il faut donc bien choisir l’action que l’on intente.

Tout plaide pour que ces deux notions n’en fassent plus qu’une. De plus c’est le cas dans la Convention de Vienne, article 35 : « elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type ». Ordonnance de 2005 transposant une directive de 1999 très largement inspiré par la Convention de Vienne présence d’un seul et unique concept pour ces 2 défauts, on parle aujourd’hui dans l’article L211-4 du Code de la consommation de garantie de conformité. Concernant le droit de la consommation l’adoption d’un concept unitaire n’a rien qualifié. Mais l’acheteur consommateur reste libre de plaider sur le droit commun de la vente, le droit Français, malgré l’adoption d’un concept unitaire, n’est pas simplifié. Il aurait fallu que la directive conduise aussi à une réforme du droit commun de la consommation.

b) La délivrance des accessoires.

Article 1615 : « L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ». Ces droits réels suivent l’objet en quelque main qu’il se trouve. Concernant la transmission des créances et des dettes personnelles relatives au bien, doivent-elle être transmises en tant qu’accessoire ? 1165 du Code civil effet relatif des conventions. Pas de transfert.

En matière de clause de non concurrence, qui fait naitre une obligation personnelle, est nécessairement cédée avec le fond.

Arrêt de la 3ème Civ. du 17 novembre 2004 ; la créance de Dommages et Intérêt n’est pas transmise à l’acheteur.

On peut prévoir que tel ou tel droit sera transmis à l’acquéreur. Certains textes de droit prévoient, à l’exception de 1165, la transmission du contrat avec le bien ; ex : contrat de travail, bail, contrat d’assurance. En dehors de cela, la jurisprudence a admis une autre exception, elle a admis par l’arrêt de l’assemblée plénière du 7 février 1986 qu’étaient transmis les droits et actions attachées à la chose appartenant à son vendeur. Théorie des chaines de contrat. Les obligations du vendeur sont donc transmises à titre accessoire à l’acquéreur, elles sont intuitu rei. Doute en matière de l’obligation de délivrance conforme est transmise avec le bien. La 2ème Civ. est d’accord, pas la 3ème, au fondement de l’argument selon lequel on apprécie la conformité aux regards des stipulations contractuelles qui varie en fonction du contrat.

L’intuitu rei pose problème car il est inadapté. Il est incapable de rendre compte de toutes les solutions admises par la jurisprudence. Deux insuffisances sont flagrantes :

Droits et action attachés à la chose. Comment expliquer que l’action en Dommages et Intérêt ne soit pas transmise ?

Il est inapte à expliquer un autre aspect de la jurisprudence, c’est que puisque l’action est transmise à l’acquéreur, si l’action est transmise, cela signifierait que le vendeur intermédiaire ne peut plus agir. Or la jurisprudence considère que l’intermédiaire peut continuer à agir contre son propre fournisseur.

Autres fondement pour expliquer cette règle, concerne le critère de l’intérêt. Toutes les actions dépendrait du prix de vente, c’est celui qui a été floué financièrement qui a intérêt à agir.

Quelle est la portée de l’action contractuelle ? L’action directe n’est reconnue ni par le droit communautaire ni par la Convention de vienne. Pour le droit communautaire, la CJcontrat d’entreprise refuse de reconnaitre un caractère contractuelle de l’action de l’acquéreur sur le vendeur (la qualifie de délictuelle) ; 17 juin 1992 décision rendue dans le cadre des conflits de juridiction. Une Convention de Bruxelles de 1968 réglait au niveau de l’UE les conflits de juridiction. Si dans le cadre d’une action directe la qualification contractuelle devait-elle être retenue ? Non, et a défini la matière contractuelle comme « ne pouvant être comprise comme le simple libre engagement d’une partie envers une autre ». La notion communautaire de contrat est autonome. Cette définition du contrat retenu par la CJcontrat d’entreprise est critiquable car simpliste et ambigu du fait de l’expression « librement assumé ». Pour la CJcontrat d’entreprise l’action directe n’est pas contractuelle dans le cadre de la Convention de Bruxelles. Ce qui explique que la Cour de cassation continue de qualifier de contractuelle l’action directe dès lors qu’elle statue en dehors de la Convention de Bruxelles.

La Convention de Vienne a fait l’objet d’un arrêt de la 1ère Civ. du 5 janvier 1999, dans laquelle la Cour de cassation a estimé que la Convention de Vienne n’était pas applicable à une action directe à un acquéreur contre un vendeur étranger (article 4).

Les faits d’espèce, très fréquents, sont à prendre en considération. Il était expressément spécifié qu’un sous acquéreur pourrait se prévaloir de la garantie auprès du vendeur initial et qu’un sous acquéreur pourrait se prévaloir de la garantie spécifié dans le premier contrat. Il faut cependant limiter l’application de cette décision pour les actions directes en matière de vente internationale (la Convention de Vienne n’est pas applicable).

II) L’exécution de l’obligation.

a) Les modalités d’exécution.

Article 1609 : « La délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu ». Les dettes sont quérables et non portables. L’obligation de délivrance n’implique pas la livraison. C’est l’obligation de mettre le bien à la disposition de l’acheteur.

Article 1608 « Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur, et ceux de l’enlèvement à la charge de l’acheteur, s’il n’y a eu stipulation contraire ». Règle supplétive. Appel à un transporteur, on considère que la délivrance est effectué lors de la remise du bien au transporteur, il a donc toujours lieu aux risques et frais de l’acheteur.

Le délai peut être conventionnelle ou à défaut, raisonnable. Cette question du délai a été traitée en droit de la consommation pour mettre fin aux habitudes des professionnelles concernant les clauses abusives. 16 juillet 1987 sont abusives les clauses de délai indicatif. Le législateur oblige le vendeur à donner une date fixe au consommateur, au delà de 7 jours de retard, l’acheteur peut dénoncer le contrat.

b) Les sanctions de l’inexécution.

Le droit commun : ce droit commun de la vente en matière d’inexécution de l’obligation de délivrance de la vente relève du droit commun des contrats. Pour les clauses élusives ou limitatives de responsabilité, qui normalement sont valables. A cela deux exceptions :

Le droit de la consommation. L’article L.211-17 du Code de la Consommation concerne les clauses abusives en matière de relations professionnel / consommateur. Entre professionnels la clause est abusive en cas de faute lourde ou dolosive. La faute lourde connait deux acceptions ; une subjective relative au comportement du vendeur (le débiteur à commis une grave négligence) objective relative à la nature de l’action non ou mal exécutée (manquement à obligation essentielle du contrat). La clause élusive ne sera alors pas respectée. Responsabilité du vendeur est engagée. Article 1331 du Code civil, 1993 et 2006 : affaire Chronopost.

Les infléchissements. En droit de la consommation, il est fondé sur la hiérarchie des fonctions, articles L211-9 et L211-10 du Code de la consommation le consommateur peut demander soit le remplacement soit la réparation et ce sans frais et dans un délai raisonnable sauf si celle qu’il choisit comporte un cout important pour le vendeur, qui peut alors lui imposer l’autre solution. L’acheteur peut demander la résolution du contrat ou la restitution d’une partie du prix, s’il souhaite garder la chose non conforme.

Pour le droit commercial, la première sanction spécifique est la réfaction judiciaire du prix. Le juge n’a aucun pouvoir en matière de vente. Le juge peut diminuer le prix en fonction de la perte de valeur du bien non conforme et pourra même imposer la sanction à l’acheteur si la non-conformité est modérée et qu’elle ne fait pas obstacle au bon usage du bien. La Convention de Vienne prévoit aussi cette sanction mais cette réfaction du prix est une décision non pas du juge mais de l’acheteur lui-même. Cette différence est un exemple parmi d’autres en ce que la Convention de Vienne est d’inspiration du droit de Common Law, qui a l’inverse du droit Français, privilégie tout ce que est extra judiciaire pour la réalisation du contrat.

La pratique du laissé pour compte permet à l’acheteur de ne pas retirer le bien parce qu’il le considère non conforme (refus de marchandise), le contrat est alors résolu unilatéralement extra judiciairement ; article 49 de la Convention de Vienne.

La faculté de remplacement est aussi extra judiciaire.