La filiation naturelle

LA FILIATION NATURELLE

Attention : La distinction entre filiation naturelle et légitime a été abolie par l’ordonnance du 4 juillet 2005. .

La loi prône donc l’égalité juridique de tous les enfants, que ses parents soient mariés ou non. Juridiquement, aucune différence n’est faite entre un enfant naturel et un enfant légitime. Cet article est donc utile mais ne correspond plus au droit positif.

La filiation naturelle est la filiation de l’enfant dont les parents ne sont pas mariés ensemble. La filiation naturelle est divisible entre les deux parents. Si les parents sont tous deux célibataires, l’enfant est dit naturel simple. Si l’un ou les deux parents sont mariés avec un tiers, l’enfant est dit nature

adultérin, a matre ou a patre, selon que c’est la mère ou le père qui est engagé dans les liens du mariage. Si l’enfant est issu de relations entre deux personnes proches parentes ou alliées, l’enfant est dit naturel incestueux. La loi fixe ses modes d’établissement (§1) et de contestation (§2).

ATTENTION : voici une mise à jour :
Depuis la Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage de 1975, la catégorie « filiation naturelle » tend à perdre de son importance, bien qu’il ait fallu attendre en France, par exemple, 2005 pour que l’égalité complète (en particulier concernant l’héritage) soit déclarée entre les enfants naturels et les enfants légitimes.

La distinction entre filiation naturelle et légitime a été abolie par l’ordonnance du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, ratifiée par la loi du 16 janvier 2009.

De fait, la France, comme d’autres pays européens, connaît une majorité de naissances hors mariage.

§ 1 : L’établissement de la filiation

Bien que la différence de traitement soit moins nette qu’en matière de filiation légitime, nous reprendrons l’opposition entre l’établissement de la filiation à l’égard de la mère (I) et l’établissement de la filiation à l’égard du père (II).

I. A l’égard de la mère

Il convient de faire ici une distinction selon que la mère ne cache pas son identité lors de l’accouchement et est donc connue (A) ou selon que la mère a demandé le secret de son identité et accouche de façon anonyme (B).

A. La mère connue

Contrairement à l’enfant légitime, la mention du nom de la mère et parfois même celui du nom du père, ne suffit pas à établir la filiation maternelle. Il doit s’ajouter un acte volontaire : la reconnaissance de l’enfant naturel. Cet acte doit être accompli tant par le père que par la mère de l’enfant naturel. L’article 335 du Code civil prévoit que la reconnaissance d’un enfant naturel doit prendre la forme d’un acte authentique. La condition d’authenticité peut se réaliser par déclaration devant l’officier d’état civil, dans l’acte de naissance ou par acte séparé, par acte notarié ou enfin par une déclaration faite devant un juge, constatée par le greffier, officier public. Même s’il est un mineur ou un incapable majeur, pourvu qu’il soit dans un intervalle lucide, seul le parent peut accomplir cet acte sans pouvoir être représenté.

La loi a prévu un équivalent à la reconnaissance de maternité naturelle : lorsque l’acte de naissance de l’enfant naturel mentionne le nom de la mère, l’article 337 du Code civil dispose que cet acte vaut reconnaissance lorsqu’il est corroboré par la possession d’état.

Le gouvernement souhaite modifier cette règle. En vertu de la règle « Mater semper certa est », la filiation d’un enfant naturel –comme c’est déjà le cas pour un enfant légitime- devrait résulter de la simple indication du nom de la mère dans l’acte de naissance. La mère, mariée ou non, ne devrait plus avoir besoin de reconnaître son enfant à la naissance. Cette proposition du gouvernement est approuvée par l’ensemble de la doctrine et semble d’ailleurs nécessaire car notre législation est, sur ce point, vraisemblablement contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.

La maternité peut être judiciairement déclarée. L’enfant qui exerce l’action sera tenu de prouver qu’il est celui dont la mère prétendue est accouchée (article 341 du Code civil).

Enfin, tant à l’égard de la mère que du père, la filiation naturelle peut aussi se trouver légalement établie par la possession d’état depuis la loi du 22 juin 1982 (article 334-8 du Code civil). Cette possession d’état sera établie conformément au droit commun par un acte de notoriété délivré par le juge des tutelles ou encore par tout moyens et la filiation pourra être transcrite sur les registres de l’état civil à la demande de tout intéressé.

B. La mère anonyme

L’action en recherche de maternité ne peut pas être intentée si la mère a demandé que le secret de son admission et de son identité soit préservé (article 341-1 du Code civil).

Trouvant son origine dans l’usage du tour qui permettait à la mère de déposer son enfant, anonymement, sur un tourniquet, qui était ensuite recueilli par une religieuse ne pouvant voir le visage de la mère, la loi permet aujourd’hui encore à la femme d’accoucher en demandant que le secret de son admission et de son identité soit préservé. C’est ce qu’on appelle « l’accouchement sous X ». (cf. c. Neirinck, L’accouchement sous X : le fait et le droit, J.C.P. 1996-I-3922) Depuis la loi du 8 janvier 1993, une telle demande a pour effet d’interdire la recherche de maternité naturelle (article 341 et 341-1 du Code civil). L’identité de la mère ne sera pas mentionnée dans l’acte de naissance de l’enfant.

La jurisprudence est venu préciser qu’une mère mineure pouvait invoquer l’article 341-1 du Code civil et demander le secret de son identité. La Cour de cassation a, en effet, censuré les juges du fond, au motif « qu’en l’absence de reconnaissance, la filiation de la mère n’est pas établie de sorte que le consentement de la mère n’a pas à être constaté lors de la remise de l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance » (Civ. 1re, 5 nov. 1996, J.C.P. 1997-II-22749, note I. Ardeef, D. 1997-587, note J. Massip, D. 1997- somm. comm. p. 161, obs. F. Granet-Lambrechts, Rev. trim. dr. civ. 1997-98, note J. Hauser, Rép. Def. 1997 article 36591, obs. J. Massip). Elle déduit donc de l’absence de filiation établie, l’inutilité du consentement de la mère lors de la remise de l’enfant. Cette solution a pu être approuvée par un auteur au motif que « l’abandon d’enfant, comme sa reconnaissance, est un acte à caractère personnel, accompli par la femme en sa qualité de mère et pour lequel aucune représentation (ou assistance) n’est concevable » (J. Massip, note précit.). Cependant, en l’espèce, la mère a demandé la restitution de son enfant un mois après le délai de rétractation –qui est d’un mois depuis la loi du 5 juillet 1996-. La demande était vaine, l’enfant avait déjà fait l’objet d’un placement en vue d’une adoption.

Sur un autre point, la Cour de cassation est venue apporter une précision importante. La mère qui décide d’accoucher sous X peut priver le père de ses droits. En effet, la Cour d’appel de Riom a affirmé dans une affaire dramatique que « la seule possibilité juridique ouverte au père d’un enfant, dont la mère a accouché sous X est d’en réclamer la restitution dans le délai ouvert par l’article 351 du Code civil, et de prouver dans ce délai la coïncidence entre la reconnaissance et la naissance »

(Riom, 16 déc. 1997, J.C.P. 1998-II-10147, note T. Garé, Dr. famille 1998-14, note P. Murat, Rev. trim. dr. civ. 1998-891, note Hauser, D. 1999 somm. comm. 198, obs. F. Granet.) En l’espèce, bien que l’enfant ait fait l’objet d’une reconnaissance prénatale, le père n’a pas pu établir la filiation de son enfant, ayant laissé s’écouler le délai de deux mois après la naissance de l’enfant, la mère l’ayant convaincu, dans un premier temps, que l’enfant était mort-né. En effet, le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance. De plus la reconnaissance prénatale a été jugée sans objet puisqu’elle concerne l’enfant d’une femme qui est censée n’avoir jamais accouché.

II. A l’égard du père

La paternité peut résulter d’un acte volontaire et l’établissement est non contentieux (A) ou résulter d’une décision de justice, la filiation s’établissant alors de façon contentieuse (B).

A. L’établissement non contentieux

La filiation naturelle paternelle s’établit aussi par reconnaissance volontaire du père selon les formalités décrites ci-dessus.

Le gouvernement souhaite faire entrer dans le Code civil, une pratique très répandue et très utile : la reconnaissance prénatale. Elle peut être individuelle ou conjointe. Elle est particulièrement opportune à l’égard du père. Ainsi, l’enfant a la certitude de voir sa filiation paternelle établie même si le père vient à décéder avant sa naissance ou est placé sous un régime de protection (la reconnaissance est un acte personnel qui ne peut faire l’objet d’une représentation). Dans le cas contraire, devant l’impossibilité de procéder à une reconnaissance volontaire, la mère doit intenter, au nom de son enfant, une action en recherche de paternité naturelle.

Si l’enfant est issu d’une relation incestueuse absolue (descendant-ascendant ou frère et sœur), l’article 334-10 du Code civil prévoit que le double établissement de la filiation est impossible. Lorsque la filiation est déjà établie à l’égard de l’un des parents, elle ne peut plus être établie à l’égard de l’autre. L’enfant se voit ainsi privé d’un lien de filiation, dans son intérêt afin de ne pas révéler aux tiers les circonstances de sa conception. Cette règle joue cependant contre ses intérêts sur le plan successoral puisqu’il est privé de tous droits successoraux à l’égard de son autre parent. Le gouvernement souhaite maintenir cette interdiction d’établir un double lien de filiation qu’il fonde sur la prohibition de l’inceste.

Elle peut également se trouver légalement établie, en l’absence de reconnaissance, par la possession d’état (article 334-8 du Code civil). La jurisprudence a décidé que l’action en constatation de possession d’état, parce qu’elle est distincte de l’action en réclamation ou en contestation d’état, est ouverte à toute personne justifiant d’un intérêt légitime (Civ. 1re , 10 mars 1998, Bull. civ. I n°99).

De plus, l’action en constatation de possession d’état, lorsqu’elle est admise, ne fait que présumer, jusqu’à preuve contraire, la filiation. La preuve contraire (par production d’une expertise biologique excluant la paternité) peut être produite pour faire échec à cette établissement de paternité.

B. L’établissement contentieux

La paternité peut être aussi judiciairement déclarée même si le père s’y oppose ou s’il est décédé.

Depuis la loi du 8 janv. 1993, l’action est recevable s’il existe des présomptions ou indices graves (article 340 du Code civil). Avant cette loi, l’action n’était recevable que dans des cas bien déterminés (ex. : concubinage entre la mère et le père prétendu au moment de la conception) et pouvait être écartée par des fins de non-recevoir (ex. : débauche de la mère). La jurisprudence paraît assez souple quant à l’existence de ces « présomptions ou indices graves », dont l’exigence n’est due qu’à une intervention in extremis du Sénat. Le gouvernement a fait une proposition en vue de la suppression de cette condition.

La paternité doit être prouvée par tout moyens. La jurisprudence a décidé que la preuve de la paternité peut résulter de ces présomptions ou indices eux-mêmes. De plus, rappelons que depuis un arrêt de la première Chambre civile du 20 mars 2000, « l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder » (D. 2000 IR 122).

L’action n’appartient qu’à l’enfant. Elle peut être cependant exercée par sa mère pendant sa minorité (article 340-2 du Code civil) contre le père prétendu ou ses héritiers (article 340-3 du Code civil). A défaut d’héritiers ayant accepté la succession, l’action s’exerce contre l’Etat.

L’action est enfermée dans des délais rigoureux (article 340-4 du Code civil). Elle doit être intentée dans les deux ans qui suivent la naissance. Toutefois, précise l’article 340-4, si le père prétendu et la mère ont vécu en concubinage impliquant, à défaut de communauté de vie, des relations stables et continues, l’action pourra être exercée dans les deux années qui ont suivi la cessation de ces relations. De plus, si le père a participé à l’éducation de l’enfant en qualité de père, l’action pourra là encore être exercée dans les deux années qui suivent la cessation de cette participation. Si l’action n’a pas été intentée pendant la minorité de l’enfant, elle peut l’être par celui-ci dans les deux années qui suivent la majorité.

Lorsque la demande est accueillie, la paternité est déclarée avec toutes les conséquences qui en découlent. Si l’action est rejetée, les juges peuvent néanmoins allouer des subsides à l’enfant, dès lors qu’ont été démontrées les relations intimes entre la mère de l’enfant et le défendeur (article 342 et s. du Code civil).

§ 2 : La contestation de la filiation

La reconnaissance bien qu’irrévocable, peut être attaquée si la preuve de son caractère mensonger est rapportée. Tant que l’enfant n’a pas une possession d’état de 10 ans à l’égard de l’auteur de la reconnaissance, l’action est ouverte à tout intéressé. Quand l’enfant a une possession d’état de 10 ans au moins, aucune contestation n’est plus recevable, si ce n’est de la part de l’autre parent, de l’enfant lui-même ou de ceux qui se prétendent les parents véritables (article 339 du Code civil).

Si la filiation a été établie par possession d’état dans les conditions de l’article 334-9 du Code civil, tout intéressé peut contester à l’enfant l’état dont il se réclame et le tribunal de grande instance tranchera. Cependant à partir du moment où la filiation a été constatée par un jugement, celui-ci a autorité absolue de chose jugée et les tiers peuvent seulement agir en tierce-opposition contre ce jugement.

§ 3 : L’action à fins de subsides

Lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de sa mère, il ne dispose d’aucune action à l’égard de ce père, que la loi a mis à l’abri de toute action en établissement de paternité pendant des années. Alors, à titre compensatoire, la loi permettait à l’enfant naturel qui ne pouvait établir sa filiation paternelle, de réclamer des subsides à son père prétendu.

Depuis 1972, puis 1993, l’établissement judiciaire de la paternité est plus facile. Mais cela n’a pas rendu l’action inutile parce que les délais pour agir sont assez courts. Il faut cependant reconnaître qu’elle est rarement intentée. Le gouvernement propose d’ailleurs d’en limiter considérablement le recours. Si ce projet est adopté, l’action aux fins de subsides ne serait maintenue qu’en cas de naissance consécutive à un inceste ou à un viol. Dans ces deux cas, on comprend en effet pourquoi il n’est pas opportun (viol) ou même possible (inceste) d’établir la filiation.

En l’état actuel du droit, « tout enfant dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie peut réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de conception » (article 342 al. 1er du Code civil). L’action est ouverte à tous les enfants, ceux issus d’une femme mariée (celui qui a un titre d’enfant légitime mais de possession d’état à l’égard du mari conforme) ou non, y compris ceux qui sont issus d’une relation incestueuse. En s’agissant de ces derniers, la loi interdit l’établissement du double lien de filiation (relation descendant-ascendant ou frère et sœur : article 334-10).

L’action est dirigée contre l’homme qui a eu des relations sexuelles avec la mère à l’époque de la conception. Il n’est pas nécessairement le père mais c’est un père « possible ». Il suffit d’établir la preuve d’un « risque de paternité », d’une « paternité probable ». Pour cela, il faut apporter la preuve de relations sexuelles pendant la période légale de conception, déterminée à partir de la date de naissance de l’enfant. S’il y a plusieurs « pères probables », le juge a la faculté de mettre à la charge de chacun d’eux le paiement de cette indemnité mais uniquement s’ils ont commis une faute (viol, séduction dolosive par exemple) ou s’ils ont pris l’engagement de subvenir aux besoins de l’enfant (paiement antérieur d’une pension).

L’article 342-4 du Code civil prévoit un moyen de défense : « Le défendeur peut écarter la demande en faisant la preuve par tous moyens qu’il ne peut pas être le père de l’enfant ». Cette preuve peut être rapportée par tous moyens (éloignement, expertise médicale par exemple).

L’action peut être intentée pendant toute la minorité de l’enfant et celui-ci peut l’exercer dans les deux années qui suivent sa majorité.

Les subsides sont des versements effectués pour subvenir à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Ils se calculent en fonction des besoins du créancier (l’enfant), des ressources du défendeur et de la situation familiale de ce dernier. La pension peut être due au-delà de la majorité de l’enfant s’il est encore dans le besoin sauf ce besoin est imputable à sa faute (article 342-2 du Code civil)

Les subsides prennent la forme d’une pension. La pension est versée au représentant de l’enfant (la mère). En cas de décès du débiteur, la charge des subsides se transmet à sa succession.

L’article 342-7 du Code civil prévoit que le jugement qui alloue des subsides crée entre le défendeur et le bénéficiaire ainsi, le cas échéant, entre chacun d’eux et les parents ou le conjoint de l’autre, des empêchements à mariage réglés par les articles 161 à 164 du Code civil.

L’allocation de subsides cessera d’avoir effet si la filiation paternelle de l’enfant vient à être établie par la suite à l’endroit d’un autre que le défendeur (article 342-8 du Code civil).