La fin de la personnalité juridique (mort, disparition, absence)

LA PERTE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

C’est, en principe, le décès d’une personne qui marque la fin de la personnalité juridique (I). Mais il arrive qu’en l’absence de cadavre, le constat du décès soit impossible : le recours à la procédure applicable à la disparition est alors nécessaire (II). Il arrive aussi qu’un doute existe quant au décès d’une personne dont on est sans nouvelle depuis des années. C’est alors la procédure de l’absence qu’il conviendra d’appliquer (III).

I. La mort

La mort est du point de vue juridique, « l’anéantissement d’une personnalité. » (J. Carbonnier). La détermination du moment de la mort ne va sans difficulté d’un point de vue médical et par répercussion, d’un point de vue juridique.

Sur le plan médical, la mort supposait la réunion de deux conditions : l’arrêt de la respiration et l’arrêt de la circulation. Mais l’évolution de la science médicale, en particulier les techniques de réanimation et les nécessités inhérentes à la transplantation d’organes, a nécessité une détermination plus précoce de la mort. Aujourd’hui, la mort, c’est la mort cérébrale, y compris s’il persiste une certaine activité cardiaque et circulatoire artificielle grâce à l’assistance de machines. La constatation de cette mort cérébrale (en particulier révélée par un électro-encéphalogramme plat) permet de « débrancher » une personne sans commettre de meurtre ou de procéder à un prélèvement d’organes autorisé seulement sur des personnes décédées.

Le décès d’une personne doit être déclaré dans les 24 h de sa survenance à l’officier d’état civil de la commune où il a eu lieu. La déclaration est faite par une personne quelconque (famille, ou toute personne possédant sur son état civil les renseignements les exacts et les plus complets possible). Un médecin est chargé, par l’officier d’état civil, de constater le décès. Le constat de décès et donc l’acte de décès suppose donc la présence d’un cadavre. Le constat du décès figurera dans l’acte de décès de la personne (son dernier acte de l’état civil) qui contiendra des indications relatives aux date et lieu de mort, l’identité du défunt, de ses père et mère, de son conjoint et de l’auteur de la déclaration. Il ne fait pas mention des circonstances du décès. Mention du décès sera portée en marge de l’acte de naissance et l’information sera diffusée au lieu du dernier domicile du défunt.

L’inhumation (ou l’incinération) ne peut avoir lieu qu’après l’obtention du permis d’inhumer, délivré 24h au moins après le décès, sur production du certificat médical.

Lorsque la personne est décédée, l’enveloppe charnelle n’est plus la personne : est-ce pour autant une chose ? On pourrait le penser puisque là encore, il n’existe que deux catégories : personne ou chose. Cependant, notre droit accorde une certaine protection du cadavre qui semble incompatible avec le statut de chose. Ainsi, par exemple, le nouveau Code pénal contient un chapitre V intitulé «Des atteintes à la dignité de la personne » du livre II consacré aux « Crimes et délits contre les personnes » comprenant une section IV relative aux « Atteintes au respect dû aux morts ». Et immédiatement, l’article 225-17 dispose que « toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 100.000 F. d’amende ». De même lorsque les médecins procèdent à un prélèvement d’organe sur une personne décédée, ils doivent « s’assurer de la restauration décente de son corps ». La cadavre serait-il encore le prolongement de la personne ?

La réponse est certainement négative. Le cadavre est une chose, dès l’instant où la mort cérébrale est acquise. (y compris si une certaine « vie » est artificiellement maintenue : circulation sanguine, activité cardiaque à des fins spécifiques : prélèvement d’organe. En ce sens, avis du Comité consultatif national d’éthique du 7 nov. 1988).

Néanmoins, le corps humain sans vie n’est pas une chose ordinaire, c’est en quelque sorte une chose sacrée, que l’on doit respecter. mais c’est une chose, non une personne, de sorte qu’on ne saurait lui reconnaître un droit quelconque, y compris un droit à la personnalité (cf Aff. Mitterrand et la prétendue atteinte à l’intimité de sa vie privée à la suite de la parution du Grand secret). Les ayants cause du défunt ne peuvent que défendre sa mémoire, en particulier lorsque la divulgation de leur image porte atteinte au principe de la dignité humaine (reproduction de la photographie du Préfet Erignac, assassiné en Corse par le journal Paris Match). C’est une chose dotée d’un statut particulier.

II. La disparition

La disparition est un régime juridique applicable à toute personne qui a disparu des circonstances de nature à mettre sa vie en danger mais dont on n’a pas trouvé le cadavre. (naufrage, catastrophe minière ou aérienne, incendie, etc…)

La loi attache à la disparition dans de telles circonstances, une présomption de décès. En effet, l’article 88 al. 1er du Code civil dispose : « Peut être judiciairement déclaré, à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées, le décès de tout Français disparu en France, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pu être retrouvé. »

Cette requête, à l’initiative de tout intéressé, doit être déposée devant le président du Tribunal de grande instance du lieu de la mort ou de la disparition ou du lieu du dernier domicile en cas de disparition à bord d’un bâtiment ou aéronef français. L’article 90 al. 2 prévoit que « si le tribunal estime que le décès n’est pas suffisamment établi, il peut ordonner toute mesure d’information complémentaire et requérir notamment une enquête administrative sur les circonstances de la disparition ».

L’al. 3 poursuit : « Si le décès est déclaré, sa date doit être fixée en tenant compte des présomptions tirées des circonstances de la cause et, à défaut, au jour de la disparition. Cette date ne doit jamais être indéterminée ». Après transcription sur le registre des décès, le jugement tient lieu d’acte de décès et produit les mêmes effets.

Si le disparu « réapparaît », un recours en annulation pourra être engagé contre le jugement déclaratif de décès, à la demande du Ministère public ou de tout intéressé. La personne considérée à tort comme disparue, retrouvera ses biens, dans l’état où ils se trouvent mais son mariage restera dissous.

III. L’absence

L’absence est la situation d’une personne qui « a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on ait eu de nouvelles » (article 112 Code civil). On ignore donc si la personne est vivante ou morte. Cependant, il est difficile de laisser éternellement les choses dans l’incertitude. S’agissant de ses biens, de sa situation matrimoniale, il faut, qu’au bout d’un certain nombre d’années, le droit fasse produire des effets à cette absence. Plus les années passent et plus le décès de la personne apparaît vraisemblable. C’est la raison pour laquelle la loi a prévu deux périodes successives : pendant la première, l’absent est présumé vivant ; à l’arrivée de la seconde, l’absent est présumé décédé.

Première période : La présomption d’absence :

La demande peut émaner de tout intéressé ou du ministère public, constater qu’il y a présomption d’absence (article 112 du Code civil) sans que la loi n’impose de délai pour effectuer cette démarche.

Le juge des tutelles a alors la charge de nommer un administrateur qui sera chargé de gérer les biens de l’absent. Si l’absent est marié, les règles de son régime matrimonial sont, en principe, suffisante pour assurer cette gestion et le conjoint présent gérera alors les biens de l’absent en application de ces règles. Le juge des tutelles veillent à la bonne gestion et peut replacer à tout moment l’administrateur.

Pendant cette période, le mariage du présumé absent est maintenu, ainsi que la présomption de paternité (ce qui est un peu plus discutable…).

« Si un présumé absent reparaît ou donne de ses nouvelles, il est, sur sa demande, mis fin par le juge aux mesures prises pour sa représentation et l’administration de ses biens ; il recouvre alors les biens gérés ou acquis pour son compte durant la période d’absence » (article 118 du Code civil).

La présomption d’absence disparaît également par la preuve de la mort de la personne.

Seconde période : La déclaration d’absence :

Au bout d’un certain nombre d’années sans nouvelles de la personne, son décès apparaît de plus en plus probable. La loi prévoit que 10 après le jugement qui a constaté la présomption d’absence ou 20 ans après que la personne ait cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, sans que l’on ait eu de nouvelles, l’absence pourra être déclarée par le tribunal de grande instance à la requête de toute personne intéressée ou du ministère public.

La requête « peut être intentée dans l’année précédant l’expiration des délais de 10 ou 20 ans » (article 125). La déclaration fera l’objet de mesures de publicité dans la presse du lieu du dernier domicile de l’absent. Le jugement ne peut pas intervenir avant l’expiration d’un délai d’un an après l’accomplissement de ces formalités.

Le jugement déclaratif d’absence constatera que l’absent n’a pas reparu depuis 10 ou 20 ans et que ce défaut de nouvelles est inexplicable. Le jugement fera l’objet de mesures de publicité. Il deviendra opposable aux tiers à compter de sa transcription sur le registre des décès du domicile de l’absent.

Les effets de ce jugement seront identiques à celui d’un acte de décès. Le déclaré absent est présumé mort.

S’il reparaît, ses biens dévolus à ses héritiers, lui sont restitués. Son mariage reste dissous.