Article 1242 du code civil : La garde de la chose et le gardien

La garde de la chose et la détermination du gardien en responsabilité du fait des choses

Le principe de la responsabilité du fait des choses repose sur le fait que le propriétaire d’une chose doit assumer les conséquences de la dangerosité potentielle des choses qu’il possédé ou qu’il manipule. «On est responsable non seulement du dommage cause par son propre fait, mais encore de celui qui est cause par le fait […] des choses que l’on a sous sa garde » , s’exprime ainsi en ces termes l’article 1384 alinea 1 er devenu article 1242 al 1 du Code civil.

La notion de chose elle-même, ainsi que le rôle quelle joue dans la survenance du dommage doivent être précisés, tout comme la notion de « gardien » de la chose. La garde est la notion centrale de la responsabilité fondée sur l’article 1242 al 1 du code civil. Le gardien devra indemniser la victime. Qui est le gardien d’une chose ?

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A – La détermination du gardien

La notion de garde entretient des relations étroites avec la propriété.

1) Garde et pouvoir de droit.

Dans un premier temps, la jurisprudence énonçait que La garde de la chose était liée à la propriété. Si on est juridiquement propriétaire d’un bien, on en est le gardien : c’était alors la conception juridique de la garde de la chose

Puis, la jurisprudence a énoncé que La garde de la chose n’est pas nécessairement liée à la propriété. On peut être propriétaire d’une chose sans en être le gardien. Depuis l’arrêt Franck, seule compte la garde matérielle. C’est la conception matérielle de la garde

a) Conception juridique

La garde peut impliquer un pouvoir de droit sur la chose, c’est ce qu’a retenu la jurisprudence dans un premier temps, celle ci à lié les qualités de gardien et de propriétaire. Conception juridique de la garde puisque gardien = propriétaire, propriétaire = gardien.

Cette conception apparaît dans le premier pourvoi de l‘arrêt Franck de la première chambre civile de la cour de cassation du 03/03/1936. Une personne prête son auto a son fils qui part en boite. Vol de la voiture, voleur crée un accident, victime décédé, voleur envolé. Famille assigne le propriétaire en réparation du préjudice subi.

La cour d’appel à rejeté la demande de la famille. Le propriétaire au moment de l’accident, était déposséder de la voiture. Donc dans l’impossibilité d’en assurer la surveillance. La Cour d’Appel estime que le propriétaire n’était pas gardien au moment de l’accident.

La cour de cassation en 1936 censure la décision de la Cour d’Appel parce qu’elle retient une conception juridique de la garde, autrement dit, gardien = propriétaire.

La doctrine est partagée :

o Cette conception à été défendu par Saleilles et Josserand.

o Ripert et René Capitant ont critiqué la conception juridique de la garde puisqu’ils ont estimés que le propriétaire victime d’un vol n’en conserve l’entière responsabilité.

La Cour d’Appel de renvoi résiste et se range sur la position de la première Cour d’Appel.

b) Conception matérielle

Second pourvoi, chambre réunies 02/12/1941, arrêt Franck, les chambres ont cédées pour retenir une conception matérielle de la garde et non juridique. Sera gardien, la personne qui aura trois pouvoirs de fait sur la chose :

L’usage (le fait de se servir de la chose, d’en tirer profit)

Le contrôle (l’aptitude du gardien à surveiller la chose ainsi qu’à la maîtriser et l’utiliser dans toutes ses fonctionnalités à quand bien même elle serait complexe)

La direction (l’utilisation indépendante de la chose, le gardien l’utilise à sa guise)

Le gardien est celui qui est à même d’empêcher le dommage. La garde est liée à un pouvoir de fait sur la chose. Consécration d’une conception matérielle de la garde. Pour autant, la cour de cassation n’a pas rompu tout lien entre la garde et la propriété. La qualité de propriétaire ne sera pas sans incidence puisqu’une présomption de garde pèse sur le propriétaire. Cependant cette présomption est simple, donc la charge de la preuve est renversable. La présomption reste parce que le plus souvent c’est le propriétaire qui à l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Grâce à la présomption de garde qui pèse sur le propriétaire, la victime obtient une présomption de garde de la part du propriétaire, à celui ci donc de prouver qu’il n’en avait pas la garde.

Le transfert de la garde peut être matériel ou juridique, quand matériel, au moment du dommage, il doit prouver que les trois pouvoirs étaient détenus par un tiers.

2) Garde et pouvoir de fait

La garde implique la réunion de trois pouvoirs de fait et implique donc la détention matérielle de la chose. Sera désigné gardien celui qui avait la détention matérielle de la chose au moment du dommage, celui qui l’avait entre ses mains. Deux exceptions à cela :

Le préposé (celui qui exerce une fonction sous la responsabilité d’une personne) ne peut pas être gardien. Ex : Chauffeur livreur employé par une société de transport ne sera pas gardien de la chose. La cour de cassation considère que bien que la chose soit tenue matériellement par le préposé, le gardien demeure le commettant. On considère que le préposé n’a pas suffisamment d’autonomie pour être gardien. Jurisprudence Gabillet qui considère que l’infans peut être gardien.

La distinction entre la garde de la structure et la garde du comportement. La jurisprudence à pris d’une proposition doctrinale le fait de distinguer la garde de la structure de la garde du comportement pour les choses dotées d’un dynamisme propre en estimant que l’on pouvait être gardien soit de la structure, soit du comportement. Le gardien de la structure (le contenu de la chose) n’est pas celui qui la détient.

3) Garde et discernement

Le dément avant la loi de 1968 ne pouvait être tenu de réparer un dommage puisque l’on considérait qu’il ne pouvait pas commettre de faute. Concomitamment, en raison de son état de démence, pouvait-on condamné un dément en tant que gardien d’une chose ?

L’évolution de la doctrine: René Capitant en 1930 avait affirmé : demain les tribunaux n’hésiteront pas à appliquer l’article 1384 à l’individu qui ayant un bâton à la main, blesse un tiers involontairement. Une autre partie de la doctrine critiquait les jurisprudences qui ne permettaient pas aux victimes d’être indemnisés en raison de la démence du responsable.

L’évolution de la jurisprudence :

En 1947 la cour de cassation estime que l’usage, le contrôle, la direction, impliquent la faculté de discernement, autrement dit la définition de la garde n’est pas compatible avec l’absence de discernement. Conséquence, le dément ne peut être gardien donc ne peut être tenu pour responsable. Solution critiquée puisqu’elle apparaissait injuste pour les victimes.

Ça à évolué avec l’arrêt Trichard de la seconde Chambre Civile du 18/12/1964. Ici question d’une obnubilation passagère des facultés intellectuelle. Une crise épileptique qui a été la Cause d’un accident, cette personne épileptique était elle gardienne pendant cette absence épileptique ? Oui car cela n’a pas pour effet d’exonérer le conducteur de la responsabilité qui pesait sur lui en tant que gardien. Le dément peut donc être gardien (notion de garde objectivée, détachée de la conscience du gardien). Même évolution pour les infans. Dans un premier temps, l’assemblée plénière estimait que L’infans ne pouvait être gardien puisque n’étant pas doué de discernement.

Arrêt Gabillet 09/05/1984: un garçon de 3 ans tient un bâton sur la balançoire, il tombe, il éborgne un camarade. Un garçon de trois ans peut il être gardien d’un bâton ? Oui. La cour de cassation considère qu’il peut l’être. L’objectivation de la garde ne vide t-elle pas la substance des 3 pouvoirs ?

La position de la loi : la loi du 3 jan 1968 insère dans le Code civil, l’ article 489-2 qui dispose « celui qui a causé un dommage sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». La démence ne sera plus considérée comme une cause d’irresponsabilité et le dément devra indemniser la victime.

B – Le caractère alternatif de la garde

Une chose ne peut en principe n’avoir qu’un seul gardien.

1) Définition

Dire que la garde est alternative revient à dire qu’une chose ne peut avoir qu’un seul gardien. Dans le processus mis en place par la jurisprudence, le propriétaire est présumé gardien et qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’il à transférer cette garde à quelqu’un d’autre.

Garde alternative = exclusion que plusieurs personnes soit gardiennes à des titres différents.

2) Distinction de la garde de la structure et de la garde du comportement

Distinction d’origine doctrinale proposée par Goldman, cette distinction se fonde sur le fait que certaines choses ont un contenu propres, contenu propre qui à vocation à créer des dommages indépendamment du comportement de la chose. La cour de cassation à cantonnée la mise en œuvre de cette distinction aux choses dotées d’un dynamisme propres ou encore aux choses dotées d’un dynamisme interne et affectées d’un vice.

Cette distinction opère une distinction de la garde :

d’un coté la garde de la structure: La garde de la structure implique la maîtrise ou la connaissance des vices internes de la chose, la connaissance de son dynamisme propre. En 1956 la cour de cassation estime que le gardien de la structure est le propriétaire.

et de l’autre la garde du comportement. Le gardien du comportement sera celui qui a la chose entre les mains, qui en à le maniement. Il assurera la réparation des dommages résultant du maniement de la chose.

Cette distinction à été consacrée dans l’arrêt « Oxygène liquide » de la seconde chambre civile du 05/01/1956.

Lorsque les dommages sont du au comportement de la chose c’est a dire a la manière dont elle a été utilisée, c’est le possesseur de la chose qui sera réputé le gardien ;

si le dommage est du a la structure même de la chose, c’est-à-dire a la manière dont elle est constituée ce sera son fabricant ou son propriétaire qui sera considéré comme le gardien.

En 1975 dans l’arrêt des bouteilles Ricqlès, elle va opter pour le fabricant de la chose. Cette solution est plus logique puisque si la chose explose, c’est probablement à cause de la fabrication. Cette distinction appelle trois remarques :

Cette distinction revient à considérer qu’à un même moment j’ai deux gardiens, un de la structure, un du comportement, ils sont bien deux personnes différentes. Est-ce une Atteinte au caractère alternatif de la garde ? Non car un seul gardien de chaque.

Le gardien de la structure n’as pas la possibilité, ou n’as plus la possibilité d’éviter le dommage car il n’as plus le pouvoir d’éviter le dommage. Forme de dénaturation de la garde. Ici, retenue d’un gardien n’étant pas a même d’empêcher le dommage puisque pas la chose entre les mains.

La victime ne saura pas toujours quelle est la cause du dommage, elle va devoir soit assigner les deux gardiens, et donc débat sur l’origine du dommage, soit déterminer avant l’assignation l’origine du dommage (structure ou comportement). Pour la victime on perd ici la simplicité obtenue après l’arrêt Franck.

3) La garde en commun

La jurisprudence a admis que l’on puisse avoir des co-gardiens, c’est à dire que plusieurs personnes soient co-gardiennes de la même chose. On considère ici que l’on ne porte pas atteinte au caractère alternatif de la garde.

Ex: une personne se promène en forêt pendant la période de chasse, elle se prend un plomb, mais comment savoir quel est le chasseur parmi un groupe de six chasseurs présents sur place ? La jurisprudence a considéré que tous les chasseurs sont gardiens en commun de la gerbe de plomb afin de favoriser l’indemnisation de la victime.

L’invention de la garde en commun à deux objectifs :

1) Remédier à une incertitude pour indemniser la victime. On ignore qui est le gardien de l’objet à l’origine du dommage parmi les personnes d’un groupe. La victime n’aura pas à identifier le chasseur qui a tiré le plomb qui l’a atteint.

2) Prendre en considération le fait que plusieurs personnes avaient à un moment donner un pouvoir sur la chose.

La cour de cassation est cependant réticente à admettre la garde en commun.

Elle demande aux juges du fond d’essayer d’identifier l’auteur du dommage.

Elle interdit aux co-gardiens de se prévaloir les uns à l’égard des autres (1242 al 1) parce que le co-gardien participe à la réalisation du risque, à la réalisation du dommage.

La cour de cassation a cantonné le bénéfice de la garde en commun à la victime co-gardienne.