La Haute Cour et la destitution du président

La Haute Cour

Ne pas confondre « Haute Cour » et « Haute Cour de Justice ».

– La Haute Cour désigne l’unique juridiction pouvant connaître de la situation du président de la République au cours de l’exercice de son mandat. Son existence résulte de la réforme constitutionnelle du 23 février 2007. La mission de la Haute Cour consiste à prononcer la destitution du président de la République en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

– Avant cette date, une Haute Cour de justice, composée de membres du Parlement, était chargée par la Constitution de juger le président de la République en cas de crime de « haute trahison ».

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1 – De de La Haute Cour de Justice…

Peut-on parler réellement de responsabilité juridictionnelle. ? Oui en ce qui concerne les ministres, moins en ce qui concerne le président de la république. En 1958, le président de la république et les ministres relevaient d’une seule et même juridiction : la Haute cour de justice, héritière de la Haute Cour de justice des III° et IV° République. sous la III°, le Sénat siégeait et jugeait ceux qui lui étaient déférés par la Chambre des députés. Sous IV et V, composition par députés et sénateurs. Cette Haute Cour avait à juger le président de la république ou les ministres. Pourtant, aucun problème de mise en cause d’un Président n’a eu lieu. La question ne s’est posée que pour les ministres. Une interprétation un peu extensive de l’article 68 avait été donné par la Cour de cassation en 1963 : impossible de poursuivre un ministre aussi longtemps qu’il demeurait en fonction. Impunité ministérielle même pour des faits ayant peu de rapport avec l’exercice de leurs fonctions. Problème qui a conduit à réviser la Constitution à raison de l’affaire du Sang contaminé en 1993, puis une autre en 2007, qui ont abouti à la création de la Haute Cour, compétente à l’égard du président de la république et la Cour de justice de la République, compétente à l’égard des ministres.

2 – à La Haute Cour.

En 2007, une révision constitutionnelle prévoit que « le président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. » Celle-ci est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Le Bureau de la Haute Cour est composé de vingt-deux membres désignés, en leur sein et en nombre égal, par le bureau de l’Assemblée nationale et par celui du Sénat, en s’efforçant de reproduire la configuration politique de chaque assemblée

23 février 2007, date de a création de la Haute Cour. Deux mois avant la fin du mandat de Jacques Chirac. Pour comprendre pourquoi cette révision a été faite, il faut revenir en arrière. Avant lui, aucun président de la république n’avait eu d’anicroche avec la justice. Il parait presque inconcevable qu’un président de la république ait pu être soupçonné d’un crime ou d’un délit. Les difficultés ont commencé avec Mitterrand, puis s’est développé jacques Chirac. Déjà, Valery Giscard d’Estaing avait eu des problèmes avec les diamants de Bokassa. Avec Mitterrand, plusieurs affaires dont le scandale de l’écoute de l’Elysée. Pouvait-il faire écouter des journalistes ou bien une actrice ? Puis, le problème a rebondi avec Chirac et l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. Hypothèse que le président de la république soit confronté à la justice, ce que l’on n’avait jamais imaginé. On accordait donc une attention négligente aux articles qui s’y référait. On s’est rendu compte de leur caractère ambigu. Ancien article 68 « le président de la république n’est responsable qu’en cas de Haute trahison ». Cette clarté n’est qu’apparente et pose 2 questions : qu’est ce que l’exercice des fonctions et qu’est-ce que la Haute trahison ?’

Qu’est-ce que l’exercice des fonctions ?.

« Dans l’exercice de ses fonctions », l’adverbe « dans » a deux sens : locatif (indique une situation) et duratif (indique une durée). La différence est très importante. Si locatif, selon l’acte en cause on peut rechercher s’il relevait de ses fonctions de président (Haute trahison) ou bien responsable comme n’importe qui. Si duratif : aussi longtemps qu’il est à l’Elysée, il n’est responsable qu’en cas de haute trahison.

On peut plaider pour le « dans » duratif. Il est difficile de faire une chirurgie dans les activités d’un président de la république pour savoir ce qui relève de ses fonctions. Tout l’article 68 perdrait son sens si tout juge pouvait le juger/convoquer. Le président de la république est l’unique garant de la continuité de l’Etat. On est président de la république a plein temps, même si on ne fait pas a plein temps usage des pouvoirs dévolus par la Constitution . L’interprétation par le temps duratif parait plus cohérente. Aucun juge, hors la Haute Cour de justice ne peut rechercher le président de la république aussi longtemps qu’il est a l’Elysée. Réponse confirmée par le Conseil Constitutionnel en janvier 2001. La Cour de cassation, dans un arrêt d’octobre 2001, avait abouti au même résultat.

Qu’est-ce que la haute trahison ?.

Elle ne figure pas dans le Code pénal ni dans aucun texte applicable en droit français. La Haute trahison n’apparaissait que dans l’article 68 de la Constitution, sans aucune définition. On ne peut donc le savoir qu’a posteriori. Seule la Cour de justice peut définir la haute trahison. Sens qui pourrait être simple. En 1986, lorsque Mitterrand refuse de signer les ordonnances, Pasqua considère cela comme de la Haute trahison.

Subsistait des interrogations troublantes. A partir du moment où on a découvert que le président de la république était soupçonnable, l’article 668 devenait soupçonnable. En 2002, question à Chirac : qu’allez-vous faire pour répondre pour l’affaire des emplois fictifs ? Chirac propose de réunir une commission. Il remplit sa promesse, créé une commission qui a rendu son rapport en 2002. c’est seulement à la fin de son mandat que Chirac a fait réviser la Constitution d’après la commission Avril (Président de la commission).

L’article 67 organise autour du président de la république une protection quasi impénétrable. L’article 68 prévoit les cas dans lesquels le président de la république peut être mis en cause.

L’article 67 de la Constitution :

Une protection absolue du président de la république.

Irresponsable du premier au dernier jour de son mandat. Le président de la république est intouchable devant toute juridiction française. Système rigoureux et large. Idée était de protéger la fonction présidentielle. Non pas la personne mais la fonction. Les menaces sont celles pouvant venir de n’importe quelle mise en cause imprévisible. Le dommage causé à la fonction présidentielle peut être causé par n’importe quelle juridiction civile, pénale ou fiscale. Attention, procédures possibles si le président de la république le demande. Ex : divorce demandé par les époux Sarkozy (Nicolas/Cécilia).

Mais contrepartie : « tout délais de ou forclusion est suspendu … reprise à l’expiration d’un délai d’un mois ».

Si l’on a des reproches à faire, on pourra les reprendre dès la fin de son mandat : soit les continuer, soit les commencer. Tous les délais sont suspendus. Le temps de présence à l’Elysée est neutralisé. Même s’il fait deux mandats, les délais ne sont pas imputés. Les instances ne peuvent reprendre qu’un mois après la fin du mandat. Ce système a exactement fonctionné : Chirac a été convoqué par des juges d’instruction à Paris et à Nanterre. Cette mise en examen s’est traduite par une ordonnance de renvoi à Paris. Même si le président de la république a bénéficié d’une immunité pendant 12 ans, l’individu Chirac n’a pas été protégé par son statut au delà de sa présence à l’Elysée.

La présidence est toujours protégée, le titulaire ne l’est que le temps de cette présidence.

Voici un système qui de manière indiscutable, assure une protection efficace. Mais pour que le régime fut satisfaisant et puisqu’il a pour objet de protéger la présidence de la république, il fallait la protéger y compris contre le Président lui-même, susceptible de porter atteinte contre la fonction.

L’article 68 de la Constitution :

Deux premiers alinéas des articles 67 et 68 à voir en parallèle. Responsabilité si manquement à ses devoirs. Ce n’est pas un juge ordinaire qui peut la mettre en cause, mais simplement le Parlement constitué en Haute Cour.

  • Les faits susceptibles d’entrainer la destitution

« Faits incompatibles avec l’exercice de son mandat ». Large, Truc flou, vague. C’est parfaitement logique car l’idée qui préside à cet article est toujours la même ! protéger la présidence de la République contre les atteintes que peut y porter le Président. Elle sont infinies, rendent impossible toutes sortes d’inventaires (pas forcément des crimes). Ex : Grévy a démissionné car son gendre Wilson trafiquait les décorations. Il n’avait lui-meme commis aucun délit. Il a de lui-même décidé de démissionner. Au cas où le président de la république ne produit pas lui-même sa démission, le Parlement peut juger indispensable le fait de le forcer à quitter la présidence. En l’absence de tout crime ou délit, le souhait de maintenir la dignité et l’autorité de la fonction présidentielle pourrait emporter la destitution. La Constitution ne cherche pas à viser des crimes/délits mais le résultat d’un comportement, quel qu’il soit, compatible ou non avec l’exercice du mandat. Si diverses circonstances sont intervenues et y portent atteinte, alors la destitution est possible. Sagement, le Constitution ne vise que les faits.

La procédure au terme de laquelle la destitution peut être prononcée.

Les circonstances peuvent être de n’importe quel crime ou délit du président de la république, qu’il l’ait commis ou soupçonné, il ne pourrait pas se maintenir dans sa fonction. Le parlement pourrait alors le destituer.

Il est d’autres circonstances où en l’absence de toute infraction le président de la république peut se mettre dans une situation incompatible avec l’exercice de son mandat.

Exemple : avoir fait des actes reprochables durant leur jeunesse. Des actes de torture ou autre. Pour protéger l’institution présidentielle un président devrait renoncer à ses fonctions même sans avoir commis le moindre délit. Le critère retenu par l’article 68 de la constitution est le seul critère rationnel et opérationnel: le critère du manifestement incompatible, est de nature à devoir faire partir le président de la république.

Mais quelle est la procédure par laquelle on considérera un tel manquement?

Article 68 pour l’essentiel:

  • La proposition de la réunion de la haute cour par une des deux assemblées du parlement et qu’une assemblée vote cette proposition elle est proposé à l’autre assemblée qui doit se prononcer dans les 15 jours.

Si l’une et l’autre des assemblées votent la même proposition de renvoie en haute cour alors le président de la république le sera.

Al. 3: Haute Cour présidée par le Pr de l’AN, statuant sur un mois, à bulletin secret.

C’est en quelque sorte un congrès.

Si le président de la république est destitué alors le président doit quitter ses fonctions. Et de nouvelles élections seront convoquées. La haute cour ne le fera pas pour rien sauf si persuadée de la nécessité d’agir ainsi. 4ème alinéa de l’article 68 porte à le vérifier: les décisions prises seront prises à la majorité des deux tiers. On ne resence que les votes hostiles au président de la république.

Cette majorité des 2 tiers est discutable: manœuvre politique possible. La majorité des deux tiers met le président en danger: elle permet les votes calibrés. => possibilité de mettre l’autorité du Président très fortement en doute. Plus en mesure d’exercer son pouvoir. Avec ce mécanisme où on a cru protéger la fonction du président, on l’a mise en danger. La majorité absolue suffisait.

L’essentiel est cependant ailleurs. Est-ce que cette rédaction de l’article 68 n’aboutie pas finalement à créer une sorte de responsabilité politique du président de la république devant le parlement?

Est-ce que c’est déséquilibré? Seul un président de la république de gauche pourrait être destitué si le Sénat est toujours de droite?

Mais ces objections sont infondées parce que s’il s’agissait de la distinction entre droite et gauche, si un président de la république de la république se met en situation d’une procédure de destitution soit engagée et poursuivie, ça signifie qu’il a fait des choses telles qu’il est devenu infréquentable et que ses amis politiques sont les premiers pour assurer leur survie à se désolidarisé de lui. La procédure est si exceptionnelle que lorsqu’elle se produit les amitiés politiques n’existent plus.

Ex:

  • destitution de Nixon, qui avait la majorité républicaine, qui ne pouvait plus rester solidaire de Nixon.
  • 1996: procédure « d’empechement» contre Bill Clinton, il y avait une majorité républicaine avec un président démocrate, et cet « empechement » aurait dû être voté, or ce sont les républicains qui ont décidé d’arrêter la procédure car elle était injustifiée.

Les amis d’un président qui va être destitué ne vont pas chercher à le sauver pour quelqu’un de discréditer.

Deuxième question: la procédure ne peut-elle pas se transformer en responsabilité du président de la république devant le parlement et aboutir, à ce que le président de la république puisse être chassé pour des raisons politiques?

Réponse: ce risque n’existe pas. Aux USA, comme au Brésil, si le président de la république est déstitué c’est le vice président qui prend la place, mais pas en France. Une nouvelle élection présidentielle sera organisé dans un délai de 20 à 35 jours or rien n’interdit au président de la république destitué de se présenter à l’élection. S’il a été destitué à juste titre, il ne peut pas se représenter (probablement), en revanche, si ça a été au terme d’un conflit politique alors ses chances d’être réélu sont réelles et la première chose qu’il ferait serait de dissoudre l’Assemblée Nationale. Les parlementaires le savent à l’avance, et ne vont pas s’amuser de prendre le risque d’une procédure injustifiée si ensuite le caractère injustifié peut se retourner contre eux.

Le système incorpore ses propres garde-fous contre des utilisations déviantes ou dévoyées.

« une loi organique fixe les conditions d’application du présent article ».

Or cette rédaction date de février 2007 et on est en avril 2010 et la loi organique n’existe pas, ni le projet de loi organique. Ça fait trois ans que tarde l’adoption de ce texte car il s’agit d’une révision voulue par le précédent président de la république et donc ce n’est pas dans les priorités du gouvernement.

Cette hypothèse parait presque d’école et on espère qu’elle ne sera jamais mise en œuvre de sorte qu’il existe que le dispositif de l’article 67 c’est à dire l’immunité juridictionnelle accordée au chef de l’Etat: protéger l’article contre tout le monde, et y compris contre son propre titulaire (Article 68).

Le statut protecteur donné au président de la république est une dérogation au principe d’égalité des citoyens devant la Justice. Beaucoup s’en sont offusqués.

Mais il y a une raison simple à cela: le président de la république n’est pas un citoyen comme les autres. Il incarne la continuité de l’Etat, il peut utiliser l’arme atomique ou utiliser l’armée.

Plus discutable est la situation des ministres.