La légitimité du Conseil Constitutionnel

LA LÉGITIMITÉ DE LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE.

Cette légitimité s’inscrit dans le cadre des principes fondamentaux de l’Etat de droit, qui doivent être articulés, combinés avec ceux de la démocratie (le pouvoir du peuple). Le philosophe Thibaut avait posé les termes du débat dans la revue Esprit en 1986 lorsqu’il s’était interrogé sur la juridiction constitutionnelle, savoir s’il s’agissait d’un renforcement de l’Etat de droit ou de la mise sous tutelle de la démocratie. Ce qui se joue ici, dans le contentieux des normes et des lois, est de véritable importance. Kelsen, en 1928, avait bien évalué la portée des décisions du Conseil. Il a forgé un concept de grande importance : le concept de législateur négatif : «annuler une loi, c’est poser une norme générale ; car l’annulation d’une loi a le même caractère de généralité que sa confection, n’étant pour ainsi dire que la confection sous-entendue d’une loi avec un signe négatif, elle est donc elle même une fonction législative. Et un tribunal qui a le pouvoir d’annuler les lois est par conséquence un organe du pouvoir législatif« . Dès les premiers mots, il reconnaît que l’annulation équivaut à la confection, à l’élaboration. C’est la même opération que d’élaborer une loi que de la faire disparaître. C’est simplement une confection avec un signe négatif puisqu’il ne s’agit pas de poser mais de retirer. Kelsen dit qu’annuler une loi c’est exercer une fonction législative. Il ajoute que la Cour constitutionnelle qui opère un contrôle des lois, en réalité accompli un acte d’une même nature que le parlement qui vote la loi, sauf que le P est un organe politique composé d’élus au Suffrage Universel alors que pour la Conseil Constitutionnel, ce sont des magistrats nommés. Ils vont accomplir une opération qui a la même signification, la même portée que le Parlement composé d’élus qui votent la loi.

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C’est la question de la légitimité du Juge Constitutionnel qui est ici posée. Le travail du Conseil Constitutionnel est pour lui une participation à la fonction législative.

Comment justifier que le Conseil Constitutionnel exerce un tel pouvoir ? DC 23 août 1985 Evolution de la situation en Nouvelle-Calédonie, le Conseil Constitutionnel a jugé que la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la constitution. Si la loi peut exprimer cette volonté générale, c’est parce que le P a reçu une habilitation constitutionnelle. La C a autorisé le P a voté la loi mais dans le respect des limites constitutionnelles.

Comment justifier l’immense pouvoir du Conseil Constitutionnel ? Le contrôle de constitutionnalité des lois n’est fondamentalement qu’un instrument de la démocratie. D. Rousseau énonce que la contrôle de constitutionnalité est légitimé car elle produit une définition de la démocratie qui le légitime. Il s’inscrit dans un schéma démocratique au sein duquel il est celui qui doit veiller au respect des valeurs essentielles de la démocratie : c’est une démocratie constitutionnelle, elle signifie le pouvoir du peuple au sein de l’Etat mais aussi le respect et la garantie d’un certain nombre de droit, de valeur et de principe.

Il aide le législateur dans l’élaboration de la disposition législative, en veillant au respect de ces principes et de ces valeurs.

C’est une légitimité de valeur procédurale, ces règles vont assurer un procès équilibré, c’est la qualité de la procédure qui va fonder la légitimité de la justice constitutionnelle. Elles sont le plus souvent fixées par la constitution. Si l’on veut une légitimité par la procédure, qui s’instaure par la qualité du travail du juge, il est nécessaire que les nominations des juges se fassent en fonction de facteurs non-politiques.

Cette théorie de l’aiguilleur est la plus à même de rendre compte de l’office et de la mission du JC, qui réalise une opération de confrontation entre deux normes. Si une loi est contraire à la constitution, c’est que ce n’est pas la bonne technique qui a été utiliser, il fallait réviser la constitution plutôt que de tenter un contrôle a priori.

Quand une décision paraît infondée, on crie au gouvernement des juges (invention de 1920 par E. Lambert). Roosevelt élu président en 1932 a voulu mettre en place une politique de new deal, il fait adopter une série de droits pour permettre l’intervention de l’Etat dans l’économie. Ces droits ont été soumis à la Supreme court, mais certains juges étaient pour une non intervention dans l’économie, ils vont déclarer invalides les lois du New deal. Après plusieurs échecs, le président a réagi contre cette opposition et a menacé les juges de la cour de faire passer de 9 à 15 le nombre de juges pour obtenir sa majorité et faire accepter le New deal.

C’est une critique récurrente attribué au Conseil Constitutionnel qui a rendu des décisions qui traduisent un pouvoir d’interprétation trop importante de la constitution de 1958. La légitimité peut être fondée mais la contestation d’un gouvernement des juges plane sur leurs décisions.

Aujourd’hui, il y a un consensus qui se dessine en faveur de la reconnaissance de la qualité de juridiction au Conseil Constitutionnel qui est conçu comme étant une juridiction au sens contemporain du terme.

CJUE 30 mai 2013 C168-13 PPU : arrêt de la cour de justice rendu à l’occasion d’un renvoi préjudiciel fait par le Conseil Constitutionnel et dans cet arrêt, on voit qu’à 5 reprises dans l’arrêt la cour qualifie le Conseil Constitutionnel de juridiction de renvoi. Le Conseil Constitutionnel malgré, ses imperfections originelles, les conditions dans lesquelles cette juridiction est apparue le Conseil Constitutionnel a su gagner son brevet de juridiction.

Quand on regarde, la jurisprudence de la CJ sur ce que peut être une juridiction de renvoie elle utilise un faisceau d’indice et mobilise un certain nombre d’éléments : caractère contradictoire de la procédure, permanence, indépendance… . La CJ a repris ces critères s’agissant du Conseil Constitutionnel.

Le débat sur la légitimité n’est pas un débat clos car le Conseil Constitutionnel doit continuer à asseoir sa légitimité par le biais des décisions qu’il est amené à rendre. La prochaine étape serait celle de la transformation du Conseil Constitutionnel en véritable cour constitutionnelle comme en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Le conseil a dans l’histoire du droit français, dans l’histoire comparé des droits en Europe représente quelque chose de particulier, ce n’est pas une juridiction. Une étape doit être franchie. Ces dernières années il y a eu des réformes partielles avec la QPC qui est une réussite et toutes les professions juridiques en ont fait une réforme pleinement aboutie.

Le mode de nomination des membres du Conseil Constitutionnel reste insatisfaisant car elle est faite par des autorités politiques sans qu’aucune condition de diplôme et d’Age ne soit exigée. Ce sont des éléments qui doivent être modernisés pour répondre au standard moderne des juridictions constitutionnelles en Europe.