La lettre de change : l’aval (définition, condition, effet)

L’AVAL ET LA LETTRE DE CHANGE

Définition de l’aval de la lettre de change : L’aval est l’engagement pris par une personne, l’avaliseur, de payer un effet de commerce à l’échéance dans les mêmes conditions qu’un autre souscripteur, l’avalisé.

Art L 511-2

« Le paiement d’une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.
Cette garantie est fournie par un tiers ou même par un signataire de la lettre.
L’aval est donné soit sur la lettre de change ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu.
Il est exprimé par les mots « bon pour aval » ou par toute autre formule équivalente ; il est signé par le donneur d’aval.
Il est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d’aval apposée au recto de la lettre de change, sauf quand il s’agit de la signature du tiré ou de celle du tireur.
L’aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur.
Le donneur d’aval est tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant.
Son engagement est valable, alors même que l’obligation qu’il a garantie serait nulle pour toute cause autre qu’un vice de forme.
Quand il paie la lettre de change, le donneur d’aval acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change. »

Dans l’analyse dominante, l’avaliseur est considéré comme une caution solidaire, c’est-à-dire comme une caution accessoire.

L’ennui, c’est que cet engagement résulte d’une signature apposée sur le titre, donc engagement cambiaire

— il y a des règles propres qui dérogent au cautionnement !

§ 1 :Conditions de l’aval.

  • A) Conditions de fond.

On y trouve les conditions classiques de l’engagement cambiaire : capacité, pouvoir, cause.

  1. Les personnes pouvant être avalisées (garanties par un aval).

En principe: tout ceux qui seront signataire de la lettre de change au jour de l’échéance de cette lettre (sans exception).

— Un avaliseur peut être garanti par un avaliseur.

— On peut être avaliseur d’une personne qui n’est pas encore signataire, mais cet aval ne sera effectif que si au jour de l’échéance, cette personne sera devenue signataire.

  1. Qualité de l’avaliseur.

Principe : L’aval peut être fournit par n’importe quel tiers signataire ou non signataire de la lettre de change.

Exception: le tiré accepteur ne peut pas se porter avaliseur.

  1. L’époque de l’aval.

En principe: entre la création (l’émission de la lettre de change) et l’échéance de la lettre de change.

Exceptions :

– on peut fournir un aval avant que la lettre de change existe.

Dans ce cas, l’aval est fourni par un acte séparé ou apparait la référence des effets qui seront créés, le montant de cet effet, et l’échéance de cet ou de ces effets.

– On peut se porter avaliseur après l’échéance de la lettre de change.

A condition que cet aval intervienne avant l’établissement du protêt faute de paiement, ou à défaut avant expiration du délai pour faire dresser protêt faute de paiement (délai 10 jours).

  1. L’objet de l’aval.

Principe: garantir le paiement de la dette de l’avalisé à l’égard de tous les créanciers de l’avalisé.

Exceptions :

– Mais on peut restreindre l’aval à une partie de la dette de l’avalisé.

– On peut limiter l’aval à l’égard d’un seul porteur.

Ex : on est avaliseur de P1, mais uniquement à l’égard de P2 (si P3 réclame, on ne paye pas).

– on peut introduire une clause écartant la solidarité et obligeant le créancier cambiaire à s’adresser d’abord à l’avalisé et seulement ensuite à l’avaliseur.

(Bénéfice de discussion).

  • B) Les conditions de forme.

En vertu de l’art 511-21, l’aval peut être donné soit sur le titre lui-même soit sur un écrit séparé.

  1. Aval sur le titre.

Formule « bon pour aval » ou équivalent : « bon pour garantie », « bon pour caution ».

Cette formule doit être signée par l’avaliseur. En principe, elle doit être manuscrite.

–> Où doit figurer la signature.

  • Si la signature apparait au verso du titre,

la formule est obligatoire (sinon vaut pour endossement).

  • Si la signature est au recto,

En principe: la signature seule suffit.

Exception :

– si la signature émane du tiré (sinon ça vaut acceptation et pas avaliseur !).

– si la signature émane du tireur.

Il faut qu’il soit précisé que le tireur intervient en qualité d’avaliseur et en faveur de qui il intervient.

–> L’indication de la somme à payer.

Principe:Non impératif,

Exception: aval partiel.

–> Date.

Non impérative.

–> Si l’avaliseur n’indique pas qui est l’avalisé ?

Dans un 1er temps la jurisprudence a considéré que l’art 511-21 c.com énonçait une présomption simple.

(Art 511-21 al 6 : Il précise qu’en cas d’absence du nom du bénéficiaire, l’aval est réputé pour le tireur)

La jurisprudence dit que c’est une présomption simple, donc il est possible de la reverser. Le tireur à intérêt à la renverser.

Supposons qu’une personne décide de se porter avaliseur du tiré. Il signe la lettre de change sans indiquer le nom de l’avalisé.

Si la présomption est irréfragable, l’avaliseur va se retrouver avaliseur du tireur, donc que le tireur n’aura pas d’action contre lui.

— le tireur pensait avoir une action contre le tiré et contre l’avaliseur, n’a pas d’action contre l’avaliseur.

Le tireur désintéresse P1 et récupère la lettre de change. Il a une action cambiaire contre le tiré et l’avaliseur.

Si l’avaliseur ne dit pas pour qui il s’engage, il est avaliseur du tireur. Le tireur ne peut pas alors engager d’action.

Cette présomption est simple, on peut démontrer par tous moyens l’inverse pour pouvoir exercer des actions cambiaires contre l’avaliseur et contre le tiré.

Présomption simple pour protéger les tiers.

L’ennui est que la position n’a pas été admise par la C.cass. Arrêt 23 janvier 1956

L’art 511-21 al 6 n’édicte pas une règle de preuve mais sanctionne la méconnaissance d’une règle de fond (obligation de mentionner le nom de l’avalisé).

— on ne peut pas rapporter la preuve contraire, présomption irréfragable.

Les CA de renvoi refusent de s’incliner.

Les chambres réunies, arrêt 8 mars 1960.

L’art 511-21 al 6 n’édicte pas une règle de preuve, mais il n’édicte pas non plus de sanction.

Selon les chambres réunies, cet article oblige a mentionner dans la mention d’aval le nom du garantie et suppléer l’absence de cette prévision pour écarter toute incertitude sur la portée des engagements cambiaires.

— elle considère que l’art énonce une forme de parallélisme par équivalant. Si le nom de l’avalisé n’y est pas, où on sauve l’aval en considérant que l’avalisé est le tireur, ou bien l’aval est nul.

On ne peut pas démontrer que l’aval a été pour un autre signataire.

Quand on est le tireur, dans ce cas, ou bien on admet le jeu de la présomption (pas de recours contre lui) ou on détruit l’aval en démontrant que ce n’est pas notre avaliseur (pas d’action contre lui).

  1. L’aval par acte séparé.

Il est permis par l’art 511-21 al 3.

Cette disposition provient d’une réserve que

la France a émise au moment de la signature de la convention de Genève. Dans les autres pays, l’aval par acte séparé n’est pas permis.

Intérêt :

– ménager le crédit de l’avalisé.

Quelqu’un qui a besoin d’un aval ou d’une caution, en France est quelqu’un qui a des problèmes ! donc si l’aval ne figure pas dans le titre, on ne le voit pas, donc il peut avoir un crédit plus facilement.

– On peut viser plusieurs lettres de change.

– L’avaliseur n’est engagé qu’à l’égard de celui auquel il a promis sa garantie.

Même acte : On se trouve engagé contre toutes les personnes

Acte séparé : si on remet l’aval à P3, seul P3 a une action contre nous.

–> La signature.

Doit être manuscrite.

–> La mention du lieu ou est intervenu l’aval.

Tous les pays signataire n’ont pas autorisé l’aval par acte séparer. Il faut donc vérifier que le pays où l’aval à été fait autorisait l’aval par acte séparé.

–> L’aval doit comporter assez d’élément pour qu’il n’y ait pas de doute sur la nature, le montant et l’échéance de l’effet avalisé.

La mention doit être compréhensible.

–> Si l’avaliseur n’indique pas pour qui il s’est porté aval.

Logiquement, on aurait du adopter la même solution.

Mais la jurisprudence n’applique pas la solution :

La présomption est une présomption simple, la détermination de l’avalisé peut se faire par tout moyen (on est en matière commerciale !)

–> Lorsque l’aval est nul.

La jurisprudence admet qu’il peut constituer un commencement de preuve par écrit d’un engagement d’un acte de cautionnement.

Mais lorsque l’aval figurant sur le titre est nul, la jurisprudence considère qu’il ne peut pas constituer un commencement de preuve par écrit d’un acte de cautionnement.

(Lorsque l’aval figure sur le titre, présomption irréfragable, si il n’y figure pas, la présomption est simple).

La jurisprudence est illogique.

Lorsque la lettre de change est nulle l’aval figurant sur le titre peut constituer un commencement de preuve d’un engagement de caution. Par contre si elle est valable, l’aval figurant sur le titre sans indication de l’avalisé ne peut pas constituer un commencement de preuve du cautionnement.

§ 2 : Les effets de l’aval

Très important.

  • A) Les rapports de l’avaliseur et du porteur.

Plusieurs règles.

  • lorsque l’avaliseur signe la lettre de change, il souscrit une obligation cambiaire.

il est alors soumis aux principes de l’obligation cambiaire.

– inopposabilité des exceptions

L’avaliseur ne peut pas opposer au porteur qui l’actionne des exceptions issues de ces rapports personnels avec des tiers signataires ou non.

Par contre, l’avaliseur peut opposer des exceptions issues de ces rapports personnelles avec lui, des exceptions résultant de vices apparent du titre, d’absence de consentement, et l’exception d’incapacité.

– Le problème est qu’il est également soumis au principe de l’indépendance des signatures (art 511-21 al 8).

Art 511-21 al6.« L’engagement de l’avaliseur est valable alors même que l’obligation qu’il a garantie serait nul pour tout autre cause qu’un vice de forme ».

On en déduit que l’avaliseur reste engagé même si l’engagement de l’avalisé est nul pout incapacité de l’avalisé.

On en déduit que l’engagement de l’avaliseur est valable, même si le consentement de l’avalisé a été vicié.

Or si l’engagement de l’avalisé est vicié, l’avalisé a été victime d’un vice du consentement. Son engagement n’est pas nul !

Quand on est avaliseur, on ne peut pas se prévaloir des vices du consentement de l’avalisé.

L’engagement de l’avaliseur reste valable même si la signature de l’avalisé à été falsifiée !!!!

L’avalisé dont la signature a été falsifié n’est pas engagé ! Or l’avaliseur peut être engagé cambiairement que si l’avalisé l’est.

De plus lorsque l’avalisé voit sa signature imité, l’engagement n’est pas nul, il n’existe pas ! Il n’a jamais été engagé cambiairement !

— art 511-21 al 8 ne s’applique pas a cette hypothèse.

Enfin quand une personne voit ça signature imitée, c’est bien un vice de forme.

Art 5111-21 al 6 a contrario : l’engagement de l’avaliseur n’est pas valable alors même que l’obligation qu’il a garantie ne serait pas nul pour toute autre cause qu’un vice de forme.

  • il souscrit également une obligation accessoire.

Art 511-21 al 7. « Le donneur d’aval est tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant (l’avalisé) ».

Ça implique que l’avaliseur doit pouvoir invoquer tous les moyens de défense que pouvait invoquer l’avalisé à l’exception de l’incapacité de l’avalisé et plus généralement à l’exception de toutes les causes de nullités non apparentes qui affectent l’obligation de l’avalisé.

On va appliquer une règle: l’avaliseur peut invoquer toutes les exceptions inhérentes à la dette que peut invoquer l’avalisé. Par contre, l’avaliseur ne peut pas invoquer les exceptions inhérentes à la personne de l’avalisé.

Ex : l’exception de l’incapacité de l’avalisé. Il peut l’invoquer lui-même mais l’avaliseur ne peut pas l’invoquer.

L’avaliseur peut en revanche se prévaloir de l’exception de compensation, de prescription, qui sont des exceptions inhérentes à la dette.

En temps qu’avaliseur on est tenu comme un signataire classique.

Il est acquis que si l’avalisé n’est pas signataire du titre, son avaliseur n’est pas engagé cambiairement, sans qu’il y ait lieu de faire la différence entre celui qui n’a jamais signé ou dont la signature a été falsifiée.

  • B) Rapports avaliseur avalisé.
  • l’avaliseur est libéré par le paiement effectué par l’avalisé.

Si l’avalisé paye, l’avaliseur n’a pas à payer.

  • L’avaliseur qui paye le porteur dispose d’un recours contre l’avalisé (recours cambiaire et d’un recours extra cambiaire fondé sur leurs rapports personnels).

Mais l’avalisé qui désintéresse le porteur n’a pas de recours contre le porteur !

Le porteur qui exerce ensuite un recours contre l’avalisé, d’où vient se recours ?

L’art 511-21 al 9 précise que l’avaliseur qui désintéresse le porteur est en droit d’exercer contre l’avalisé les droits qui sont attachés au titre.

Schéma 12.

P2 actionne l’avaliseur. L’avaliseur a alors tous les droits du titre. Mais l’avaliseur n’est pas subrogé dans les droits du porteur. Si c’était le cas, on pourrait opposer toutes les exceptions comme si on était P2.

— Le tireur pourrait opposer à l’avaliseur toutes les exceptions qu’il pouvait opposer à P2. c’est faux !

Attention, beaucoup de bouquins disent qu’il y a subrogation ! c’est archi faux !

L’avaliseur peut alors :

– exercer une action cambiaire contre l’avalisé.

– Exercer une action cambiaire contre tous les signataires antérieurs.

  • C) Rapports avaliseur autres signataires.

– L’avaliseur est tenu en vertu de la lettre de change des mêmes recours que le signataire pour lequel il est intervenu.

Si on est avaliseur du bénéficiaire, on est tenu par P2 et P1

Dans le livre, il en tire une conséquence : en temps qu’avaliseur du tireur, l’avaliseur peut être contraint au paiement de la traite à l’égard du tiré accepteur qui a payé sans avoir reçu provision.

Normalement la 1ère chose que fait le porteur, il va voir le tiré pour être payé. Si le tiré n’a pas reçu provision et qu’il refuse il ne paye pas. Mais s’il a accepté, il ne peut pas opposer car c’est une exception entre lui et le tireur. Si le tireur a un avaliseur, cette obligation pèse sur le tireur et sur l’avaliseur.

– L’avaliseur qui a payé peut exercer tous les recours que le débiteur garanti aurait pu exercer s’il avait lui-même effectué le paiement.

Si on est avaliseur du bénéficiaire, on a un recours contre le tireur et le tiré.

L’avaliseur qui exerce ses recours n’est pas l’ayant cause du porteur qu’il a intéressé, mais il n’est pas non plus l’ayant cause de l’avalisé.

— Celui qui est actionné en paiement par l’avaliseur ne peut pas opposer à cet avaliseur les exceptions qu’il pouvait opposer à l’avalisé.

Schéma 13

P2 demande paiement au tiré qui refuse.

P2 a un recours cambiaire contre l’avaliseur du tireur (1).

L’avaliseur peut se retourner contre le tireur (avalisé) et contre le tiré accepteur (l’avalisé a une action cambiaire contre le tiré) (2).

Le tiré n’a pas eu de provision. Peut il l’opposer ? Non car l’avaliseur n’est pas l’ayant cause du tireur.

Le tiré accepteur a une action cambiaire contre le tireur et fait son recours contre l’avaliseur (3). Et l’avaliseur va refaire un recours contre le tiré (4) etc.

C’est illogique et ça conduit à une spirale sans fin !

Solution :

Quand on dit que le tiré a un recours contre le tireur, ce n’est pas une action cambiaire. Or l’avaliseur est tenu de tous les recours cambiaires. Il s’est engagé dans le cadre d’une lettre de change. Cette signature laisse vivre les actions extra cambiaires mais n’en crée pas.

— le tireur est tenu des obligations cambiaires du tiré.

Le tiré a un recours extra cambiaire contre le tireur mais pas contre l’avaliseur.