La liberté d’affectation comptable

La liberté d’affectation comptable

L’imposition des Bénéfices industriels et Commerciaux d’une entreprise va répondre à des règles fondamentales grâce auxquelles on va pouvoir déterminer le montant du bénéfice imposable.

La détermination d’un BIC va essentiellement résulter de la comptabilité. Il est donc normal que les principes qui gouvernent l’imposition des BIC soient comptables avant d’être fiscaux.

La liberté d’affectation comptable est un des 3 grands principes comptables avec la « théorie du bilan » et la « comptabilité d’engagement »

On ne considère que les entreprises individuelles qui relèvent du régime du bénéfice réel (normal ou simplifié). On distingue les entreprises individuelles classiques et les EIRL.

A- Les entreprises individuelles classiques

Comme tout principe il connait des limites.

1- Le principe

Une entreprise individuelle n’est pas dotée de la personnalité juridique. Néanmoins, on va lui reconnaître une « personnalité fiscale ». L’utilité consiste à déterminer un patrimoine professionnel. Ce patrimoine sera évalué à l’aide du bilan de l’entreprise qui équivaut à la valeur de l’entreprise.

La personnalité fiscale :

Juridiquement l’entreprise individuelle n’existe pas, la seule personne qui existe c’est la personne physique : chef d’entreprise / exploitant. Dans une entreprise individuelle, on ne peut s’adresser au plan fiscal qu’au chef d’entreprise, c’et lui qui constitue le contribuable car c’est la seule personne de l’entreprise. C’est donc lui qui devra payer l’IR du par son entreprise.

Au titre de l’IR, il doit déposer 2 déclarations :

La 1ère sera propre à sa seule activité professionnelle. Dans cette déclaration l’exploitant détermine le bénéfice imposable.

La 2nde c’est la 2042 : elle doit être déposée par tous les redevables de l’IR. Elle contient l’ensemble des revenus perçus par l’entrepreneur, et notamment les BIC déjà déclarés dans la 1ère. S’il a d’autres revenus, ils vont être déclarés dans cette déclaration. Ex un commerçant qui possède des actions en bourse, les dividendes doivent être déclarés dans la 2042.

Si l’entreprise individuelle n’est pas douée de la personnalité juridique, elle n’est pourtant pas totalement ignorée du droit fiscal, juridiquement elle n’existe pas, sauf pour le droit fiscal.

En effet, même si l’entreprise appartient au patrimoine privé de l’exploitant, elle constitue aussi son patrimoine professionnel de manière à la distinguer du patrimoine privé de l’exploitant. Ex : un plombier dispose d’un patrimoine contenant une partie privée (maison) et une partie professionnelle (atelier).

Cette distinction a pour enjeu fiscal le principe issu de la liberté d’entreprendre : chacun peut créer son entreprise et la diriger comme il l’entend. En application de ce principe, l’entrepreneur individuel est libre de choisir les éléments qui vont composer son patrimoine professionnel. C’est ce que l’on appelle le principe de liberté d’affectation comptable car l’exploitant peut choisir de laisser dans son patrimoine privé un élément qu’il utilise pour les besoins de son entreprise. Ex : le plombier peut choisir de placer son atelier dans son patrimoine privé. On parle d’affectation comptable car si l’exploitant choisit de placer une partie de son patrimoine privé dans son patrimoine professionnel, il devra inscrire cet élément au bilan de son entreprise.

Le bilan

Le bilan est une photographie de la comptabilité à un moment donné. Ce bilan permet non seulement de calculer le bénéfice de l’entreprise, mais aussi sa valeur, sa richesse. Ex : si Mario décide d’inscrire au bilan un élément qui faisait jusqu’alors partie de son patrimoine privé, il va enrichir son entreprise, il augmente sa valeur. Ex il choisit d’affecter sa maison au patrimoine professionnel, il va l’inscrire au bilan et donc augmenter la richesse de l’entreprise.

Toutefois, affecter un élément privé vers la partie professionnelle est déconseillé fiscalement car rarement avantageux. Ex : si un jour la résidence principale est vendue après avoir été affectée au bilan, elle peut dégager un bénéfice et sera donc imposable, alors qu’autrement elle était exonérée.

2- Les limites

Certain éléments de l’entreprise sont tellement liés à celle-ci qu’ils doivent obligatoirement être inscrits au bilan.

– Les éléments devant obligatoirement figurer au bilan

L’exploitant n’a pas le choix, il doit obligatoirement placer ces éléments dans le patrimoine professionnel, il doit les placer au bilan.

Il s’agit des éléments inséparables du fonds de commerce, composantes essentielles de ce fonds : clientèle et droit au bail.

La clientèle est indissociable du fonds, car quand on achète un fonds de commerce on achète un droit à la clientèle.

Le droit au bail est le droit de céder le bail. Le droit de mettre fin au bail peut ainsi être négocié auprès d’une autre entreprise. Ce droit au bail s’appelle aussi le pas de porte.

En revanche, d’autres éléments du fonds de commerce ne sont pas considérés comme inséparables de celui-ci donc l’exploitant peut choisir de les inscrire ai bilan ou non (ex : les marques).

Les stocks, créances et dettes commerciales doivent nécessairement figurer au bilan car ces éléments constituent l’objet même de l’entreprise. Dans une entreprise proprement commerciale, on ne voit pas comment les stocks pourraient ne pas être inscrits au bilan. Les créances et dettes commerciales intéressent principalement clients et fournisseurs.

– Les enjeux de la liberté d’affectation comptable

Si l’entreprise n’inscrit pas les éléments au bilan comme elle le doit, elle va connaître ce que l’on appelle une erreur comptable. Le propre de l’erreur comptable est que celle-ci peut être corrigée, soit par l’entreprise, soit par l’administration fiscale lors d’un contrôle.

Au contraire, s’agissant des éléments ne devant pas figurer obligatoirement au bilan, le choix fait par l’entrepreneur constitue une décision de gestion. Contrairement à l’erreur comptable, la décision de gestion est délibérée, c’est un acte volontaire, régulier, conforme à la loi, à la différence de l’erreur comptable qui n’est pas conforme au droit. Par conséquent, l’exploitant doit en assumer les conséquences.

Ex : la maison affectée au patrimoine professionnel ne peut plus bénéficier de l’exonération de la plus-value en cas de vente, exonération qui profite à la résidence principale des particuliers.

On ne peut pas revenir sur le passé pour remettre en cause une décision de gestion.

Ex : refaire passer la maison du patrimoine professionnel vers le patrimoine privé est considéré par le droit fiscal comme une cession qui elle-même pourrait dégager de la plus-value. L’opération n’est donc pas avantageuse. Tout transfert d’un bien du patrimoine pro vers le patrimoine privé est considéré par le droit fiscal comme une cession.

On remarque que le droit fiscal est aux antipodes du droit civil en ce qu’il ne consacre pas le principe d’unité et indivisibilité du patrimoine, c’est à dire qu’une seule personne détient les éléments du patrimoine, taxant jusqu’aux transferts s’opérant au sein de ce même patrimoine. Le droit fiscal différencie patrimoine professionnel et privé en taxant les plus-values.

Ce principe de liberté d’affectation comptable est propre à l’imposition des bénéfices. Il n’existe pas en matière de TVA : en effet, une entreprise ne peut déduire de la TVA sur l’achat d’un immeuble que si celui-ci est affecté à ses besoins, et ce qu’il soit ou non inscrit à son bilan.

B- Les EIRL : entreprises individuelles à responsabilité limitée

Le gros défaut de l’entreprise individuelle classique tient à la responsabilité personnelle du chef d’entreprise, de l’exploitant, il est responsable des dettes sur l’ensemble de son patrimoine au sens civil, c’est à dire autant à raison du patrimoine professionnel ou privé, donc peu importe que les biens soient inscris au bilan ou non. C’est pourquoi le législateur a créé l’EIRL qui limite la responsabilité de l’exploitant à son seul patrimoine professionnel. Cette EIRL est assimilée à une EURL. Mais l’EIRL n’est pas une société, elle reste une entreprise individuelle (donc son régie est + souple que celui de la société).

Pour se transformer en EIRL l’entrepreneur classique doit déposer au RCS une déclaration d’affectation. Dans cette déclaration l’exploitant désigne les biens affectés à l’activité professionnelle, sa responsabilité étant limitée à la valeur totale de ces biens. Pour préserver les droits des créanciers la liberté d’affectation est bien moindre que celle de l’EURL.

L’entrepreneur à responsabilité limité doit obligatoirement affecter au bilan les biens professionnel par nature (fonds de commerce, droit au bail, stocks, machine… tout ce qui permet à l’entreprise de fonctionner). La liberté d’info comptable ne peut s’exercer que pour les biens n’étant pas professionnels par nature sont nécessaire à l’exploitation, ex d’un immeuble. Les biens étrangers à l’activité professionnelle sont exclus du patrimoine professionnel, ils appartiennent obligatoirement au patrimoine privé.