Liberté d’opinion et d’expression du fonctionnaire

La liberté d’opinion et la liberté d’expression des agents de la fonction publique

> Tendance historique à l’alignement des droits du fonctionnaire sur ceux du citoyen. Les fonctionnaires sont des citoyens à part entière et jouissent donc des libertés publiques, mais avec des limitations pour l’exercice de certaines d’entre elles :

  • – la liberté d’opinion est expressément affirmée par la loi du 13 juillet 1983 (art. 6). Elle doit cependant se concilier avec l’obligation de neutralité et de respect du principe de laïcité ;
  • – la liberté d’expression ne doit pas contrevenir à l’obligation de réserve des fonctionnaires, dont il est difficile de tracer les limites ;

Paragraphe 1 – Définitions et fondements de la liberté d’opinion et d’expression du fonctionnaire.

1 – Distinctions.

> Les libertés d’Opinion & d’Expression se rapportent à la liberté de pensée.

> Ces deux libertés se distinguent sur un point essentiel :
 → La liberté d’opinion peut être considérer comme celle d’adhérer aux opinions de son choix, alors que la liberté d’expression est la manifestation extérieure de ces opinions.
> Si l’on peut distinguer ces deux types de libertés, certains textes les confondent (ex article 10 Conv EDH)

 2 – Fondements juridiques.

> Ces libertés trouvent leurs fondements dans différents textes.

Pour la liberté d’opinion :

 → Principe constitutionnel issu de l’art 10 DDHC.
 → Préambule de CONSTITUTION de 1946, alinéa 5. Cet alinéa concerne plus précisément la liberté d’opinion dans le monde du travail.
 → Convention EDH, article 10. On peut citer aussi citer l’Article 9 sur la liberté de pensée et de conscience.
 → Cette liberté d’opinion a aussi un rang législatif car figure dans le statut général des fonctionnaires de 1983 à l’Article 6 du titre 1.

Pour la liberté d’expression :

 → Principe constitutionnel : Article 11 de la DDHC.
 → Article 10 Conv EDH (confondu avec la liberté d’opinion).
La liberté d’expression n’est pas consacrée dans la statut général des fonctionnaires car jurisprudence bien assise sur cette liberté.

Paragraphe 2 – L’étendue des libertés d’opinion et d’expression du fonctionnaire.

1 – Le caractère quasi absolu de la liberté d’opinion du fonctionnaire.

> Historiquement, cette liberté d’opinion à varié. Sous les régimes autoritaires, elle était très restreinte. L’un des instruments privilégiés de ce contrôle fut la prestation de serment de fidélité au chef de l’Etat (notamment exigée de la part des fonctionnaires durant les 2 empires et sous le régime de Vichy).

 → Aujourd’hui encore, les magistrats prêtent encore serment dès leur entrée en fonction « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat »

> Interdiction pour l’administration de faire des distinctions entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions.

 → Article 6 du Statut de la Finance Publique.
> Cette interdiction est complétée par une autre interdiction (Art 18 du Titre 1), celle faite à l’administration de faire état, dans son dossier personnel, des opinions du fonctionnaire.

> La mise en œuvre de cette interdiction de principe de distinction se retrouve dans plusieurs affaires célèbres :

 → Affaire des fiches
 → Arrêt BAREL de 1954 qui concerne l’affaire des candidats communistes au concours de l’ENA.
 → Arrêt El ADIOUI sur le commissaire tunisien à qui on a posé des question abusées.

> Mais exception pour les agents qui occupent un emploi supérieur dans la Finance Publique (notamment Finance Publique d’Etat), fonctions marquées par une proximité politique.

 → On estime qu’il est nécessaire qu’il y ait un grand loyalisme politique, lequel vient entamer cette liberté d’opinion.
→ Il est alors possible de mettre fin aux fonctions de ces agents en prenant en considération leurs opinions politiques.

 2 – Le caractère relatif de la liberté d’expression du fonctionnaire.

> L’étendue de la liberté d’expression varie selon son statut, ses fonctions etc.

> Il faut faire une distinction entre la liberté d’expression du fonctionnaire dans et hors de ses fonctions.

a- Dans l’exécution du service.

> Conseil d’Etat : Interdiction de manifester ses opinions de quelque manière que ce soit.

 → Justifié par la nécessaire neutralité du service public.

> Exception : les enseignants du supérieurs sont en revanche autorisés à manifester leurs opinions dans l’exercice de leurs fonctions, en application du Principe constitutionnel d’indépendance.

 → Consacré par la loi dans le code de l’Education, article L952-2.
 → Ce Principe est justifié dans une décision du Conseil Constitutionnel du 20 janvier 1984 :
→ « C’est la nature même de leur fonction qui exige cette garantie ». Il faut que les enseignants puissent user d’une manière large de la liberté d’expression.
Cette liberté d’expression du supérieur ne bénéficie pas aux enseignants du secondaire. La Jurisprudence administrative l’a souligné à plusieurs reprises.
Cette liberté d’expression du supérieur n’est pas non plus absolue et ne doit pas mener à des abus : principes de tolérance & objectivité sont de rigueur !

b- En dehors du service.

> En dehors du service, la liberté est admises bien plus largement que dans l’exercice des fonctions.

 → Les agents sont libres de manifester leurs opinions religieuses, politiques, philosophiques.

> Mais une limite : obligation de réserve.

 → Reconnu explicitement par le Conseil d’Etat dans un Arrêt du 11 janvier 1935 ‘Bouzanquet’. Il s’agit pour le fonctionnaire d’observer une retenue dans l’expression de ses opinions, sous peine de s’exposer à des sanctions disciplinaires. En effet, le comportement de l’agent ne doit pas jeter le discrédit sur l’administration. Cette obligation se rapporte au bon fonctionnement du service public.
Cela illustre que le fonctionnaire n’est pas un citoyen comme les autres.

L’intensité variable de l’obligation de réserve.
> Ne saurait s’imposer à tous les agents et dans n’importe quelle circonstance. Plusieurs critères guident le juge pour déterminer l’étendue de cette obligation :
 → 1/ La nature des fonctions. Il existe des agents qui exercent des fonctions pour lesquelles est exigée une obligation de réserve très étendue (notamment les agents qui exercent des fonctions régaliennes : police, magistrats, militaires etc).
 → 2/ Le rang hiérarchique de l’agent. Plus ce rang est élevé, plus l’obligation de réserve est étendue. Parfois, devoir de loyauté.
 → 3/ Le lien entre les propos tenus et le service auquel appartient l’agent. Plus ce lien est important, plus l’obligation de réserve est importante.
 → 4/ Le lieu où l’agent s’exprime. L’obligation de réserve sera plus forte si l’agent s’exprime à l’étranger.
 → 5/ L’exercice de responsabilité syndicale. Cela atténue l’obligation de réserve. Un responsable syndical devra pouvoir s’exprimer plus librement qu’un employé lambda.

Le juge français n’est pas le seul à fixer des limites de cette liberté d’expression des agents publics. IL faut aussi prendre en compte la Jurisprudence de la CEDH : Vogt c/ Allemagne.