La liberté du juge dans la fixation de la peine

LA LIBERTÉ DU JUGE DANS LA FIXATION DE LA PEINE

Après avoir étudié les différentes peines, voyons maintenant le régime de celles-ci, donc le régime des peines. En effet, une fois les différentes peines inventoriées, il convient d’étudier les modalités selon lesquelles elles vont être appliquées. Il faut donc aborder maintenant le régime de la peine pour reprendre la formulation du Nouveau Code Pénal.

Nous tenterons de dresser un panorama des nombreux aspects régissant l’application d’une peine à un délinquant ayant commis une infraction.

Il faut noter là encore que la loi du 9 mars 2004, la Loi Perben II, s’est tout particulièrement intéressée à la question de l’application des peines. Cette phase est très importante au regard notamment des problèmes de réinsertion des condamnés, mais aussi au regard de la prévention de la récidive. Doivent en effet être pris en considération des intérêts tout à fait divergents : ceux du condamné, les intérêts de la société, mais aussi l’organisation de l’Administration pénitentiaire et enfin les intérêts de la victime elle-même.

Commençons l’étude du régime de la peine par l’étude de la liberté du juge dans la fixation de la peine.

L’on assiste depuis la fin du 19ème siècle à un développement constant et de plus en plus large du rôle du juge dans ce que l’on appelle l’individualisation des peines. Le prononcé d’une sanction ne présente plus depuis longtemps aucun caractère d’automaticité. L’équation telle infraction = telle peine n’a plus cours. Il faut désormais prendre en compte l’acte commis, mais aussi les circonstances qui l’entourent ainsi que la personnalité de l’auteur. Cette individualisation de la peine, absolument nécessaire bien entendu, s’effectue en fait sur deux plans : d’une part celui de la fixation de la peine elle-même et d’autre part celui de la personnalisation de la peine.

— Premier aspect : la détermination de la peine par le juge.

A la différence de la détermination de la culpabilité d’un délinquant, c’est une question droite soumise au contrôle de la Cour de Cassation, la fixation de la peine en cas de condamnation est une question de fait laissée au pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond. Ce pouvoir discrétionnaire n’est toutefois pas sans limite, et le législateur prévoit un certain nombre de règles qui vont venir soit améliorer, soit aggraver le sort du condamné et qui pourront ou devront être prises en compte par le juge.

Avant toute chose, il importe de préciser que le juge est libre dans la détermination de la peine mais aussi, de façon plus large, qu’il est libre dans le choix de la sanction. Il peut en effet décider de prononcer une mesure de sûreté ; nous avons vu ce que c’était, un traitement médical pour un toxicomane par exemple ou décider une mesure éducative s’il s’agit d’un délinquant mineur, pour citer cet exemple. En outre, comme nous le verrons plus loin, le juge peut décider de dispenser purement et simplement de toute peine le délinquant ou d’ajourner celle-ci.

Au titre des garanties générales reconnues aux personnes condamnées, l’article 132-17 du Code énonce qu’aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l’a expressément prononcée. C’est l’affirmation de la suppression des peines automatiques et obligatoires qui prenaient parfois un caractère clandestin en quelque sorte, le condamné n’en ayant pas toujours connaissance. Le second alinéa de l’article dispos que la juridiction ne peut prononcer que l’une des peines encourues pour l’infraction dont elle est saisi. Donc des garanties générales reconnues aux personnes condamnées et la suppression évidemment de l’automaticité et du caractère obligatoire des peines.

Le juge joue à l’évidence un rôle essentiel dans la fixation de la peine puisqu’il va d’une part, choisir le type de peine et d’autre part, décider de son quantum.

Il n’a pas à motiver sa décision. L’idée d’imposer au juge une motivation relative au choix ou à l’importance de la peine qu’il aura pu choisir n’a jamais été sérieusement reconnue.

On peut citer simplement un des rares cas de motivation imposée au Juge par le Nouveau Code Pénal, il se trouve en matière correctionnelle. Dans cette situation, le juge doit ici justifier pourquoi il a décidé une peine d’emprisonnement sans sursis au lieu d’une peine d’amende ou d’une peine alternative, considérées évidemment comme des peines moins désocialisantes que la prison. Donc, quand il décide de prononcer une peine relative à un emprisonnement, il est tenu de justifier.

Donc voilà pour le premier point, la détermination de la peine, le choix de la peine.

— Deuxième aspect, le quantum de la peine.

Au regard du quantum c’est-à-dire de la durée des peines ou encore du montant des amendes on l’aura compris, c’est le juge qui décide librement dans les limites des maxima évidemment prévus par le législateur, puisque les minima ont été supprimés comme vous le savez depuis le Nouveau Code pénal. Donc, dans la limite de ces maxima, le Juge va décider du quantum de la peine.

  • S’agissant des peines privatives de liberté, le seul cas où le Juge n’a pas une totale liberté dans la mansuétude, dirons-nous, se trouve en matière criminelle avec ici le maintien d’un seuil minimum de la peine.

En effet, si la peine encourue est la réclusion – donc la peine encourue et non pas la peine prononcée – est la réclusion ou la détention à perpétuité, le minimum de la peine prononcée sera de 2 ans.

En revanche, si la peine encourue est la réclusion ou la détention à temps cette fois et non pas à perpétuité, le minimum sera d’un an. Donc, un minimum, une sorte de plancher a été prévu uniquement en matière criminelle.

  • S’agissant des peines d’amende, le Juge doit, selon l’article 132-24, adapter le montant de celle-ci aux ressources et aux charges du condamné – on en avait déjà dit un mot.
  • S’agissant des peines alternatives cette fois, le législateur prévoit parfois un minimum, par exemple en matière de travail d’intérêt général – je vous renvoie à ce que nous avons dit à ce propos – mais, en dehors des cas particuliers, le juge est libre dans la limite, là encore, des maxima prévus par le législateur.
  • S’agissant des circonstances atténuantes, comme vous le savez, celles-ci ont été supprimées textuellement dans le Nouveau Code pénal, mais cela ne veut pas dire qu’elles ont complètement disparues, elles continuent d’exister implicitement, le législateur ne prévoyant plus que les peines plafond, sauf – comme on vient de le dire – pour la prison en matière criminelle, et bien le juge apprécie donc désormais tout à fait librement l’indulgence, la mansuétude qu’il veut appliquer sans avoir à motiver sa décision d’octroyer le bénéfice de circonstances atténuantes.
  • S’agissant de l’excuse de provocation, en en a déjà dit un mot, celle-ci a été supprimée également dans le nouveau Code, elle prévoyait un abaissement de peine en cas de provocation mais selon un barème extrêmement précis. Et bien, cette cause de réduction de peine est désormais là encore librement appréciée par le Juge qui en tient compte ou non lors de la fixation de la peine.

Donc un quantum de peines laissé à la libre appréciation du juge dans la limite des maxima bien entendu quel que soit le type de peines, peine principale, peine alternative ou encore dans le cadre des excuses ou des circonstances atténuantes.