La liberté du patient et la règle du consentement au soin

La liberté du patient

La liberté et la dignité du patient sont des principes soumis à une interprétation du juge et du législateur fondée sur une logique bioéthique (ex : gestation pour autrui, fin de vie,…). Il s’agit des droits des patients opposables aux médecins ou aux établissements de santé.

A- La règle du libre choix

La règle du libre choix du médecin est traditionnelle en matière de médecine libérale. On peut le définir comme la liberté pour le patient de choisir son praticien ou son établissement de santé. On a une protection de cette liberté par la législation sociale. L’article L. 162-2 du CSSgarantit cette liberté. On n’impose donc aucun médecin au malade. La législation sanitaire aussi protégé cette liberté du patient avec l’article L. 1110-8 du Code de la Santé Publique. Cet article prévoit que les limites apportées par les régimes de protection sociale doivent être prévues en considération des capacités techniques des établissements notamment.

On voit donc que l’on a un principe que la loi qualifie de fondamental en droit de la santé mais des exceptions sont prévues, on peut même dire que ce sont des exceptions exceptionnelles car il s’agit d’exceptions matérielles. Comme c’est un principe fondamental, seul le Législateur a compétence pour restreindre cette liberté du patient car quand le Code de la Santé Publique parle de « principe fondamental du droit de la santé », il renvoi à l’article 34 de la Constitution. Cela montre donc l’importance du principe et de son enjeu : pas de modification réglementaire.

Dans le cas inverse, il y aurait une sectorisation des patients en fonction du lieu de résidence des malades. Cela n’est pas possible car on respecte une liberté individuelle relative à la santé individuelle de chacun. On respecte aussi l’idée que la relation de soin entre le patient et le médecin est fondé sur la confiance et non sur un acte administratif « autoritaire ». C’est donc un principe de confiance dans la relation de soin qui est importante chez le patient. Cela se justifie aussi du côté du professionnel car en cas de sectorisation le médecin perd de son indépendance car on lui imposerait une clientèle. La non sectorisation garantie aussi de l’autorité du médecin car le patient est présent en raison d’un acte de volonté.

Il existe une restriction dans la législation actuelle : elle est liée à l’obligation de désigner un médecin traitant. C’est déjà une petite entrave à la liberté de choix du patient. Cette règle existe car elle permet un contrôle de l’accès aux médecins spécialistes et donc un contrôle des deniers publics. Une restriction trop contraignante n’est pas possible car il est probable que cette liberté de choix du patient se rattache à des libertés d’ordre constitutionnel.

B- La règle du consentement au soin

1- Le principe du consentement au soin

Cela peut paraître comme un principe évident aujourd’hui mais c’est un principe qui a été formellement consacré dans ce qu’on appelle le code de Nuremberg. Lors des procès de Nuremberg, on a dégagé des principes sur lesquels les juges se sont appuyés pour juger de la responsabilité des nazis. Dans ces principes, il y avait un certain nombre de dispositions concernant le droit de la santé, plus particulièrement le consentement en matière médicale. C’est notamment l’article 1er du code de Nuremberg qui dit que : « il est absolument nécessaire d’obtenir le consentement volontaire du malade avant tout traitement ». C’est à Nuremberg que l’on consacre pour la première fois l’interdiction de pratiquer des actes médicaux sur une personne sans son consentement préalable. On retrouve déjà l’idée d’inviolabilité du corps humain.

En droit positif, c’est l’article 16-3 du code civil qui pose ce principe du consentement préalable nécessaire. Il y a un certain nombre de décisions du Conseil constitutionnel constitutionnalisant ce principe. On a bien sur la codification dans le Code de la Santé Publique : article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique. Ce dernier va même plus loin car il établit une sorte de codécision patient-médecin avant toute intervention. Il s’agit de prendre en compte le ressenti du patient mais en réalité il faut prendre en compte le fait que le professionnel a des connaissances et techniques que le patient n’a pas. Mais, cela signifie que la relation entre le médecin et le patient n’est plus fondée sur l’idée d’autorité mais que le médecin doit écouter son patient. La rédaction de l’article doit être soulignée car elle se place de façon originale du point de vue du patient et non de celui du professionnel de santé.

On peut rattacher ce principe à la dignité de la personne, la liberté individuelle et l’inviolabilité. Conseil d’Etat. 16 août 2002. Feuillatey: le Conseil d’Etat reconnaît expressément le consentement libre et éclairé comme une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA.

Concernant le contenu, le consentement doit être éclairé. Le médecin a donc une obligation d’information exhaustive dans le sens où le médecin présente les avantages et les risques. La codécision se fonde sur le caractère éclairé du consentement c’est-à-dire que le médecin ne peut pas procéder par autorité en demandant à son patient de lui faire conscience.

Il s’agit notamment de la question des dons d’organes. Il est impossible de prélever un organe sur une personne vivante sans avoir recueilli son consentement et avoir éclairé tous les aboutissements de l’acte de dons. Pour le médecin, il y a donc une obligation d’informations (psychologique, risques, avantages, suites de l’opération,…). Il faut présenter les conséquences possibles.

2- Les modalités particulières de mise en œuvre du principe du consentement

Il s’agit de la question de la personne qui ne peut pas exprimer sa volonté comme par exemple une personne dans le coma suite à un accident. Dans ce cas, la personne ne peut pas donner son consentement et donc en dehors des cas de nécessité soudaine, on se demande comment ça se passe.

Le Code de la Santé Publique a prévu une personne de confiance que le médecin doit absolument consulter. C’est l’article L. 1111-6 du Code de la Santé Publique. Une personne majeure désigne une personne de confiance qui peut être un parent, un proche, le médecin traitant. Cette personne sera consultée au cas où la première est dans l’incapacité d’exprimer son consentement et de recevoir des informations. La désignation se fait par écrit et est révocable à tout moment. C’est une faculté peu connue aujourd’hui. En cas d’absence de cet acte, le médecin fait appelle à un membre de la famille en fonction du degré de proximité avec le patient. Pendant longtemps, on ne parlait pas de tiers de confiance mais de protecteur naturel qui sous entendait le père, la mère, le conjoint et les enfants. Le changement a été opéré par la loi de 2002.

Il peut aussi d’agir de la personne qui ne peut pas donner juridiquement son consentement : majeur sous tutelle et mineur (article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique). On applique pas en droit de la santé les règles strictes de la capacité juridique. La question est plus épineuse en droit de la santé car tout mineur ou majeur sous tutelle garde le droit de l’intimité par rapport à son corps. Pendant longtemps, on a méprisé le corps du malade psychotique dans des asiles d’aliénés. C’est un progrès de notre droit de ne pas avoir une interprétation restrictive de la capacité juridique et d’accepter que sur cette question intime le mineur ou majeur sous tutelle doit être consulté, même doit pouvoir donner son consentement. Le Code de la Santé Publique a consacré le principe selon lequel le consentement du mineur doit être systématiquement recherché dès lors qu’il est apte à prononcer sa volonté. Dans ce cas, on en revient même à un principe de codécision et d’information du patient.

Le problème est qu’en pratique cela n’est pas suffisamment fait. On conserve une forme d’autorité sur le mineur ou le majeur sous tutelle. On garde donc un paternalisme qui a vocation à changer car il y a des nombreux débats aujourd’hui sur l’inviolabilité du corps de l’enfant et du majeur sous tutelle. Des débats caricaturés ont eu lieu devant la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment sur la question de la circonscription. Il faut toujours veiller à concourir le respect de la personne humaine car ce n’est pas un acquis. On retrouve toujours cette idée que l’on peut finalement contraindre plus facilement physiquement les gens pas très « rationnels » ou du moins en situation de faiblesse. Il s’agit donc d’un combat incessant sur cette question. Il n’y a pas d’égalité face à l’inviolabilité du corps humain.

Dans le cas d’un majeur qui s’oppose à des soins sur le mineur, il s’agit notamment de la question de la transfusion sanguine, le médecin peut passer outre le consentement des parents. Dans le cas du mineur qui s’oppose à ce que l’on consulte ses parents, le mineur en âge d’exprimer son consentement peut consulter un médecin et demander à ce dernier de ne pas consulter ses propres parents. Le mineur peut donc s’opposer expressément à la consultation par le médecin des titulaires de l’autorité parentale : article L. 1111-5 du Code de la Santé Publique. Le médecin doit cependant tout faire pour convaincre le mineur qu’il est nécessaire de recueillir l’avis de ses parents. Mais le médecin ne doit faire que tenter de convaincre et ne doit pas passer outre la décision du mineur. Le but est de conserver le secret médical sur l’état de santé de l’enfant (cela ne signifie pas la mise en danger). En cas de mise en danger du mineur, le médecin doit en avertir les parents. Cela concerne par exemple un mineur souhaitant pratiquer une IVG.

3- Les limites du principe du consentement au soin

Il y a un certain nombre de cas prévus dans lesquels on oblige un patient à recevoir des soins. Il s’agit notamment des vaccins obligatoires, notamment pour les militaires.

Il est possible d’imposer à un patient des soins psychiatriques sans son consentement. C’est l’hypothèse des soins psychiatriques ou de l’enfermement psychiatrique décidé par l’autorité préfectorale en cas d’urgence et de risque imminent pour la vie et la santé du patient. Généralement, la personne est considérée comme dangereuse pour elle même (cas notamment du suicide). C’est le cas aussi d’une mesure prise à l’initiative d’un tiers : un membre de la famille peut demander à l’autorité publique d’interner un proche.

Il y a tout de même des garanties car un collège d’experts se prononce, des délais au delà desquels la personne ne peut plus être enfermé, un recours au juge des libertés.

Autre limite, c’est la question des soins prodigués en cas de refus explicite de la personne. Le problème est de savoir s’il faut prodiguer des soins lorsque ceux ci sont absolument nécessaires à la survie de la personne. C’est le problème classique du refus de la transfusion sanguine. Avant la loi de 2002, il y avait Conseil d’Etat. Ass. 26 octobre 2001. Senanayake: le Conseil d’Etat considère que le médecin qui pratique une transfusion sanguine pour sauver le patient ne commet pas de faute alors même qu’il s’est heurté à une opposition formelle du patient ou des parents s’agissant de l’enfant mineur. Il précise qu’il faut que l’acte ait eu pour but de sauver le malade et qu’il soit indispensable à la vie du patient (aucune alternative à la transfusion du sanguine et proportionnalité avec l’objectif) pour qu’i ne soit pas fautif. La loi du 4 mars 20002 donne l’article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique qui dit que si la volonté de la personne de refuser met sa vie en danger, le médecin peut ne peut que tout mettre en oeuvre pour la tenter de convaincre d’accepter les soins indispensables. Ainsi, cette réforme, en théorie, venait condamner la jurisprudence Senanayake. Le Conseil d’Etat s’est à nouveau prononcé avec Conseil d’Etat. 16 aout 2002. Feuillatey: il réaffirme le principe du consentement comme liberté fondamentale et pose une exception reprenant le considérant de principe de Senanayake.

Cela traduit l’idée que le Conseil d’Etat a de la liberté individuelle. Selon lui, elle doit céder devant des impératifs comme le danger de mort qu’il considère inacceptable socialement.