Droit comparé de la gestion des administrations ministérielles

Comparaison des nouvelles formes de management des administrations ministérielles dans le monde

Dans ce cours, nous allons également étudier comment est organisé l’Administration centrale, quels sont les moyens mis à disposition pour remplir les missions qui lui sont assignées. Si le modèle de base, c’est l’administration ministérielle, ce mode d’organisation a été fortement concurrencé. On assiste à une diversification qui vise à parvenir à une meilleure efficacité de l’action. Nous étudierons par exemple :

– le développement des organismes extérieurs aux ministères qui permettent de soutenir l’activité et les objectifs de ces ministères.

– le new public management (ou Nouvelle Gestion Publique), le développement des agences

I – Le développement des organismes extérieurs à l’administration ministérielle


C’est une caractéristique générale dans l’évolution de l’administration ministérielle de connaître le développement d’organismes opérationnels placés en dehors de la hiérarchie ministérielle mais sous l’autorité du ministre et de l’Administration centrale.

Au Royaume-Uni, pendant très longtemps, le développement de ces non departmental public bodies a été décrit comme un moyen efficace d’assure un certain nombre de missions de l’Etat puisqu’on pouvait confier une tâche à une organisation déterminée établie par une loi, doté de moyens propres dont les dirigeants pouvaient être responsables. Le nombre de ces organismes n’a cessé de croître et en 2010, lorsque le gouvernement Cameron cherche à faire des économies, on recense 904 organismes. C’est un ensemble d’organismes jugé difficile à contrôler et qui coûtent cher (ils sont devenus l’opposé de ce pourquoi ils étaient faits). Les tâches exercées par nombre de ces organismes vont être soit supprimées soit réintégrées dans l’Administration classique.



La France n’est pas à l’abri de ces évolutions et il existe un grand nombre d’établissements publics nationaux rattachés aux différents ministères chargés de mettre en œuvre les politiques définies par le gouvernement. La perception des enjeux d’efficacité des actions publiques n’est pas récente. On peut citer des rapports du Conseil d’Etat de 1972 et 1977 en vue de la mise en place de centre de décisions et de responsabilité. Le Conseil d’Etat soutenait le point de vue que de plutôt de créer de nouvelles organisations, il valait mieux moderniser dans l’Administration existante. Il n’a pas été écouté et on a surtout eu recours à la création d’établissements publics nationaux ou d’associations ou de groupement d’intérêt public (GIP). Pour le moment, il n’y a pas eu de retour en arrière mais même à une multiplication avec cette particularité que si le mot agence suggère une identité unique, ce n’est pas vrai car on appelle agence à peu près tout et n’importe quoi (Agence nationale des titres sécurisés (EPA), Agence nationale pour l’information sur le logement (association loi 1901), Agence française de lutte contre le dopage (autorité publique indépendante).

Résultat de recherche d'images pour "ministere"
II – La critique de l’administration ministérielle sous l’influence du New Public Management et les réformes inspirées par la thématique de l’agence

On a déjà vu à quels abus le terme agence pouvait mener (en France, de nombreuses agences mais avec des statuts différents)

Pour comprendre l’importation de ce vocable dans notre administration, il faut revenir à la source, aux doctrines, aux idéologies, qui ont inspiré les réformes administratives. Il s’est constitué au fil des années depuis le début des années 1980, un discours unificateur sur l’agence diffusé par un certain nombre de grandes organisations internationales notamment l’OCDE. De nombreux gouvernement l’ont repris à leur compte si bien que ce qu’on appelle agence devient la référence à un modèle d’organisation administratif, pas très clairement défini dans ses composantes mais qui est soutenu par une idée : l’administration traditionnelle est coûteuse et inefficace et il faut introduire de nouvelles méthodes d’organisation et de gestion pour augmenter son efficacité et réduire son coût.

L’OCDE qui a joué un rôle très important dans sa diffusion est devenu beaucoup plus prudente. Dans les rapports des années 1980-1990, il s’agissait de réduire les coûts. Vers la fin des années 2000, elle est plus sensible aux effets pervers de certaines de ces réformes qui ont conduit à une fragmentation des appareils administratifs qui soulève à son tour des problèmes de gestion et de coordination.

Commençons par résumer ce qui est l’essentiel du new public management.
Il y a eu beaucoup de littérature. Elle ne se résume pas à la question des agences.
Pour ce qui concerne tout au moins les missions qui ne convient pas aux secteurs privés car l’article 1er de la nouvelle gestion publique est de dire qu’il faut transférer au privé tout ce qui peut l’être et l’Etat ne doit garder que ce qu’il paraît impossible de traiter en cherchant des réponses de marché.

Quels sont les principes essentiels pour ces missions ?
1° La gestion doit être orienté en fonction des résultats visés.
2° Les gestionnaires doivent être responsables des résultats obtenus.
3° Pour cela, il faut assurer une séparation des fonctions managériales et des responsabilités politiques. Pour que les managers soient responsables, il faut que leur fonction soit séparée du politique.
4° Il faut déterminer des missions précises avec des objectifs en fonction desquels les moyens sont alloués de manière à permettre une évaluation. Or on n’est pas toujours capable de définir des missions et des objectifs précis pour des raisons politiques.
5° L’administration doit être plus ouverte et réactive afin d’agir avec plus d’efficacité.

Ces principes expriment en creux une critique de l’administration ministérielle traditionnelle caractérisée par la hiérarchie, l’intégration des fonctions sous l’autorité des ministres, des contrôles qui visent à assurer la régularité de l’action administrative.
A l’inverse, on estime qu’il faut parvenir à une plus grande spécialisation des organisations administratives et que les responsables aient une plus grande autonomie de gestion. Finalement, ce qu’on appelle couramment l’agence, cela désigne à peu près tout type d’organisation administrative qui réunit ces deux dernières caractéristiques : spécialisation des tâches et autonomie de gestion afin de permettre l’évaluation du gestionnaire.

Des modes d’organisation très variés peuvent répondre à ces caractéristiques. Selon les pays, l’agence a pris des formes très différentes. En général, elles sont conditionnées par l’héritage administratif, la tradition, les structures existantes et aussi ce nouveau référentiel a été utilisé de manière plus ou moins extensive. Certains pays ont fait des réformes radicales (Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni). D’autres pays ont plutôt adapté leurs discours et quelques institutions sans introduire des changements très importants dans leur organisation administrative.

Deux pays ont été souvent cités comme la source de ce mouvement : la Suède et les Etats-Unis (cf. supra). Mais c’est sur la base d’un malentendu. Ces organisations ont été créées bien avant que les préceptes du new public management ne soient posés. En effet, aux Etats-Unis et en Suède, on s’est pressé d’introduire ces préceptes qui étaient censés découler de leur propre expérience !

En se référant au dernier rapport de 2002, Les autres visages de la gouvernance publique, on peut considérer que ce qu’on appelle agence se distingue d’un ministère par les caractères suivants :
– l’existence d’une seule mission (ministère : variété de missions administratives)
– autonomie de gestion supérieure aux services administratifs traditionnels
– des modes de contrôle différents insistant sur les résultats atteints plutôt que sur le respect des règles
On peut relativiser : la spécialisation et l’autonomie peut être plus ou moins étroite. En outre, le contrôle est quand même toujours présent.

Dans un autre rapport, Moderniser l’Etat, on trouve une approche plus prudente sensible aux effets pervers. On lit ainsi « les changements structurels qu’il s’agisse du démantèlement d’organisations existantes ou de la création de nouvelles organisations ne peuvent être entrepris à la légère. Le démantèlement d’organisations peut entraîner une perte de continuité, de mémoire institutionnelle et de capacité à long terme. La prolifération d’organismes publics indépendants, plus ou moins autonomes, rend difficile toute action collective ou coordination. »

L’agence ainsi comprise ne peut pas être confondue avec une autorité de régulation. La confusion est entretenue par le fait qu’on emploie souvent n’importe quel mot. Ainsi, en Allemagne, la loi du 13 juillet 2005 a créé l’Agence de régulation des réseaux qui elle est autorité de régulation (elle construit un marché, veille à son bon fonctionnement et à la réalisation d’autres objectifs d’intérêt général que le seul fonctionnement du marché permettrait d’atteindre). Les agences sont créées pour assumer des fonctions opérationnelles : délivrer des passeports, gérer le paiement de prestations sociales etc.

Ce débat sur les agences que nous connaissons n’est pas sans rappeler quelques débats qui ont eu lieu il y a quelques dizaines d’années. Il y a eu en France, sous la IIIe République, un débat sur les offices. A l’époque, le terme office n’avait pas de signification juridique précise. Il était utilisé pour désigner toute sorte d’organisme administratif nouveau doté d’un degré variable d’individualité administrative par leurs missions, leur organisation allant parfois jusqu’à la personnalité morale. Cette tendance s’est développée entre-deux guerre par des auteurs (Duguit notamment) au nom de la compétence technique et de l’efficacité. Ces réformes administratives ont soutenu ce que les professeurs de Droit ont appelé la décentralisation par services. On retrouve bien des idées qui ont été reprisé dans le new public management dans les années 1980. Par la suite, le développement de ces offices a suscité de vives critiques en raison de leur capacité à échapper aux mesures d’économie, de leur gestion plus opaque et leur contrôle plus difficile. Le Conseil d’Etat avait préconisé des réformes de la gestion publique pour lesquelles il n’estimait pas nécessaire de créer de nouvelles structures (rapports de 1971, 1977-1977). Le Conseil d’Etat n’a pas été écouté puisqu’on n’a cessé de multiplier ces organismes autonomes ou indépendants.

Loin de la vision du Conseil d’Etat, en 1995, le rapport Picq (L’Etat en France, une nation ouverte sur le Monde) : l’idée c’est qu’autant que possible, les administrations centrales devaient se consacrer sur les missions de souveraineté, d’édiction des normes et de contrôle de leur application (Etat régulateur) tandis que les fonctions opérationnelles devaient être confiées à des organismes autonomes et éventuellement être assumées en dehors du secteur public. Le thème de l’agence est présent comme un mode d’organisation que le rapport ne définit pas mais qu’il paraît rattacher à la notion d’établissement public. Dans les rapports de l’OCDE, lorsqu’il est question de la France, ses représentants ont toujours présenté les établissements publics comme étant la version française de l’agence.


– Les pays qui, ayant utilisé l’agence comme institution, ont mené les réformes les plus radicales

Il faut parler du cas de la Nouvelle-Zélande. Elle s’est acquise la réputation de modèle en matière de réforme administrative en raison de la radicalité. L’idée était soutenue par une expérience concrète.

C’est un gouvernement travailliste qui a mené cette réforme. Elle a comporté la transformation en entreprise commerciale de certains départements ministériels et établissements publics dont certains ont ensuite été privatisés.

La loi de 1988 transforme les chefs de département en manager, leur donne la responsabilité de la gestion de leur personnel (on sort d’un cadre unitaire de la fonction publique géré sur un plan national). Mais surtout, la loi sur les finances publiques de 1989 a conduit au réexamen des missions et de la structure des ministères et de la transformation de services en entités de la couronne (crown entities). Ce sont des organismes publics extérieurs au département ministériel et dotés de la personnalité morale : il y a externalisation.

Selon une évaluation réalisée en 2001 de cette réforme, celle-ci a permis au système administratif de gagner en flexibilité dans le fonctionnement de mieux répondre aux besoins des usagers et de réduire les coûts.
Mais elle a mis aussi en évidence un certain nombre d’effets pervers du fait que les buts et les priorités sont toujours mal définis, les décisions budgétaires ne sont pas correctement reliées aux objectifs formulés par le gouvernement. Critique de fond importante car c’était un des objectifs du new public management.
Ensuite, il relève que les décisions sont trop souvent commandées dans une mission à court terme, qu’il est difficile d’arrêter des actions qui paraissent inefficaces et que le coût de la production des informations requises pour la marche du système est très élevé et que le système est trop fragmenté. Selon le rapport, le grand nombre d’agence rend plus difficile un accord sur des objectifs transversaux et de fournir des services intégrés. Les intérêts non-financiers sont mal pris en compte. En outre, le système les problèmes de coordination.

En 2004, une loi est venue tenter de remettre de l’ordre.
1° Il y a une typologie nouvelle des entités de la couronne. A chaque catégorie correspond un régime juridique.
2° Chaque entité est rattachée à un département ministériel qui est chargé de la contrôler.
La loi unifie les obligations en matière budgétaire et comptable. On essaie de rétablir un peu d’unité dans la gestion du personnel à l’inverse de l’éclatement du civil service qui avait été la conséquence de la réforme de 1988.

Aujourd’hui, on assiste à un renforcement du contrôle à l’exception de celle qu’on a voulu rendre indépendante (contrôle électoral)


Le deuxième pays est le Royaume-Uni. La réforme britannique, bien qu’influencée par le cas néo-zélandais, a été très différente. Cette réforme a pris la forme de la création d’agence mais elles ont été, non pas une technique d’externalisation, mais une nouvelle structure interne des ministères du gouvernement britannique.

Aujourd’hui, plus de 70 % des personnes du civil service sont employées dans les agences.

Rapport Fulton de 1968 : il portait sur le civil service et l’organisation ministérielle. C’est un document très important dans l’histoire administrative britannique. Ce rapport préconisait de reconsidérer les missions des départements ministériels pour déterminer les missions qui pourraient être mieux assurées par des organismes extérieurs. Il visait l’exemple de la Suède. Mais il n’était pas question de privatiser. Ce dont il était question était de mieux adapter l’organisation administrative aux missions. Cette proposition a moins retenu l’attention que celle qui visait la fonction publique mais elle a inspiré dès les années 1970 la réforme de certains services ministériels, transformé en non governmental bodies.
Le premier gouvernement Tchatcher élue en 1979 a immédiatement entrepris un réexamen de l’organisation gouvernementale et des missions de l’administration
Ces travaux n’ont abouti qu’en 1988 avec la présentation d’un projet de réforme à la Chambre des communes. Selon ce document, le personnel des ministères devait être réduit au soutien des ministres tandis que toutes les autres fonctions devaient être exécutés par des agences placées sous le contrôle des ministères avec des missions clairement définies. Chaque agence devait être dirigé par un chief executive, un haut fonctionnaire, doté de tous les pouvoirs de gestion à l’intérieur d’un cadre déterminé par le ministère.
Selon ce document, les effectifs devaient ainsi être progressivement réduit à 20.000 agents.

La réforme qui a été mis en œuvre a été moins radicale que ce qui a été proposé.
Premièrement, dans la première version, on envisageait un mode d’externalisation des fonctions, agences dotées de la personnalité juridique sous contrôle. Pour opérer la réforme en créant des agences personnes morales, il fallait faire voter une loi par le Parlement. Au contraire, l’organisation interne du gouvernement relève de la prérogative royale. C’est la raison décisive pour laquelle le gouvernement a préféré les créer à l’intérieur des ministères.
Deuxièmement, la réforme a été plus progressive. Aujourd’hui elle a été complètement mise en œuvre. Dans le dernier gouvernement Brown en 2009, et seulement pour l’Angleterre, on avait 67 agences exécutives attachées à 17 départements sur 26 existants dans la structure gouvernementale. En outre, il faut rapprocher de cette structure l’existence de 20 non ministerial departments : ce sont des départements, des ministères sans ministre. Par conséquent, le chef de ces administrations, le permanent secretary, est la plus haute autorité de cette administration En 2009, on pouvait estimer qu’environ 80 % du civil service était employé dans les agences exécutives et les non ministerial department.
Ces agences exécutives ne doivent pas être confondues avec les quangos et les non departmental public bodies qui eux sont des structures externe

Le personnel des QUANGO (Quasi Autonomous Non Governemental Organisations ; cf. supra) n’est pas composé de fonctionnaires, le personnel des agences font partie du civil service.
Pour la création d’un non departmental public bodies, une loi est nécessaire. Pour les agences exécutives au sein des départements ministériels, elle n’est pas nécessaire.

L’intervention du Parlement n’a été nécessaire que pour permettre l’application à certains de ces agences le régime des fonds commerciaux. Cela permettait à des agences exécutives, à l’activité desquelles se trouvent liées des recettes, de bénéficier de l’affectation de ces recettes dans le cadre d’un budget propre permettant d’établir un bilan commercial.

Un dernier aspect nécessitait l’intervention de la loi : les pouvoirs des directeurs des agences exécutives.

Cette catégorie a vu ses effectifs augmenter. A la fin de 2008, on ne comptait pas moins de 20 non governmental department. Ces structures ont toujours été créées par la loi ou pour certains d’entre eux dans l’exercice de la prérogative royale. Ils sont en principe dépourvus de personnalité morale. Certains prolongent les administrations anciennes comme le département des revenus et des douanes (administration des impôts). L’application de la loi fiscale doit donner des garanties d’indépendance (donc pas de ministre).

Ces réformes ont profondément modifié le paysage institutionnel britannique. Jusqu’à maintenant il n’y a aucune réelle contestation des effets de cette réforme.
Les deux problèmes qui sont apparus sont ceux de la responsabilité politique et de la cohérence de l’action gouvernementale.

1° En effet, il y a une distinction entre la responsabilité politique et la responsabilité opérationnelle. Le ministre n’est tenu que de la première devant le Parlement. En revanche, la responsabilité opérationnelle appartient au manager qui est nommé à la tête de l’agence. Lorsqu’on nomme un chief executive, on procède à des entretiens par une commission, on passe une sorte d’accord qui décrit les missions, les moyens et un certain nombre de principes qui doivent guider la gestion de l’agence. Selon ce schéma, le ministre n’est pour rien dans ce qui peut se passer dans la gestion de l’agence.

Mais rien ne s’est passé de cette manière. De nombreux témoignages de chief executive ont révélé qu’ils avaient constamment le ministre sur le dos. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? N’importe quel homme politique sait que c’est vers lui que l’on se retournera.

Dans les années 1990, il y a eu un incident dans une prison de Haute Sécurité : plusieurs évasions. Le ministre de la Justice a mis en cause le chef de l’agence des prisons et a annoncé sa révocation. Le directeur de l’agence ne s’est pas laissé faire et a répondu que si on lui avait donné du personnel et les moyens de faire des travaux, il n’y aura pas eu d’évasion. C’est la politique du ministère qui était en cause. L’agence a même engagé un procès contre le ministre contre la révocation. Cette affaire a montré qu’il n’était pas facile de distinguer responsabilité politique et responsabilité opérationnelle. Il y a eu d’autres incidents.

Après beaucoup d’hésitations, la doctrine a été fixée dans un document du Cabinet Office en 2006 : le ministre doit normalement demander au chief executive de répondre directement aux lettres et questions écrites des parlementaires qui concerne des missions qui lui sont déléguées. Néanmoins, le secrétaire d’Etat est responsable devant le Parlement de toutes les questions concernant ces agences et par conséquent, il peut retenir le droit d’intervenir dans le fonctionnement de l’agence si des préoccupations publiques ou parlementaires le justifie. Au fond, le ministre a toujours le droit d’évoquer pour lui-même un sujet qui est en théorie dans la responsabilité du chief executive. Le même document ajoute que les ministres demanderont normalement au chief executive de les représenter ou de les accompagner si leur audition par une commission parlementaire concerne les affaires quotidiennes du fonctionnement de l’agence.

2° Les agences exécutives ont favorisé la fragmentation de l’appareil gouvernemental et ont posé des problèmes de cohérence. Les principes de gestion mis en œuvre dans les agences exécutives et les mesures de performance les conduisent en effet à négliger leurs contributions aux missions de leur département et plus généralement du gouvernement.

On redécouvre que ce qui fait le particularisme de l’administration publique c’est qu’on ne peut pas organiser les administrations selon l’idée d’une fonction de production comme on le ferait dans une entreprise. Ce problème a été identifié dans le rapport de 1999 intitulé Modernizing government commandé par le gouvernement Blair. Il a été suivi par plusieurs autres rapports à la suite desquels plusieurs mesures on été engagées pour définir des politiques transversales et essayer d’améliorer la cohérence des actions entre les agences exécutives, et plus généralement entre les institutions publiques et privées.

Le nouveau mot d’ordre est assez évocateur : joined up government. Il faut restaurer de l’unité, de la coordination, de la transversalité à l’inverse de ce à quoi on a abouti avec le développement des agences. « Alors que le new public management, mettait l’accent sur la responsabilité individuelle, le joined up government implique une responsabilité partagée à la fois entre fonctionnaires des différents ministères et entre ceux-ci et leurs homologues au niveau local aussi bien que dans le secteur associatif ». Le traitement des problèmes transversaux est devenu plus difficile du fait de la spécialisation.


On ne parlera pas de l’Espagne qui a pourtant adopté en 2006 une loi sur les agences destinée à améliorer son administration.


L’Italie s’est engagé à la fin des années 1990 dans une réforme inspiré par les préceptes du new public management visant à dépolitiser l’administration et en améliorer l’efficacité. Il faut se rappeler qu’on est au lendemain de l’opération Mains propres qui a envoyé en prisons de nombreux politiques et fait exploser la Démocratie Chrétienne.

La réforme a comporté la privatisation juridique des rapports de travail au sein de l’administration publique, la création d’un corps de dirigeants destinés à occuper les postes les plus élevées de l’administration publique et assumant au sein de celle-ci les responsabilités managériales et la réorganisation d’un certain nombre d’administration sous la forme d’agences.
Déjà dans les années 1980 étaient apparus des établissements publics. Sept avaient déjà reçus le nom d’agence.

C’est dans le décret-législatif de 1999 que trouve place le régime d’une nouvelle catégorie d’organismes qualifiés d’agences (agenzie). Ce texte a pour objet une réforme d’ensemble de l’organisation du gouvernement. Il fixe la structure du gouvernement, l’organisation du ministère, le cadre juridique des agences sous réserve des agences fiscales et de la protection civile qui obéissent à des dispositions particulières. Les différentes agences sont instituées par des articles relatifs aux ministères dont elles relèvent.

L’article 8 donne une définition : « Les agences sont des structures qui développent des activités de caractère technico-opérationnel d’intérêt national mises en œuvre par les ministères et les établissements publics ».
Le décret-législatif précise que ces agences sont au service des administrations publiques y compris les administrations régionales et locales. Elles jouissent d’une pleine autonomie dans les limites prévues par la loi sous réserve du contrôle exercé par la Cour des comptes. Elles sont placées sous le contrôle et la direction du ministre. Le directeur d’agence est nommé dans les mêmes conditions que le chef administratif d’un département ministériel. En principe, ces agences n’ont pas la personnalité morale cependant le texte accorde expressément la personnalité morale à certaines d’entre elles et en établit le statut. Ainsi l’Agence des industries de Défense, les agences fiscales, l’agence de la protection civile. Il n’y a pas d’autres agences que celles créées par le décret. C’est le statut de chaque agence qui définit sa gouvernance, les pouvoirs du ministre envers l’agence, les directives qu’il peut faire, les modalités de contrôle dans la réalisation des objectifs assignés à l’agence. La mission donne lieu à une convention entre le ministre compétent et le directeur de l’agence.

Elle jouit de l’autonomie financière dans la limite des fonds attribués. Elle a des ressources propres.
Elle a la gestion de son personnel et la maîtrise de ses recrutements. Le personnel des agences est un personnel de droit privé régi par des conventions collectives.

Ce n’est donc qu’une des modalités de la réforme de l’Etat. Elle s’applique à des domaines particuliers des ministères. Si du point de vue juridique, elle est proche du schéma anglais, la réforme italienne n’a pas pris un caractère de généralité aussi poussé. D’ailleurs, pour l’administration ministérielle, le décret de 1999 fixe les attributions et les structures de base de chaque ministère. La pièce maîtresse de la réforme, à côté des agences, est l’institution du corps des dirigeants. C’est aussi cette partie de la réforme qui a donné les résultats les plus décevants. Elle a abouti à la « précarisation générale de la haute fonction publique italienne avec la nomination pour un mandat court dans tous les postes de direction ». Alors que la réforme des années 1990 visait à réduire la politisation, le résultat est à l’inverse : les dirigeants sont encore plus dépendants des partis. En outre, l’externalisation de nombreuses fonctions dans la rechercher de l’expertise, de l’efficacité, s’est accompagné de l’augmentation des effectifs d’agents publics (plus de 100.000 entre 2000 et 2005).
Il aurait été intéressant de parler des cas de la Russie, du Japon, de l’Espagne… Cela témoigne de la diffusion qui s’est produite à l’échelle mondiale.
– Les pays qui ont traité les agences comme un référentiel ayant entraîné des réformes purement cosmétiques

Intéressons nous tout d’abord aux Etats-Unis.

Dans l’affaire de la Suède et des Etats-Unis, il y a une suite de malentendus. Le new public management est d’origine américaine mais est bien postérieure à l’émergence des commissions réglementaires fédérales. D’ailleurs dans le livre de référence (d’Osborne et Gaebler) il n’est pas du tout question des commissions réglementaires fédérales. Elles n’ont jamais eu de missions opérationnelles : elles avaient et ont des attriutions d’ordre réglementaire (autorisation, contrôler le respect de la réglementation). Elles sont plus proches d’autorité de régulation à ceci près qu’à l’origine le rôle de ces commissions réglementaires fédérales n’étaient pas de promouvoir la concurrence mais de réglementer certains secteurs contre l’abus de position dominante de certaines entreprises.

En 1995, Clinton place cependant l’agence au centre de son programme de réforme tendant à améliorer l’efficacité et la réactivité de l’administration fédérale. Les républicains réclament la privatisation de certaines administrations. Pour répondre à cette offensive, il engage un programme de réforme. Son programme s’inspire en fait de l’expérience britannique et la création d’agences est alors prévue. Elles portent le nom de Performance Based Organisation (PBO). En réalité, très peu ont été créées. On estime que cela concerne moins de 8.000 agents. Elle s’est heurté à des difficultés d’ordre social (personnel voyait d’un mauvais œil cette réforme), d’ordre constitutionnelle (remet en cause l’idée du président à la tête de l’exécutif). Le projet a finalement été abandonné. La modernisation des Etats-Unis a suivi d’autres voies que l’agence.


Le cas de la Suède est similaire. Dans l’histoire suédoise, rien ne se réfère au new public management. Si les agences suédoise n’ont aucune vocation managériale sur le plan historique, dans les années 1990, elles ont été à leur tour objet de réforme à partir des préceptes du new public management. Ainsi, certains ont été transformés en entreprises publiques. Le gouvernement a introduit dans les agences le management par objectifs, puis le management par les résultats puis une organisation interne basé sur la distinction fournisseurs-clients c’est-à-dire « moi gouvernement ou comité chargé d’un secteur politique suis le client et passe un contrat avec un fournisseur qui est un de me services ou une agence ». Toutes ces conceptions institutionnalisent dans l’organisation administrative la séparation du politique et du management. Mais en Suède, pays de petite taille, cette séparation pose moins de problème que dans un pays plus grand et plus complexe comme le Royaume-Uni. Il n’y a pas eu les incidents qui ont agité le Royaume-Uni.

Si un problème est apparu, il est d’une autre nature : il concerne la direction générale des agences. Dans les années 2000, cette réforme a rendu plus problématique la direction politique que le gouvernement était censé exercer. C’est pourquoi on a introduit une nouvelle politique intitulé le management par activités c’est-à-dire fondé sur des indicateurs de performance défini par le gouvernement ce qui a été un moyen de reprise de contrôle par le gouvernement.

On n’a pas vraiment procédé à une réforme d’ensemble de l’organisation administrative. On a pu parler d’agencification. On peut l’interpréter dans ces termes des réformes intervenues en France ou en Allemagne, deux pays moins sensibles que d’autres à la pression du new public management. Des réformes se sont quand mêmes imposées pour réaliser des économies.


En France, le socle de gestion est la loi de finance de 2001 suivie par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le budget de type LOLF conduit à réorganiser l’action publique sous forme de missions et de programmes et cette évolution a fait apparaître une catégorie nouvelle qui n’était pas prévu dans le LOLF : les opérateurs.

On appelle ainsi des organismes pouvant avoir des statuts divers qui assument la mise en œuvre d’actions inscrites dans un programme lorsque le ministère ne peut l’assumer directement. Ce sont toujours des organismes dotés de la personnalité morale et distincte de l’Etat. Selon le ministre des finances, il forme un sous-ensemble des entités contrôlées par l’Etat qui se caractérise par l’Etat :
1° ils assurent une activité non marchande financée majoritairement par l’Etat
2° ils ont des missions et des objectifs définis par l’Etat
3° leur activité est étroitement encadrée par l’Etat

Selon une circulaire du ministre du Budget de février 2005, on recensait 778 opérateurs. Sont considérés comme opérateurs des universités, Pôle Emploi. Ce sont les secteurs de la culture et de l’éducation qui en comptent le plus.

Le rapport Rochet a présenté en 2002 un ensemble de propositions tendant à prendre compte du new public management. Mais c’est surtout une réforme des pratiques plus qu’une réforme institutionnelle.

On voit ici que dans le contexte français l’optique de l’agence ne s’applique plus à la réforme des administrations centrales. Elle intéresse seulement le stade de mise en œuvre opérationnelle des politiques. D’ailleurs, quand le besoin s’est fait sentir d’individualiser certains secteurs d’administration centrale, on a eu recours au service de compétence nationale (ex : Agence de la participation de l’Etat).


En Allemagne, lorsque la vogue s’est diffusée, il s’est produit deux sortes de réaction.
D’abord une réaction de défense : l’administration allemande, surtout fédérale, est fondé sur une culture juridique presque exclusive. Les approches managériales paraissaient étrangères voire agressives à l’ensemble des hauts fonctionnaires allemands. D’un autre côté, l’argument défendu par le gouvernement allemand était de dire que la plupart des préceptes étaient déjà inscrits dans les principes constitutionnels posés par la Loi Fondamentale. Elle dit que ce sont les landers qui sont chargés de l’exécution des lois (pas de centralisation de la gestion administrative), de plus les articles sur le budget prévoit qu’il doit être géré avec des objectifs d’économie, d’efficience et d’efficacité et au niveau fédéral, elle prévoit qu’on peut créer des organismes supérieurs fédéraux autonomes.

Il n’empêche que si au niveau fédéral, ce courant s’est heurté à une résistance, il a été assez largement repris au niveau des landers et des collectivités locales, responsables de la plupart des services publics destinés à la population. On s’est vu élaboré une nouvelle doctrine allemande qui a adapté le new public management : neues steuerungsmodell. On met l’accent sur l’orientation de la gestion vers le marché, sur l’orientation des services publics vers le client et a déterminé un recours plus fréquent au secteur privé dans l’exécution de certaines missions. Cependant, ce discours s’est peu traduit dans les termes de réorganisation administrative. Ce qu’on a retenu c’est le recours au marché et l’approche client.

Il y a eu des réformes administrative mais qui n’ont pas eu pour thématique l’agence : concentration, raccourcissement des hiérarchies, réduction des services extérieurs. Il n’y a pas eu d’organisations nouvelles.

Les autorités fédérales autonomes ont posé quelques questions.
L’administration fédérale se compose en principe de trois niveaux : celui des plus hautes autorités administratives (Gouvernement, Ministères, Bundesbank par disposition constitutionnelle), celui des autorités administratives moyennes et celui des autorités inférieures. L’administration par les autorités administratives fédérales autonomes constitue une exception à ce système hiérarchisé : l’autorité fédérale autonome est seule compétente sur l’ensemble du territoire et dispose d’une autonomie organisationnelle, sans pour autant posséder la personnalité juridique.
La possibilité de création de tels organismes est expressément prévue par la Loi Fondamentale. La compétence de principe en matière administrative appartient aux États fédérés. C’est à eux qu’il revient en particulier d’exécuter les lois fédérales, à moins que la Loi Fondamentale ne le prévoie autrement. Ces autorités sont une de ces exceptions à la compétence des États fédérés. Il prévoit que, dans un domaine pour lequel la fédération possède la compétence législative, une autorité fédérale supérieure autonome ou une personne morale de droit publique directement liée à l’État fédéral peut être créée par une loi fédérale.
Il n’existe apparemment pas de type unifié d’autorité fédérale supérieure autonome. Elles sont rattachées à un ministère tout en possédant une autonomie d’organisation et de fonctionnement. Elles ne sont liées que par les directives générales de leur ministère de rattachement et non par des directives spéciales relatives à des cas particuliers. Parfois, la loi qui les institue prévoit une liberté complète par rapport aux directives de leur ministre. Les autorités administratives autonomes ont un budget propre à l’intérieur du budget de leur ministère.
La diversité et la souplesse de leur régime juridique tient à leur mode de création. Les autorités de régulation et de contrôle sont presque toujours créées par la loi qui règle le domaine qui les concerne. Leur institution et la définition de leur statut, de leurs pouvoirs et de leurs procédures d’action fait suite aux règles matérielles qu’elles ont pour mission de faire observer.
Les mouvements de privatisation, initiés pour la plupart pour répondre aux exigences du droit communautaire, ont contribué à accroître l’importance de ces autorités administratives autonomes. Le domaine des postes et télécommunications en est un exemple significatif. La privatisation conduit à supprimer l’appareil administratif hiérarchique et à le remplacer par une autorité autonome qui n’a plus à effectuer que des tâches de contrôle, de coordination et de régulation.

Il n’en reste pas moins que la logique managériale a pénétré dans un certain nombre d’organismes. Cela a pu se traduire par une évolution d’ordre terminologique ou d’organisation interne (ex : Office national du travail est devenu l’Agence fédérale pour le travail mais la nature juridique et les missions n’ont pas été modifiées).