La participation des États fédérés à l’administration fédérale

Les institutions centrales : unité et participation, autonomie et concordance

Nous avons vu qu’il y a deux grandes catégories : les États fédéraux et les États à autonomie régionale. Pour l’étude de ces États, on peut les étudier en se posant une question : Les institutions politiques centrales pour lesquelles se pose la question de la participation des entités fédérés ou autonomie à la détermination des politiques nationales ou de la législation.


I – Selon George Scelle, les institutions du fédéralisme sont gouvernées par 3 principes :


– principe de participation : Le principe de participation signifie que les États membres participent à des institutions du niveau fédéral qui leur permettent de contribuer à la détermination des politiques de l’État et à la législation fédérale.
– principe d’autonomie : Le principe d’autonomie, au contraire, est celui qui exprime l’exercice par des institutions propres des compétences qu’elles tiennent de la Constitution.

– principe de superposition

§1. La superposition d’ordres juridiques

Il s’agit de l’ordre juridique de l’État fédéral et de celui des États fédérés. Les États fédérés disposent de certains attributs de l’État : ils disposent d’une Constitution et d’organes juridiques propres.
Les citoyens sont soumis à la fois à un Droit élaborée par l’État fédéral et par un autre Droit élaborée cette fois par l’État fédéré. Les États fédérés peuvent se voir reconnaître par la Constitution fédérale un certain nombre de compétences matérielles et une certaine souveraineté juridique ; c’est-à-dire que les États fédéré ne possèdent pas la plénitude de leurs compétences comme il en irait d’un État souverain. Le Droit élaboré par l’État fédéral bénéficie du principe de la primauté sur les États fédérés. Dans cette démarche, des conflits de règles peuvent surgir, et l’intervention du juge constitutionnel est indispensable puisqu’il est le garant de l’équilibre fédéral.

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§2. Le principe d’autonomie
Tous les États fédéraux ont connu une évolution au terme de laquelle le principe d’autonomie a perdu de sa valeur et où le principe de participation a gagné en importance. Cela traduit un progrès de l’intégration. Les relations gouvernementales sont nées du dépassement de ce dualisme.

Le principe d’autonomie signifie que les États fédérés disposent d’une sphère de compétence propre dans laquelle l’État fédéral ne peut pas s’immiscer. Ce principe d’autonomie peut se décliner en différentes étapes permettant de voir comment il est appliqué par l’État fédéré. Cette autonomie permet à ces structures de définir leurs limites, de déterminer leur indépendance ou leur rattachement à une autre autorité politique ; ce principe permet à ces entités de se doter de règles constitutives de fonctionnement, permet de gérer l’économie de l’entité, … Il s’agit d’une autogestion, d’une autodétermination et d’une auto-organisation ce qui représente les principes mêmes de l’autonomie.
Le principe de subsidiarité permet de modeler et de répartir les compétences en fonction de l’efficacité de chaque ordre juridique.
Cette autonomie apparaît tant sur le plan constitutionnel que sur le plan administratif.

– l’autonomie constitutionnelle : les États fédérés disposent de leur propre Constitution, ce qui leur donne un pouvoir d’autonomie, d’auto-organisation (dans un cadre définit par la Constitution de l’État fédéral et qui respecte le principe de primauté). Malgré cette autonomie, on constate une certaine uniformité dans chaque région par rapport aux autres : aux USA, un président choisit par 50 députés ; un gouvernement par État et une chambre bicamérale.
– L’autonomie législative : la clé des répartitions des compétence peut être de deux ordres : soit la Constitution énumère les compétence attribuées à l’État fédéral, c’est-à-dire que toutes les autre matières restantes sont laissées aux États fédérés et dans ce cas la Constitution énumère succinctement les matières qui relèvent de l’État fédéral (politique étrangère, défense nationale, émission de monnaie, …), soit la Constitution donne une liste d’attribution confiée aux États fédérés et l’État fédérale interviendra seul dans les autres domaines. Il peut également y avoir des compétences dites concurrentes, qui sont exercées par les deux entités. On peut retrouver ces compétences concurrentes dans la loi allemande qui dit que : « les landers ont le pouvoir de légiférer aussi longtemps et pour autant que la Fédération ne fait pas usage de son droit de légiférer. » La Fédération a le droit de légiférer lorsque cela est rendu nécessaire par la réalisation de conditions de vie équivalentes sur le territoire fédéral ou de la sauvegarde de l’unité politique et juridique dans l’intérêt de l’ensemble de l’État.


§3. Le principe de participation
Le principe de participation trouve son fondement dans le fait que les États fédéraux sont généralement fondés sur un principe d’unité. La fédération naît du besoin de s’unir soit pour répondre à un péril extérieur soit parce qu’on éprouve le besoin de mettre des ressources en commun.

Le principe de participation signifie que les États Fédérés doivent pouvoir participer au pouvoir fédéral. Ce principe peut revêtir différentes formes : il peut être fonctionnel, ce qui signifie que les représentants des diverses composantes se réunissent pour traiter ensemble d’un problème commun, ou elle peut être institutionnelle, ce qui est le cas pour une institution fédérale qui assure la participation permanente des différentes composantes au sein du pouvoir fédéral (le Sénat aux USA). Cette participation concerne tous les domaines : les établissements de révision de la Constitution fédérale, l’ensemble de la législation, l’exécution des lois, la fonction juridictionnelle.
Les États Fédérés ont un pouvoir constituant, c’est-à-dire que dans un système fédéral, la modification de la Constitution Fédérale requière l’intervention des États Fédérés. Ils participent également au pouvoir législatif. C’est par cette seconde chambre que le pouvoir fédéré s’exprime ; le bicamérisme est inérant. En conséquence, la loi fédérale doit trouver sa source dans la volonté des citoyens (la première chambre) mais aussi dans la volonté des États Fédérés (seconde chambre). L’étendu des pouvoirs de cette seconde chambre est variable ; on peut considérer qu’aux États-Unis il s’agit d’un bicamérisme égalitaire car le Sénat dispose de pouvoir équivalent, voir plus important que la chambre des représentants. Les États Fédérés participent au pouvoir exécutif indirectement (en prenant part à la désignation des titulaires du pouvoir exécutif fédéral) et directement (en assurant leur représentation au gouvernement fédéral).
En Allemagne, le chancelier fédéral invite plusieurs fois par an les ministres qui président les landers à des réunions de concertation afin d’évoquer des points économiques et sociaux importants.

II – Quelles sont les modes de participation des états fédérés à l’administration fédérale ? (pays par pays).


Habituellement, le principe de participation s’exprime dans l’organisation du pouvoir législatif mais il peut se refléter dans l’organisation du pouvoir exécutif, plus rarement dans l’organisation du pouvoir judiciaire.

Concernant le pouvoir législatif, le principe est que l’une des chambres qui composent le pouvoir législatif représente les États membres de la fédération. Avec le temps, cette fonction a perdu en importance et la logique partisane a fini par gagner en influence dans le fonctionnement de cette seconde chambre.

Les États-Unis sont l’exemple le plus connu. Le Sénat est composé de deux sénateurs par État, quelque soit sa taille et sa population. Initialement, ils étaient élus par la législature de chaque État. Par la suite, c’est le progrès de l’intégration nationale qui a fait que l’élection au suffrage direct s’est imposée. C’est elle qui fait le clivage entre les deux grands partis. La logique partisane a gagné sur la logique de représentation des États membres.

La même chose peut être constaté en Suisse dont la Constitution de 1848 était directement inspiré par celle des États-Unis : l’assemblée fédérale se compose d’un Conseil des États (composé de deux membres par canton ou, dans certain cas, un par demi-canton) et d’un Conseil national (élu dans les circonscriptions en fonction de la population). Initialement, les membres étaient élus par le Parlement cantonal. Aujourd’hui, ils sont élus au suffrage universel. La dimension politique partisane prévaut là aussi.

Même chose en Autriche en ce qui concerne le Bundesrat autrichien, censé représenter les landers.

En Allemagne, on a une situation un peu différente à cause de la structure du Bundesrat. Ce n’est pas la même institution qu’en Autriche. C’est une représentation des gouvernements des landers. Ce n’est pas une assemblée élue mais une assemblée où siège des représentants désignés par le gouvernement des landers qui expriment le vote décidé par le gouvernement du land. La Loi Fondamentale ne détermine pas le nombre de siège mais le nombre de voix.
Ce système trouve son explication dans l’Histoire allemande et la façon dont avait été formé l’Empire allemand après 1871 où il y avait un Conseil fédéral composé de représentants des différents exécutifs des États. Avant, il y avait la même institution dans le Saint Empire Romain Germanique.
Il y a quand même une expression des landers qui est assez apparente. On voit le rôle des partis. Quand il y a des élections, on se préoccupe de la répartition des voix au Bundesrat et non de l’élection dans le cadre de chaque land.
On l’a particulièrement vu lors des révisions : lors de la révision de 1994, qui a fait suite à l’unification de l’Allemagne et dans les travaux de révision qui ont abouti à la révision constitutionnelle de 2006.
Lors de la révision de 1994 (intégration des cinq landers dans l’ex-RDA). On a vu les dirigeants politiques des grands landers de l’Ouest ont cherché à prendre appui sur la procédure de révision pour parvenir à une nouvelle répartition des compétences entre la Fédération et les landers et revenir sur toute une évolution, continue depuis les années 1950, au terme de laquelle l’essentiel de la législation est passée au fédéral. Sur ce point, en définitive, la logique partisane l’a emporté et il n’y a pas eu de grands changements.
Lors de la révision de 2006 : l’enjeu de cette révision était double. D’abord il y avait la volonté de la part du pouvoir fédéral de se libérer de la contrainte du Bundesrat. Avant la révision, on estimait que les deux tiers de la législation de l’État fédéral avaient besoin de lui. Mais les gouvernements des landers ont cherché à gagner en contrepartie certaines positions. Ainsi, moins de lois nécessitent l’accord du Bundesrat mais il y a des matières où les landers ont plus d’autonomie et ils ont récupéré des pouvoirs législatifs.


On a aussi des exemples inverses où la définition des institutions joue en faveur du pouvoir fédéral. On peut citer trois exemples.

Le Canada est un pays qui a un régime parlementaire, à la différence des États-Unis. Il a introduit le parlementarisme à l’anglaise dans sa Constitution qui était à l’origine une Constitution déterminée par l’ancienne puissance coloniale. Il a fallut attendre les années 1990 pour attendre le « rapatriement de la Constitution ».
Depuis la loi constitutionnelle de 1867, le Canada dispose d’un Parlement bicaméral : un Sénat et une Chambre des communes. Du point de vue juridique, on considère que le Parlement fédéral se compose du Sénat de la Chambre des communes et du gouvernement.
Seulement, on n’a pas au sein de ce Parlement la représentation des provinces. Le Sénat canadien a été imaginé comme quelque chose ressemblant à la Chambre des Lords. Comme il n’y avait pas d’aristocratie, ce ne pouvait être une réplique parfaite. On a imaginé une assemblée non-élective dont les membres sont nommés par le gouvernement. Il n’y a pas de règle écrite : c’est l’usage politique qui a, peu à peu, dégager des usages. La composition du Sénat doit refléter le pluralisme canadien (religieux, professionnel, ethnique, provincial). Le premier ministre nomme des personnalités politiques et le Sénat facilite les remaniements ministériels (on élimine un ministre et on le nomme au Sénat).
Le Sénat canadien est « un organe collégial sans assise légitime ».
Il a des pouvoirs législatifs. Il a des pouvoirs semblables à la Chambre des communes sauf en matière financière. En pratique, le Sénat a abandonné son initiative des lois et fait preuve de retenue dans l’exercice de ces pouvoirs. Pourtant, il est arrivé qu’il bloque un projet de loi important.
Il compte 95 sièges. Une vague représentation des provinces est assurée par le fait qu’on a réparti les sièges entre quatre grandes régions (24 sièges chacune). On a ajouté des sièges pour Terre Neuve et des territoires indigènes (Yukon etc.).
En définitive, il est une institution manœuvrée par le gouvernement puisqu’il contrôle les nominations. On ne peut pas dire que c’est un Sénat fédéral.

En revanche, c’est dans le gouvernement qu’on a cherché à assurer une représentation des provinces. Le premier ministre choisit librement ces ministres qui sont tous des députés. Mais selon l’usage, il doit fédéraliser son cabinet : il s’arrange pour nommer au moins un ministre par province. Il tient compte également de l’importance démographique des provinces.

Au Mexique, le Congrès fédéral comprend un Sénat qui est censé représenter les États du Mexique (il y a 31 États et le district fédéral de Mexico). Le Sénat se compose de 120 sénateurs qui sont élus dans chaque État. S’ajoutent à ces sénateurs élus, 32 sénateurs qui sont élus au niveau national à un scrutin de liste dans le cadre d’une seule circonscription pour l’ensemble du Mexique.
Ce n’est donc pas véritablement un Sénat fédéral. Un cinquième de ses membres sont élus sur une liste nationale.
L’élection au suffrage direct des autres sénateurs donne une importance à l’influence des partis politiques. D’ailleurs, la Constitution prévoit que les partis politiques doivent déposer des listes de candidat : il n’y a donc que des partis politiques ! Cette disposition a favorisé l’hégémonie du parti révolutionnaire.

En Russie, on a un autre cas de figure. Le Conseil de la fédération n’est pas véritablement une représentation des États. La Russie est l’État fédéral qui comprend le pus d’unité au Monde.
D’après la Constitution fédérale de 1993, l’Assemblée fédérale se compose de deux chambres : la Douma d’État (assemblée élue sur une base démographique dans l’ensemble de la fédération) et le Conseil de la fédération. Ce conseil est composé de deux membres par sujet de la fédération : un membre représente le pouvoir législatif, un membre représente le pouvoir exécutif.
La principale faiblesse de ce Conseil est que son mode d’organisation est déterminée non par la Constitution mais par la loi. En 1993, chaque sujet était représenté par le chef de l’exécutif élu au suffrage universel direct. Après 2000, la loi a prévu que l’exécutif désigne son représentant.
Il faut ajouter que depuis la réforme intervenue en 2004, le chef de l’exécutif n’est plus élu au suffrage direct mais par le Parlement régional sur proposition du président de la fédération.
En définitive, le fédéralisme est aussi déséquilibré en faveur du centre. Cette évolution correspond à une reprise en main par le pouvoir central après une période où le pays était extrêmement fragmenté et où un certain nombre de sujets pouvaient prendre une autonomie sur le plan politique jugée dangereuse pour l’unité de l’ensemble du pays.


Plus rarement la mise en œuvre du principe de participation a intéressé le pouvoir judiciaire.

Dans certains États, il est arrivé que l’on reproche à la Cour constitutionnelle d’être trop favorable au pouvoir fédéral dans ces décisions relatives aux rapports entre entités fédérés et pouvoir fédéral.

A titre d’exemple, on peut citer le projet de révision constitutionnelle soumis à référendum en 2006 en Italie, rejeté à plus de 60 %, qui tendait à faire participer les régions à la désignation des membres de la Cour constitutionnelle. La raison de cette proposition était que certains (Ligue du Nord) considéraient qu’elle était trop favorable au pouvoir central.

Ce type de raisonnement a été avancé dans d’autres pays comme l’Espagne.

Le risque est très grand de porter atteinte à la crédibilité de la Cour constitutionnelle et à l’acceptation de ces décisions, raison pour laquelle dans les États fédéraux on s’est efforcé de maintenir le pouvoir judiciaire en dehors de la fédéralisation des institutions.